Paix et Justice au Moyen-Orient
STRASBOURG, le 6 mai 2016
Alep à moi, le Golan à toi
Un titre provocateur ? Non, ce titre exprime une
réalité. Les protagonistes qui déversent des tonnes de bombes, qui pratiquent
la terre brulée, détruisant des infrastructures, des hôpitaux, des écoles,
etc., n'ont rien à cirer des civils, de leurs histoires, de leur vie et de
celle des êtres humains en général qu'ils voient comme des pions à manipuler,
sur un échiquier qui ne connait que le rapport de forces militaires. Le roi doit
être maté. C'est tout.
Au départ, Alep n'était qu'une antique ville
industrielle, la deuxième plus grande ville syrienne après Damas. Au fil des
combats, Alep est devenue La ville d'importance stratégique. Qui mettra la main
sur cette ville, gagnera la guerre en Syrie, dominera Damas, deviendra la
superpuissance régionale, s'assurera la maitrise du Liban et des côtes est de
la Méditerranée, confortera sa position de puissance mondiale.
Les puissances occidentales, Etats-Unis en tête,
sont conscientes que la Russie et l'Iran tiennent stratégiquement à la Syrie,
donc à Alep. C'est une question de vie ou de mort que nous avons développé dans
nos précédentes analyses. La Russie s'appuie sur l'arsenal nucléaire de la
Corée du Nord chaque fois qu'elle se met à la table des négociations avec les
Etats-Unis qui adoptent, alors, une attitude conciliante.
Attitude conciliante ne signifie pas abdication.
Avec ses amis saoudiens, turcs et les milices wahhabites aux ordres (le Front
Al-Nosra, Ahrar Al-Cham, Jaich Al-Fatah) très actives à Alep, les Etats-Unis
mènent une sorte de guerre d'usure, voire épuisante pour les finances de la
Russie et de l'Iran qui n'ont pas les même ressources que les puissances
occidentales, patrons mondiaux des finances (FMI, Banque Mondiale, Banque
Centrale Européenne, etc.), du commerce et gendarmes des liaisons maritimes,
donc des océans et des détroits stratégiques.
Profitant du cessez-le-feu du 27 février, l'Arabie
saoudite a livré 2000 tonnes d'armes au Front Al-Nosra, filiale syrienne d'Al
Qaida, à Alep qui s'en sert pour résister aux assauts de l'armée syrienne, de
l'aviation russe, des miliciens du Hezbollah libanais, afghans, irakiens,
conseillés par des militaires iraniens. Comme on pouvait s'y attendre, la trêve
a été rompue, car elle a permis à l'adversaire de se réarmer.
Sous le feu nourri de l'aviation russe et des
fantassins syro-iraniens, les djihadistes aux ordres des puissances
occidentales risquent l'encerclement à Alep. Du matériel militaire a été stocké
aux abords d'Alep et le spectre d'une offensive généralisée plane sur Alep qui
semble à portée de main du régime syrien. Mais, un autre round de négociations
a imposé un "régime de silence"
comprenant Alep, pour 48 heures, à partir du mercredi 4 mai 2016.
Le "régime
de silence" n'a pas empêché les djihadistes d'Al-Nosra, branche
syrienne d'Al-Qaida, de reprendre le contrôle d'un village stratégique au sud
d'Alep. On voit bien que les belligérants profitent des trêves et autres "régimes de silence" pour consolider
leurs positions, au détriment des civils.
Sur le plan politique, la situation entre les
protagonistes progresse sous forme de combats acharnés, déplacements continuels
des émissaires d'une capitale à une autre, négociations de longues durées,
trêves négociées, reprises des combats, etc.
La négociation existe également au sein de chaque
camp. A chaque étape de l'avancement ou du recul des belligérants sur le
terrain, les "amis" d'un camp devraient s'entendre sur l'attitude à
adopter; une entente qui ne se fait pas en un claquement de doigt. C'est vrai
aussi bien pour les puissances occidentales qu'orientales. La France et la
Turquie qui voulaient la peau d'Assad ont dû faire marche arrière et s'aligner
sur les positions américaines qui ont, à leur tour, modifié à maintes reprises
leur plan sur la Syrie et le régime syrien.
Il est à souligner que la guerre d'usure et
d'épuisement ne peut pas durer éternellement et, pour les éviter, chaque camp
devra faire des concessions. Tout porte à penser que les Russes et les
Américains se soient entendus sur la récupération totale d'Alep par le régime
de Bachar Al-Assad. Qu'a-t-il cédé en échange ?
La surprise est venue du conseil des ministres
israéliens qui s'est délocalisé dimanche 17 avril sur le plateau du Golan,
territoire syrien annexé par Israël après la guerre éclair de six jour en 1967.
Selon le premier ministre israélien " le
plateau du Golan restera à jamais entre les mains israéliennes".
Hormis les réactions diplomatiques d'usage des uns
et des autres; des réactions "indignées" parfois "virulentes", truffées de menaces,
de la Ligue arabe, de l'Union européenne ou des Etats-Unis, insistant sur le
caractère sacré des frontières établies, etc., nous sommes en droit de nous
demander si le Golan n'a pas été négocié par Moscou et Washington contre Alep ?
L'accord Alep contre le Golan, s'il existe, ne peut se faire sans le
consentement de tous les belligérants, y compris syriens et iraniens ainsi que
saoudiens et turcs.
Les hommes politiques sont avant tout des joueurs
d'échecs sans principes. L'amour de la patrie, la défense du pays et des
frontières, la guerre contre l'agresseur jusqu'à la "dernière goutte du sang", la protection des lieux saints
(propagande officielle iranienne) sont des comptines racontées par des hommes
politiques, sans foi ni loi, pour mobiliser les combattants, réduits à de
"la chair à canons". Des djihadistes du Front Al-Nosra, certifiés
wahhabites, n'hésitent pas, à leur tour, à se faire soigner côté israélien.
Pragmatisme oblige.
Pour
quelle raison le régime de Bachar Al-Assad, dictatorial et corrompu,
échapperait à la règle et, en s'asseyant sur son "patriotisme", ne céderait pas un "bout" du
territoire arabe et national à l' "entité sioniste" pour sauver son
régime ? C'est de l'horrible "real politique", n'est-ce pas ?
https://pgibertie.com/2016/05/18/les-grandes-questions-dactualite-2015-2016/
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