3.12.10

Analyse 12 (2010)

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 03 décembre 2010

cpjmo@yahoo.fr

Que cache le «nouveau concept stratégique» de l’OTAN ?

Les pays participant au sommet de l’OTAN sont d’accord sur une chose : contenir la poussée anticolonialiste en Asie centrale, au Proche et au Moyen-Orient

Le «nouveau concept stratégique» de l’OTAN a été adopté, vendredi 19 novembre 2010, au sommet de l’Alliance atlantique à Lisbonne.

Le débat à Lisbonne a révélé, d’abord, qu’il y a un contentieux territorial entre l’OTAN, instrument de domination américaine, et l’Union européenne (UE). En effet, «toute coopération étroite entre les deux organisations reste bloquée depuis des années par le contentieux politique entre Chypre et la Turquie.» La partie turque étant soutenue par les Etats-Unis tandis que Chypre- la partie grecque- est soutenue par l’UE. Ceci expliquerait (essentiellement ou en partie?) la réticence de l’Allemagne et de la France à l’entrée de la Turquie, tête de pont des Etats-Unis, dans l’Union européenne. Le fossé semble tellement important que les journalistes parlent de blocage de «toute coopération étroite» entre les deux organisations.

Par ailleurs, le «concept stratégique décrit l’UE comme un partenaire «unique et essentiel» de l’OTAN». Un partenaire n’est pas un adversaire, compétiteur ou rival. Un partenaire est un associé ou un allié contre d’autres «joueurs», en l’occurrence les pays qualifiés d’ennemis. Or, tout porte à croire qu’en langage diplomatique des euro-américains, le terme partenaire semble être synonyme de vassal.

L’entourage de Nicolas Sarkozy a fait comprendre que l’UE ne souhaitait pas être traitée en partenaire et préférait insister sur le «dialogue» avec l’Alliance atlantique. Ce qui signifie que l’UE (la France) réclame une part «absolument égale» avec les Etats-Unis. Au lieu de suivre les Etats-Unis, l’UE souhaite disposer de ses propres moyens militaires de projection des forces et d’intervention dans des crises. Bref, l’UE veut être traitée comme un «acteur global», une «alliée [des Etats-Unis], pas alignée (partenaire)» sur l’OTAN, rappelle un conseiller de Nicolas Sarkozy.

Il faut rappeler que les clauses du Traité de Lisbonne prévoient un renforcement de l’Europe de la défense. Nicolas Sarkozy pensait, peut-être, que réintégrer l’OTAN faciliterait la mise en place de l’Europe de la défense. Mais, les Etats-Unis empêchent toujours la constitution d’une défense autonome européenne. Pire, le bouclier antimissile proposé par l’OTAN, dans le cadre du «nouveau concept stratégique», suit un objectif : soumettre l’UE en l’amenant sous le parapluie «antimissile» américain, suivi du désarmement (nucléaire) de la France et de la concentration de l’arme nucléaire entre les mains des seuls Etats-Unis.

Le «désarmement nucléaire, pour lequel plaide l’Allemagne» va dans le sens des intérêts américains. La France voudrait que le «bouclier antimissile de l’OTAN» soit un «complément et non un substitut» (phrase réclamée par la France) à la dissuasion nucléaire. Or, le communiqué final du sommet de l’OTAN ne contient pas la phrase réclamée par la France.

Le torchon brûle entre la France et l’OTAN. A tel point que «certains soupçonnent la Britannique [Catherine Ashton] d’être peu enthousiaste à l’égard de l’Europe de la défense»(1). En langage diplomatique, «peu enthousiaste» ne signifie-il pas un frein?

La France paraît bien seule dans l’UE. Ses partenaires allemands et britanniques font tout pour lui «arracher ses dents atomiques» et lui faire plier l’échine devant le patron américain, pressé d’en finir avec «l’orgueil français».

