Politique et géopolitique. Deux siècles de guerre au Moyen-Orient et en Asie Centrale. Analyse géopolitique de l'évolution des rapports de forces des acteurs régionaux et mondiaux au Proche et au Moyen-Orient: Afghanistan, Irak, Iran, Liban, Palestine et Syrie face à une guerre permanente. Naissance d'une nouvelle alliance militaire de portée mondiale.
26.12.14
24.11.14
16.10.14
Analyse 20 (2014) : Quelle est la mission de Da'ech* ?
Paix et Justice au Moyen-Orient
STRASBOURG,
le 16 octobre 2014
Quelle est la mission
de Da'ech* ?
- Les
puissances occidentales agissent-ils dans l'intérêt des peuples ?
A l'origine, la naissance et le développement des
mouvements djihadistes ont été encouragés par le régime syrien, aux abois, qui
a tenté un coup de poker : lancer des djihadistes obscurantistes, voire
esclavagistes, adeptes de la guerre de religion, sur la scène syrienne pour
diviser l'insurrection. Comme nous l'avons écrit dans l'analyse 19 (2014)
: "le régime syrien se posait comme le rempart de la civilisation contre
une horde de fanatiques islamistes d'Al Qaida. Acculé, le régime de Bachar
El-Assad a ouvert les portes de ses prisons en libérant les islamistes en même
temps que les prisonniers de droit commun !
Lesdits
prisonniers fondamentalistes ont créé leur organisation djihadiste et le régime
de Bachar El-Assad a fini par atteindre ses objectifs : diviser l'insurrection.
En effet, peu de temps après, les organisations djihadistes (Jabhat Al-Nosra et
Etat Islamique en Irak et au Levant (EIIL)) se sont retournés contre les
insurgés laïcs [qualifiés d'impies !]. Certains
insurgés laïcs ont même qualifié les djihadistes d'agents des services syriens
! "
Comme nous l'avons écrit dans l'analyse 17 (2014)
:" Contre toute attente du régime
syrien et au lieu de se retourner contre les djihadistes fanatisés, les puissances
occidentales et leurs alliés locaux les ont soutenus financièrement et
militairement. Un joli coup de poker géopolitique. La récupération des
djihadistes par le trio fut un succès. L'Arabie saoudite, le Qatar, voire même
le Kuwait, alimentaient la caisse des djihadistes, tandis que "les
autorités [turques] ont longtemps fermé les yeux sur le passage de ces rebelles
le long de la frontière turco-syrienne et sur les activités de leurs soutiens
sur le sol turc." "
Lancée initialement pour instaurer un Etat de Droit
en Syrie, la guerre civile en Syrie s'est transformée en guerre confessionnelle
sunnite (wahhabite)-chiite, si chère aux Saoudiens et à ses soutiens
occidentaux et turcs.
Actuellement, 4 puissances profitent amplement de
la présence de Da'ech et ne sont pas prêts de s'en passer :
1- Le régime syrien qui a réussi à diviser
l'insurrection, à "libérer" la partie vitale de son territoire et
dont l'armée tente d'encercler définitivement Alep.(1)
2 - Le régime turc qui observe perfidement le massacre
des Kurdes de Kobané par les djihadistes esclavagistes. Au lieu d'aider les
Kurdes, ses ennemis jurés, l'aviation turque bombarde les postions du PKK (le
parti des travailleurs kurdes) en territoire irakien. Sur le terrain, le régime
turc se comporte comme un allié actif de Da'ech.
3 - Les Etats-Unis se servent de Da'ech comme
instrument de pression sur ses adversaires locaux, en particulier l'Iran. Ils
souhaitent contrôler, voire réduire l'influence iranienne en Irak. Grâce à
l'avancée fulgurante des djihadistes en Irak, les Américains ont imposé à
l'Iran le départ de Nouri Al-Maliki, ancien premier ministre et pion de l'Iran.
L'actuel premier ministre, Haïdar Al-Abadi, est le chef du "cabinet
d'union" souhaité par Washington. Il s'agit d'un cabinet d'
"union" des intérêts américano-iraniens en Irak ! Ce n'est pas tout.
Tout porte à croire que les agents américains et saoudiens sont actifs au sein
de Da'ech qui essaie de déstabiliser les frontières ouest de l'Iran.
L'activisme américaine double d'intensité à l'approche du 24 novembre, date
officielle de la fin des discussions sur le nucléaire iranien.
4 - L'Arabie saoudite, spécialiste en démolition,
adepte de la guerre de religion, faible sur le plan technologique et militaire,
n'a jamais joué un rôle stratégique au Moyen-Orient. Le but de l'Arabie
saoudite : devenir une puissance politique et militaire à l'échelle de la
région, contrer et contrôler la puissance grandissante de l'Iran en élevant des
obstacles (Da'ech) sur la route de l'Iran. D'autant plus que les rebelles
yéménites chiites d'Ansaruallah, appelé "houthis", avaient pris le
contrôle, en quelques jours, de plusieurs bâtiments publics de la capitale
yéménite. Les "houthis" sont solidement implantés dans les quartiers
nord de Sanaa.(2) Pour les Saoudiens, les rebelles
"houthis" sont des alliés de l'Iran qu'il faudra mâter. Da'ech aux
frontières ouest de l'Iran est un contrepoids qui permet d'exercer des
pressions sur l'Iran afin de ralentir la "progression chiite" dans la
région.
Les puissances occidentales, en particulier
américaine et les puissances orientales russe, iranienne et chinoise, pensent
avant tout à leurs intérêts économiques et géopolitiques. Le sort de la
population se trouvant sur le champ de bataille les indiffère. C'est le cas des
Kurdes syriens massacrés actuellement à Kobané en Syrie. L'intervention de
l'aviation américaine et alliées sert avant tout à limiter la liberté de
manœuvre de Da'ech et à prendre en main la direction de l'organisation
djihadiste. Un coup d'état au profit de "modérés" au sein de Da'ech
n'est pas à exclure.
les Etats-Unis veulent-ils vraiment en finir avec
Da'ech ? Nos analyses ainsi que le témoignage des acteurs locaux laissent
planer le doute sur la volonté réelle des Etats-Unis de vouloir en finir avec
l'organisation djihadiste.
Nilufer Koc, la coprésidente du Congrès national du
Kurdistan reproche aux bombardements de manquer d'efficacité.(3) Du
côté des brigades rebelles anti-Assad, le même dépit est perceptible. Selon les
insurgés, les bombardements sont trop concentrés sur les centres de
commandement de l'EI (Etat Islamique), et pas assez sur les zones de combat.
"Les dégâts causés aux djihadistes
sont minimes".(3)
C'est que la mission destructrice de Da'ech, un
instrument aux mains des puissances mondiales et régionales, n'est pas
terminée. Car l'équilibre des forces rompu en 1979 après la chute du Chah
d'Iran, et suite à l'effondrement de l'Union soviétique, n'est pas encore
rétabli. L'Afghanistan est sous la coupe des Etats-Unis. Le régime syrien,
encore fragile, devra se consolider même s'il reste attaché aux puissances
orientales. Le sort de l'Irak est encore très incertain.
Qui occupera
le terrain envahi actuellement par l'organisation djihadiste ? Jusqu' où
s'étendra la puissance de l'Iran ? Quel sera l'étendue de la balkanisation de
l'Irak ?
La réponse aux questions posées et tant d'autres qui vont se poser et que nous
ignorons encore permettra de voir le bout du tunnel d'une vie sans Da'ech.
