19.10.08

Analayse 22

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 19 octobre 2008

cpjmo@yahoo.fr


Moyen-Orient, Asie centrale: même politique de répression et de division colonialiste


Le colonialisme occidental n’a vraiment pas changé de pratique. Après la phase d’agression et de pillage, c’et celle du mépris à l’égard des cultures des pays conquis. La rébellion des patriotes est réprimée dans le sang et une organisation sociale et militaire des pays, fondée sur le communautarisme et la religion, parachève la conquête.


«Le livre noir du colonialisme» (sous la direction de Marc Ferro) fournit de précieuses informations. «L’historien Macaulay, membre du conseil de Bentinck, donna la mesure du mépris pour les cultures de l’Inde dans une phrase de sa célèbre «Note sur l’éducation» de 1835: «Un rayon d’une bonne bibliothèque européenne vaut toute la littérature indigène de l’Inde et de l’Arabie».


Qu’est-il arrivé aux rebelles indiens de la rébellion de 1857? «Des centaines d’insurgés furent pendus ou ligotés à la bouche des canons et «volatilisés».


Parlant du «cynisme moral» des colonisateurs, «Le livre noir» nous apprend que: «l’opiomanie de l’Inde, en conjonction avec l’alcoolisme, a été l’un des moyens auxquels l’Angleterre a eu recours pour maintenir sa domination».


La ressemblance de la politique colonialiste britannique avec celle pratiquée en Palestine, en Irak et en Afghanistan est plus que troublante, si l’on se réfère à l’organisation sociale imposée par les Britanniques à l’Inde: «On favorisa l’aristocratie terrienne pour s’attacher cette classe qui avait fourni trop de chefs à la révolte, et pour encadrer plus efficacement à travers elle les masses paysannes qui lui étaient fidèles. On renforça d’une façon générale les hiérarchies sociales indigènes. L’armée des Indes, en même temps, fut rééquilibrée (…), et réorganisée sur la base des castes et des religions. Fractionnée en communautés homogènes, elle devint en effet moins susceptible de faire bloc contre ses maîtres.»


Les colonialistes israéliens, soutenus par leurs maîtres de la «communauté internationale», refusant la victoire électorale du Hamas, ont encouragé -et réussi- la division des deux branches de la résistance palestinienne, prolongeant ainsi la domination sioniste. Saisissant l’occasion du «sommet d’Annapolis» du 27 novembre 2007, le Fatah, influent en Cisjordanie, s’est rapproché d’Israël, qui en profita pour isoler le Hamas dans la bande de Gaza et augmenter le nombre de ses chechpoints de 8%. «Ce qui signifie que les autorités israéliennes n’ont absolument rien entrepris sur le terrain pour faciliter la création d’un Etat palestinien (…) et que la mainmise sur la Cisjordanie s’est accentuée» (Michel Bôle-Richard, correspondant à Jérusalem du journal Le Monde- 09/10/08). Pendant ce temps, la répression israélienne de la rébellion palestinienne continue à faire des victimes parmi la population palestinienne: «494 Palestiniens ont été tués par les forces de sécurité, et parmi eux 76 enfants, pour la période allant jusqu’au 4 août» (Même référence).


Reprenant les conclusions du «Livre noir du colonialisme», on peut dire la même chose des objectifs sionistes: La réorganisation de la Palestine «fractionnée en communautés homogènes, elle devient en effet moins susceptible de faire bloc contre ses maîtres».


La situation est telle qu’«un courant d’opinion, qui est en train de prendre forme, demande à ce que l’Autorité palestinienne soit dissoute et qu’Israël prenne en charge la population des territoires occupés» (même référence). S’agirait-il d’une première victoire de la politique israélienne de répression sanglante et de division? L’analyse de la lutte de libération du peuple palestinien montre qu’il n’en est rien. En effet, le 6 août 1982, encerclés à Beyrouth par l’armée israélienne, Yasser Arafat et ses lieutenants furent exilés à Tunis le 30 août de la même année. La guerre israélo-palestinienne semblait s’achever par la victoire définitive de l’armée israélienne sur la résistance palestinienne. C’était ne pas compter avec le génie du peuple palestinien qui inventa l’«Intifada», la pierre contre le char d’assaut. Israël a battu en retraite et Yasser Arafat entra triomphalement à Gaza le premier juillet 1994.


Actuellement, pour déjouer les manœuvres de division de l’Etat d’Israël, d’autres types de lutte se mettent en place en Palestine, comme on l’a vu lors des affrontements à Saint-Jean-d’Acre qui, selon Michel Bôle-Richard, envoyé spécial du journal Le Monde «remettent en cause la coexistence entre Juifs et Arabes». Le pari israélien de diviser pour mieux régner est loin d’être gagné.