Pour un analyste averti, le traitement humiliant de la France au sommet de l’OTAN est la suite logique de la servilité, proclamée solennellement par Nicolas Sarkozy à l’Oncle Sam au Congrès américain. La nomination d’Alain Juppé, un gaulliste acquis à la dissuasion nucléaire, au ministère de la défense, serait-elle liée à l’offensive de l’Amérique et de ses alliés pour priver la France de l’arme nucléaire? Dans ce cas, que penser de la confiance de la bourgeoisie française à l’égard de l’atlantiste Nicolas Sarkozy?

La Russie n’est pas mieux lotie. Invitée à rejoindre le «bouclier antimissile» américain, Moscou réclame, à son tour, une part «absolument égale» dans ce projet. Ce que refusent les Etats-Unis qui ne cherchent que la soumission de ses partenaires. La discussion continue et rien n’indique qu’elle aboutira un jour à convaincre les Russes qui souhaitent «peser sur les choix futurs de l’Alliance. Notamment sur les limites géographiques du déploiement du bouclier, ainsi que le nombre, la vitesse et la portée des intercepteurs.»(2)

Malgré leur division et leur désaccord évidents, tous les pays participant au sommet de l’OTAN sont d’accord sur une chose : contenir la poussée anticolonialiste en Asie centrale, au Proche et au Moyen-Orient dont l’Iran est le fer de lance. A ce titre, la Turquie a été désignée pour concurrencer l’Iran sur la scène moyen-orientale. En effet, la Turquie s’affiche en «défenseur» de la cause palestinienne et libanaise et menace même Israël de représailles en cas d’une nouvelle aventure militaire contre ses voisins.

Le mouvement d’indépendance nationale à caractère islamique gagne les Républiques musulmanes d’Asie centrale et la Russie cherche le soutien de l’Occident pour mater l’insurrection nationaliste, comme elle l’a fait en Tchétchénie. En contrepartie, l’OTAN demande à la Russie de s’engager davantage en Afghanistan.

La Russie se rapproche de l’OTAN et risque de perdre le peu de crédit qui lui restait au Moyen-Orient.

(1) Jean-Pierre Stroobants (avec Natalie Nougayrède, à Paris)- Le Monde du 21-22 novembre 2010.

(2) Jean-Pierre Stroobants (avec Natalie Nougayrède, à Paris)- Le Monde du 23 novembre 2010.

4.11.10

Analyse 11 (2010)

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 04 novembre 2010

cpjmo@yahoo.fr

Empire des mensonges, des crimes de guerre et

de la désinformation


«Les dernières fuites de documents militaires orchestrées par le site WikiLeaks révèlent l’étendue des mensonges, de la désinformation et des abus liés à la guerre en Irak.»


Ces propos n’émanent pas d’un révolutionnaire ou d’un antiaméricain, bercé par un antiaméricanisme primaire. Ils sont ceux de Bonnie Bricker et Adi E. Shamoo, qui «signent régulièrement des articles dans Foreign Policy in Focus» à Washington, et dont les extraits ont été publiés par «Courrier international», numéro 1034, daté du 28 octobre au 3 novembre 2010.

Les écrivains de l’article accusent Georges W. Bush, Dick Cheney le vice président et les commandants en chef sur le terrain, y compris le célèbre général David Petraeus [auparavant chef de l’armée américaine en Irak et aujourd’hui à la tête de la coalition en Afghanistan] d’avoir «sciemment transmis des informations fausses et trompeuses au peuple américain et au congrès à propos de l’invasion de l’Irak et de ses conséquences.»

Il ne faut pas oublier que les personnages cités représentent à eux seuls le système politico-militaire des Etats-Unis, la plus grande puissance économique, politique, financière et militaire de l’histoire de l’Humanité, responsable de l’un des plus grands mensonges et de la désinformation qu’ait jamais connus l’Humanité.

Que dire du «massacre d’Haditha», un village à 260 km à l’ouest de Bagdad? «Le pire crime de guerre répertorié» (Patrice Claude et Rémy Ourdan- Le Monde du 24-25/10/2010). Au cours de ce massacre, «on relèvera 24 morts, dont dix femmes et enfants tués à bout portant».