Barack Obama, président des Etats-Unis, prévoit une période de deux ou trois
ans. C'est déjà pas mal !
*L'acronyme
arabe de l'Etat Islamique en Irak et au Levant (EIIL)
1)
Hélène Sallon - Le
Monde du 07 octobre 2014.
2)
François-Xavier Trégan - Le Monde du 23 septembre 2014.
3)
Benjamin Barthe - Le Monde du 1er octobre 2014.
4.10.14
Analyse 19 (2014): L'imbroglio moyen-oriental. L'Iran en ligne de mir des frappes américaines
Paix et Justice au Moyen-Orient
STRASBOURG,
le 04 octobre 2014
L'imbroglio
moyen-oriental
L'Iran en ligne de mir des frappes
américaines
Trois
phénomènes coexistent au Moyen-Orient:
1 1) Le
combat des peuples et nations pour la transformation et le progrès social,
2 2) Le
combat des peuples et nations contre l'ingérence étrangère, le néocolonialisme
et le colonialisme,
3 3) La
rivalité inter-colonialiste.
Exemple
de la Syrie
En
2011, le peuple syrien s'est révolté contre le régime dictatorial de Bachar
El-Assad. L'objectif des révoltés : instaurer un Etat de Droit, respectueux des
libertés élémentaires démocratiques en Syrie.
Sans
hésiter, le régime syrien a fait tirer sur la foule des manifestants
pacifiques, qualifiés de "terroristes". A plusieurs reprises, les
ambassadeurs britannique et français se sont rendus dans certaines villes
insurgées dans le but d'apporter le soutien de leur gouvernements respectifs
aux manifestants. C'est le début de l'ingérence étrangère dans les affaires
syriennes.
Face
à l'impasse et à la répression sanglante du régime syrien, une fraction des
insurgés a pris les armes pour combattre militairement le régime de Bachar
El-Assad.
La
militarisation de l'insurrection a ouvert un boulevard devant les puissances
régionales et mondiales qui poursuivaient (et poursuivent) d'autres objectifs
que ceux pour lesquels se battaient les insurgés. En effet, l'insurrection
avait besoin d'argent (pour financer ses achats d'armes, les militaires
insurgés et leurs familles) et des armes de plus en plus sophistiquées : des fusils
mitraillettes, des lance missiles, des missiles antichars, des armes lourdes,
des munitions, etc.
Pour
harmoniser leurs actions, les puissances occidentales (les Etats-Unis, la
France, la Grande Bretagne, l'Allemagne) et locales (l'Arabie saoudite, le
Qatar, la Turquie) se sont regroupés dans l'associations des "amis du
peuple syrien" et n'ont pas hésité à financer l'insurrection djihadiste et
à lui fournir des armes. Les djihadistes étaient aux portes du pouvoir.
Le
régime syrien se posait comme le rempart de la civilisation contre une horde de
fanatiques islamistes d'Al Qaida. Acculé, le régime de Bachar El-Assad a ouvert
les portes de ses prisons en libérant les islamistes en même temps que les
prisonniers de droit commun !
Lesdits
prisonniers fondamentalistes ont créé leur organisation djihadiste et le régime
de Bachar El-Assad a fini par atteindre ses objectifs : diviser l'insurrection.
En effet, peu de temps après, les organisations djihadistes (Jabhat Al-Nosra et
Etat Islamique en Irak et au Levant (EIIL))
se sont retournés contre les insurgés laïcs. Certains insurgés laïcs ont même
qualifié les djihadistes d'agents des services syriens !
A
leur tour, les "amis du peuple" syrien ont saisi l'occasion et ont
manifesté leur soutien aux djihadistes. La Turquie s'est transformée en base
arrière des insurgés. Sous la protection de l'armée turque, les djihadistes
étaient transportés par cars entiers jusqu'à la frontière turco-syrienne. Les
ressortissants turcs et saoudiens forment l'essentiel du contingent djihadistes
au sein de l'Etat Islamique (EI).
A
l'échelle mondiale, les médias des "amis du peuple syrien" ont lancé
une vaste campagne de propagande en faveur des djihadistes, attirant un flot de
jeunes islamistes fanatisés et de financements vers l'organisation wahhabite.
L'Europe, les riches émirats du Golfe Persique, l'Asie centrale, l'Asie du Sud,
etc., financent et alimentent ainsi l'EI
en militants.
Selon
les estimations officielles, "plus
de 10% des étrangers combattant dans les rangs de l'EI" seraient
originaires d'Asie du Sud-Est. Les collectes de fonds organisées auprès
d'individus, d'associations, voire de formations politiques, financent, dans
cette région, les départs vers le Proche-Orient, la propagande et alimentent
les caisses des djihadistes" (1)
Grâce
aux "amis du peuple syrien", la révolte du peuple syrien pour
l'instauration d'un Etat de Droit, s'est transformée en guerre confessionnelle
sunnite (wahhabite)-chiite. Le pouvoir en Syrie paraissait à portée de main des
djihadistes. Mais, la Russie, soutien indéfectible du régime syrien, a opposé
son véto au renversement de Bachar El-Assad et, avec l'implication énergique de
l'Iran, a réussi à maintenir en vie le régime moribond de Bachar El-Assad.
Dès
lors, l'armée syrienne est passé à l'offensive, reprenant du terrain,
"libérant" les villes les unes après les autres. Les djihadistes
avaient perdu leur utilité et vivotaient en attendant les jours meilleurs.
Il
est à souligner que l'intervention des puissances occidentales, en particulier
les Etats-Unis et leurs amis du Golfe Persique en Syrie, visait avant tout
l'axe Damas-Téhéran. La chute de Damas aurait facilité celle de Téhéran, bête
noire de l'Arabie saoudite et des Etats-Unis qui voient en Téhéran un
adversaire à abattre.
A
défaut de pouvoir se débarrasser de Téhéran, les Etats-Unis font tout pour contenir
sa puissance militaire et son influence politique dans la région. A commencer
en Irak où l'Iran a mis la main sur l'Etat irakien. Comment faire reculer
l'influence iranienne en Irak ? C'est là que les américano-saoudiens ont avancé
leur pion, l'EIIL, sur l'échiquier
irakien. En effet, après l'effondrement de l'armée, c'est l'Etat irakien qui
était menacé d'effondrement. Devant l'expansion et la menace grandissante de
l'organisation djihadiste, munie d'armes lourdes et de chars d'assaut, l'Iran a
accepté de partager le pouvoir étatique en Irak avec les Etats-Unis. Un beau
coup de poker géopolitique américain !
Comme
Al-Qaïda en Afghanistan, l'EIIL s'est
à son tour émancipé de ses protecteurs saoudiens, qataris, turcs et américains.
Forte de ses gains territoriaux, de son armement et de ses miliciens dévoués,
l'EIIL s'est transformé en EI (Etat Islamique), défiant les
puissances régionales et mondiales. L'expérience montre que la géopolitique
n'est pas le fort de djihadistes bornés, adeptes de la guerre de religion,
ennemis de tout sauf des wahhabites.
Combattre
l'EI qui menace désormais l'hégémonie
régionale des américano-saoudiens a conduit à la troisième guerre d'Irak. Mais,
derrière le bombardement des positions de l'EI
en Irak et en Syrie, c'est la volonté américaine de contenir les ambitions militaires
et politiques de l'adversaire iranien qui apparait en filigrane.
