Paix et Justice au Moyen-Orient
STRASBOURG, le 25 novembre 2007
Les enseignements des deux guerres mondiales
La réunion d’Annapolis est vouée à l’échec
Avant les deux guerres mondiales, deux «superpuissances» faisaient la pluie et le beau temps sur le globe:
L’empire colonial britannique, sur lequel le Soleil ne se couchait pas, était constitué, entre autres, d’un vaste territoire de 4 millions de kilomètres carrés, et d’où sont issus quatre des Etats du monde contemporain: l’Inde, le Pakistan, le Bengladesh et la Birmanie. «Avec la seule occupation du sous-continent indien, les Anglais disposaient d’un ensemble plus étendu et plus peuplé que l’empire romain à son apogée» (Bouda Etemad, la Possession du monde, rapporté par «Le livre noir du colonialisme»).
L’empire colonial français, vaste territoire, allant de l’Indochine (Vietnam, Cambodge et Laos) à l’Afrique, comprenait l’«Afrique blanche » (Tunisie, Maroc, Algérie) et l’«Afrique Noire», ensemble d’une dizaine de pays maintenant «indépendants». Après la première guerre mondiale, cet Empire, (de 1919 à 1946) s’étendait sur 12 millions et demi de kilomètres carrés, avec une population de 70 millions d’habitants, contre seulement 550000 km2 et 42 millions d’habitants (en 1946) pour la métropole.
Que restera-t-il de ces deux empires à l’issue des deux guerre mondiales? L’un et l’autre en sont sortis exsangues, épuisés et affaiblis, ne trouvant leur salut que dans le plan Marshal des Etats-Unis qui, après la Deuxième Guerre mondiale dévastatrice, a déversé des dizaines de milliards de dollars pour leur reconstruction. A leur tour, les deux puissances colonisatrices se sont retournées contre les peuples colonisés qui, pourtant, les avaient aidé à combattre l’ennemi nazi. Il n’en fallait pas plus pour accélérer la décolonisation, encouragée par l’un des grands vainqueurs de la Deuxième Guerre mondiale: l’URSS.
Le recul inévitable de l’influence des anciens empires s’accompagna de la perte de l’hégémonie de la Grande Bretagne, au profit des Etats-Unis, puissance montante qui, grâce à sa machine militaire, s’installa sur les dépouilles de l’empire britannique, et notamment, sur la route stratégique du transport maritime, allant du détroit de Malacca à Gibraltar.
Toutes les études montrent que si la guerre enrichit l’industrie d’armement et les marchands d’armes, elle épuise la richesse nationale, appauvrit le peuple, affaiblit l’économie nationale, dont toutes les ressources sont mobilisées au service des projets guerriers. Ainsi, Georges Bush a-t-il mis son veto à l’assurance- maladie de plusieurs millions d’enfants sans couverture médicale, tout en demandant au Congrès près de 42 milliards de dollars supplémentaires pour la guerre en Irak et en Afghanistan (LM du 03/10/07).
Aux Etats-Unis dont l’armée, après six ans de guerre en Afghanistan et quatre ans en Irak, a été «déséquilibrée», le peuple s’est appauvri et l’économie- avec ses répercussions dans le monde entier- traverse une zone de turbulence sans issue véritable. Une note des analystes de la Deutsche Bank a évalué à 400 milliards de dollars (273 milliards d’euros) les pertes pour le secteur bancaire mondial, liées à l’effondrement du marché des crédits immobiliers à risque aux Etats-Unis. Par ailleurs, plus d’un million de foyers américains ont déjà fait l’objet d’une saisie depuis janvier 2007 (Le Monde du 14/11/07).
Les uns après les autres, les alliés des Etats-Unis les abandonnent. Le Japon remet en question le ravitaillement par sa marine des forces alliées engagées en Afghanistan (LM du 16/11/07). Les travaillistes australiens ont remporté les élections en promettant de se désengager en Irak.
La perte de crédit des Etats-Unis dans le monde est manifeste. Dans un article d’analyse, paru dans Le Monde du 13/11/07, Sylvie Kaufmann remarque, à juste titre: «c’est aujourd’hui vers la Chine que la communauté internationale se tourne pour faire pression sur la Birmanie, pas vers les Etats-Unis. Et en Asie du Sud- Est, c’est aussi la Chine qui comble le vide diplomatique laissé par l’administration Bush».
L’affaiblissement des Etats-Unis se répercute sur tout l’Occident, désireux de «démocratiser» (vassaliser) le monde entier. On le voit bien au Liban, où, selon M. D’Alema, premier ministre italien, les «Européens espéraient faire du Liban un pôle de stabilité et un modèle de démocratie» (LM du 24/11/07). Autrement dit, comme les Américains qui ont échoué à «démocratiser» l’Irak, les Européens ont échoué à leur tour à «démocratiser» le Liban! C’est l’impasse. Même la France, le parrain traditionnel, est discréditée et n’arrive pas à remettre en selle ses protégés.
Dans l’espoir de conserver leur hégémonie mondiale, les va-t-en-guerre américains seront-ils en mesure de déclancher une nouvelle aventure militaire contre l’Iran et la Syrie? La guerre est une partie d’échec avec des conséquences inattendues. Les guerres du Golfe (1991 et 2003) suivies de l’enlisement des Etats-Unis en Irak, ont renforcé la guérilla anti-américaine et la position régionale de l’Iran, qui, de l’aveu même des militaires américains, représente un «défi» pour l’armée américaine.
Il est indéniable que la Chine (dont les navires de guerre sillonnent déjà en mer d’Oman), la Russie, même l’Iran sortiront «grandis» d’une éventuelle guerre américaine contre l’Iran. Ce raisonnement vaut également pour Israël qui devra réfléchir sérieusement avant de s’engager dans une aventure militaire dans un environnement régional très hostile.
Il n’en reste pas moins que cette situation «ni guerre, ni paix» ne peut pas durer éternellement. Les Américains insistent sur le fait que la réunion d’Annapolis représente une «chance» de sortie de crise (due à l’agression américaine au Moyen-Orient). Afin de casser le front anti- américain, les Etats-Unis essaient d’amadouer la Syrie en l’invitant à la réunion d’Annapolis. Mais tout porte à croire que les Américano-israéliens seront incapables d’y faire des concessions substantielles. La réunion d’Annapolis sera donc vouée à l’échec. La seule «victoire» d’Annapolis sera de réunir, autour d’une même table, les régimes réactionnaires arabes et Israël, une sorte de «front uni» pour «consolider» la structure colonialiste régionale.
Comme au Liban, l’Etat palestinien et la restitution du Golan syrien devront attendre. Pour débloquer la situation, un «clash» paraît inévitable et, avec l’aide de Mahmoud Abbas, la bande de gaza reste un objectif accessible aux américano-israéliens, affaiblis et discrédités à l’échelle mondiale.
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