29.11.17

Analyse 12 (2017) : Tremblement de terre géopolitique au Moyen-Orient

     Paix et Justice au Moyen-Orient

                                         STRASBOURG, le 29 novembre 2017

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      Tremblement de terre géopolitique au Moyen-Orient
       Naissance d'une nouvelle alliance militaire de portée mondiale

Alliance Atlantique (OTAN) et Pacte de Varsovie

Les alliances militaires se forment lorsque le partage et/ou la conservation de zones d'influence constituent l'horizon des puissances militaires. L'époque napoléonienne en a connu plusieurs. Plus récemment encore, des alliances militaires se sont formées et affrontées, avant et après la Seconde Guerre mondiale. L'alliance militaire la plus invraisemblable fut celle dans laquelle l'Union soviétique, les Etats-Unis et les plus grandes puissances colonialistes de l'époque (la Grande Bretagne et la France) se sont unis pour éliminer la peste brune nazie et ses alliés fascistes italien et japonais.

Ladite alliance antinazie s'est ensuite scindée en deux alliances militaires adverses : le Pacte de Varsovie, regroupant feu l'Union soviétique et ses alliés d'Europe Orientale et l'Alliance atlantique (OTAN), regroupant les puissances militaires occidentales, sous le patronage des Etats-Unis.
   
Craignant le bloc soviétique, l'Alliance atlantique est restée relativement soudée jusqu'à la chute de l'Union soviétique et du Pacte de Varsovie.

Divergences américano-européennes

Depuis l'accession au pouvoir de Donald Trump, les tensions vont crescendo avec les partenaires des Etats-Unis au sein de l'OTAN, qualifiée d' «obsolète» par Stephen Miller, conseiller de Trump pour les affaires étrangères. Lors du sommet de l'OTAN du 25 mai 2017 à Bruxelles, Donald Trump lui-même n'a pas explicitement endossé l'article 5 du traité qui stipule : «Les parties conviennent qu'une attaque armée contre l'une ou plusieurs d'entre elles, survenant en Europe ou en Amérique du Nord, sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties…». Puis, il s'est livré à un réquisitoire contre les pays membres de l'OTAN au sujet des niveaux de dépenses de défense.

Certes, le niveau des dettes astronomiques des États-Unis suite aux dépenses militaires colossales pendant les guerres d'Afghanistan et d'Irak ainsi que les crises économiques en 2007 et en 2008, participent à l'isolationnisme américain, encourageant l'administration Trump au désengagement militaire (America first).

Ça n'empêche. La défiance est là, car les Etats-Unis et l'Union européenne ont des intérêts divergents. Preuves : les guerres d'Afghanistan et d'Irak où, malgré l'opposition des Nations-Unies, de la France et de l'Allemagne à l'intervention en Irak, les Etats-Unis ont envahi l'Irak et imposé leur agenda.

Initiative des «trois mers»

Les mêmes divergences s'observent quant à l'accord nucléaire entre l'Iran et les puissances 5+1 (les 5 membres du Conseil de Sécurité + l'Allemagne).

Actuellement et en sous main, l'administration Trump mènerait un travail de sape contre l'Union européenne, en soutenant  l'initiative des «trois mers» (mer Baltique, mer Noire et mer Adriatique) qui réunit douze pays d'Europe centrale et orientale sous l'impulsion de la Pologne. (Jakub Iwaniuk - Le Monde du 18 juillet 2017). Pour Bruxelles, l'initiative des «trois mers» constitue «une tentative de créer un club faisant contre poids aux initiatives de l'eurozone et du couple franco-allemand.» (Même source).

Toujours est-il que l'Union européenne (UE), parallèlement à l'OTAN, compte organiser sa propre alliance militaire, facilitée après le départ de la Grande Bretagne (brexit) de l'UE. Est-ce le début de la fin de l'OTAN sous l'égide des Etats-Unis ?

Traité de Shanghai

Après la dissolution du Pacte de Varsovie, les tentatives de la Russie pour créer un regroupement de pays capable de remplacer feu le Pacte de Varsovie n'ont pas abouti.

Sous l'impulsion de la Chine fut créée l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS), les 14 et 15 juin 2001, regroupant 8 pays asiatiques dont la Chine, l'Inde et le Pakistan. L'OCS a pour objectif l’«établissement d’un nouvel ordre politique et économique démocratique, juste et rationnel». Selon certains observateurs «l’OCS apparaît (…) comme une tentative de Moscou et de Pékin d’établir une sorte de condominium destiné à marginaliser les Occidentaux en Asie centrale

Il est à souligner que l'OCS n'est pas une alliance militaire et n'a pas vocation à concurrencer l'OTAN. D'autant plus que la Chine, sans être vassale des Etats-Unis, lui est étroitement liée sur le plan économique.