En
effet, l'EI est encerclé; ses forces,
ses matériels de guerre, raffineries, silos et centres de commandements sont
constamment bombardés. L'EI est
paralysé et il manquera bientôt de tout: des armes, munitions, véhicules de
transport de troupes, pétrole, nourriture, etc. Les velléités militaires d'expansion
territoriale de l'EI s'apparente plus
à une fuite en avant qu'à une réelle manifestation de puissance. La chute de l'EI ne fait aucun doute.
L'intervention
de l'aviation américaine et de ses alliés du Golfe Persique est, avant tout,
une manifestation de force, renferment un message sans ambigüité adressé à l'Iran,
à l'approche du 24 novembre(2): les Etats-Unis et ses alliés sont
suffisamment puissants et disposent de tous les moyens pour intervenir, si
nécessaire, contre les installations nucléaires et militaires iraniennes afin de
limiter ses ambitions militaires et politiques. Ils n'ont pas besoin d'Israël.
A
son tour, la Turquie a rejoint la coalition internationale. Ce pays manifeste
une forte animosité envers les Kurdes. D'où la grande méfiance des combattants
kurdes envers l'armée turque. Ce qui n'arrange pas les visées américaines dans
la région.
Question
: l'armée turque a-t-elle obtenu le mandat des Etats-Unis pour occuper le
terrain perdu par l'EI ? Ce qui n'est
pas du goût ni de l'Irak, ni de ses amis iraniens et russes. Quel imbroglio !
1) Jacques
Follorou - Le Monde du 2 octobre
2014.
2) La
date butoir pour parvenir à un accord nucléaire final entre l'Iran et les pays
du groupe dit "P5 + 1" (Etats-Unis, Russie, France, Royaume-Uni,
Chine et Allemagne) a été fixé au 24 novembre 2014.
22.9.14
Analyse 18 (2014): Les djihadistes, force de frappe des américano-saoudiens
Paix et Justice au Moyen-Orient
STRASBOURG, le 22 septembre 2014
Les
djihadistes, force de frappe des américano-saoudiens
- L'Arabie saoudite est le pays
formateur et fournisseur officiel des troupes de tueurs djihadistes dans
le monde !
Vers les années 1980 -2000, on les appelait
djihadistes arabes, apparus en péninsule arabique, au Yémen, arrivés en
Afghanistan dans le "sac à dos" de Ben Laden, lieutenant wahhabite,
le djihadiste en chef, formé dans les écoles coraniques militarisées
saoudiennes qui transformèrent le wahhabisme en théologie de consolidation d'un
pouvoir obscurantiste et moyenâgeux en Arabie saoudite, puis en instrument de
reconquête territoriale au service des Etats-Unis d'Amérique.
L'Afghanistan, passé sous contrôle de l'Union
soviétique, "empire du mal", selon Ronald Reagan, ancien président
américain, était la cible. La reconquête commença avec l'aide des talibans,
"étudiants" formés également dans les écoles coraniques militarisées
pakistanaises, "écoles" subventionnées par l'Arabie saoudite. Les
Etats-Unis ont armé généreusement lesdits "écoliers".
Caractéristiques particulières des djihadistes
arabes et afghans, formés par les mollahs wahhabites ? Ils étaient - et sont
toujours - nihilistes, obscurantistes, moyenâgeux et violents. Pour les
djihadistes, la mort est un visa d'entrée au paradis. Surprise: après la
reconquête de l'Afghanistan, les djihadistes arabes et talibans se sont
retournés contre leurs créateurs, qualifiés également d' "impies".
Qu'importe. Les djihadistes wahhabites - moins
organisés et moins puissants que les soviétiques - caractérisés par les médias
de monstres incontrôlables, furent vite délogés d'Afghanistan par les
Etats-Unis et ses alliés qui occupent toujours l'Afghanistan, pays charnière,
frontalier des puissances rivales des Etats-Unis. Ce qu'on appelle, en
économie, "retour sur l'investissement". En effet, la formation et
l'entretien des djihadistes ont un coût, "amorti" lors de la
récupération de l'Afghanistan !
Depuis, l'amitié djihadiste scellée entre les
Etats-Unis et l'Arabie saoudite continue à fonctionner. Car la réaction
obscurantiste moyen orientale, djihadiste ou pas, convient bien aux puissances
occidentales en général et aux Américains en particulier.
Lorsqu'un nouveau front s'est ouvert en Syrie, les
puissances occidentales s'y sont engouffrées et, fortes de l'expérience
afghane, y ont répandu le poison djihadiste. Avec cette différence qu'il y
avait, cette fois-ci, deux courants djihadistes: le front Al- Nosra, affilié à
Al Qaida, bête noire de l'Occident, et l'Etat Islamique en Irak et au Levant (EIIL), transformé en Etat islamique (EI), le nouveau né sorti des
laboratoires des pays du Golfe Persique dont l'Arabie saoudite et le Qatar, et
de la Turquie.
Avec le soutien des puissances occidentales, la
Turquie acheminait par cars entiers, escortés par l'armée turque, des milliers
de djihadistes - endoctrinés, venus du monde entier, en particulier de l'Arabie
saoudite et de la Turquie - vers la frontière turco-syrienne.
Al-Nosra n'a pas la côte auprès des monarchies du
Golfe Persique, qui l'ont soutenu, mais pas autant que sa rivale l'EIIL. En effet, Al-Nosra est resté un
groupuscule sans envergure. L'EIIL,
par contre, profita des financements, armements et logistiques de ses amis
saoudiens, qataris et turcs.
En plus de son entreprise multinationale de
fabrication et d'exportation de tueurs djihadistes, l'Arabie saoudite a même
créé un "luxueux centre où Riyad "soigne" ses djihadistes".
Spa, piscine olympique, sport et prières, endoctrinement permanent, sont au
menu des stages de "déradicalisation"
[recyclage ?], écrit Benjamin Barth, dans Le
Monde du 6 septembre 2014. Selon le général Mansour Al-Turki, porte-parole
de la police, "sur trois mille ex-terroristes [sortis des stages de "déradicalisation"], nous n'avons eu
que 10% de rechute".
La reconquête d'un tiers du territoire de l'Irak
par les djihadistes de l'EI, et le
projet américain d'étendre ses opérations militaires en Syrie, montrent que
l'usine saoudienne de fabrication de djihadistes tourne à plein régime et que
la liste d'attente d'accès à la piscine olympique, spa, sport et prière, où
Riyad "soigne" ses djihadistes", risque d'être longue.
En effet, "les Saoudiens se sont engagés à
former et à entrainer des milliers de rebelles syriens, à l'instar de la
Jordanie qui abrite un programme clandestin mené par les Américains."(1)
Des milliers de "rebelles syriens",
qualifiés de "modérés", vont donc transiter par les écoles coraniques
militarisées saoudiennes qui les transformeront en tueurs djihadistes au
service des projets américains d'asservir la Syrie. Ce "miracle"
permettra également de ressusciter la "moribonde Armée syrienne libre
(ASL)."(2)
Dernière
minute
: Le plan de Barack Obama pour armer les rebelles syriens a reçu un premier feu
vert, mercredi 17 septembre, au Congrès américain (...) La Chambre des
représentants, dominée par les républicains, a approuvé en un temps record un
plan d'équipement et d'entrainement de rebelles syriens modérés (...) M. Obama
a confirmé que l'Arabie saoudite avait accepté d'entrainer sur son sol des
troupes de l'opposition syrienne."(3)
C'est l'aveu que l'Arabie saoudite, alliée indéfectible
des Etats-Unis, est le pays formateur et fournisseur officiel des troupes de
tueurs à gage djihadistes dans le monde ! Créée au début pour combattre la
dictature de Bachar El-Assad, la rébellion syrienne "modérée" s'est
transformée en suppôt des Etats-Unis et de l'Arabie saoudite.