En six années de guerre, combien de civils irakiens ont perdu la vie? « Au total, le dossier WikiLeaks dénombre 66081 civils tués (et 99 163 blessés)». Bien entendu, l’armée américaine rejette sur les attentats ou les «assassinats anonymes» la responsabilité de la majorité des morts en Irak. Y a-t-il eu autant d’assassinats (c’est bien d’assassinats qu’il s’agit) et de blessés pendant le règne dictatorial de Saddam Hussein? Le dossier révèle qu’en six ans, 183 991 Irakiens ont été arrêtés et détenus par les forces de la coalition. Il y a également des dizaines de «prisonniers fantômes» dont «nul ne sait ce qu’il (en) est advenu

Pour moins que ça, des chefs d’Etat de pays faibles passent devant le Tribunal Pénal International (TPI). Au nom des droits de l’homme, les Etats-Unis ou leurs complices peuvent commettre d’innombrables crimes et il n’y a personne pour les traduire devant une juridiction internationale. Rapport de force militaire et financière oblige. Un exemple. «Human Rights Watch dénonce la coopération de Paris, Londres et Berlin avec des pays pratiquant la torture…Les trois pays européens «continuent de bafouer leur obligation de prévenir et d’éradiquer la torture à travers le monde- et de trahir leurs valeurs proclamées», accuse HRW» (Natalie Nougayrède- Le Monde du 30/06/2010).

Qui peut convoquer les dits pays civilisés, qui «continuent de trahir leurs valeurs proclamées», devant un tribunal? Pourquoi le TPI, qui s’intéresse à l’assassinat de Rafic Hariri à Beyrouth, ne s’intéresse-t-il pas aux crimes de guerre commis par les Etats-Unis et leurs alliés en Irak et en Afghanistan?

Faut-il s’étonner que les peuples du monde, en particulier ceux des pays d’Orient et arabo-musulmans, accusent les puissances occidentales (Etats-Unis, Angleterre, France, Allemagne) d’hypocrisie, surtout lorsqu’elles proclament leur foi dans les valeurs humaines et démocratiques? Pourquoi faut-il faire confiance aux institutions internationales si celles-ci se sont transformées en instruments de domination de l’Occident, menée par les Etats-Unis?

Autant de questions qui conduisent à la conclusion suivante : même la moins instruite des personnes sait bien que dans les rapports internationaux, il y a deux poids, deux mesures. Un Etat qui commet des crimes, s’il est puissant, échappe à tout contrôle. Tandis qu’un Etat faible, s’il est, de surcroit, récalcitrant aux puissances occidentales, reçoit rapidement la visite des inspecteurs de toutes les institutions contrôlées par la «communauté internationale» (Etats-Unis et alliés), qui mobilisent tout cet arsenal à leur service, pour rétablir la «justice» (leur domination).

7.9.10

Analyse 10 (2010)

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 04 septembre 2010


cpjmo@yahoo.fr


Israël- Palestine : les comptines de Barack Obama



Pour les États-Unis, le «remodelage» du Moyen-Orient (sa soumission) est toujours à l’ordre du jour


«La rencontre prévue entre M. Obama, M. Netanyahou et Mahmoud Abbas, le président palestinien, aurait bien lieu mardi 22 septembre en marge de l’Assemblée générale des Nations unies». Il s’agit, bien entendu, du 22 septembre 2009 ! (1) Et la journaliste de rajouter «Barack Obama ne désespère pas d’obtenir du premier ministre israélien des concessions, afin de montrer que ses efforts pour relancer le processus de paix ne sont pas totalement vains.»


Un an après, rebelote. «Benyamin Netanyahou et Mahmoud Abbas ont accepté, vendredi 20 août, l’invitation de Hillary Clinton, la secrétaire d’Etat américaine, à renouer le dialogue direct, interrompu depuis deux ans. Une séance de travail se tiendra le 1er septembre à Washington.» (2) Il s’agit, cette fois-ci, du 1er septembre 2010.


