Paix et Justice au Moyen-Orient
STRASBOURG, le 17
janvier 2014
Le "Grand jeu"
d'échecs au Moyen-Orient
Les guerres permanentes au Moyen-Orient donnent le
tournis. On a l'impression que tout le monde tire sur tout le monde. La presse
internationale se simplifie la vie et ne voie que les chiites et les sunnites
sur les champs de bataille. Mais, à étudier l'histoire des guerres - qui
dévastent régulièrement des pays entiers (Afghanistan, Irak, Liban, Syrie)
depuis plus de deux siècles - sous l'angle de la rivalité entre puissances à la
recherche de zones d'influence, les guerres deviennent plus
"lisibles".
Dans l'analyse 16 (2013), nous avons évoqué
l'apparition d'un vide politique au Moyen-Orient et en Asie centrale, suite à
l'effondrement du régime des Pahlavi en Iran et au retrait, puis l'effondrement
de l'Union soviétique en Afghanistan. Ledit vide fut rempli par des centaines
de milliers de militaires venus des quatre coins du monde, des Etats-Unis, du
Canada, des pays européens, de l'Australie, de la Corée du Sud et du Japon.
Il faut rappeler que le retrait de feu l'Union
soviétique de l'Afghanistan a été accéléré par la création de djihadistes
bornés (Al-Qaïda et Talibans), financés, endoctrinés, entraînés et armés par
les Etats-Unis, l'Arabie saoudite et Le Pakistan.
Même si une fraction des djihadistes a pris le
maquis contre les Etats-Unis et le Pakistan, l'essentiel de la troupe endoctrinée
est restée fidèle à ses mentors saoudiens et pakistanais.
Les récalcitrants sont fréquemment bombardés à
l'aide de drones téléguidés depuis les Etats-Unis, mais les fidèles continuent
à mener la "guerre sainte"
en Irak et en Syrie.
La machine de guerre et de reconquête du
Moyen-Orient (l'Irak, la Syrie, la Liban, voire même l'Iran) et de l'Asie
centrale (l'Afghanistan et les pays situés au sud de la Russie) a été remise en
marche par Georges W. Bush. L'objectif: créer le "Grand Moyen-Orient", de l'Afghanistan à l'Atlantique sous la
botte des Etats-Unis, et remodeler le Moyen-Orient.
Le bilan des années de Georges W. Bush est plus que
mitigé. Si les Etats-Unis ont reconquis l'Irak et l'Afghanistan, la situation
est loin d'être maîtrisée par l'Amérique. L'Iran résiste, développe son
industrie militaire, s'implante en Irak, renforce le Hezbollah, son allié
libanais, membre du gouvernement, et porte à bout de bras son allié syrien. En
étendant son influence politique de l'Afghanistan jusqu'en Méditerranée, l'Iran
a fait avorter le succès du "Grand
Moyen-Orient", le dessein colonialiste des Etats-Unis.
Même si Georges W. Bush est parti, son plan de
reconquête et de remodelage du Moyen-Orient se poursuit tout de même. L'Irak et
la Syrie, maillons faibles des pays de la région, sont les premiers touchés par
le remodelage.
L'Irak connait un début de partition. En effet, le
Kurdistan irakien est géré par un pouvoir autonome qui échappe au pouvoir
central. C'est un début de "remodelage". En Syrie, en proie à la guerre
civile et à l'ingérence étrangère, les Kurdes s'émancipent, sans former, pour
l'instant, un pouvoir autonome.
C'est là que les Etats-Unis et leurs soutiens du
Golfe Persiques ont avancé un nouveau pion: Etat Islamique en Irak et au levant
(l'EIIL) organisation djihadiste endoctrinée, disposant d'immenses moyens
financiers et militaires que seul un Etat - en l'occurrence l'Arabie saoudite -
est en mesure d'assurer. L'objectif: décomposer l'Irak et la Syrie en pays
chiite et sunnite. Ce qui aura pour conséquence de faire disparaître l'Irak et
la Syrie en tant qu'entités souveraines, d'affaiblir l'Iran et la Russie,
permettant aux Etats-Unis d'arracher des concessions à la table des
négociations sur la Syrie.
Les "insurgés" syriens, pourtant appuyés
par l'Occident, ont senti le danger de la partition de la Syrie et se sont
opposés militairement à EIIL. Tout porte à croire qu'actuellement, seul l'EIIL,
force militaire disciplinée unie et efficace, a les faveurs des Etats-Unis.
L'avenir nous dira ce que les Etats-Unis comptent faire avec les
"insurgés" syriens, leur deuxième carte, désunie et un peu usée?
L'Iran, opposé au dessein colonialiste des
Etats-Unis, n'a pas obtenu l'autorisation de participer aux négociation de
Genève II. Tout se jouera sur le terrain militaire et, dans l'état actuel des
forces en présence, la conférence de Genève II n'aboutira à rien.