Les propos d'Alain Frachon, chroniqueur au
quotidien Le Monde, pèsent de tout
leur poids: "L'Arabie saoudite
pratique, cultive et exporte une version de l'islam sunnite dont le modèle
salafo-djihadiste, celui de l'EI, est une excroissance piquée aux hormones
stéroïdes." (4)
Barack Obama, Prix Nobel de la Paix, appliquera-t-il
le droit international ? Bien sûr que non. Le président américain compte
élargir le champ d'action de l'armée américaine en Syrie, "sans demander l'aval du président syrien"(5).
Ce qui a suscité l'ire de Moscou.
Que cherchent les Etats-Unis ? Récupérer les
territoires conquis par l'EI en Irak
et en Syrie pour y installer, comme en Afghanistan, un pouvoir sunnite(6)
"modéré", soumis ?
C'est le principe économique de "retour sur
investissement" qui dicte ses lois. En effet, la formation,
l'organisation, le transport, l'armement, le financement des djihadistes bornés
de l'EI par les Américains, les
Saoudiens, les Qataris, les Turques, etc., ont un coût qu'il faudra amortir.
Contrairement à l'Afghanistan, en Irak et en Syrie
il faudra compter avec l'appétit d'adversaires coriaces : la Russie et l'Iran !
Des turbulences en perspective. Et la mort ne chôme pas...
1)
Hélène
Sallon - Le Monde du 13 septembre 2014.
2)
Service
International - Le Monde du 12
septembre 2014.
3)
AFP -
Rapporté par Le Monde du 19 septembre
2014.
4)
Le Monde du 5 septembre 2014.
5)
Hélène
Sallon - Le Monde du 13 septembre
2014.
6)
Bagdad
est prêt à accepter la décomposition du pays. "Si les provinces sunnites veulent créer leur propre territoire, elles
peuvent au regard de la Constitution" a indiqué le président irakien
Fouad Massoum à Paris. Hélène Sallon - Le
Monde du 17 septembre 2014.
13.9.14
Analyse 17 (2014): Les vrais parrains de l'Etat islamique (EI) et la troisième guerre d'Irak
Paix et Justice au Moyen-Orient
STRASBOURG, le
13 septembre 2014
Les vrais
parrains de l'Etat islamique (EI) et
la troisième guerre d'Irak
- L'Iran sera-t-il
gagnant ou perdant de la troisième guerre d'Irak ?
Au plus fort de l'insurrection armée en Syrie, le
trio que composent l'Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie, soutenus par les
Etats-Unis, a tenté un coup de poker: favoriser et soutenir la radicalisation
confessionnelle de l'insurrection; une radicalisation souhaitée au départ par
le régime de Bachar El-Assad qui poursuivait deux objectifs: diviser le
mouvement insurrectionnel, puis montrer que les insurgés étaient des islamistes
fanatisés affiliés à Al Qaida, abhorré en Occident, lequel est traumatisé par
la trahison d'Oussama Ben Laden et de ses affidés en Afghanistan.
Ce coup de poker visait avant tout Téhéran, allié
de la Syrie; un allié transformé en puissance régionale, futur interlocuteur
des puissances occidentales, en particulier les Etats-Unis. Le rapprochement
américano-iranien devait reléguer tous les autres prétendants au rôle de
"puissance régionale" de second rang.
La première étape du plan du régime syrien a bien
fonctionné: les djihadistes, en particulier l'EIIL (Etat islamique en Irak et au Levant) ont mené une guerre sans
merci contre les insurgés laïcs et "impies", affaiblissant du même
coup l'opposition armée contre Bachar El-Assad. Mais, contre toute attente du
régime syrien et au lieu de se retourner contre les djihadistes fanatisés, les
puissances occidentales et leurs alliés locaux les ont soutenus financièrement
et militairement. Un joli coup de poker géopolitique.
La récupération des djihadistes par le trio fut un
succès. L'Arabie saoudite, le Qatar, voire même le Kuwait(1),
alimentaient la caisse des djihadistes, tandis que "les autorités
[turques] ont longtemps fermé les yeux sur le passage de ces rebelles le long
de la frontière turco-syrienne et sur les activités de leurs soutiens sur le
sol turc." (1)
Selon le député turc d'opposition (Parti
républicain du peuple, CHP), "des milliers de citoyens turcs seraient
partis combattre avec le groupe djihadiste ces derniers mois. Plus de 5000 volontaires."
(2) Volontaires fanatisés dans les écoles coraniques militarisées ?
Les médias aux ordres internationaux ne parlaient
plus de l'insurrection armée pour la démocratie et les droits de l'homme en
Syrie, mais des rivalités régionales sunnites-chiites séculaires, derrière
lesquelles se trouveraient l'Iran (chiite) et l'Arabie saoudite (sunnite).
Le régime syrien paraissait chancelant et la
victoire de l'opposition islamisée à portée de main. L'éditorial du quotidien Le Monde du 23 août 2012 était sans
appel: "Chacun sait, en effet, que
les jours - ou, hélas, les mois - de l'actuel régime syrien sont comptés, que
sa chute est inéluctable".
Voici ce que nous avons écrit dans l'analyse
10 du 16 juin 2013: " Même
l'essayiste Caroline Fourest, sans vérifier la fiabilité des informations
diffusées par une chaîne, filiale de la CIA, écrit dans Le Monde du 25 février 2012: "D'après Al-Arabiya, des opposants au régime iranien affirment que leur
gouvernement a fourni un four crématoire à son allié syrien. Installé dans la
zone industrielle d'Alep, il tourne à plein régime...pour brûler les cadavres
des opposants ?" " Etait-ce un appel à la mobilisation
internationale contre les islamo-fascistes à la solde de Téhéran? ça y
ressemblait.
Tout l'Occident "civilisé" et le
Moyen-Orient rigoriste et réactionnaire étaient contre le régime
"impie" de Bachar El-Assad ! Le trio jubilait et les "amis de la
Syrie" - puissances occidentales et obligés locaux - se réunissaient au
Qatar qui avait offert l'ambassade syrienne à l'opposition. Après Damas, ce
sera le tour de Téhéran, se disaient-ils en se frottant les mains !
C'était sans compter sur la détermination de la
Russie et de l'Iran pour qui la Syrie est la ligne rouge. Quelques coups de
missiles plus tard, lancés par la Corée du Nord vers la mer du japon, le
secrétaire d'Etat américain John Kerry se rendit les 7 et 8 mai 2013 en Russie
pour s'entendre avec son homologue russe: la Syrie restera dans le giron
oriental. C'est le coup de sifflet final (Analyse 10 du 16 juin 2013).
Que faire maintenant avec les djihadistes bornés et
millénaristes, un danger pour toute la région? L'expérience de l'Afghanistan a
montré que les services saoudiens ne contrôlent pas bien leurs troupes
djihadistes(3) qui se retournent contre leurs parrains. En effet,
les djihadistes de l'EI ont commencé
à déstabiliser la région. Les insurgés syriens, d'une part, et les partis
politiques libanais, d'autre part, se sont unis contre les visées hégémoniques
de l'EIIL - qui menace l'unité territoriale
de la Syrie et du Liban - dont le
programme politique stipule l'instauration d'un califat au Moyen-Orient, à
commencer par la Syrie, le Liban et l'Irak, puis l'Arabie saoudite, le Golfe
Persique, l'Iran ?
