23.8.11

Analyse 11 (2011)

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 23 août 2011


La Libye «libérée» par l’OTAN,

appareil de reconquête colonialiste


La reconquête colonialiste marque une nouvelle étape : la victoire de l’OTAN en Libye. Après quarante années d’indépendance politique, la Libye retourne dans l’escarcelle de l’Occident. Cette victoire est le fruit d’une méthode, celle de Barack Obama qui se démarque de son prédécesseur George Bush.

En effet, ce dernier employait le mensonge et envoyait l’armée américaine détruire des systèmes politiques, décomposer certains pays (la Yougoslavie, la Serbie) et en ramener d’autres (la Serbie, l’Irak, l’Afghanistan) dans le giron de l’Occident colonialiste. En Côte d’Ivoire, c’est la méthode de Georges Bush que la France a appliqué en récupérant le pays par «rebelles» interposés.

Barack Obama poursuit les objectifs de son prédécesseur et songe à réaliser le «rêve américain» du «Grand Moyen-Orient», celui d’une région sous la coupe des Etats-Unis. Mais, il emploie une autre méthode qui consiste à venir «en aide» à une population réprimée, souhaitant s’émanciper du joug d’une dictature.

La méthode douce a été testée en Tunisie et en Egypte où les dictateurs locaux ont été priés de partir par les chefs militaires de l’armée- chefs militaires aux ordres de l’Occident- qui craignaient la pression populaire grandissante. Un début de régime démocratique se dessine en Tunisie et en Egypte. Mais lesdits pays restent toujours ancrés à l’Occident, donc privés d’une véritable indépendance politique.

«Venir en aide» à la population en détresse a réussi au Soudan où le dictateur Omar- Al Bachir- arrivé au pouvoir après le coup d’état du 30 juin 1989- instaurait un régime dictatorial et réprimait la rébellion du Sud. L’Occident a pris fait et cause pour la rébellion du Sud en condamnant Omar Al-Bachir dans les instances internationales. Le Sud Soudan s’est détaché du Soudan et, avec le soutien de l’Occident, cette région riche en pétrole s’est transformée en «pays indépendant».

La même «méthode douce» est appliquée avec succès en Libye où l’OTAN, avec l’aval de l’ONU et sous prétexte de «préserver des vies humaines», a soutenu et armé la rébellion qui a réussi à entrer à Tripoli, capitale libyenne, le 22 août 2011. La France a été particulièrement active en Libye. En effet, ses conseillers militaires voire même des mercenaires français sont bien présents en Libye. «La mort, le 12 mai, de Pierre Marziali, fondateur de la société Secopex, à Benghazi a replacé sur le devant de la scène médiatique le débat sur le développement des sociétés militaires privées (SMP)» rapportait Le Monde du 02/07/2011. De plus, des actions illégales ont émaillé le «soutien» apporté par l’OTAN à la rébellion libyenne. «La France reconnaît avoir livré des armes aux rebelles libyens, malgré l’embargo» décrété par la Conseil de sécurité de l’ONU. (Natalie Nougayrède- Le Monde du 01/07/2011).

Détourner les résolutions de l’ONU ou les ignorer : tout est bon pour les soi-disant «défenseurs du droit international» afin d’atteindre leur objectif. Un procédé largement utilisé par Israël qui, depuis sa création, se moque de l’ONU et de ses résolutions.

Faut-il rappeler qu’avant 1991, la présence de deux blocs avait largement favorisé l’émancipation nationale en Afghanistan, en Irak, en Egypte, en Syrie, en Libye, en Tunisie, au Maroc, en Algérie et en Afrique sub-saharienne. L’effondrement de l’Union soviétique en 1991 a ouvert un boulevard à l’Occident qui a reconquis patiemment le terrain perdu en Europe orientale, en Asie centrale, en Afrique et maintenant en Afrique du Nord qui ne comptait que deux pays politiquement indépendants : la Libye et l’Algérie. L’intervention de l’OTAN en Libye entre dans le cadre de la reconquête colonialiste et n’a pas eu lieu pour les beaux yeux des rebelles libyens.

L’Occident s’accommode bien avec des régimes réactionnaires et moyenâgeux comme les régimes saoudien, yéménite, bahreïni ou koweitien. C’est la preuve que l’OTAN et les libertés démocratiques sont irréconciliables, comme le sont l’eau et le feu. Pour écraser la contestation démocratique au Bahreïn, l’Arabie saoudite n’a pas hésité à y intervenir militairement les 13 et 14 mars 2011, sous l’œil bien veillant de la Ve flotte américaine, basée dans l’Archipel.

Tout porte à croire que face à des régimes dictatoriaux qui font régner la terreur au sein de la population et à la sirène «démocratique» des colonialistes, les peuples n’ont vraiment pas le choix. Que propose la république islamique aux Iraniens et autres peuples, assoiffés de libertés ? Une société régie par un corpus de lois moyenâgeuses où l’inquisition permanente et la répression policière maintiennent les hommes et surtout les femmes dans le gouffre d’une dictature religieuse et obscurantiste. Le régime laïc syrien ne propose pas mieux qu’un régime policier où la population affronte quotidiennement la mort. Peut-on parler aux Iraniens et aux Syriens des biens faits d’un régime politiquement indépendant, alors que ses meilleurs fils et filles croupissent dans les geôles de «régimes indépendants» ou meurent en exil ?