L'Iran, premier bénéficiaire des guerres au Moyen-Orient

Les guerres des Etats-Unis en Asie Centrale et au Moyen-Orient (Afghanistan, Irak, Syrie) et les guerres menées par Israël au Liban et en Palestine occupée, ont offert l'occasion à l'Iran d'étendre son influence régionale en formant des milices autochtones (libanaise, irakienne, afghane, syrienne), et de les déployer dans différentes zones en guerre.

La guerre sanglante en Syrie, à caractère mondial [plus de soixante pays occidentaux ferraillaient contre le régime syrien et ses soutiens (consulter nos anciennes analyses)], a permis aux Etats-Unis et à ses obligés régionaux de tout mettre en œuvre pour venir à bout du régime de Bachar Al-Assad. L'argent et des miliciens fanatisés coulaient à flot en Syrie via les frontières turques.

Une victoire occidentale aurait permis aux Etats-Unis d'assécher les sources d'approvisionnement du Hezbollah conduisant à sa perte. La route aurait été libérée pour un encerclement total de l'Iran, conduisant à la chute du pouvoir en place. La mainmise américaine sur les sources d'énergie planétaire et ses voies d'acheminement aurait été totale. La Russie aurait été complètement encerclée et la Chine dépendrait à cent pourcent, en matière énergétique, des Etats-Unis, et n'auraient plus eu aucun droit au chapitre.

L'engagement ferme du régime iranien en Syrie représentait le premier pas pour stopper l'avancée vers l'Est des Etats-Unis. Mais, l'Iran seul, n'a pas les moyens militaires et financiers pour faire face à la vaste coalition militaire occidentale en Syrie.

Invitée par l'Iran, la Russie s'est investie dans la guerre en Syrie, empêchant du coup la chute du pouvoir de Bachar Al-Assad.

Naissance d'une nouvelle alliance militaire

La guerre en Syrie a donné naissance à une nouvelle alliance militaire. Pour l'instant, elle ne compte que deux membres : l'Iran et la Russie. La Corée du Nord est de facto membre de cette alliance, même si elle ne l'est pas officiellement. La nouvelle alliance militaire est soutenue par les «pays émergeants» (nouvelles puissances économiques) qui voient d'un mauvais œil un monde unipolaire dominé par une seule puissance, les Etats-Unis.

Pour réussir en Syrie, la nouvelle alliance militaire a neutralisé la Turquie qui n'apprécie guère le soutien apporté par les Etats-Unis aux autonomistes Kurdes syriens, ses bêtes noires.

Kurdes syriens instrumentalisés

La Turquie s'est rapprochée de la nouvelle alliance militaire et a largué les milices islamistes ainsi que des fragments de la soi-disant Armée syrienne libre. A leur tour, pour faire revenir la Turquie au bercail, les Américains ont lâché les Kurdes syriens à qui ils ne fournissent plus d'armes. Les Kurdes ont été instrumentalisés aussi bien en Irak qu'en Syrie. Désormais, les Kurdes syriens misent sur un soutien russe qui les utilise comme un moyen de pression sur la Turquie.

Reculade saoudienne

Malgré sa rhétorique anti-iranienne, le pouvoir saoudien s'est plié aux exigences de l'alliance Iran-Russie et «a convié à Riyad les plates-formes du Caire et de Moscou, deux structures d'opposition modérée, soutenues par la Russie». Un nouveau «Comité de négociation» a été formé [pour les pourparlers de paix de Genève du mardi 28 novembre ], intégrant des représentants desdites plates-formes, plus conciliantes à l'égard de Damas que la «Coalition nationale syrienne» (CNS), qui a l'oreille des capitales occidentales (Benjamin Barthe - Le Monde des 23 et 26-27 novembre 2017).

Bref, pour les Etats-Unis et ses obligés régionaux, en particulier Riyad, c'est la bérézina !

Actuellement, deux alliances militaires se font face au Moyen-Orient : l'Alliance Atlantique (OTAN) et l'alliance militaire russo-iranienne (AMRI) de portée mondiale. Moscou l'a rêvé. Téhéran l'a réalisé.