Dans la logique des puissances occidentales, il est
toujours utile de conserver l'épouvantail djihadiste quelque temps pour
arracher des concessions à l'adversaire. Ce fut fait en Irak où les Etats-Unis
ont poussé Téhéran au compromis pour la composition du gouvernement irakien,
sous la pression de l'EIIL,
transformé en EI (Etat islamique).
Tout porte à croire que Washington est tenté par
utiliser la carte de l'EI en Syrie.
Les pressions exercées sur la Russie en Ukraine ne sont pas étrangères à la
situation syrienne. Affaiblir la Russie à coup de sanctions pour imposer la pax
americana en Ukraine et en Syrie? Quelle sera la réaction de Moscou et de
Téhéran? Des turbulences en perspective.
Les Etats-Unis et l'Iran sont d'accord pour
contenir, voire détruire l'EI. Pour
l'instant, la Turquie et l'Arabie saoudite, maîtres es démolition, sont hors
jeu.
Seuls l'Iran et ses multiples milices chiites
irakiennes, syriennes et libanaises sont en mesure de mener une guerre de
guérilla intense et asymétrique. D'autant plus que Téhéran a prouvé qu'il contrôle
bien ses troupes. Des contacts ont été pris entre les représentants de
Washington et de Téhéran à Genève les 4 et 5 septembre. Dans quel but ?
Une chose est sûre: les Etats-Unis veulent empêcher
l'Iran d'étendre son influence en Irak. Ils sont prêts à déclencher une troisième guerre pour réduire
l'influence iranienne en Irak afin d'y renforcer la leur. Cette stratégie
guerrière satisferait également l'Arabie saoudite et la Turquie.
Pour imposer son autorité régionale, l'Iran devra
en finir avec l'épouvantail djihadiste de l'EI,
stabiliser l'Etat syrien, consolider sa présence en Irak, réduire la prétention
étatique des Kurdes d'Irak. Y parviendra-t-il ? A quel prix pour son économie
et la population iranienne?
Question: Vu l'implication grandissante de l'Iran
en Syrie et en Irak, peut-on encore parler de l'Iran anticolonialiste ?
1) Le Koweïtien, cheikh Hadjaj Al-Ajmi est l'un
des plus célèbres collecteurs de fonds des djihadistes. Il a posté sur son
compte Twitter une photo de lui en Syrie, au côté d'Abou Omar Al-Checheni, l'un
des chefs militaires de l'EI.
(Benjamin Barthe - Le Monde du 06
septembre 2014).
2) Guillaume Perrier - Le Monde du 1er août 2014.
3) Ed Hussain, du Council on Foreign Relations,
écrit dans l'International New York Times
du 26 août: "Voilà cinquante ans que
l'Arabie saoudite parraine le salafisme sunnite d'un bout à l'autre du globe."
"Près d'un millier de Saoudiens
guerroient dans les rangs de l'EI." Alain Frachon - Le Monde du 05 septembre 2014. On ne sait pas s'il s'agit
d'"anciens militaires", de simples citoyens ou de militants
endoctrinés dans les écoles coraniques militarisées ? La première et la
troisième hypothèse semblent les plus probables.
8.9.14
Analyse 16 (2014): La vision courte de M. Gilles Kepel, professeur à Sciences Po.
Paix et Justice au Moyen-Orient
STRASBOURG, le
08 septembre 2014
La vision courte de M. Gilles Kepel, professeur à Sciences Po.
- Le pétrole* est une arme redoutable au service des colonialistes
- La puissance qui domine le Moyen-Orient, domine le monde
Malgré tout le respect dû à Monsieur Gilles Kepel,
professeur à Sciences Po, politologue et spécialiste de l'islam, nous ne
pouvons pas nous empêcher de critiquer sa vision un peu courte de la
géopolitique du Moyen-Orient, exprimée dans les colonnes du quotidien Le Monde du 02 septembre 2014. Il est à
souligner que cette vision est largement partagée et diffusée par l'ensemble de
l'élite géopoliticienne française, exprimée dans les colonnes des médias
officiels.
A la question des journalistes Gaïdz Minassian et
Nicolas Weille "Mais le
Moyen-Orient aura-t-il la même importance ?" Gilles Kepel répond
d'emblée: "Non. Il faut tenir compte
de la perte de sa centralité dans la production énergétique mondiale.
Désormais, les Etats-Unis sont exportateurs de gaz de schiste et n'ont plus
besoin de l'énergie en provenance du Moyen-Orient. (...) Pour les Etats-Unis, dans une stratégie à
long terme où la part du Moyen-Orient dans la production d'énergie va décliner,
la question se pose de savoir si leur forte présence militaire vaut toujours la
peine."
Réduire le rôle du pétrole à un article quelconque
de consommation intérieure du marché américain constitue la grande erreur de Gilles
Kepel. En effet, pour les puissances occidentales, en particulier les Etats-Unis,
le pétrole joue un rôle stratégique
et mercantile.
Le rôle stratégique joué par le pétrole,
actuellement la principale source énergétique qui fait tourner la roue de la
civilisation mondiale ressort, une fois de plus, du conflit syrien.
Rappelons que la Syrie, un pays souverain, est
toujours membre des Nations-unies (ONU) et sa souveraineté politique et
territoriale doit être respectée par tous les pays membres de l'ONU. Mais les
puissances occidentales, en particulier les Etats-Unis et leurs alliés
régionaux (la Turquie, l'Arabie saoudite, le Qatar, Israël, la Jordanie,
l'Egypte, etc.), sont intervenus, dès le premier jour, dans le conflit syrien
en soutenant les insurgés et ce, sans le mandat de l'ONU. Rappelons-nous les
propos de Laurent Fabius, ministre français des affaires étrangères : "Le régime syrien doit être abattu et
rapidement".(1)Laurent Fabius exprimait ainsi la position
du gouvernement français, toujours animé par ses desseins colonialistes à
l'égard des pays du Moyen-Orient.
Pourquoi un tel intérêt pour la Syrie, soutenue
elle, par la Russie, l'Iran, la Chine, l'Inde, le Brésil et l'Afrique du Sud ?
Les raisons sont simples et évidentes: la conquête de la Syrie par les
"insurgés" syriens à la solde de l'Occident colonialiste aurait aidé
à combattre le Hezbollah libanais, suivi par le Hamas palestinien, aurait aidé
à la mainmise sur le Liban, à vaincre le peuple palestinien et à permettre la
victoire totale d'Israël dans cette partie du monde. Ce n'est pas tout.
Damas est la porte de Téhéran. La chute de Damas
aurait facilité celle de Téhéran qui, sans ses alliés syrien, libanais et
palestinien, serait réduit à sa portion congrue, une proie facile à dévorer.
La mainmise occidentale sur Téhéran aurait mis
toutes les sources énergétiques du globe sous la coupe des puissances
occidentales, en particulier les Etats-Unis, qui auraient du même coup complété
l'encerclement terrestre et énergétique de la Russie et de la Chine.
Dans le conflit syrien, les pays dit émergents (la
Chine, le Brésil, l'Inde et l'Afrique du Sud) ont toujours soutenu la Syrie et
l'Iran. Car lesdits pays émergents ne veulent pas d'un monde unipolaire, dominé
de surcroît par les Etats-Unis, et où la goutte de pétrole se monnaierait au
prix de la soumission absolue des pays consommateurs aux Etats-Unis. Ce n'est
pas tout.
