Paix et Justice au Moyen-Orient
STRASBOURG, le 14 juin 2009
Coup d’Etat permanent à Téhéran
L’élection présidentielle du 12 juin 2009 avait créé un immense espoir de changement en Iran. Des femmes, des jeunes des intellectuels, des minorités religieuses et ethniques, majoritairement opposés à la politique répressive et désastreuse du point de vue économique du président sortant, ont massivement participé à l’élection (chiffre du taux de participation record : 85%).
A la surprise générale, avant même le dépouillement complet des urnes, le président sortant, Mahmoud Ahmadinejad, a été déclaré vainqueur, avec un score incroyablement élevé de 62,63%.
Les candidats n’ont pas tardé à réagir aux résultats annoncés par le ministère de l’intérieur. Mir Hossein Moussavi, candidat favori réformateur à l’élection, a vivement contesté, dans un communiqué, les résultats annoncés, les qualifiant de «stupéfiants» et de «tour de magie». Il a déclaré : «le peuple aimerait connaître ceux des autorités qui ont organisé ce grand jeu.» et «les gens ne plieront pas face à ceux qui arrivent au pouvoir en trichant.» Karoubi, un autre candidat réformateur, a jugé les résultats «illégitimes.»
Abtahi, membre de l’Etat major de Mehdi Karoubi, a dit à la BBC : «Les bureaux de vote manquaient de bulletins et des observateurs des candidats ont été expulsés des bureaux de vote. Plus étonnant encore, c’est la proclamation rapide des résultats.» Toujours selon Abtahi, des informations circulent sur le pré remplissage de certaines urnes.
Dès l’annonce des résultats, des centaines de milliers d’Iraniens, sont descendus dans les rues de Téhéran, de Meched, d’Ispahan, de Chiraz, de Babol (au nord de l’Iran), au cris de «mort au dictateur», affrontant la police anti-émeute qui a fait usage de gaz lacrymogène et de voltigeurs pour disperser les manifestants. Le premier réseau de téléphonie mobile, contrôlé par l’Etat, a été coupé à Téhéran. Déjà, au début des votes, le réseau de SMS a été coupé. Ce qui a provoqué la protestation des candidats opposés au président sortant.
Plusieurs personnalités de l’aile réformatrice, comme Mohammad Reza Khatami, frère de l’ancien président de la République, membre du clergé combattant et du Front de la Participation, ainsi que Behzad Nabavi, dirigeant de l’ «Organisation des Moudjahidine de la Révolution Islamique» et ministre de l’industrie lourde sous le gouvernement de Mir Hossein Moussavi, ont été arrêtés à leur domicile ou lors de réunion pour organiser la suite du mouvement.
Tout porte à croire que les ultraconservateurs avaient tout préparé à l’avance, saisissant l’occasion pour museler leurs concurrents réformateurs qui gagnaient du terrain. La falsification des résultats ne laisse aucun doute et la situation ressemble, à s’y méprendre, à un coup d’Etat, fomenté par les ultraconservateurs, soutenus par les Pasdarans, les «Gardiens de la Révolution».
La situation n’est pas nouvelle. L’élection de Bani sadr, premier président de la République, avait créé le même enthousiasme. On était face à un président qui souhaitait consolider les bases républicaines du pouvoir islamique. Se sentant menacés, les ultraconservateurs, menés à l’époque par l’Ayatollah Khomeiny, renversèrent Bani Sadr. L’éviction illégitime de Bani sadr, déjà qualifié de coup d’Etat, a mis fin à l’espoir de créer un Etat de droit en Iran.
L’élection de Khatami était la deuxième tentative des réformateurs pour institutionnaliser l’ordre établi. Face à l’intransigeance des ultraconservateurs et à la mollesse de Khatami et de ses soutiens, le mouvement a fini par créer une atmosphère apaisante en Iran.
L’élection éventuelle de Mir Hossein Moussavi pouvait souffler un nouveau et puissant mouvement de réformes démocratiques en Iran. Cette troisième tentative des réformateurs pour créer l’Etat de droit en Iran a été écrasé dans l’œuf, avant même sa naissance.
Il est indéniable que la société iranienne est enceinte de réformes démocratiques et les tentatives à répétitions de mouvement de réformes, émanant des caciques du régime, ne font que confirmer ce besoin pressant de changement qui souffle sur l’Iran et qui font vaciller les fondements dictatoriaux des ultraconservateurs.
L’installation d’un pouvoir démocratique en Iran, puissance militaire, économique et morale au Moyen-Orient, ne sera pas sans conséquences sur les pays arabo-musulmans, qui souffrent tant de régimes dictatoriaux. Le coup d’Etat de Téhéran devrait donc consolider la position des Etats-Unis parmi ses pays «amis» dans la région.
La ou les prochaines tentatives de changement démocratique en Iran finiront un jour par aboutir. C’est le sens de l’Histoire. Le mouvement démocratique en Iran n’a pas dit son dernier mot. Les Iraniens ont montré qu’ils sont assez patients.
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