Après Madrid (1991-1993), Oslo (1993- 2000), Annapolis (2008), New York (2009), Washington (2010), les prochaines rencontres auront-elles lieu en 2012, 2013, 2014,…, 3000,…,4000,… ?


Dans un article très intéressant, Benjamin Barthe, journaliste au quotidien Le Monde, résume en une phrase l’impasse des soi-disant négociations : «… Les termes de ce nouveau round de négociations, flous et lacunaires, perpétuent un rapport de forces que les analystes jugent asymétriques entre Israéliens et Palestiniens, sur lequel tous les précédents processus ont achoppé.»(3)


Tout réside dans ce «rapport de forces asymétriques» militaires et politiques sur lequel achoppent les soi-disant processus de paix. Car, depuis que les États existent, les rapports entre eux sont régis ainsi : ce qui a été pris par la force militaire, ne sera rendu que par la force militaire. Or, sur les plans militaire et diplomatique, que vaut l’«autorité autonome palestinienne»? Rien, face à la machine de guerre d’Israël et son soutien inconditionnel, les États-Unis ! Israël reçoit chaque année trois milliards de dollars d’aides militaires américaines qui représentent plus de la moitié de la totalité de l’aide militaire internationale des États-Unis, et maintiennent, coûte que coûte, la supériorité militaire qualitative d’Israël.


La Palestine n’est qu’un morceau du grand puzzle, s’étendant des frontières chinoises jusqu’en Afrique. Aux yeux des empires occidentaux, au même titre que l’Irak, l’Afghanistan, le Liban, la Syrie et les pays arabes du Golfe persique, la Palestine n’est qu’un territoire et ne peut (et ne doit) disposer d’un État indépendant, digne de ce nom.


Déjà, l’existence des États indépendants syrien et libanais relève du miracle. Après le renversement des États irakien et afghan, c’était au tour des États syrien et libanais indépendants d’être renversés par l’armée israélienne. Mais l’échec américain en Irak, la paralysie des armées occidentales en Afghanistan et la crise économique ont retardé- nous disons bien retardé- le projet occidental. Pour l’Occident, mené par les États-Unis, le «remodelage» du Moyen-Orient (sa soumission) est toujours à l’ordre du jour.


Face à la machine de guerre américano-israélienne, les Palestiniens, seuls, ne sont pas en mesure de modifier les rapports de force en leur faveur. L’avenir de la Palestine dépend donc de l’évolution des rapports de force militaire et diplomatique, au Moyen-Orient, en Asie centrale et en Afrique.

Une étude historique montre que la guerre de l’Occident en Orient lointain dure depuis 1809 (201 ans). Anthony Cordesman, «expert indiscuté des affaires militaires au Centre américain des études stratégiques et internationales» a dit à propos de l’Irak : la guerre d’Irak «n’est ni terminée ni gagnée»(4). Ce qui est vrai pour l’Irak, l’est pour l’Orient : la guerre de l’Occident contre l’Orient «n’est ni terminée, ni gagnée».

S’il y a paralysie en Irak et en Afghanistan, la guerre anticolonialiste peut être gagnée par la résistance somalienne dont l’adversaire principal, regroupé au sein du «Gouvernement Fédéral de Transition» (TFG), est corrompu et incompétent. Divergences entre commandants, désertions, soldes détournées par les responsables minent les force pro-TFG.(5)


Sans le soutien des armées africaines (Ouganda, Guinée, Djibouti) et l’appui des Etats-Unis, de la France, de Éthiopie, etc., le TFG aurait depuis longtemps disparu.

Concernant l’Irak, ce qui compte pour les États-Unis, c’est un État irakien à leur solde. Avec la ralliement des tribus sunnites, les États-Unis ont atteint leur objectif. Mais l’Irak, est un pays difficile à gérer. Depuis le début de son existence, ce pays a connu plus d’une cinquantaine de coups d’état et de tuerie multiples. D’autres coups d’état nationalistes et massacres surviendront et les États-Unis agiront en conséquence.