Le pétrole en tant que marchandise ne peut pas être
séparé de son rôle stratégique de moyen de pression politique. En effet, les
principales grandes compagnies pétrolières du monde sont occidentales,
américaines, françaises, britanniques (pays membres du Conseil de sécurité de
l'ONU). Cette position dominante leur a permis d'accumuler une richesse
colossale, transformée en trésor de guerre, leur permettant d'intervenir dans
le monde, en amont, dans la prospection, l'extraction, le raffinage,
l'entretien des installations et la distribution du pétrole, du gaz et leurs
dérivés.
Que peut faire un pays récalcitrant face à la puissance
des compagnies pétrolières, bras énergétique-financier des puissances
occidentales ? Avons-nous déjà oublié que, pour étouffer l'économie
iranienne, les puissances occidentales
freinaient la vente du pétrole iranien ? Que les aéroports des puissances
occidentales refusaient de fournir du kérosène aux avions iraniens ? Que la
Russie menace l'Ukraine d'une coupure de gaz pour l'hiver prochain ? Le pétrole
n'est donc pas un article banal de consommation intérieure des puissances
occidentales. Le pétrole est une arme redoutable au service des desseins
colonialistes.
Concernant l'importance stratégique du
Moyen-Orient, il est à souligner que l'Europe, qui assure à elle seule un quart
des échanges mondiaux, dépend de deux routes maritimes: celle qui passe par
l'Océan Atlantique et la relie au continent américain et à l'Afrique de l'ouest
et celle qui passe par la Méditerranée, la Mer Rouge et l'Océan Indien et la
relie à l'Afrique du nord, au Moyen-Orient et à l'Asie.
Les Etats-Unis - dont le poids économique est égal
à presque un cinquième du PIB (Produit Intérieur Brut) mondial - ont également
besoin de cette route pour commercer avec le Moyen-Orient, l'Asie du sud
(l'Inde, par exemple) et les nouveaux pays émergents de l'Asie du sud- est. Or,
sur la route du Moyen-Orient, se trouvent des détroits d'importance stratégique
comme le détroit d'Ormuz, le détroit de Bâb Al-Mândab ou le canal de Suez, dont
l'ouverture est vitale pour l'économie mondiale.
Nous voyons bien que le Moyen-Orient conserve
encore et toujours une position stratégique dans l'économie mondiale. La
puissance qui domine cette région, domine le monde ! En effet, cette région du
monde est sur la route maritime qui relie le détroit de Malacca en Asie du sud
à Gibraltar, la porte d'entrée à l'Océan Atlantique. Chaque année des dizaines
de milliers de navires de transport de marchandises - pas seulement le pétrole
- traversent cette route maritime, véritable nouvelle route de la soie,
principale artère de l'économie mondiale dont cinquante pour cent des échanges
sont euro-américains.
Depuis la chute de l'Union soviétique et la
création de la République islamique, les Etats-Unis tentent de mettre en cause
les accords Sykes-Picot d'inspiration franco-britannique de partage du
Moyen-Orient après la première guerre mondiale. L'objectif: casser les
puissances régionales pour les transformer en nains politiques, plus facile à
manipuler. Ils y ont peut-être réussi avec l'Irak, de facto divisés en entités
chiite, kurde et sunnite. L'Iran n'a pas encore dit son dernier mot.
Sous Georges W. Bush, l'administration américaine a
menacé l'Iran de partition, en déversant des millions de dollars sur les
"rebelles" de différentes ethnies iraniennes, sans y parvenir. De son
côté, la France sous Sarkozy a menacé, en août 2007, de bombarder l'Iran:
"la bombe iranienne ou le
bombardement de l'Iran". (2)
La guerre colonialiste menée par les puissances
occidentales et le danger de partition guette toujours l'Iran(3), la
Syrie(4), l'Irak ou même les "pays amis" de l'Occident
lequel, pour rester hégémonique, n'hésite pas à pactiser avec le diable.
Les Etats-Unis et l'Union européenne ne peuvent pas
rester indifférents vis-à-vis du Moyen-Orient, la pièce "d'un échiquier sur lequel se dispute la
partie pour la domination du monde."(5)
L'ingérence-implication permanente des puissances occidentales dans les
affaires de la région en témoigne.
La forte présence militaire américaine au
Moyen-Orient est indispensable à l'hégémonie mondiale de l'Occident, en
particulier américaine, dans le monde. La fin de la présence occidentale dans
la région n'est pas pour demain et ne dépend nullement du gaz de schiste.
*La
guerre d'Irak était bien une guerre du pétrole (c'est prouvé !). Des documents
confidentiels
déclassifiés
le prouvent: l'accès au brut irakien était au
cœur de la décision britannique de
s'engager dans l'invasion de l'Irak en 20013.
http://petrole.blog.lemonde.fr (Le Monde du 16 juin
2011).
1) Le Monde du 19-20 août 2012.
2) Yves-Michel
Riols - Le Monde du 20 novembre 2013.
3) Un membre
républicain du Congrès, à Washington, [appelle] les Etats-Unis à ouvrer à une
"réunification" des Azéris,
répartis entre l'Azerbaïdjan et l'Iran (Natalie Nougayrède - Le Monde du 03 août 2012.
4) Bernard
Dorin, Ambassadeur de France, se prononce "Pour une fédération en Syrie" (Libération du 02 octobre 2013), premier pas vers la partition de la
Syrie.
5) Michael Barry - Le royaume de l'insolence - Flammarion.
1.9.14
Analyse 15 (2014): L'Iran à l'heure de la "Bande des quatre"
Paix et Justice au Moyen-Orient
STRASBOURG, le
1er septembre 2014
L'Iran à l'heure de la "Bande
des Quatre"
Après des décennies d'agitation, la société
chinoise était devant un choix crucial: poursuivre l'agitation révolutionnaire
sans issus, c'est-à-dire "s'appuyer sur ses propres forces" pour
construire la "société socialiste" - tâche titanesque étant donné la
pauvreté de la société, le retard technologique, le manque criant de capitaux
pour investir, etc. - ou faire appel aux capitaux étrangers pour arracher la
société de sa misère endémique et la faire entrer dans la modernité.
A l'époque, l'Union soviétique de Lénine et de
Staline, vainqueur du nazisme, était la "Mecque" des communistes du
monde entier qui croyaient dur comme fer à la construction du socialisme dans
un seul pays. La Chine ne pouvait pas échapper à cette théorie léniniste,
transformée en dogme.
Un facteur échappait peut-être à certains
communistes chinois: la Chine n'était pas la Russie, pays relativement
développé au moment de la Révolution d'octobre 1917 et adversaire de longue
date des puissances occidentales européennes puis américaine. Alors que la
Chine, certes une puissance asiatique, ressemblait davantage à l'Asie centrale,
l'arrière cour des puissances occidentales. Disposer de l'amitié de la Chine
pouvait être une carte géopolitique importante dans le jeu des puissances qui
s'affrontaient depuis 1809 en Asie centrale.
Prosoviétique à sa naissance, la "RPC" de
Mao Zedoung a fini par choisir son camp du vivant de son fondateur, devenu hôte
de Richard Nixon, président des Etats-Unis, du 21 au 28 février 1972: Ce sera
l'Occident opulent, maître de la finance mondiale, et non pas la Russie, certes
"socialiste", maître de l'Europe de l'est, influente au Moyen-Orient,
mais insuffisamment riche et puissante pour sortir la Chine de la misère.
L'intérêt des Etats-Unis était aussi d'arracher un allié de poids à l'Union soviétique,
puissance rivale de l'Occident colonialiste.