L'Iran parle, maintenant, en position de force et menace l'UE d'augmenter la portée de ses missiles, si elle porte atteinte à ses intérêts dans sa sphère d'influence. À suivre.

31.10.17

Analyse 11 (2017) : Défaite de l'État islamique et après ?

     Paix et Justice au Moyen-Orient

                                            STRASBOURG, le 31 octobre 2017

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            Défaite de l'État islamique et après ?
      Ce qui va changer au Moyen-Orient

Rappel historique et géopolitique

Le Moyen-Orient et l'Asie Centrale sont, depuis le début du dix-neuvième siècle, les théâtres sanglants de conflits opposant les puissances militaires mondiales et régionales.

Faut-il rappeler que l'enjeu stratégique des puissances militaires est d'assurer la circulation maritime de milliers de navires de marchandises, de pétroliers et de méthaniers, depuis le détroit de Malacca en Asie du Sud-Est jusqu'au détroit de Gibraltar. Via ces détroits hautement stratégiques, le Moyen-Orient représente une région vitale, reliant trois continents : l'Asie, l'Europe et l'Afrique.

Un autre enjeu, et non pas des moindres, est l'immense marché de consommation des pays européens et asiatiques ainsi que les ressources en matières premières et énergétiques dont regorge le Moyen-Orient. Les marchés de consommation civile et militaire s'arrachent, et se conservent, aussi par la guerre.

Avant et après 1979

Avant 1979, les peuples du Moyen-Orient menaient contre les colonialistes Britanniques et Américains une guerre «anticolonialiste» et «anti-impérialiste», rassemblant toute la diversité confessionnelle et ethnique de la société civile. La religion avait une position ambigüe. Elle se méfiait des courants laïques et des différents «ismes» d'inspiration occidentale (socialisme arabe, nassérisme, baasisme, communisme, etc.) qui mobilisaient largement contre l'ingérence occidentale.

Échec des «ismes» occidentaux

Dès les années 1950, le Moyen-Orient fut témoin de l'inefficacité, puis de l'échec, de différentes idéologies de l'émancipation nationale d'inspiration occidentale. La répression des opposants, les coups d'Etat et tueries à répétition des colonels arrivés au pouvoir en Irak, en Syrie et en Libye ainsi que le «nassérisme» et autre «socialisme arabe» en vigueur en Egypte, perdirent définitivement leur prestige lorsque l'armée égyptienne fut écrasée au cours de deux guerres par l'armée israélienne. Le pouvoir égyptien renonça définitivement au «nassérisme», mélange de justice sociale et de respect de la souveraineté politique, au profit du parapluie américain tant décrié.

L'échec des «ismes» occidentaux a permis à l'islam chiite, dépourvu de contamination idéologique occidentale, de remplir le vide et de remporter la Révolution antimonarchiste de février 1979 en Iran. La Révolution iranienne a une forte connotation antioccidentale, en particulier anti-américaine.

Wahhabisme au secours des Etats-Unis

L'idée d'utiliser la religion comme arme idéologique a ensuite été utilisée par les Etats-Unis et ses alliés pakistanais et saoudiens pour s'opposer à l'invasion soviétique en Afghanistan (27 décembre 1979 - 15 février 1989). La guerre aux Russes fut donc organisée sous un label confessionnel : la chasse aux «mécréants communistes». Des écoles confessionnelles furent créées un peu partout au Pakistan, formant des milliers de miliciens talibans (étudiants confessionnels) venus des quatre coins du monde musulman, écoles financées par l'Arabie saoudite et armées par les Etats-Unis.

La victoire des Talibans conduisit à la formation du premier «émirat» islamique réactionnaire, misogyne, inégalitaire, appliquant férocement une charia médiévale, interdisant l'instruction des filles, l'utilisation du téléphone portable, de la télévision, n'hésitant pas à lapider, à couper des pieds, des mains et des bras. Ces atrocités n'ont pas provoqué la colère des puissances tutélaires des Talibans, en particulier celle américaine.

Lorsque les Talibans, par nationalisme (respect de la souveraineté politique), se sont retournés contre leurs parrains, en particulier américains, ces derniers ont décidé d'envahir l'Afghanistan en 2001. En effet, contrairement aux chiites iraniens, les wahhabites et affidés ne sont pas «antiaméricains». Or, au Moyen-Orient, la décolonisation est toujours à l'ordre du jour des nations arabo-musulmanes (saoudienne, yéménite, irakienne, syrienne, libanaise, jordanienne, etc.) et les slogans antiaméricains et anti-israéliens du régime iranien trouvent un écho favorable dans la région.