Faut-il rappeler qu’aujourd’hui, les États-Unis ont perdu beaucoup de leur puissance. Il arrivera un jour où les nationalistes irakiens finiront par libérer définitivement leur pays. C’est une autre histoire qui demande du temps.


L’Afghanistan est différent. Les Afghans, un peuple montagnard, n’ont jamais accepté de chef d’état inféodé à une puissance étrangère, qualifiée de «despote des plaines». D’autant plus que l’Afghanistan est un champ de bataille des puissances régionales. La combinaison de ces facteurs rend encore plus difficile la victoire, voire le retrait américain, sous les conditions actuelles. Le remplacement d’Hamid Karzaï par une personnalité politique d’apparence nationaliste, dont les liens avec le «despote des plaines» ne sont pas connus du grand public, pourrait donner le signal d’un changement en Afghanistan.


La Cisjordanie devra attendre sa libération. La seule parcelle de Palestine ayant retrouvé sa souveraineté, c’est la bande de Gaza, encerclée et asphyxiée.


La bande de Gaza, le Liban et la Syrie sont les prochaines cibles de l’armée israélienne et c’est sous cet angle qu’il faut analyser la relance des «négociations de paix», patronnées par les États-Unis, dont l’objectif est la neutralisation de l’autorité palestinienne et l’assoupissement de la population arabo-musulmane, avec la complicité des pays arabes «amis» (Égypte, la Jordanie, l’Arabie saoudite).


(1) Corine Lesnes- Le Monde du 22 septembre 2009

(2) Benjamin Barthe- Le Monde du 22-23 août 2010

(3) Benjamin Barthe- Le Monde du 22-23 août 2010

(4) Patrice Claude- Le Monde du 24 août 2010

(5) Jean-Philippe Rémy- Le Monde du 26 août 2010

4.8.10

Analyse 9 (2010)

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 04 août 2010

cpjmo@yahoo.fr

Kaboul, Bagdad, la

Palestine : paralysie et impasse

Pourquoi le roi Abdallah d’Arabie saoudite s’est-il rendu en Syrie et au Liban ?

A lire et à entendre certains médias qui relaient la propagande des chancelleries occidentales, les forces de l’OTAN, dirigées par les Etats-Unis, «se décarcassent» à des milliers de kilomètres de leurs frontières pour assurer «la paix» et la «sécurité» dans le monde. Ainsi, des milliards de dollars sont injectés dans ces guerres lointaines et des milliers de soldats perdent leur vie et restent mutilés à vie. Selon les données officielles, plus de quatre mille militaires américains sont morts en Irak et le nombre de soldats occidentaux morts en Afghanistan est évalué à deux milles.

Il faut signaler que beaucoup d’Occidentaux crédules croient à ces balivernes. Les observateurs critiques ont cru déceler en Barack Obama «l’homme providentiel», qui allait pacifier les relations internationales et mettre un terme aux guerres de l’Occident en Orient lointain. L’enthousiasme ambiant a conduit Stockholm à auréoler Barack Obama du «Prix Nobel de la paix», avant même de juger son action sur le terrain.

Rassuré par son «Prix Nobel de la paix», Barack Obama n’a pas hésité à poursuivre la politique belliciste de son prédécesseur, Georges Bush. Un flux financier appelé «aide étrangère» se dirige vers l’Afghanistan où le seuil des 100 000 soldats va être franchi cet été(1). Comme au temps de Georges Bush «40% de l’aide retournerait vers les pays donateurs sous la forme de salaires d’expatriés ou consultants surpayés»(1), tandis que les civils afghans paient un lourd tribut suite aux bombardements à l’aveugle des militaires et des drones, télépilotés depuis le Nevada.

Voici quelques exemples : selon l’association «Afghanistan Rights Monitors», avec 1074 morts civils et plus de 1500 blessés, les six premiers mois de l’année ont été les plus meurtriers en pertes civiles afghanes depuis le début de l’intervention occidentale, fin 2001(2). Les Dernières Nouvelles d’Alsace (DNA) du 30 avril 2010 révèlent que «l’armée française a reconnu avoir tué accidentellement quatre enfants afghans lors d’un tir de missile terrestre antichar visant des insurgés le 6 avril à l’est de Kaboul.» C’est ce que les militaires appellent une «frappe chirurgicale», n’est-ce pas?!