Le PCC était divisé entre "pragmatiques"
dirigés par Deng Xiaoping et "révolutionnaires" dirigés par la
"Bande des Quatre". Ladite bande désignait quatre membres éminents du
Parti Communiste Chinois (PCC), dont l'épouse de Mao Zedoung, maoïstes
convaincus, qui souhaitaient poursuivre l'œuvre révolutionnaire du fondateur de
la "République populaire de Chine". C'est sans compter sur la volonté
des partisans de Deng Xiaoping, (secrétaire général du PCC de 1956 à 1967), en
disgrâce, qui prônait le rapprochement à tout va avec l'Occident.
Après la mort de Mao Zedoung le 9 septembre 1976,
la "Bande des Quatre" tomba rapidement en disgrâce et ses membres
furent arrêtés dès le 6 octobre de la même année. Parallèlement, les pro-Deng
Xiaoping mettaient la main sur le parti et l'appareil d'Etat. La Chine est
sortie de décennies d'agitation révolutionnaire et le pays fut livré aux
capitaux étrangers qui ont transformé la Chine, en moins de quarante ans, en
"atelier du monde" et la deuxième puissance économique mondiale.
Sans vouloir mettre l'Iran sur le même niveau que
la Chine, force est de constater que l'Iran vit son heure de la "Bande des
Quatre". En effet, une lutte fratricide, au sein de l'Etat, oppose les
fondamentalistes - richissimes rentiers et spéculateurs, représentants et
proches des commerçants du bazar, maîtres des appareils répressifs, opposés à
tout rapprochement avec l'Occident - et les "réformateurs" libéraux,
tournés vers le monde (les marchés) extérieur, partisans de réformes
économiques et sociétales, d'une application plus stricte de la loi
fondamentale et du rapprochement avec l'Occident.
Durant plus de trente ans et sous l'autorité de
Khamenei, guide de la révolution, les fondamentalistes et leur soutien
militaire, les "pasdarans", ont accumulé des richesses immenses,
après avoir mis la main sur des pans entiers des secteurs économiques et en
spéculant à tout va. Le guide lui-même est à la tête de fondations, dont la
richesse atteint quelques cent milliards de dollars (1), équivalent
du produit intérieur brut (PIB) égyptien.
Un exemple de corruption avérée. Pendant les années
Ahmadinejad, "un homme d'affaire de 42 ans [Babak Zandjani dont le capital
est estimé à 6 milliards d'euros], accusé d'avoir tiré profit de ses relations
avec l'entourage de l'ancien président Mahmoud Ahmadinejad, a fait fortune en
vendant le pétrole iranien...M. Zandjani, lui, préfère revendiquer son profil
d' "homme d'affaire bassiji",
allusion à la milice des volontaires pro-régime en Iran." (2)
Dans un article intitulé "L'empire économique
des pasdarans", Le Monde
Diplomatique daté de février 2010, révèle la puissance économique de la
garde prétorienne du clergé au pouvoir. Les pasdarans sont propriétaires du
"quartier général de la construction", nommé Khatam Al- Anbia, créé
en 1990 et connu aussi comme "complexe Ghorb". Selon le blog de M.
Mir Hossein Moussavi, rival d'Ahmadinejad et en résidence surveillé, "Ghorb
contrôle plus de huit cents sociétés, actives dans de multiples domaines: armée
(avec la fabrication de fusées et de missiles); construction et développement
(projets de routes, barrages, mines, infrastructures d'irrigation); pétrole et
gaz (...); communication (...); finances (...); ." Il faut sûrement
réévaluer à la hausse les richesses accumulées par les fondamentalistes, le
guide de la révolution et les pasdarans.
Contrairement à la fraction des fondamentalistes
hors de tout contrôle, tournée vers une économie confinée dans le cadre
national, un autre pan de l'économie nationale à caractère industriel, se
tourne vers l'international. Dans un article intitulé "L'Iran sous
l'emprise de l'argent", Le Monde
Diplomatique daté de juin 2009 révèle que la firme industrielle Iran
Khodro, la plus grande entreprise automobile du Proche-Orient, dont 40% des
titres appartiennent à l'Etat, se positionne comme un futur acteur sur le
marché mondial. La société vient de signer avec la société algérienne Famoval,
pour le montage d'un bus en Algérie, ainsi que les unités de production qu'elle
a installé, pour la fabrication de la Samande (une version modifiée de la 405),
au Venezuela, au Sénégal, en Syrie et en Biélorussie. Une voiture que, par
ailleurs, elle exporte déjà, entre autres vers l'Algérie, l'Egypte, l'Arabie
saoudite, la Turquie, l'Arménie, ou encore la Bulgarie, la Roumanie, l'Ukraine
et la Russie.
Dans un article intitulé "Et l'Iran découvre
l'Amérique latine", Le Monde
Diplomatique daté de décembre 2010 révèle l'activité des industriels
iraniens au Venezuela, en Equateur, au Nicaragua, en Bolivie, etc. Pour Nikolas
Kozloff, journaliste du Monde
Diplomatique, l'Iran s'immisce "dans
l'arrière-cour américaine": "Le commerce entre Téhéran et
l'Amérique latine a triplé pour atteindre 2,9 milliards de dollars" ou
encore "En Amérique latine, avec 1 milliard de dollars d'investissement
annoncé, l'Iran va construire le port en eau profonde qui manque au
Nicaragua."(3)
Il faut souligner que les deux fractions de la
bourgeoisie iraniennes ne sont pas séparées par une ligne de démarcation claire
et nette et ont souvent des intérêts croisés.
Tout porte à croire que suite à la richesse
accumulée par les capitalistes iraniens, parallèlement au développement
industriel, civil et militaire de ces dernières années, la bourgeoisie se
tourne vers des marchés extérieurs d'exportation de capitaux, de produits
industriels, civils et militaires, et fait des investissements dans différents
pays du monde. Or, la clé d'entrée sur les marchés mondiaux est entre les mains
des Etats-Unis et de ses alliés européens. Les négociations actuelles entre
l'Iran et l'Occident devraient faciliter l'intégration de la bourgeoisie
iranienne au sein de la finance mondiale.
La bourgeoisie iranienne a besoin d'un "espace
commercial vital" qui s'étend actuellement des frontières chinoises jusqu'en
Syrie, en passant par l'Irak, le Liban et le Golfe Persique.
Cet "espace" acquis par réseaux
d'influence et milices Hezbollah interposées ne suffit pas à l'appétit de la
bourgeoisie qui aspire à devenir un acteur mondial. Y parviendra-t-elle ? Vue
sous cet angle, la victoire du nouveau président sur ses rivaux
fondamentalistes-nationalistes, sauf événement imprévu, ne fait aucun doute.
Le nouveau président iranien, Hassan Rohani,
ressemble plus à Deng Xiaoping qu'à Gorbatchev qui a participé à l'effondrement
de l'Union soviétique. A moins que Hassan Rohani représente une troisième voie
encore inexplorée.
Bibliographie
- Wikipédia
(1) Azadeh Kian-Thiébaut - La République islamique d'Iran - Michalon.
(2) Ghazal Golshiri - Le Monde
du 10-11 novembre 2013.
(3) Nikolas Kozloff - Le Monde
Diplomatique du décembre 2010.
20.8.14
Analyse 14 (2014): L' "axe du bien" s'empare de la croisade "humanitaire"
Paix et Justice au Moyen-Orient
STRASBOURG, le
20 août 2014
L' "axe du bien" s'empare
de la croisade "humanitaire"
Qui sont les vrais responsables
du désordre actuel en Irak ?
