Paix et Justice au
Moyen-Orient
STRASBOURG, le 4 septembre 2018
geopolitique.mo67@gmail.com
La
lutte finale à Idlib
Le reflux occidental au Moyen-Orient
Comment comprendre la dynamique géopolitique
actuelle au Moyen-Orient ? Pour certains médias, cette dynamique s'apparente
plutôt à un «nouveau désordre» (Courrier international du 30 août au 5
septembre 2018). Faut-il rappeler que les médias occidentaux parlent de «désordre» chaque fois que l'hégémonie
des puissances militaires occidentales est contestée. Lesdits médias parlent de
«stabilité» dans le cas de domination
sans partage d'une région ou d'un pays par des puissances colonialistes
euro-américaines.
Avant la chute de l'Union soviétique, l'Irak et la
Syrie étaient parrainés par elle qui, en les armant, les protégeait face à la
convoitise des puissances occidentales. L'affaiblissement, puis la chute de
l'Union soviétique mirent l'Irak et la Syrie à portée de main de l'armée
américaine qui envahit puis conquit l'Irak en 2003.
La Syrie devait subir le sort de l'Irak. Mais, les
accords militaires irano-syriens et la percée du Hezbollah au Liban - ainsi que
sa victoire sur l'armée israélienne qui dut évacuer le Sud Liban - ont créé de
facto une alliance tripartite puissante, obligeant Washington et ses obligés
locaux à revoir leurs plans, agir autrement.
Il leur fallait d'abord casser l'alliance
tripartite en commençant par son maillon le plus faible, le Hezbollah libanais.
Le choix a donc porté sur le Liban, petit pays divisé où l'Occident a des
soutiens solides en la personne de Saad Hariri et où le Hezbollah semblait une
proie facile pour la machine de guerre israélienne. La Syrie après le Liban, se
disaient (peut-être) les américano-saoudo-israéliens.
Malgré les 33 jours d'une guerre destructrice en
2006 au Sud Liban, le Hezbollah est sorti de cette guerre encore plus puissant
qu'avant.
Saisissant la période des «Printemps arabes», le
pouvoir syrien devait être broyé, à son tour, par les obligés de l'Occident, en
particulier la Turquie et l'Arabie saoudite et leurs milliers de djihadistes.
Après sept ans de guerre sans merci, Bachar Al-Assad, soutenu activement par
l'Iran et la Russie, est toujours là.
Anti-impérialistes
et djihadistes
Il est très important de noter que les puissances
américano-britanniques, à cause de leurs interventions fréquentes sous forme de
coup d'état, provocation d'agitations sociales, soutien aux rebellions
ethniques conduisant au démantèlement des pays souverains, etc., sont craintes
et honnies dans toute la région. Aux yeux de la population moyen-orientale,
l'intervention des américano-britanniques au Moyen-Orient revêt donc un
caractère colonialiste. L'opposition à cette intervention revêt automatiquement
un caractère anticolonialiste.
Ce principe n'échappe par aux autorités iraniennes
qui, à cause de leur hostilité envers les Etats-Unis, puissance menaçante,
oppressive et ouvertement pro-israélienne, arrivent à attirer la sympathie
croissante de l'ensemble des peuples du Moyen-Orient, voire au-delà.
Les Etats-Unis et leurs obligés locaux, en
particulier l'Arabie saoudite, ne restent pas les bras croisés. En effet,
depuis les années 1950 et le développement du mouvement anticolonialiste au
Moyen-Orient qui a conduit à la naissance des régimes «anti-impérialistes» en
Egypte, en Irak et en Syrie, nous observons l'essor du wahhabisme et du
salafisme qui diffusent le venin de «la guerre de religion» - sunnite contre
tous les «impies» et «mécréants» - au Moyen-Orient, voire en Europe et en
Amérique.
La réalité est que la «la guerre de religion»,
financée et armée par l'Arabie saoudite et les Etats-Unis, éloigne la guerre
«anti-impérialistes» de ses objectifs, profite largement aux forces
colonialistes, en particulier à leurs parrains américains et saoudiens.
Compte tenu du caractère anticolonialiste des
mouvements de libération au Moyen-Orient, une partie des djihadistes
wahhabites, retourne ses armes contre les Etats-Unis et l'Arabie saoudite,
accusée à son tour de servir les intérêts des Etats-Unis, «puissance croisée» !
Ce fut le cas d' «Al Qaida» en Afghanistan et de «l'Etat islamique» en Irak et
en Syrie.