D'Afghanistan à la Syrie

Victorieux en Afghanistan, les Etats-Unis et leurs obligés régionaux décidèrent d'appliquer à l'Irak et à la Syrie la recette afghane. Des groupes djihadistes, imprégnés de wahhabisme, furent créés, financés et armés par l'Arabie saoudite, le Qatar, le Koweït(1) et la Turquie, transformée en base arrière de l'Etat islamique (EI) qui y disposait de bastions, à l'image d'Adiyaman, ville turque. L'EI y faisait même soigner ses blessés.

Les médias occidentaux (par naïveté ou par soumission aux ordres des ministères des affaires étrangères) ne parlaient que de la guerre de religion «sunnite-chiite», élevant insidieusement les djihadistes au rang de «défenseurs de la liberté» face au régime de Bachar Al-Assad, issu d'une branche du chiisme. Miliciens obscurantistes wahhabites arrivaient du monde entier(2), l'argent et les armes coulaient à flot.

C'était sans compter avec la détermination du régime iranien soutenu par le pouvoir russe, appelé au secours par l'Iran. Ils ont fini par renverser la vapeur et gagner la guerre de Syrie.

Les leçons, les répercussions de la défaite des djihadistes de l'Etat islamique (EI) au Moyen-Orient

Malgré la férocité au combat des djihadistes de l'EI, leurs moyens militaires colossaux (hérités de la déroute de l'armée irakienne), les aides financières généreuses (reçues des monarchies du Golfe Persique), ce qui a marché en Afghanistan a échoué en Syrie et en Irak.
En effet, contrairement aux occupants soviétiques «athées, communistes», l'Iran, drapé de chiisme, mobilise des milices confessionnelles autochtones, «protectrices» de «lieux saints» chiites répartis en Irak et en Syrie.

La défaite de l'EI est également celle du wahhabisme, vecteur idéologique de la diffusion des thématiques obscurantistes et médiévales dont l'objectif est d'empêcher le développement social et institutionnel du Moyen-Orient afin de le maintenir dans un état arriéré, donc dépendant des puissances militaires occidentales. La répercussion de cette défaite se fait déjà sentir quant au statut de la femme en Arabie saoudite qui commence à gagner quelques timides bribes de liberté (droit de conduire, autorisation d'entrer dans les stades, etc.).

L'éclatement de la coalition anti syrienne

La Turquie (menacée par la sédition kurde, soutenue par les Etats-Unis) et le Qatar se rapprochent de l'Iran et la dernière poche de «résistance» en Syrie se fissure à Idlib au Nord-Ouest de la Syrie. C'est l'armée turque (elle avait aidé les djihadistes à conquérir Idlib) qui déploie ses forces pour les en déloger.

Les djihadistes de «Hayat Tahrir Al-Cham» (HTS) issu d'Al Qaida, formés, entre autres, d'ailes jordano-égyptienne et syro-saoudienne règlent leur compte à coup d'assassinats.

L'avenir nous dira si c'est la fin du djihadisme obscurantiste au Proche et Moyen-Orient ?

La défaite de l'EI accentue le reflux de l'influence américaine au Moyen-Orient, renforçant du même coup, celle de l'Iran et de la Russie.

Les Etats-Unis et leurs obligés, d'une part, et l'Iran et leurs alliés, d'autre part, sont désormais les principaux joueurs d'échecs sur l'échiquier moyen-oriental.

  1. Le Koweitien, cheikh Hadjaj Al-Ajmi est l'un des plus célèbres collecteurs de fonds des djihadistes. Il a posté sur son compte Twitter une photo de lui en Syrie, au côté d'Abou Omar Al-Checheni, l'un des chefs militaires de l'EI. (Benjamin Barth - Le Monde du 06 septembre 2014).
  2. Selon le député turc d'opposition (Parti républicain du peuple, CHP) : «des milliers de citoyens turcs seraient partis combattre avec le groupe djihadiste ces derniers mois. Plus de 5000 volontaires.» ( Guillaume Perrier - Le Monde du 1er août 2014). «Volontaires» fanatisés dans les écoles coraniques militarisées ?

14.10.17

Analyse 10 (2017) : Donald Trump, un président de transition

   Paix et Justice au Moyen-Orient

                                            STRASBOURG, le 14 octobre 2017

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             Donald Trump, un président de transition
Le nouveau président ne peut rien contre le traité nucléaire avec l'Iran.

