21.6.18

Analyse 8 (2018). L’administration Trump : des nationalistes (antisystèmes) et des militaristes

   Paix et Justice au Moyen-Orient

                                            STRASBOURG, le 21 juin 2018

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 L’administration Trump : des nationalistes (antisystèmes)
                                   et des militaristes

La Corée du Nord, une menace potentielle; l'Iran, une menace réelle

«l'Amérique d'abord» ou le repli nationaliste 

C'est sur un projet de repli nationaliste que Donald Trump a été élu 45e président des Etats-Unis en 2016. Candidat «antisystème», se prétendant défenseur du «peuple» et des «oubliés», dont les ouvriers des industries délocalisées et des producteurs de produits agricoles tels le soja, ainsi que des «nostalgiques d'une Amérique blanche (…) les citoyens les moins éduqués ou les moins informés» menacés de déclassement ; Donald Trump «attise la haine chez les plus aigris, ment aux plus crédules, exalte les aigreurs et les passions.» (Dominique Simonnet et Nicole Bacharan - Défendons nos valeurs - Le Monde du 20 janvier 2017).

«La haine chez les plus aigris» se traduit par la haine du «système» et par celle des migrants, des Latinos, des Noirs, etc., donc par le développement du racisme aux Etats-Unis qui fracture encore et toujours ce pays connu pour ses pogroms anti «Autre».

Le repli nationaliste c'est se retirer de tous les accords internationaux et multilatéraux basés sur le respect mutuel des intérêts des pays négociateurs. C'est ainsi que, depuis l'accession de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis, les Etats Unis bafouent les règles du commerce mondial, mises en place ou soutenues par eux, qui menacent de taxer les exportations d'acier ou d'aluminium produits dans l'Union européenne et au Canada. La sortie des Etats-Unis de l'accord de Paris contre le réchauffement climatique en est un autre exemple.

Le repli nationaliste c'est aussi déclencher, en cette période de la mondialisation accélérée des échanges commerciaux, une guerre commerciale, qui ne dit pas son nom, avec la Chine, premier partenaire commercial des Etats-Unis, en taxant de milliards de dollars les produits importés. La Chine ayant réagi immédiatement, les milieux politiques et commerciaux américains estiment que les «droits de douanes vont affecter les entreprises et les consommateurs de Chine et des Etats-Unis et mettre en danger l'économie des deux pays.» Les fermiers producteurs de soja, «le cœur de l'Amérique pro-Trump», risquent de payer cher la taxe imposée par la Chine sur le soja américain.

Etant donné l'interdépendance croissante des économies américaine et chinoise, les deux pays sont condamnés à s'entendre. Mais, le mal est fait et les Chinois ont projeté leur plan «Made in China 2025» qui vise à assurer l'autonomie technologique de la Chine par rapport aux Etats-Unis.

Le repli nationaliste c'est aussi la mise en place d'une politique de migration drastique, matinée de racisme, de séparation des familles. Il s'agit de placer les enfants des demandeurs d'asile en centre de détention, pendant que leurs parents sont emprisonnés en attendant un jugement. Cette politique rappelle le triste souvenir des politiques racistes de l'Allemagne nazie et de la France pétainiste, pendant la seconde guerre mondiale, envers leur propre population de confession juive. Sous la pression de l'opinion publique mondiale, Trump a dû faire marche arrière.

Le repli nationaliste c'est refuser tout compromis avec ses voisins ou des pays tiers afin d'imposer SON point de vue et imposer SES intérêts nationaux par-dessus tout. Ainsi, les Etats-Unis décident de quitter le Conseil des droits de l'homme de l'ONU, sous prétexte que ladite instance (si imparfaite soit-elle), est partiale envers Israël, un pays qui ne respecte aucune des résolutions des Nations unies, agresse ses voisins et mène une politique de colonisation et d'apartheid envers la population palestinienne.

Politiquement parlé, le repli nationaliste pratiqué par l'administration Donald Trump représente la politique nationaliste-xénophobe de l'aile droite extrême du parti Républicain.

Militaristes américains et traité nucléaire avec l'Iran

Le repli nationaliste de l'administration Trump n'empêche pas le «système» américain dont fait partie le Pentagone (le ministère de la défense) d'œuvrer pour le maintien, voire le renforcement, de l'hégémonie militaire planétaire des Etats-Unis ainsi que le maintien et le développement de leurs bases militaires dans le monde.

C'est sous cet angle que nous pouvons analyser l'hostilité viscérale de l'administration Trump envers le traité nucléaire conclu le 14 juillet 2015 entre l'Iran et les 5 puissances membres du Conseil de sécurité + l'Allemagne.

Pourtant, certains observateurs mettent ce retrait sur le compte du repli nationaliste et du retrait américain de tous ses engagements internationaux (accord de Paris sur le climat, taxation des produits importés de l'Union européenne et de la Chine, etc.).

Le repli nationaliste ne représente qu'un versant de la politique américaine envers l'accord nucléaire avec l'Iran. Combattre le développement de l'influence iranienne au Proche et au Moyen-Orient représente l'autre versant, le plus important, de la politique étrangère américaine envers l'Iran, la puissance montante.

Tout le monde a observé la différence de traitement des Etats-Unis de Trump envers l'Iran et la Corée du Nord. Comme nous l'avons écrit dans l'Analyse 10 du 14 d'octobre 2017 : «Depuis l'émergence de l'Iran en tant que puissance régionale, ce pays est devenu une épine pour la puissance américaine au Moyen-Orient. En effet, l'hégémonie mondiale passe par l'hégémonie sans partage du Moyen-Orient. Une hégémonie qui empêcherait la Russie d'accéder aux «mers chaudes» et qui permettrait à la puissance hégémonique de dominer les principales voies de communication (terrestre, maritime et aérienne) au Moyen-Orient et, facteur vital pour l'économie mondiale, de disposer de toutes les sources d'énergie de la région.

C'est donc l'Iran, plus que la Corée du Nord, qui a porté le coup fatal à l'hégémonie planétaire américaine, en empêchant la victoire occidentale en Syrie, en sabotant le «remodelage» du Moyen-Orient, en facilitant l'accès de la Russie, rivale incontestée des puissances militaires occidentales, aux «mers chaudes».
C'est la raison pour laquelle, «les faucons aux Etats-Unis veulent remettre l'Iran dans sa boite». Oubliant au passage que si l'Iran est sorti de «sa boite», c'est grâce aux erreurs stratégiques américaines et de leurs alliés régionaux (Israël ou l'Arabie saoudite), lors de leurs interventions militaires en Afghanistan, en Irak, au Liban, en Syrie et au Yémen !

L'avenir nous dira à qui profitera le bras de fer actuel entre les Etats-Unis et l'Iran.