Par ailleurs, un rapport de l’organisation Human Right Watch (HRW) a affirmé mercredi 28 avril 2010 que des détenus ont été violés, torturés et frappés dans une «prison secrète» à Bagdad, sous la botte des Etats-Unis. HRW indique avoir interviewé 42 hommes récemment transférés de la «prison secrète» vers le centre de détention de Roussafa, dans l’ouest de Bagdad(3). Des journalistes et des opposants à la guerre colonialiste, ont dévoilé l’existence des prisons secrètes en Europe, de l’Est comme de l’Ouest.

Là où la presse militaire parle de «bavures» ou d’«accidents», le site WikiLeaks, un site d’origine islandaise- qui a publié des milliers de documents classifiés sur la guerre en Afghanistan- parle de «crimes de guerre». Comment peut-il en être autrement?

A quoi sert la Cour pénale internationale (CPI)? «A ce jour, la CPI a ouvert cinq enquêtes sur le continent africain.»(4) On voit bien que quand il s’agit de juger les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité des cinq puissances du Conseil de sécurité de l’ONU et de l’Etat d’Israël, c’est la loi du plus fort qui prime sur la loi internationale. La CPI ne peut même pas juger les crimes d’«agression», c’est-à-dire des attaques perpétrées par un Etat contre un autre Etat. Le journaliste se demande : «Si la Cour avait été compétente pour juger les «agressions», Georges W. Bush aurait-il été inculpé pour l’invasion de l’Irak?» Et Israël pour l’agression contre la bande de Gaza?

Pour le représentant de la Côte d’Ivoire à la CPI, Hubert Oulaye, «en dehors de l’Afrique, il y a des crimes commis par des grandes puissances, et c’est pour cela qu’il est important d’adopter le crime d’agression

La propagande américaine voudrait faire croire que des milliers de militaires sont expédiés en Afghanistan, rien que pour combattre une poignée de fanatiques, partisans du djihad international et d’Al-Qaida. Selon Paul Quilès, ancien ministre de la défense «ce n’est pas cette poignée de fanatiques qui combattent les 150 000 militaires étrangers aujourd’hui présents en Afghanistan, mais trois mouvements, dont les objectifs sont d’abord nationaux et qui bénéficient d’un soutien significatif, surtout parmi la moitié pachtoune.»(5)

C’est reconnaitre que la résistance afghane mène une guerre de résistance anticolonialiste. La situation en Afghanistan conduit l’ancien ministre de la défense à suggérer le retrait du contingent français d’Afghanistan et sa transformation en «Etat neutre», autrement dit «Etat tampon», le statut que connaissait l’Afghanistan au dix-neuvième siècle, lorsqu’il séparait les armées des empires russe et britannique en Asie centrale.

Actuellement la coalition occidentale semble paralysée en Afghanistan. Les militaires hollandais se sont retirés. D’autres pays songent à faire de même. Au cours de l’Histoire, aucun conquérant n’a réussi à dompter les Afghans. Pourquoi la coalition occidentale y parviendrait-elle?

La paralysie en Afghanistan rappelle celle qui prévaut en Irak où, plus de cinq mois après la fin des élections américaines, le gouvernement tarde à se former. En effet, tout porte à croire que les résistants anticolonialistes irakiens et afghans et leurs soutiens étrangers dont l’Iran, n’arrivent pas à s’entendre avec les Etats-Unis. Il y a de quoi.

En Palestine c’est l’impasse : les négociations de paix se sont transformées en négociation sans paix (Alain Gresh).