La politique de «diviser pour mieux régner» se pratique à une échelle beaucoup plus importante en Irak, par l’occupant américain. Dès le premier jour de l’occupation, les sunnites d’Al-Anbar ont pris les armes, assénant des coups durs aux envahisseurs. La réplique traditionnelle fut immédiatement appliquée par le général Petraeus, chef des forces américaines en Irak. Les chefs tribaux furent achetés et cent milles supplétifs, payés au prix de 300 dollars, furent «retournés», regroupés dans des «comités du réveil». Les quartiers de Bagdad ont été «homogénéisés», constitués désormais de quartiers chiites, d’une part, sunnites, d’autre part, savamment séparés par des blocs de béton. La résistance, de son côté, a également changé de tactique pour s’adapter à celle des forces d’occupation et des rapports de force régionales. Parallèlement au harcèlement des forces d’occupation, samedi 18 octobre, des dizaines de milliers de partisans du leader chiites Moqtada Sadr ont manifesté à Bagdad, exigeant le départ des troupes étrangères. La réussite est loin d’être à portée de main des Américains qui, malgré leur «optimisme», n’ose pas encore rapatrier leurs forces militaires.


Promu chef des forces américaines pour le Moyen-Orient et l’Asie centrale, le général Petraeus prodigua ses conseils de division au gouvernement afghan qui les a appliqué dans les zones de conflits. «Karzaï a mis en place le versement de pensions à certaines tribus du Waziristan» (Le Monde du 20/09/08). Jacques Follorou (J.F.), journaliste du Monde écrit: «la présence de Kaboul est également apparue au sujet du conflit qui oppose les chiites et les sunnites dans l’agence tribale de Kurram (…) Ces affrontement durent depuis avril 2007 et ont fait plusieurs centaines de morts et près de 300 000 déplacés» (LM du 20/09/08). Par ailleurs «les Pakistanais ont même affirmé que des soldats afghans étaient venus se battre aux côtés des chiites pour semer le désordre» (J.F., LM du 20/09/08).


De son côté, Islamabad «encourage la formation de milices tribales contre les talibans» (LM du 17/10/08). Ainsi «A Bajaur même, épicentre du conflit actuel, les tribus Salarzai, Chamang et Utmankhel se sont dressées contre eux (les insurgés). A Khyber, zone stratégique par où transite le commerce avec l’Afghanistan, les Mullagori ont fait de même» (LM du 17/09/08). Le journaliste (Frédéric Bobin) a oublié de préciser que «la principale voie de ravitaillement des troupes alliées passe actuellement par le port pakistanais de Karachi, puis par le col de Khyber, dans la province pakistanaise du Nord-Ouest, une région frontalière peu sûre où les camions chargés de matériel militaire et de carburant sont régulièrement attaqués par les talibans» (Laurent Zecchini, LM du 13/09/08). Conséquences des attaques: «certaines bases militaires du sud de l’Afghanistan manquaient de tout, et qu’elles avaient «arrêté tous les mouvements et toutes les offensives parce qu’elles étaient à court de carburant »» (Syed Saleem Shahzad- Le Monde Diplomatique d’octobre 2008).


Le général Petraeus met en place une autre stratégie différenciée: «l’OTAN décide de s’attaquer à la production d’opium en Afghanistan». Cette stratégie poursuit deux objectifs: transformer la guerre colonialiste en une guerre contre l’opium, plus présentable aux yeux de l’opinion mondiale, et, selon l’occupant occidental, priver la résistance anticolonialiste de sources de financement. Mais il y a un hic! «Tous les experts savent par exemple que les circuits de la drogue sont protégés par des «chefs de guerre» parfois proches du pouvoir (…) Ahmed Wali Karzaï, frère du président afghan, est mêlé à ce trafic» (Laurent Zecchini- LM du mois d’octobre non daté). Le président fantoche et ses proches s’enrichissent et le nombre de drogués ne cesse d’augmenter en Afghanistan.


On retombe sur les conclusions du «Livre noir du colonialisme» : «l’opiomanie de l’Inde, en conjonction avec l’alcoolisme, a été l’un des moyens auxquels l’Angleterre a eu recours pour maintenir sa domination». C’est tout l’Occident colonialiste (coalition d’une quarantaine de pays, France et Allemagne comprises), qui participe à l’intoxication et la dégénérescence morale des Afghans, crime contre l’humanité visant un peuple qui ne s’est jamais plié à la soumission des puissances étrangères.


La politique de répression, de division et d’intoxication n’a pas résisté à la volonté émancipatrice des Indiens. Malgré ses vieilles recettes, maintes fois expérimentées et maintes fois vouées à l’échec, l’Occident colonialiste, pourra-t-il faire mieux au Moyen-Orient et en Asie centrale? Les dépenses colossales des guerres en Irak et en Afghanistan ont largement contribué à la crise économique que connaissent les Etats-Unis. Une fois de plus, la défaite et le discrédit frappent à la porte de l’Occident colonialiste.

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