Cela n'empêche pas les Etats-Unis de s'appuyer
occasionnellement sur lesdites forces djihadistes pour combattre leurs
adversaires du moment (l'Iran, la Russie) au Moyen-Orient.
La guerre de
partage au Moyen-Orient et la nouvelle puissance montante.
C'est encore le cas en Irak ou en Syrie où les
médias occidentaux mettent l'accent sur la guerre de religion sunnite-chiite
opposant l'Iran aux forces pro-américaines et wahhabites.
Les médias passent sous silence le caractère
mondial de cette guerre qui ravage la région et à laquelle participent une
soixantaine de pays étrangers, en particulier les vieilles puissances
colonialistes dont les Etats-Unis, le Royaume uni, la France, l'Allemagne, la
Russie, etc.
C'est une guerre pour des zones d'influence que se
livrent lesdites puissances au Moyen-Orient, à laquelle s'est invité l'Iran, la
nouvelle puissance montante.
Une guerre
entre l'Iran et les Etats-Unis est-elle envisageable ?
Etant donné les tensions croissantes entre les
Etats-Unis et leurs obligés locaux, d'une part, et l'Iran, d'autre part,
certains n'hésitent pas à brandir la menace imminente d'une guerre entre les
deux protagonistes.
C'est oublier que, depuis la chute du pouvoir des Pahlavi en 1979, les Etats-Unis -
qui ont perdu leur hégémonie sans partage au Moyen-Orient, carrefour de trois
continents, et des détroits hautement stratégiques d'Ormuz et de Bab Al-Mandeb,
menacés par le mouvement yéménite Houthiste, soutenu par Téhéran - sont en guerre (via des pays voisins et
Israël) contre l'Iran (et ses alliés),
pays clé de la région.
Ces guerres d'inspiration américaine qui durent
depuis 38 ans se sont soldées (au moment où nous rédigeons cette analyse), par
la destruction du Liban Sud, de l'Irak, du Yémen et de la Syrie. Un immense
champ de ruines. Sans parler des dizaines de milliers de morts civils et
militaires, des millions de déplacés qui jonchent l'histoire tourmentée de
cette région.
Les gagnants
et les perdants
Parallèlement, l'Iran en a profité pour renforcer
sa position régionale, acquérir des zones d'influence en Afghanistan, au Liban,
en Irak, en Syrie.
Les Etats-Unis sont les vrais perdants de cette
guerre sans fin. Ils perdent du terrain au profit de l'Iran et de la Russie,
invitée de l'Iran sur la scène syrienne. Les dettes américaines explosent, son
armée est démoralisée, son hégémonie mondiale sérieusement contestée.
Impuissants à battre militairement l'Iran et ses
alliés, les Etats-Unis, soutenus par les puissances occidentales (la France, le
Royaume uni, l'Allemagne) sortent leur dernière arme, celle des sanctions
économiques, même contre leurs propres alliés, si ceux-ci ne respectent pas la
Pax americana !
Le malaise est total. En effet, pour combler leurs
déficits colossaux, les Etats-Unis mènent actuellement une guerre économique
tous azimuts contre leurs propres alliés. L'objectif : mettre à contribution
les finances de ces derniers pour éponger leurs propres dettes astronomiques.
La tension est palpable entre les Etats-Unis et leurs alliés chinois et
européens qui n'apprécient guère la méthode brutale de détroussage d’une
administration Trump à bout de souffle.
La lutte
finale à Idlib
Actuellement, Idlib est la seule région syrienne
qui échappe au pouvoir syrien et à ses alliés Iraniens et Russes. L'armée turque
et les djihadistes wahhabites présents à Idlib représentent le dernier carré de
résistance des puissances occidentales encore actives en Syrie.
Tout porte à croire que l'armée turque et les
miliciens djihadistes divisés ne résisteront pas longtemps face au rouleau
compresseur de l'armée syrienne, soutenue par des miliciens chiites aguerris
encadrés par les conseillers iraniens et l'aviation russe.
Le pouvoir
syrien, l'Iran et la Russie sont les grands gagnants de la guerre de Syrie. L'Union européenne souhaite
vivement participer à la reconstruction de la Syrie qui lui permet également de
rester présente dans cette partie hautement stratégique du Moyen-Orient. Or,
pour revenir en Syrie, il faut négocier avec l'Iran.
La Syrie est devenue l'atout stratégique de l'Iran
face aux puissances occidentales (sauf les Etats-Unis) qui maintiennent des
canaux de négociation avec l'Iran.