Signe inquiétant. Pour faire reculer la Syrie à propos du Liban, les Occidentaux ont accusé, à tort, la Syrie d’avoir commandité l’attentat du 14 février 2005 (assassinat de Rafic Hariri). La Syrie fut contrainte de retirer ses troupes du Liban. Actuellement, le même scénario vise le Hezbollah, fer de lance de la résistance à Israël qui occupe une partie des territoires libanais et syrien. L’objectif étant le désarmement du Hezbollah, une épine dans le pied d’Israël.

Il n’est un secret pour personne qu’à travers son réseau d’assassins, Israël a souvent éliminé des responsables politiques et militaires, aussi bien en Palestine, au Liban qu’en Syrie. Le Hezbollah accuse Israël du meurtre de Rafic Hariri.

Pour sortir de l’impasse au Moyen-Orient et en Asie centrale, les Etats-Unis et Israël chercheraient-ils à déclencher une nouvelle offensive militaire au Sud Liban, considéré comme un maillon faible? Le voyage du roi Abdallah d’Arabie- que nous pouvons qualifier d’envoyé spécial de Barack Obama- en Syrie et au Liban laisse croire à une telle hypothèse. Est-il porteur d’un ultimatum? Les jours et semaines à venir seront décisifs.

(1) Frédéric Bobin- Le Monde du 21 juillet 2010.

(2) Sylvain Cypel- Le Monde du 28 juillet 2010.

(3) AFP, rapporté par Le Monde du 30 avril 2010.

(4) Stéphane Maupas- Le Monde du 09 juin 2010.

(5) Le Monde du 28 juillet 2010.

27.6.10

Analyse 8 (2010)

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 27 juin 2010


cpjmo@yahoo.fr


Afghanistan : un général rusé remplace un va-t-en-guerre



Que se cache-t-il derrière le limogeage du général Stanley McChrystal, le commandant en chef des forces de l’OTAN en Afghanistan ?


A en croire les médias, ce sont les propos sévères du général sur l’équipe présidentielle qui seraient à la base de son limogeage. Or, depuis un certain temps, le torchon brûlait entre l’administration Obama et McChrystal, général tortionnaire, favori de Dick Cheney et de Donald Rumsfeld.


Ce n’est pas que l’administration Obama soit contre la torture, pratiquée quotidiennement à Bagram, la plus grande base-prison américaine en Afghanistan. Et il n’y pas que la torture. Barack Obama, comme le dit un responsable militaire, a accepté «des choses que le gouvernement précédent n’autorisait pas»(1), depuis les attaques de drones au Pakistan, qui ne sont pas officiellement reconnues, jusqu’aux frappes unilatérales en Somalie et les opérations conjointes au Yémen(1). Arme préférée d’Obama, les forces spéciales sont désormais déployées dans 75 pays, au lieu de 60 au début de 2009(1). On voit bien que la soi-disant «sécurité nationale» américaine piétine allégrement la souveraineté des nations, la liberté des peuples et menace la paix mondiale.


B. Obama a tiré les leçons de la guerre du Vietnam perdue, côté américain, à cause de l’utilisation disproportionnée et exclusive de l’outil militaire. McChyrystal fait partie de ces officiers qui ne jurent que par l’utilisation à outrance de la force militaire. La conduite de la guerre asymétrique par ce type de généraux assure inexorablement la victoire des insurgés, et mène à l’usure des militaires et à la casse finale de l’outil militaire de la puissance occupante.


Comme au début de la guerre d’Irak, l’usage exclusif de la force militaire en Afghanistan a conduit au renforcement de la résistance afghane. Voici ce que dit un vieux du village [Marjah] lors d’une choura («conseil») organisée par un des hommes de McChrystal : «Vos patrouilles incessantes sèment la peur dans le village. Vous nous faites peur. Nous avons peur des talibans mais nous avons aussi peur de la police afghane et de vous, les marines»(2). Selon F. Bobin, «l’incident est révélateur du gouffre qui sépare les marines de la population locale.»


