Paix et Justice au Moyen-Orient
STRASBOURG, le 10
février 2013
L’automne du printemps arabe
Les évènements de ces derniers jours
qui ont endeuillé les démocrates et progressistes tunisiens ont montré que le
vent du printemps tunisien manquait de souffle pour balayer définitivement
toute la réaction tunisienne.
En
effet, les instruments de répression- l’armée, la police, les services de
renseignement, pléthoriques dans les pays dictatoriaux- ceux-là même qui ont
servi fidèlement Bourguiba et Ben-Ali ; ceux-là mêmes qui sont
responsables des crimes commis sous les anciens présidents tunisiens, sont
restés intacts après la fuite de
Ben-Ali. Que sont devenus les escadrons de la mort qui semaient la terreur au
sein de la population ? Ils soutiennent maintenant l’actuel pouvoir
islamique de l’Etat tunisien.
Le
même phénomène s’observe en Egypte où l’on voit bien que «deux ans
après, rien n’a vraiment changé (...) Hosni Moubarak est parti, mais la
politique n’a pas changé (…) Les attaques organisées de policiers, agissant
comme des gangs contre la population» (1) continuent.
L’assassinat
le 06 février 2013 de Chokri Belaïd, le militant laïc tunisien, annonce-t-il le
début d’une campagne d’assassinats ciblés conduisant, plus tard, à la
répression massive des intellectuels engagés ? On peut penser que c’est
indispensable à la reprise en main des rênes de l’Etat par le nouveau pouvoir.
Comme
en Iran, la mosquée s’est transformée en tribune pour mobiliser les couches
basses de la société (les jeunes des bidonvilles misérables, prêts à se vendre
pour des broutilles, masses bigotes, incultes) et de les orienter vers des
cibles pré choisies, les syndicalistes, les intellectuels engagés, les
écrivains, les cinéastes, les universitaires et militants laïcs, cultivés,
anticolonialistes, sortis de la clandestinité, donc fichés par les redoutables
services de «sécurité». «L’opposant Chokri Belaïd est cité dans des prêches
hostiles d’imams, vilipendé sur des dizaines de pages Facebook, menacé de mort. Jusqu’à son assassinat.» (2)
Qui
sont ces «salafistes munis du drapeau noir de l’islam radical, [se mêlant] aux
forces de police pour «sécuriser» les rues» à Tunis ? (2)
Des policier transformés en «salafistes» violents ou des lumpens des quartiers
miséreux, des mercenaires prêts à tuer pour quelques dinars ? Toujours
est-il que la «nouvelle» police tunisienne ou égyptienne portera désormais le
masque de la police des mœurs à la saoudienne. Son objectif est de satisfaire
le désir d’islam de la population, tout en maintenant le pays dans le giron de
l’Occident colonialiste.
Après
la victoire de la charia médiévale sur l’Etat de Droit moderne en Tunisie et en
Egypte, arrivera le temps des alliances entre les «Etats islamiques» pro-américains englobant la Turquie, l’Arabie saoudite, la Qatar, l’Egypte et
la Tunisie. Le djihad contre «l’hérésie chiite, bien pire [aux yeux des
Saoudiens] que l’impérialisme occidental»(3), autrement dit
la «guerre de religion» prendra une autre ampleur, épargnant davantage le
colonialisme occidental qui pourra régner encore longtemps, en Afrique, au
Proche et au Moyen-Orient.
Une
chose est sûre : la bataille pour étouffer la rue tunisienne et égyptienne,
dans le but de rétablir le nouvel «ordre» islamique au service des
multinationales ne fait que commencer. L’étude de différentes révolutions ou
bouleversements politiques majeurs, comme en Egypte ou en Tunisie, montre bien
que la reprise en main de la situation s’accompagne toujours d’un bain de sang.
Ce
fut le cas en France après la victoire de la révolution de 1789 ; en
Russie, après la victoire de la révolution bolchevique en Iran dans les années
1950* et après la victoire de la révolution de 1979, où un bain de sang permit
au clergé chiite d’installer définitivement son pouvoir dictatorial, au nom de
l’islam et de son prophète.
La
Tunisie ou l’Egypte seraient-elles des exceptions et échapperaient-elles aux
lois brutales de la consolidation du nouveau pouvoir, de surcroît islamique,
donc sacré ?
Malheureusement,
la voie de la liberté est parsemée de sang et de larmes pour les peuples égyptien
et tunisien. Mais, leur combat pour un avenir démocratique est puissant et il continuera,
le nôtre aussi, à leurs côtés.
*Le coup d’état de la CIA contre le
docteur Mossadegh qui avait nationalisé le pétrole.
(1) Hélène Sallon- Le Monde du 09 février 2013.
(2) Isabelle Mandraud- Le Monde du 09 février 2013.
(3)
Lewis Roth- Le Monde du 28
décembre 2012.