Les Libyens- ou une fraction d’entre eux- ont choisi la «démocratie» larguée par les avions de l’OTAN et vont vivre sous le joug de l’Occident qui «valorisera» le pétrole, les pipelines, les gazoducs et la position géostratégique de la Libye.

Après la mer Noire, la Méditerranée devient presque entièrement une mer occidentale. Il ne reste que la Syrie, le verrou de l’Iran et de la Palestine pour que le «Grand Moyen-Orient» soit réalisé. Si rien ne bouge, la dictature policière laïque syrienne, la dictature religieuse et inquisitoire de la république islamique et les défenseurs palestiniens ou libanais de la charia médiévale (même minoritaires) sont condamnés d’avance. Le compte à rebours a commencé en 2009, date de la naissance du «Mouvement Vert» en Iran.

7.8.11

Analyse 10 (2011)

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 07 août 2011

Syrie : révolte ou révolution?

Avec la poursuite de la répression en Syrie, deux attitudes émergent sur le plan international. Celle de l’Occident (Etats-Unis, Angleterre, France, Allemagne), appelant Damas «à ouvrir une enquête sur les violations des droits de l’homme, à juger les responsable d’attaques contre des manifestants pacifiques»(1), conduisant le Conseil de sécurité à émettre une résolution contraignante contre Damas, ouvrant la voie à une intervention militaire dans le but de «défendre la population civile». Il s’agit de la reprise d’un scénario observé dans le cas de l’Irak, de l’Afghanistan et de la Libye où les principes des droits de l’homme ont servi d’alibi aux conquêtes néocolonialistes.

Celle des pays soucieux de leur souveraineté (Russie, Chine, Brésil, Iran) qui connaissent par cœur la chanson droit de l’hommiste de l’occident colonialiste et qui s’opposent à toute résolution, ouvrant la voie à une intervention militaire occidentale en Syrie.

Pendant ce temps-là, la répression impitoyable continue à faire des victimes civiles en Syrie. Le pouvoir syrien ne reste pas les bras croisés et par vidéos interposées essaie de discréditer la population, en l’accusant de barbarie contre les soi disant «forces de l’ordre».

Comme dans toutes les révoltes, il est indéniable qu’on trouve des jusqu’au boutistes parmi les révoltés qui n’en peuvent plus de la répression qui fauche, depuis des décennies, leurs parents et proches, ou des provocateurs et des casseurs venus des services de renseignements dans le but de discréditer la révolte d’un peuple. Apparemment, cela suffit à certains intellectuels occidentaux et autres «anti-impérialistes» ou «marxistes» autoproclamés- qui ne connaissent rien de la complexité de l’Orient- pour disqualifier la révolte du peuple syrien et l’attribuer à l’impérialisme.

La révolte du peuple syrien est une révolte juste d’une population pacifiste et éduquée contre une dictature militaire, brutale, corrompue, clientéliste et moyenâgeuse qui sème la terreur pour régner.

A en croire Cécile Hennion, journaliste au quotidien Le Monde, les révoltés syriens commencent à s’organiser autour de «Comités de coordination locale»(2). «Chaque ville révoltée de Syrie possède aujourd’hui son comité. Ce vaste réseau, comparé à «une immense grappe de raisin» par un activiste, vient de franchir une autre étape en publiant sa «vision d’une solution politique en Syrie». Ce texte établit que «l’objectif de la révolution est le changement de régime»»(2).

Nous sommes bel et bien face à une révolution dont l’objectif est l’instauration d’une «république et un Etat civil appartenant à tous les Syriens et non à un individu, une famille ou un parti

Nous sommes au début d’un mouvement révolutionnaire qui, sauf accident de parcours, mettra plusieurs mois pour atteindre la maturité avant d’aboutir.

Pour l’instant, nous ne connaissons pas les détails du projet des révolutionnaires syriens, ni leur vision internationale. L’expérience montre qu’une révolution vise le régime en place et ses soutiens étrangers, en l’occurrence l’Iran, la Russie et la Chine. Le nouveau régime issu de la révolution se tourne vers les ennemis des puissances étrangères, soutiens du régime renversé, en l’occurrence les Etats-Unis et l’Union européenne. Or, lesdites puissances, soutiennent Israël qui occupe une partie de la Syrie.

Les puissances occidentales et leur soutien israélien sont déjà à l’œuvre en Irak, en Afghanistan, en Palestine et en Libye et montrent, à chaque occasion, leur caractère colonialiste, violent et brutal. Les révolutionnaires syriens en sont conscients et bien informés du danger permanent que représente l’Occident colonialiste pour la sécurité du monde et de l’Etat d’Israël pour la sécurité de ses voisins au Moyen-Orient.

