Paix et Justice au Moyen-Orient
STRASBOURG, le
13 février 2016
Pourparlers
de quelle paix en Syrie ?
A peine
commencés, les "pourparlers de paix" sur la Syrie ont été suspendus
ce mercredi 3 février au 25 février. Logique. L'armée syrienne, soutenue par
ses alliés russes et iraniens, a lancé une offensive d'ampleur, le 1er
février, sur Alep, la grande métropole industrielle du nord de la Syrie.
D'aucuns
confondent "pourparlers de paix" avec "réconciliation
nationale". Myanmar, l'ex Birmanie, représente un cas de
"réconciliation nationale". Le pays était dirigé depuis 1962 par une
junte militaire. La résistance de la population à la junte militaire a conduit
celle-ci à "se réconcilier" avec l'opposante historique du pays, Aung
San Suu Kyi,
présidente de la Ligue nationale
pour la démocratie ou NLD. Là aussi, l'opposition a mis plus de cinquante ans
pour établir un rapport de force en sa faveur.
Les "pourparlers
de paix" se déroulent entre des protagonistes d'un champ de bataille qui
ont déjà établi un rapport de force militaire. Les "pourparlers de
paix" actent et entérinent les avancées des uns et des autres sur le
terrain, procèdent au partage des territoires ainsi qu’à l'établissement de
nouvelles frontières terrestres et politiques. Quel est actuellement l'état des
forces militaires présentes en Syrie ?
Suite à la
militarisation de l'insurrection syrienne, la guerre civile s'est transformée
en guerre régionale, avec l'implication des grandes puissances militaires
mondiales (américaine et russe) qui s'affrontent également en Ukraine et dans
la péninsule coréenne.
Il est à
souligner que la Corée du Nord est un allié stratégique de la Russie (et non de
la Chine) qui l'utilise comme moyen de pression sur les Etats-Unis et ses
alliés.
La
pression exercée par la Corée du Nord se manifeste sous forme de tests
nucléaires ou balistiques, menaçant les pays industriels de l'Asie du Sud-Est,
en particulier le Japon (troisième puissance économique), la Corée du Sud et
les voies de communication maritimes, vitales pour l'économie mondiale.
Actuellement, avec la montée des tensions entre les protagonistes sur la Syrie,
la Corée du Nord vient au secours de son parrain russe, rompt ses liaisons
téléphoniques avec la Corée du Sud qui, à son tour, coupe le courant électrique
et l'eau de la zone industrielle de Kaesong créée en 2002. La tension monte dans la péninsule coréenne.
L'opposition
militaire au régime de Bachar Al-Assad ne peut exister sans le soutien
financier et militaire de ses parrains étrangers américains, français,
saoudiens, turcs, qatari, etc. De même, le régime syrien tient grâce au soutien
indéfectible de ses parrains iraniens et russes qui lui fournissent du matériel
militaire performant, des conseillers militaires, des fantassins Hezbollah et
les financements nécessaires au maintien en vie du régime. Il ne s'agit plus
d'une guerre civile inter-syrienne, mais d'un affrontement inter-puissances militaires
d'envergure mondiale.
Comme nous
l'avons expliqué à plusieurs reprises, la Syrie représente actuellement le
goulot d'étranglement de la Russie et de l'Iran; ceux-ci seraient entièrement
encerclés puis étranglés par les Etats-Unis et leurs alliés régionaux, si ces
derniers parvenaient à mettre la main sur la Syrie. Le pays représente la ligne
jaune de la Russie et de l'Iran. D'où l'acharnement des alliés russes et
iraniens à protéger le régime syrien coûte que coûte.
Alep
représente un atout stratégique dans les pourparlers entre les puissances
militaires régionales et mondiales. Pour agir en position de force et dicter
leur volonté, Russes et Iraniens devraient impérativement mettre la main sur la
métropole industrielle nord du pays. Les pourparlers sont reportés car
l'encerclement d'Alep et sa reconquête ne font que commencer. Les Russes
pensent que la reconquête sera terminée début mars 2016. D'où le marchandage
sur la date de la reprise des pourparlers sous les menaces des missiles
coréens.
