7.4.17

Analyse 4 (2017) : «Attaque chimique», agression américaine et le gigantesque marché de reconstruction en Syrie

    Paix et Justice au Moyen-Orient

                                            STRASBOURG, le 07 avril 2017

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         «Attaque chimique», agression américaine et le gigantesque
                                    marché de reconstruction en Syrie                     
                           
Nous ne rappelons pas assez la phrase, ô combien pertinente, de lord Curzon, vice-roi britannique des Indes de 1899 à 1906 :«Turkestan, Afghanistan, Transcaspienne, Perse - (..) . Pour moi, je l'avoue, il s'agit là des pièces d'un échiquier sur lequel se dispute la partie pour la domination du monde.»

Cette «partie pour la domination du monde» se poursuit actuellement en Syrie, en Irak, en Palestine et au Yémen, avec sa cohorte de morts et de destructions à n'en plus finir.

Un regard sur l'atlas du monde montre que, malgré leur immensité, les océans et les mers du monde possèdent des goulots d'étranglement appelés «détroits», par lesquels passent, chaque année, plus de 55 000 pétroliers, méthaniers et des navires de marchandises.
Qui est maître des sept plus importants «détroits» devient maître du monde. Il s'agit des détroits de Malaga en Asie du sud-est, d'Ormuz, de Bâb Al-Mândab, du canal de Suez, du Bosphore et finalement de Gibraltar, tous verrouillés par des navires de guerre de l'Alliance Atlantique, nommée communément l'OTAN.

Avec 4 détroits stratégiques (Ormuz, Bâb Al-Mândab, Suez et Bosphore) le Proche et le Moyen-Orient se trouvent à mi-chemin de la voie de navigation la plus stratégique du globe qui relie le détroit de Malaga en Asie du sud-est à Gibraltar, un détroit qui relie la Méditerranée à l'Océan Atlantique. Cette position stratégique est devenue cauchemardesque pour les peuples et nations de la région, une grande zone d'instabilité, entretenue savamment par des puissances militaires occidentales qui veulent maintenir leur suprématie planétaire, coûte que coûte.

La région est plongée dans un tunnel de guerre permanente dont il est impossible d'imaginer le bout, tellement cette région est vitale pour l'économie mondiale.

Pour maintenir la région sous la coupe des puissances occidentales, tous les coups sont permis : assassinats ciblés des opposants, soit par des tueurs professionnels (qualifiés de «déséquilibrés» par les médias occidentaux), soit  par drones; des coups d'état ( l'Iran en a connu deux); invasion directe des pays et des territoires (Afghanistan, Irak, Syrie, Bahreïn, Yémen, Libye, etc.); soutien politique et militaire apporté aux régimes obscurantistes et dictatoriaux (Arabie saoudite, Egypte, Jordanie); vente massive d'armes de destruction massive; destruction des infrastructures, des industries, des villes et des forces vives de la société, dès qu'un pays tente de s'émanciper (l'Afghanistan, l'Irak, la Syrie, la Libye). Bref, une guerre de destruction systématique et sans merci qui empêche le décollage économique des pays et l'entrée de cette région, pourtant le berceau de l'humanité, parmi les nations développées.

Depuis l'élection de Jimmy Carter à la présidence des Etats-Unis (1977-1981), la défense des «droits de l'homme» a été ajoutée à l'arsenal répressif et expansionniste de l'OTAN. Consciemment ou inconsciemment, certaines associations humanitaires occidentales, apportent leur soutien à l'intervention «humanitaire» des armées occidentales en guerre permanente au Proche et au Moyen-Orient. Lesdites associations ont déjà oublié les atrocités commises par les puissances occidentales au Japon (bombardement nucléaire), en Inde, en Algérie, au Madagascar et dans toute l'Afrique. Actuellement, l'armée française mène une guerre au Mali dans le but de protéger ses mines d'Uranium au Niger.

Les djihadistes en Syrie sont soutenus financièrement et militairement par une cohorte de pays, acheteurs généreux de matériels de guerre et obligés des puissances militaires occidentales : l'Arabie saoudite (quatrième budget militaire mondial), la Turquie (membre de l'OTAN), les Émirats Arabes unis, le Qatar, etc.

Une coalition menée par l'Arabie saoudite continue à détruire le Yémen. Elle est soutenue par les Etats-Unis et la Grande Bretagne qui continuent à vendre des milliards d'armes et de munitions aux pays arabes de la coalition.

La guerre en Syrie devait se conclure comme en Afghanistan, en Irak et en Libye : par le renversement du régime de Bachar Al-Assad, l'installation d'un pouvoir fantoche, le renforcement de l'encerclement de la Russie, du Liban et de l'Iran, la mise au pas de la Chine et, in fine, la préparation du terrain au renversement du régime de Téhéran.

L'engagement stratégique de Téhéran et de la Russie a fait avorter le plan de l'OTAN et de ses obligés locaux. Ils ont compris qu'ils n'arriveraient pas à arracher de concessions substantielles à la Syrie. Aux pressions militaires des djihadistes se sont greffées des accusations de bombardement aux gaz toxiques en Syrie.

La guerre et les exactions commises, sur le dos de la population civile et sur les champs de batailles, sont horribles et inexcusables.  Mais, qui dit vrai ? Qui est responsables de l'utilisation d'armes chimiques en Syrie ? S'agit-il d'un mensonge de plus pour faire plier la Syrie et ses soutiens dans le but de leur arracher des concessions ? L'enquête n'a pas encore commencé, mais les accusations et les missiles pleuvent.

L'Union européenne (UE) compte sur le marché de la reconstruction en Syrie pour renforcer ses positions diplomatiques au Moyen-Orient; un marché évalué entre 200 et 300 milliards d'euros. Selon un haut fonctionnaire syrien (cité par Le Monde du 4 avril 2017) «L'UE se berce d'illusion». Les Etats-Unis aussi. Rageant pour le «monde civilisé» n'est-ce pas ?!

L'étendue du marché, la position géostratégique de la Syrie, la mise au pas (toujours d'actualité en Occident) de l'Iran et de la Russie et les perspectives de réaliser par les capitaux ce que l'Occident n'a pas réussi à faire par les armes, pourraient conduire les puissances militaires à utiliser une fois de plus leur arme favorite : la « défense des droits de l'homme » au Moyen-Orient. Sommes-nous face à une manipulation d'information comme à Timisoara en Roumanie ?

Selon Fabrice Drouelle (site de France inter, mardi 10 mars 2015) : «Le 17 Décembre 1989, des émeutes éclatent à Timisoara, ville de Transylvanie, plutôt inhabituel pour ce dernier bastion européen du communisme stalinien. C’est en réalité le point de départ de la révolution roumaine.

Aux images de joie et de fête, de cette foule qui s’empare du pouvoir à Bucarest, succède l’horreur des charniers découverts à Timisoara. (…) Et puis, l’ivresse des événements se dissipe… Elle laisse place à un goût amer. Quelque chose cloche… les charniers n’ont jamais existé. Les chiffres des morts annoncés à la hâte ont été multipliés par 100… Trucage médiatique, manipulation politique : derrière la révolution populaire roumaine se cacherait en réalité un magistral coup d’Etat… On est loin de la révolution de velours du voisin tchécoslovaque.»

Toujours est-il que la guerre en Syrie n'échappera pas à la règle générale de la guerre : tuerie, destruction, vol, mensonge, manipulation, pillage des richesses et partition d'un pays transformé en champ de bataille des puissances militaires.