1.11.09

Analyse 24 (2009)

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 1er novembre 2009


cpjmo@yahoo.fr


Pourquoi l’Occident cherche-t-il à désarmer l’Iran?


L'Occident, mené par les États-Unis, s’arrogeant, de surcroit, le titre pompeux de «communauté internationale», n’a qu’une idée en tête: désarmer l’Iran. En effet, arracher 1200 kg d’uranium enrichi à 3,5%, parfait «colis» de dissuasion, équivaut, ni plus ni moins, à un début de désarmement.


Certes, ce désarmement n’a rien à voir avec celui de Saddam Hussein, qui a conduit à l’invasion de l’Irak. Mais, un désarmement a toujours des conséquences néfastes sur les intérêts nationaux et sur ceux géostratégiques du pays.


Souvenons-nous que l’Iran, situé au cœur du Moyen-Orient, dans une zone de grande turbulence, a été agressé à plusieurs reprises par les Empires russe, britannique, soviétique et américain. Ce dernier avait fomenté un coup d’état en 1953, renversant le Dr. Mossadegh et ramenant sur le trône le Chah déchu.


Après la victoire de la révolution de 1979, l’Iran a été agressé par l’armée irakienne soutenue par l’Occident, y compris la Russie. Ils ont fourni des armes et des munitions des plus sophistiquées à l’armée irakienne qui a pilonné sans répit, pendant huit ans, les villes et les infrastructures de l’Iran. L’aviation irakienne était principalement équipée de matériel russe et français.


Pour imposer la fin de la guerre, nuisible à la circulation dans le Golfe persique, un avion d’Iran-Air, avec plus d’une centaine de passagers civils à bord, fut abattu par la marine américaine au-dessus du Golfe persique.


L’invasion de l’Irak, puis de l’Afghanistan devait se poursuivre par celle de l’Iran, tâche cependant considérée très difficile par l’état major de l’armée américaine, enlisée, affaiblie et discréditée en Irak.


Ce fut l’occasion pour l’Iran de renforcer son potentiel militaire, ses réseaux d’influence dans la région et fabriquer des centrifugeuses. Les missiles iraniens ont montré leur efficacité lors de la guerre du Liban à l’été 2006, au cours de laquelle, la résistance libanaise a fait mordre la poussière à Tsahal. Depuis, le développement de l’arsenal balistique iranien, décrié en Occident, est évalué en fonction de sa portée pour atteindre, entre autres, la centaine de bases militaires américaines au Moyen-Orient et en Asie centrale, qui encerclent l’Iran.


Le comble de l’hystérie anti-iranienne fut atteint lorsque les États-Unis autorisèrent la France à installer une base militaire à Abou Dhabi, à 250 km au sud de l’Iran.


Au fur et à mesure du redressement de la situation en faveur de l’Iran et de la résistance anticolonialiste de la région, les Américains modifièrent leur comportement, acceptant le rôle joué par l’Iran qui, à son tour- et suite à une entente avec eux- calma l’ardeur de ses partisans irakiens. Ceci permit à l’armée américaine de commencer à rapatrier d’Irak une partie de ses militaires.


Faut-il rappeler qu’une entente entre deux puissances ressemble à un marché où règne la loi du donnant-donnant.


La puissance militaire iranienne, ses missiles, ses centrifugeuses et son influence régionale sont des moyens de pression qui permettent à l’Iran de contrer l’agressivité de ses adversaires, d’empêcher l’invasion de son territoire et d’arracher un maximum de concessions lors des pourparlers.


A leur tour, les puissances occidentales regardent d’un mauvais œil le progrès accompli par leurs adversaires. Le jour où l’Union soviétique voulut développer le nucléaire militaire, les États-Unis la menacèrent d’un bombardement nucléaire. Un vaste mouvement mondial pour la paix empêcha les États-Unis, alors uniques détenteurs de l’arme nucléaire, de passer à l’action.


L’Iran se trouve dans la même situation que l’Union soviétique avant l’acquisition de l’arme nucléaire. Avec cette différence que, possédant des réseaux depuis les frontières chinoises jusqu’à la Méditerranée, l’Iran est en mesure de se défendre et de monnayer au prix fort sa collaboration.


Désarmer l’Iran, ou simplement empêcher le développement de son potentiel militaire, permettrait à l’Occident de parler en position de force avec l’Iran, de réduire ses prétentions de puissance régionale, de le «pakistaniser», c’est-à-dire le transformer en pion au service des intérêts géostratégiques de l’Occident, en particulier les États-Unis.


Sortir d’Iran l’uranium enrichi est un premier pas dans le complot occidental consistant à affaiblir l’Iran, sa souveraineté politique, sa souveraineté territoriale, son influence régionale et les mouvements anticolonialistes d’Orient.


Certes, le pouvoir théocratique iranien est sorti affaibli suite à l’élection présidentielle qui a reconduit pour quatre ans le bail d’Ahmadinejad. Le mouvement de contestation ne faiblit pas en Iran. Le clergé chiite et les fondamentalistes au pouvoir sont divisés. L’Occident sait bien qu’il est difficile au pouvoir iranien de se battre sur plusieurs fronts, intérieurs et extérieur. C’est pourquoi, pour arracher des concessions, l’Occident exerce des pressions de plus en plus fortes sur le pouvoir iranien, falsifie le compte-rendu des pourparlers, en se targuant à tort de la disponibilité des négociateurs à accepter les conditions posées par les puissances occidentales. Ceci, dans le but de diviser davantage la classe politique iranienne, pourtant réputée bonne «joueuse d’échecs»!


Mais, les Iraniens nationalistes et sourcilleux quant à l’indépendance du pays, ainsi que l’opposition, veillent. Le pouvoir iranien, aussi contestable soit-il, a montré qu’il est conscient de l’immensité des enjeux et qu’il n’est pas prêt à plier l’échine devant la pression occidentale.


La situation se dégrade de plus en plus en Afghanistan et au Pakistan. Le front s’élargit chaque jour et les Américains ont énormément besoin de l’influence iranienne pour «pacifier» leur zone d’influence en Asie centrale.


Faut-il rappeler que les États-Unis n’ont pas les mêmes intérêts stratégiques que l’Union européenne ou Israël, traités comme des pions. Ils doivent s’adapter à la stratégie américaine.


En effet, les États-Unis cherchent un compromis avec l’Iran, qui n'y rechigne pas, non plus. L’entente en Irak peut servir de modèle pour trouver un compromis en Afghanistan, «pièce» Ô combien stratégique, aux confins de quatre puissances mondiales et régionales: la Russie, la Chine, l’Inde et l’Iran. La suprématie planétaire des États-Unis en dépend. Autrement dit, l’Iran doit aider les États-Unis à perpétuer sa domination mondiale. Quelle «honte» pour l’Iran «anti-impérialiste» et pour les États-Unis, la plus grande puissance économique et militaire. C’est de la géopolitique!


La recherche de compromis va de pair avec les «moyens de pression». Donc tous les coups sont permis. L’uranium enrichi à 3,5% en fait partie.