Paix et Justice au Moyen-Orient
STRASBOURG, le 8 mars 2009
La politique «Af-Pak» et Moyen-Orientale d’Obama
Avec l’équipe Obama, l’Iran entame son deuxième round d’empoignade avec les Etats-Unis.
De part sa position géostratégique, l’Afghanistan a toujours joué un rôle prépondérant dans la politique des chancelleries occidentales, en particulier britannique et américaine. Toujours est-il que depuis la naissance du royaume afghan en 1747, l’Afghanistan a été agressé à trois reprises par les Britanniques, une fois par les Soviétiques (1978) et, depuis 2001, par les Etats-Unis et leurs alliés euro-canadiens.
C’est dire l’importance accordée, par ces temps de crise, à cette aventure militaire qui assure à l’Occident une présence aux frontières de quatre vieilles civilisations: chinoise, iranienne, indienne et russe. L’Afghanistan est un maillon très important de la chaîne de domination planétaire de l’OTAN.
Pour assurer leur victoire, les Etats-Unis appliquent une politique à trois volets: s’unir avec l’Inde, négocier avec l’Iran et humilier le Pakistan.
Dans l’analyse 24, datée du 15 décembre 2008, nous avons écrit: «Depuis plus de soixante ans l’ISI, les services pakistanais, et la RAW (Research and Analysis Wing) service de renseignements indien, se livrent une guerre clandestine sans merci sur le sol afghan. L’objectif de l’Inde: s’attirer les faveurs du gouvernement afghan afin de compléter l’encerclement du Pakistan, qui cherche, à son tour, à vassaliser ce pays, qualifié de «profondeur stratégique» pour les besoins d’un éventuel futur affrontement indo- pakistanais. Tout porte à croire que, sur le plan stratégique, les Etats-Unis et le Pakistan ont des intérêts contradictoires».
La bourgeoise pakistanaise résiste tant bien que mal à la soumission totale à l’axe américano-indien et essaie de promouvoir ses intérêts géostratégiques. D’où l’ambigüité de la hiérarchie militaire concernant la lutte contre les talibans, ambiguïté stigmatisée par les Etats-Unis et ses alliés. En effet, le 16 février à Peshawar un accord de paix a permis d’imposer la charia (loi islamique) dans la région de Malakand. Objectif: «ménager un mouvement taliban qui peut être utile pour relayer l’influence pakistanaise en Afghanistan, où la consolidation des réseaux indiens alarme les stratèges d’Islamabad»(1).
Il est à souligner que la politique de B. Obama en Asie centrale est la continuation de la politique de G. Bush qui a conduit à l’extension de la guerre au Pakistan, devenu «instable, structurellement volatile, incurablement convulsif», selon Frédéric Bobin, journaliste au Monde(2). Désormais, B. Obama suggère une approche intégrée de l’Afghanistan et du Pakistan, regroupés sous le label «Af-Pak». C’est une fuite en avant.
A l’incendie colonialiste déclenché par l’Occident, mené par Washington, s’oppose la résistance des peuples et nations de la région. Mais, l’administration Obama gère un empire affaibli, discrédité, en proie à une crise morale et économique profonde. Jadis unilatéralistes, les Etats-Unis d’Obama devront composer avec différentes puissances pour pouvoir circonscrire, grâce au dialogue avec l’Iran, et l’extension de ses rapports avec la Russie, une insurrection qui s’étend et qui gagne en intensité. N’oublions pas que c’est la Russie qui facilite le ravitaillement des bases américaines via son territoire.
Le dialogue entre puissances mondiales ou régionales ou l’assistance mutuelle ne devraient pas faire oublier les tensions permanentes entre puissances. Prenons le cas de l’Iran qui, ignorant les pressions occidentales, développe sa technologie militaire (missiles, satellite,…), enrichit de l’uranium et qui est sorti gagnant du premier round d’empoignade très agressive avec l’administration Bush. Face à l’administration Obama, l’Iran entame son deuxième round d’empoignade en position de force. La Russie encourage le Kirghizistan à fermer la base de Manas, louée aux américains qui, à leur tour, installent des bases de missiles antimissiles en Pologne et en Tchéquie.
Le même phénomène s’observe au Moyen-Orient, où les intérêts stratégiques américains façonnent la diplomatie des alliés arabes et israélien des Etats-Unis. D’aucuns pensent que la baisse des tensions souhaitée par l’administration Obama va régler tous les problèmes de la région. Est-ce vrai?
Analysons l’héritage laissé par l’administration Bush à celle d’Obama. Depuis l’échec de l’offensive israélienne au sud Liban de l’été 2006, les Etats-Unis et Israël ne gagnent aucune guerre. La récente offensive israélienne à Gaza n’a pas permis, non plus, à Israël d’atteindre ses objectifs: arrêter les tirs de Qassam, empêcher la contrebande, neutraliser le Hamas, rétablir la prépondérance de l’armée israélienne. Par contre, selon Gidéon Levy, journaliste israélien engagé, l’image d’Israël sort extrêmement ternie des 22 jours de destruction et de massacre délibérés à Gaza. La pratique de l’armée israélienne prouve «qu’Israël est un Etat violent et dangereux, qui ne connaît aucun retenue et ignore délibérément les résolutions du Conseil de Sécurité des Nations unies, et qui se soucie comme d’une guigne du droit international». La messe est dite.
La guérilla harcelle également l’armée américaine en Irak et en Afghanistan. Faute de pouvoir neutraliser des milices armées populaires, les américano-israéliens détruisent les infrastructures et massacrent la population civile, la jetant dans les bras de la résistance anticolonialiste.
Comme ses prédécesseurs, depuis 1989, l’administration Obama parle du «processus de paix», de l’«Etat palestinien» et envoie des émissaires en Syrie. Espère-t-elle amener la Syrie et les Palestiniens à une paix à l’égyptienne, à savoir territoires contre souveraineté politique? La Syrie, ainsi que les résistances libanaise et palestinienne, ont prouvé qu’elles ne transigeront pas avec leur souveraineté. Comme pendant la période Bush, l’impasse parait donc totale.
Contrairement à l’administration Bush, celle d’Obama préfère dialoguer avec ses ennemis. La formation éventuelle de l’unité Fatah- Hamas permettra à l’équipe Obama de rétablir un dialogue indirect avec le Hamas, qui porte pour une grande partie le fardeau de la résistance armée à l’occupant israélien. Ce serait une grande victoire pour la résistance anticolonialiste qui gagne en puissance. Car ce n’est pas le Hamas qui a, comme le Fatah, changé de nature et d’attitude. Ce sont les Etats-Unis qui, sous la contrainte, modifient leur diplomatie.
Pour autant, faut-il surestimer le dialogue avec les colonialistes américano-israéliens? Sûrement pas. Les facteurs qui pourraient modifier les rapports de force seraient le développement de la résistance anticolonialiste en cours et le progrès de la technologie militaire iranienne.
Par le dialogue, l’équipe Obama espère-t-elle ralentir l’érosion de la puissance américaine? Croit-elle peut-être au père noël ?
(1) Frédéric Bobin- Le Monde du 19/02/09.
(2) Frédéric Bobin- LM du 05 mars 2009.
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