Paix et Justice au Moyen-Orient
STRASBOURG, le 03 juillet 2009
République ou Califat?
Les peuples du Moyen-Orient retiennent leur souffle
La République islamique fondée par Khomeiny, avait deux composantes: républicaine, donc élective (Parlement, Président de la République,…) et islamique donc non élective. Pendant trente ans, ces deux composantes ont partagé la tête de l’exécutif. C’était également la volonté de Khomeiny qui souhaitait construire un Etat moderne dominé par la théocratie, servie par des intellectuels «occidentalisés», mais croyants et acquis au clergé chiite. Les éléments les plus emblématiques de ces intellectuels, serviteurs de la théocratie, sont Bani Sadr, premier président de la République (renversé par Khomeiny en 1981) et Mir Hossein Moussavi, premier ministre pendant la guerre contre l’Irak (1980-1988). Cette République traduisait l’adaptation du chiisme à la modernité.
Sur le plan théorique, les théoriciens de l’adaptation insistent sur la prééminence de la religion sur les sciences. Dans la pratique, le clergé souhaite soumettre les intellectuels aux désidératas du clergé, sans les évincer complètement de la scène politique et sociale. Cette approche s’accompagne d’une guerre de l’ombre acharnée qui les oppose et qui se manifeste par des déclarations de type : «Nous (mollahs) n’avons pas besoin d’intellectuels».
Des centaines de milliers d’intellectuels «non conformes» ont été poussés vers la porte de sortie et ont quitté le pays pour travailler, pour les plus chanceux, dans des centres de recherche, des hôpitaux et autres bureaux d’étude en Occident et, pour les moins chanceux, pour gonfler les rangs des chômeurs, ou occuper un travail dévalorisant sans rapport avec leurs diplômes et leur expérience.
La foi n’étant pas suffisante pour affronter les armes sophistiquées de Saddam Hussein ou conjurer les menaces d’intervention des puissances militaires, un grand effort fut consenti pour reformer des spécialistes croyants, capables de faire tourner la roue de l’industrie et rattraper le retard scientifique et technologique pris par l’Iran à la suite du départ de nombreux cerveaux.
Des universités ont fleurie aux quatre coins du pays, des centres de recherches militaires ont été développés un peu partout. Les centrifugeuses pour enrichir de l’uranium, la panoplie de missiles, l’avion de chasse Saegheh et le satellite Omid, mis en orbite par une fusée iranienne (pour ne parler que de ces réalisations) sont sortis des centres de recherche et des usines de la République islamique pour renforcer la capacité militaire et technologique du pays. Parallèlement, l’illettrisme a été combattu et près de 85% des Iraniens ont été instruits dans les écoles, installées dans les endroits les plus éloigné du pays.
L’instruction des Iraniens et le développement de l’intelligentsia a renforcé les valeurs de la République: liberté d’expression, de presse, de réunion, d’élire ses représentants, etc. L’internet et le téléphone portable relient les Iraniens entre eux et à l’étranger. Mais, le clergé continue de claironner que «la foi prime sur les sciences», qualifiant les gens d’«ignorants» (pour ne pas dire moutons) ayant besoin de «bergers» pour rester dans la «bonne voie».
La fraction du clergé chiite, cupide, richissime et à la tête des fondations-trusts, agglutinée autour du duo Khamenei-Ahmadinejad, contrôle une part importante de l’économie nationale. Elle s’est sentie menacée par la montée en puissance du peuple instruit et contestataire. Les femmes jouent un rôle de premier plan dans la dénonciation des lois abjectes et médiévales de la République islamique. Il était temps de trancher entre les réformes dynamiques indispensables, souhaitées par le peuple et par la fraction intellectuelle et réformatrice du régime et l’immobilisme moyenâgeux islamique.
Il est à souligner que l’aile réformatrice est prise entre deux feux : celui de l’aile bigote millénariste qui a fini par concentrer tous les leviers du pouvoir entre ses mains ; et par celui du peuple instruit qui ne veut plus être traité comme des moutons et «être dirigé comme avant».
Pour la fraction réformatrice, s’aligner sur l’aile millénariste signifie la fin de la République islamique, un régime «bicéphale», telle qu’elle a été envisagée par son fondateur. La disparition de la République islamique signifie également l’exclusion des intellectuels croyants du pouvoir. La République se transformant en Califat, version islamisée de l’Empire Perse.
Dans le deuxième cas, le peuple révolté peut rapidement se transformer en révolutionnaire, balayant la République islamique.
Au cours des manifestations qui ont secoué l’Iran, les réformateurs ont surement entendu des «mort au dictateur», «mort à Khamenei» et «mort à la République islamique». Les réformateurs, ont su entrés en scène, prendre la tête de la contestation, aux cris de «sauver la République islamique», menacée aussi bien par les millénaristes que par le peuple révolutionnaire.
Les Iraniens se radicalisent jour après jour. Ils sont décidés d’en finir avec les bigots intégristes, les vrais putschistes du 12 juin. Certains vont même plus loin et ne veulent plus de la République islamique et de la religion. Sentant le danger qui plane sur le régime, les réformateurs résistent et se montrent intransigeants. Même Khatami, l’ancien président de la République, connu pour sa modération, se radicalise et parle du «coup d’état de velours contre le peuple et l’ordre républicain».
Dans son communiqué du premier juillet, Mir Hossein Moussavi énonce ses exigences: l’application de l’article 27 de la Constitution qui prévoit l’autorisation de manifestations pacifiques; liberté de parole, liberté de la presse ; fin de la censure, y compris sur Internet ; libertés politiques et création d’une télévision privée pour contrebalancer le service public, libération de tous les prisonniers politiques ; arrêt des pressions pour obtenir de faux aveux des prisonniers, création d’une nouvelle loi électorale difficile à enfreindre, etc.
Les exigences formulées dans le communiqué de M.H.Moussavi rejoignent la volonté du peuple. A son tour, le quartier général de Moussavi a fait circuler la photo de l’entourage proche de Moussavi, désignant ainsi les futurs dirigeants de l’opposition. Une façon de fermer la porte à l’émergence d’une opposition hostile à la République islamique.
Jeudi 2 juillet, une manifestation a été organisée devant l’ambassade de Russie à Téhéran pour protester contre les messages de félicitation envoyés par le gouvernement russe à Ahmadinejad. Les mères des jeunes disparus ont envoyé une missive aux Iraniens résidents à l’étranger, les suppliant de tout mettre en place pour empêcher la reconnaissance par les pays européens d’Ahmadinejad comme le nouveau président de la République.
Bref, l’Iran est en ébullition et les peuples musulmans du Moyen-Orient retiennent leur souffle. La lutte sera longue et dure et la victoire éventuelle et souhaitée de l’opposition aura des conséquences positives stratégiques pour tous les peuples des pays arabo-musulmans et, peut-être même, au-delà.
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