Selon toute vraisemblance, l’offensive de Marjah, baptisée «Mushtarak», lancée dans la nuit du 12 au 13 février 2010 à grand renfort publicitaire- 15000 hommes de l’OTAN et de l’armée afghane- n’a pas atteint ses objectifs. Là où Frédéric Bobin parle au conditionnel, tout indique que l’OTAN s’ensable effectivement à Marjah, un cas d’école, un bourg qui cristallise une guerre de propagande, à l’enjeu international. Le signal est très fâcheux.


Le remplacement du général va-t-en-guerre McChrystal devient alors indispensable, si l’administration Obama compte gagner la «bataille des cœurs et des esprits». Son remplaçant, le général Petraeus, «le plus intelligeant des officiers supérieurs» a réussi, grâce à la complicité de l’Iran, puissance morale auprès des peuples du Moyen-Orient, à «pacifier» l’Irak (tout est relatif). A lui seul, Petraeus résume l’expérience de la guerre du Vietnam et de l’Irak. Pour les maquisards afghans, Petraeus est plus dangereux que MacChrystal jusqu'au-boutiste.


Il n’empêche que le renvoi de McChrystal est une victoire de la résistance afghane qui gagne en importance. Elle a même réussi à imposer son point de vue sur le retrait des troupes étrangères d’Afghanistan. En effet, comme en Irak, l’équipe en charge de la politique en Afghanistan, propose de pratiquer, à coup de dollars, la politique irakienne en Afghanistan. Il s’agit d’intégrer au sein de l’administration fantoche d’Hamid Karzaï, une fraction des talibans. «Diviser pour mieux régner» a déjà donné des résultats en Irak, pourquoi pas en Afghanistan? D’autant plus que, comme en Irak, l’Iran est prêt à vendre ses services, ô combien précieux.


Avec McChrystal, ce fut l’impasse. Selon un diplomate américain : «Nos généraux(…) veulent d’abord, grâce au surge [renforts], passer à l’offensive. Lorsque les talibans auront perdu des territoires, il sera toujours temps de voir ce qui est négociable.»(3) Une politique avec un volet militaire dominant. De leur côté, les résistants exigent le départ des forces étrangères. Un dialogue de sourd en quelque sorte. Pendant ce temps-là, les colonialistes continuent à perdre du terrain, des hommes et des matériels. Devenus hardis, les résistants ont même attaqué, le 19 mai, la plus grande base militaire de l’OTAN à Bagram.


Une fois de plus, l’évolution sur le terrain a donné raison à Petraeus qui a défendu le 16 juin le plan de retrait des troupes américaines d’Afghanistan, fixé théoriquement à juillet 2011(4). Il faut être naïf pour croire à la promesse de retrait américain en juillet 2011. Mais, l’aveu même de Petraeus est déjà une grande victoire pour la résistance afghane qui devra affronter un grand défi, celui de sa division.


Soutenu par l’Iran, le Hezb-e-Islam- second mouvement d’insurgés islamiques après les talibans- dirigé par Gulbuddin Hekmatyar, manifeste son intérêt pour la collaboration avec le fantoche Hamid Karzaï, tout en exigeant le départ des forces étrangères.


Tout porte à croire que l’alliance Petraeus-Iran, qui fonctionne déjà en Irak, sera reconduite en Afghanistan. Devenu quatrième investisseur en Afghanistan(5) qu’obtiendra l’Iran en échange de ses bons offices? Tout comme la coalition internationale, l’Iran constitue actuellement une cible des résistants irakiens et afghans.


«Dans un environnement géopolitique aussi hostile depuis des siècles, les tribus afghanes ont perfectionné des mécanismes de résistance. La rébellion contre les grands empires constitue même le motif central de leur histoire.»(6) Faisons confiance aux résistants afghans pour libérer leur pays des envahisseurs étrangers.



(1) Courrier international- N° 1023 du 10 au 16 juin 2010.

(2) Frédéric Bobin- Le Monde du 23/06/2010.

(3) Rémy Ourdan- Le Monde du 6/04/2010.

(4) Le Monde du 18/06/2010.

(5) Le Monde du 27/02/2010.

(6) Michael Barry- LE ROYAUME DE L’INSOLENCE- Flammarion.