Quel sera la politique étrangère de la révolution syrienne en marche ? Pour se débarrasser du régime criminel d’Al-Asaad, une fraction des révolutionnaires pourrait être disposée à composer avec les Etats-Unis, la France ou l’Angleterre. Nous espérons que le mouvement révolutionnaire, dans son ensemble, évitera ce piège mortel.

L’expérience montre également qu’afin de conserver leurs privilèges d’antan, les puissances étrangères de régimes menacés de renversement, peuvent se rapprocher des révolutionnaires. Le changement progressif de ton de Téhéran, de Moscou et de Pékin à l’égard du régime d’Al-Asaad sera une indication de l’évolution de la situation en Syrie.

Par ailleurs, l’exemple de la Libye montre qu’une intervention militaire occidentale nuit à la révolution. En effet, la dictature en profitera pour faire appel au patriotisme de la population- soucieuse de la souveraineté nationale- qui se mobilisera derrière le régime moribond pour faire face à l’agression étrangère.

En attendant, soutenons la révolution syrienne et souhaitons-lui une victoire méritée qui, sans aucun doute, aura une immense répercussion historique dans toute la région. Espérons en particulier que la future nouvelle Syrie continue à rester dans le camp anticolonialiste.

(1) (1) Alexandra Geneste- Le Monde du 03/08/2011.

(2) (2) Le Monde du 03/08/2011.

2.8.11

Analyse 9 (2011)

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 2 août 2011

Syrie : silence, on massacre

La révolte syrienne dure depuis la mi-mars 2011 et la répression féroce de l’armée et de la police syriennes- faisant plus de 2000 morts- n’arrive pas à venir à bout de la révolte.

La dictature militaire en Syrie est au service d’une oligarchie représentée par la famille Al- Asaad qui assoit son autorité sur une dictature féroce de type fasciste. Elle s’oppose à toute expression démocratique : libertés de la presse, d’association, d’expression. Les élections sont une farce et la police politique veille en permanence sur les moindres faits et gestes de la population.

La révolte syrienne est la réaction normale de la population à des décennies d’injustice et de dictature militaire.

Pourquoi la «communauté internationale» n’arrive-t-elle pas à exercer, d’une manière ou d’une autre, des pressions suffisantes sur le pouvoir syrien afin qu’il arrête le massacre de la population désarmée et pacifiste? Après tant de répression, Moscou demande simplement à son allié syrien d’arrêter la violence. On n’entend pas la Chine et l’Iran se trouve sûrement aux côtés de la dictature syrienne.

Deux phénomènes -de nature interne et externe- peuvent expliquer le cas syrien. Sur le plan intérieur, la révolte syrienne n’est pas organisée, manque de projet de société et de leader(s) charismatique(s). La répression militaro-policière a empêché les démocrates syriens de mettre en place des organisations de masse -syndicats, associations- et des partis politiques à même de représenter différentes couches sociales.

Sur le plan extérieur, la Syrie fait partie de l’Orient en guerre permanente, depuis plus de deux siècles, avec l’Occident colonialiste (« le grand jeu »). Derrière la Syrie, se trouvent la Russie, la Chine et l’Iran, principaux acteurs de la «résistance orientale» qui façonne la géopolitique de l’Asie centrale et du Moyen-Orient depuis 1808. L’objectif de la Syrie et de ses amis: tenir bon et empêcher la chute de la famille Al-Asaad qui offrirait à l’Occident, une base dans une partie stratégique, ô combien névralgique, du «dispositif de défense orientale».

Il est à souligner qu’avec la destruction des blindés français au Sud Liban, un avertissement a été lancé en direction de la France qui, depuis son entrée au commandement de l’OTAN, mène une activité fébrile afin de s’adjuger une part importante du «gâteau» colonialiste en Asie centrale (l’Afghanistan), dans le Golfe persique (la base navale aux Emirats Arabes Unis), en Afrique (la Libye) et au Moyen-Orient (le Liban). Les bombes placées sur la route des blindés français ont rappelé à la France que ses militaires sont des «otages» au cas où la France s’aventurerait en Syrie, comme elle le fait en ce moment en Libye.

Le soutien apporté au régime syrien par ses amis russes, chinois et iraniens est d’autant plus important que le recul de l’influence américaine en Asie centrale et au Moyen-Orient fait saliver ses adversaires. Parallèlement au désengagement américain en Afghanistan et en Irak, l’Iran, ses amis et les anticolonialistes des pays envahis par les Etats-Unis ont redoublé d’activité. En juin, les présidents afghan et pakistanais ont été invités à Téhéran pour participer à une conférence sur le «terrorisme». Les attentats ont repris en Irak où le mois de juin fut le mois le plus meurtrier pour les militaires américains. L’Iran renforce sa marine de guerre, exige le départ des puissances étrangères et manifeste clairement son souhait d’assurer la «sécurité» du Golfe persique avec les pays riverains.

Dans une telle situation, sans une organisation efficace, expérimentée et solidement implantée au sein de la population, il est difficile pour l’opposition syrienne de renverser la dictature des Al-Asaad. Mais la puissance de la révolte est telle qu’il est raisonnable de penser que le peuple finira par trouver les moyens nécessaires à sa victoire.