Suite à la progression de l' "Etat
Islamique" (EI) en Irak,
journaux, intellectuels, hommes politiques et ecclésiastiques ont pris
position, appelant à combattre l'EI,
responsable, selon les médias, de l'insoutenable purification à l'encontre des
minorités chrétiennes et yézidies d'Irak.
Il n'y a certes aucun doute sur la nature
moyenâgeuse, fondamentaliste et cruelle des miliciens de l'EI, même si les informations fournies par la presse occidentale
(française, britannique ou américaine) sont difficiles à vérifier, tant les
intérêts géopolitiques orientent l'information et étouffent la vérité. En
effet, les puissances occidentales couvrent leurs interventions colonialistes
d'un halo humanitaire, accusant leurs adversaires de tous les noms, tant la
propagande des puissances occidentales s'appuie encore et toujours sur la
vision bushiste de l'axe du bien - l'axe du mal.
Prenons l'exemple du convoi "humanitaire"
russe pour l'est de l'Ukraine. Il est à souligner que les intentions
"humanitaires" du pouvoir russe sont de même nature que celles des
puissances occidentales qui n'ont pas hésité à montrer du doigt l'hypocrisie
russe. En effet, la correspondance à Moscou du quotidien Le Monde parle de "l'étrange
convoi humanitaire russe"(1) Dans une conversation
téléphonique entre Vladimir Poutine et François Hollande, ce dernier a exprimé
même les "très vives inquiétudes que
suscitait la perspective d'une mission unilatérale russe sur le territoire
ukrainien".(1) Selon l'éditorial - non signé - du quotidien
Le Monde du 13 août : "Acteur de la guerre en cours, Moscou n'a guerre
de crédibilité pour jouer, aujourd'hui, le défenseur des populations civiles".
Même André Loerch, le porte-parole à Kiev du CICR
(Comité International de la Croix-Rouge) s'inquiète des intentions de Moscou et
dit avoir "besoin d'informations sur
le contenu plus précises que celles fournies par les autorités russes."
(2) Les déclarations de méfiance généralisée des instituts liés aux
puissances occidentales cachent mal la haine de la Russie et de Vladimir
Poutine qui s'est emparée des médias, des autorités ou personnalités politiques
et intellectuelles occidentales. Quelle est la crédibilité de telles
déclarations pour juger de l'hypocrisie russe ?
Quand il s'agit de l' "aide humanitaire"
des puissances occidentales envers la Syrie ou de l'Irak, d'emblée, le ton
change et le CICR ne dit rien, manifestant sa confiance par son silence. On n'a
plus besoin de passer par les Nations-unies (ONU) et le CICR ne demande même
pas à contrôler le contenu d' "aide
d'urgence parachutée au-dessus du mont Sinjar."
David Cameron, premier ministre britannique refuse
même de convoquer la Chambre des communes, ce qui a été demandé par certains
députés, pour discuter de la réponse à apporter à la crise irakienne. De son
côté, François Hollande décide - tout seul, de manière unilatérale ! -, "en accord avec Bagdad [et non pas
l'ONU], de faire acheminer des armes dans
les heures qui viennent."(3)
Tout est permis aux puissances occidentales et
associées - tortures organisées par la CIA, non respect du droit international
par Israël, massacre des enfants de Gaza -, alors que tout est interdit à leurs
adversaires. Les puissances occidentales (re)deviennent les gardiens de la
morale et de l' "humanité", judéo-chrétienne de surcroit !
Après l'appel humanitaire, l'heure est venue de créer
un électrochoc de nature religieuse dans le but de mobiliser le peuple chrétien
contre les "musulmans barbares" de l'Orient, "oppresseurs"
des chrétiens d'Orient. Ainsi, selon les coprésidents de l'UMP par intérim
"nous avons depuis cinq siècles, une
mission de protection des chrétiens d'Orient que nous devons assumer...En
effet, il est fait état de 200 000 personnes, essentiellement de confession
chrétienne, qu'il convient de secourir d'urgence au Kurdistan irakien".
(4)
"Secourir les chrétiens d'Orient par une
puissance protectrice" ! ça sent les croisades, les "aspects positifs
du colonialisme" au vingt-et-unième siècle. Les coprésidents de l'UMP ne
pouvaient pas se cacher longtemps derrière un rideau humanitaire et ont fini
par vendre la mèche:" la zone
[le Moyen-Orient] est capitale pour notre
sécurité énergétique." Là est leur souci !
On voit bien que les chrétiens d'Orient et autres
Yézidis sont des outils au service de la politique étrangère des puissances
occidentales. Que faire pour "assumer la protection des chrétiens
d'Orient" si ce n'est par l'engagement militaire ? D'autant plus que le
pape et la conférence des évêques européens, viennent de donner leur
bénédiction pour "nettoyer"
la région des islamistes. Les islamistes, après Saddam Hussein. A qui le tour
après les islamistes? Sachant que l'opinion européenne confond malheureusement
l'islam et l'islamisme, où s'arrêtera la "croisade humanitaire" de l'
"axe du bien" ?
La même tonalité sort de la bouche d'autres
intellectuels français comme Gérard Chaliand, Bernard Kouchner, Docteur
Frédéric Tissot. Après avoir longuement détaillé le sort tragique de "quarante mille personnes, dont des familles
entières, des vieillards et des enfants meurent les uns après les autres de
soif et d'épuisement, encerclés sur les hauteurs désolées du mont Sinjar, au
Kurdistan", le trio s'alarme du sort des "chrétiens d'Orient ... partout menacés", appelant la "communauté internationale, la France,
l'Europe, les Etats-Unis" à réagir immédiatement.(5) Ces
messieurs n'avaient pourtant rien dit du sort des milliers de civils Gazaouis -
qui ne pouvaient même pas se réfugier sur les hauteurs désolées d'un mont -
massacrés par leurs amis Israéliens !
Secourir les chrétiens d'Orient dans le but de
"se réinventer et réintroduire
intelligemment le Moyen-Orient dans le champ de ses perspectives".
Autrement dire, inviter la France à "créer
une dynamique internationale avec les Etats-Unis et la Grande Bretagne".
Dans quel but ? Celui d'envoyer encore des troupes sur la zone, Ô combien
stratégique, du Moyen-Orient ? Myriam Benraad, chercheuse sur le monde arabe (6)
avance des formules vagues, car elle se rappelle sûrement des conséquences
tragiques de l'intervention des Etats-Unis et de ses alliés en Irak qui, en
détruisant les infrastructures civiles et militaires, ont déroulé un tapis
rouge devant les djihadistes de l'EI.
Une "intervention intelligente" de
puissances étrangères dans les affaires d'une zone n'existe pas. La destruction
des Etats irakien et libyen par les puissances colonialistes occidentales a
conduit à l'anarchie actuelle. Les Etats-Unis et leurs alliés - utilisateurs,
voire donneurs d'ordre des djihadistes - sont les vrais responsables du
désordre actuel en Irak.
(1) (Intérim)
- Le Monde du 14 août 2014.
(2) (Intérim) - Le
Monde du 15 août.
(3) Service international - Le Monde du 15 août.
(4) François Fillon, Alain Juppé, Jean-Pierre
Raffarin - Le Monde du 14 août.
(5) Gérard Chaliand, Bernard Kouchner, Docteur
Frédéric Tissot - Le Monde du 09 août
2014.
(6)
Le Monde du 09 août 2014.