Les "insurgés"
syriens ne cachent plus leur dépendance, voire leur servilité, financière et
militaire à l'égard des puissances occidentales et de leur obligés régionaux. Le Monde daté du 13 janvier 2016 a
publié une interview de Riyad Hijab, coordinateur de l'opposition syrienne, qui
n'a cessé d'implorer la "communauté
internationale" à agir en Syrie. Selon lui, "s'il n'y a pas de volonté
internationale de mettre en œuvre une transition politique, de faire
pression sur le régime…" Ou encore "nous souhaitons une initiative conduite par la France."
L’ "Armée de la conquête ", composée du
Front Al-Nosra (branche syrienne d'Al Qaida) et le groupe salafiste Ahrar
Al-Chams, d'obédience salafiste, ainsi que d'autres coalitions d'obédience
wahhabite comme "Jaïche Al-Islam" (armée de l'islam), constituent le
bras armé de la "communauté
internationale". L'Arabie saoudite, promoteur de la guerre des
religions et allié stratégique des Etats-Unis, est le père idéologique et le
principal soutien financier desdits "rebelles" syriens.
Il ne fait
aucun doute que les Etats-Unis, la Russie et l'Iran se soient entendus sur le
partage de la Syrie. Comme l'ont écrit les journalistes du quotidien Le Monde du 20 janvier 2016 : "en coulisse, leurs parrains respectifs
tirent les ficelles". L'une des conséquence de l'entente
américano-russe : l'envoi d'armes sophistiquées se fait rare en direction des
"insurgés".
Pour les
Etats-Unis et leurs alliés, le départ de Bachar Al-Assad n'est plus une
condition indispensable à la reprise des négociations. "Ces concessions ont alimenté les soupçons
dans les rangs de l'opposition et de ses soutiens d'un plan secret
américano-russe en Syrie." (Hélène Sallon - Le Monde du 9 février 2016).
Alors, que
font les organisations "rebelles" pour rémunérer leurs soldats et
remplir leurs stocks d'armes ? "assassinats et kidnappings se multiplient"
dans les rangs des "insurgés" "plus de trente chefs militaires, civils et religieux ont ainsi été tués
depuis fin septembre dans des attentats. Infiltration du régime, règlements de
compte internes ou offensives de groupes islamistes radicaux : les théories
abondent." ( Hélène Sallon - Le
Monde du 29 janvier 2016). C'est la débandade et le chacun pour soi.
Deux
aspects caractérisent une guerre : aspect géopolitique et aspect humanitaire.
Concernant ce dernier, tous les belligérants ont du sang sur les mains. A
commencer par les Etats-Unis qui, en déclenchant la guerre d'Afghanistan en
2001 et la guerre d'Irak en 2003, ont ouvert la boite de pandore et sont
directement responsables des millions de déplacés, de la destruction des
infrastructures et des meurtres de civils, qualifiés de "dégâts collatéraux" !
Encore
récemment, le Pentagone a publié sur son site internet 198 photos de sévices
sur des détenus en Irak et en Afghanistan. L'ACLU, une association de défense
des droits civiques américains, réclame à la justice la publication de 2000
photos et mauvais traitements en possession des autorités (AFP citée par Le Monde
des 7-8 février 2016). Son allié saoudien bombarde à tire larigot les hôpitaux
de Médecins sans frontières (MSF) au Yémen. Ces faits n'empêchent en rien la
condamnation des bombardements sauvages perpétrés par l'aviation russe qui
massacre indistinctement des civils et des militaires, en poussant des milliers
de Syriens sur la route de l'exode.
L'échec
des "insurgés" syriens sonnera également l'échec de la stratégie
mortifère des Etats-Unis et de l'Arabie saoudite qui ont profité des récentes
guerres de conquête colonialiste en Afghanistan, en Irak et en Syrie pour
développer la guerre de religion au Moyen-Orient.