Dans l'analyse 3 (2016), nous avons rapporté un extrait de l'analyse de The Guardian Londres, publiée dans Le Courrier international du 18 au 24 février 2016. On y lit, entre autres, qu'«alors qu'Alep est au bord du gouffre, ces événements mettent plus que jamais en lumière le lien entre la tragédie syrienne et le déclin stratégique de l'Europe et de l'Occident en général». Et des Etats-Unis en particulier !

Autrement dit, «le déclin stratégique» signifie la perte de l'hégémonie dans une région stratégique, le Moyen-Orient, qui se répercute à l'échelle mondiale. Ce qu'oublie l'analyste de The Guardian Londres, c'est que ce «déclin stratégique» a commencé longtemps avant qu'Alep ne se trouve «au bord du gouffre».

1975 : début du déclin de l'hégémonie américaine

«Le déclin stratégique de l'Occident en général » et des Etats-Unis en particulier, a commencé après la défaite cinglante de l'armée américaine au Vietnam en 1975, suivie du reflux de la présence américaine au Moyen-Orient, après la victoire de la Révolution iranienne de 1979.

Depuis 1979, les Etats-Unis ne sont plus les maîtres du Moyen-Orient : leur hégémonie est contestée et disputée par la renaissance d'une puissance régionale : l'Iran dont les Etats-Unis et leurs alliés occidentaux et régionaux n'ont cessé de circonscrire l'influence depuis 1979.

La guerre Irak-Iran (1980-1988) fut la première épreuve sanglante imposée par l'Occident et passée avec brio par l'Iran. En effet, l'Iran faisait face à l'armée irakienne, soutenue financièrement par les monarchies du Golfe Persique, et militairement par une coalition de puissances militaires occidentales, comprenant la Russie.

L'intervention américaine en Afghanistan (2001) et en Irak (2003) a débarrassé l'Iran de régimes ennemis à l'est et à l'ouest de ses frontières. La résistance des peuples afghan et irakien a porté (et continue de porter) des coups très durs à l'armée et au prestige américains. Le régime iranien en profite pour étendre son influence régionale.

Puissances militaires mondiales contre l'axe Iran-Syrie

Les Etats-Unis et leurs alliés régionaux (l'Arabie saoudite, Israël, la Turquie, les Emirats Arabes-Unis, la Jordanie, l'Egypte) ainsi que les puissances militaires occidentales et alliées (le Japon, l'Australie, la Corée du Sud, etc.) se sont jetés sur la Syrie qui représentait le maillon faible de l'axe Iran-Syrie. Le renversement du régime syrien aurait entrainé celui du Hezbollah libanais. La route aurait ainsi été dégagée pour venir à bout de la république islamique isolée et encerclée, en provoquant des troubles à ses frontières, voire à l'intérieur du pays. La Russie était aussi dans la ligne de mir des Etats-Unis qui visaient (et qui visent toujours) l'hégémonie planétaire.

La résistance de l'axe Iran-Syrie-Hezbollah face à une coalition militaire d'une soixantaine de pays menée par les Etats-Unis a montré que l'Iran, toujours aussi coriace que lors de la guerre Irak-Iran, n'était pas une proie facile.

Coriacité iranienne

Au fur et à mesure du développement de la guerre, l'Iran a entrepris la réorganisation de l'appareil militaire syrien, tout en mobilisant des miliciens d'obédience chiite d'origines diverses : irakienne, syrienne, afghane, pakistanaise. Une source presque inépuisable de fantassins pour faire face à l'afflux ininterrompu de djihadistes wahhabites obscurantistes qui déferlaient sur la Syrie via les frontières turques et jordaniennes.

Il était temps que la Russie se jette à l'eau pour avoir sa part de la victoire et, point très important, empêcher la victoire de l'hégémonie incontestée des Etats-Unis sur la planète, donc sur les sources d'énergie qui mettraient à genoux la Russie, la Chine et les pays émergeants comme le Brésil, l'Inde et l'Afrique du Sud, soutiens de l'Iran.
L'intervention de l'aviation et des conseillers russes à partir du 30 septembre 2015,  a fait pencher définitivement la balance en faveur du régime syrien de Bachar Al-Assad.

La reprise d'Alep le 22 décembre 2016 - la deuxième plus grande ville syrienne qui fut jadis un pôle industriel - sonna comme la victoire définitive de l'axe Iran-Russie en Syrie sur les «insurgés» et leurs soutiens occidentaux et régionaux.

La guerre en Syrie annonce la renaissance d'un monde multipolaire

Comme nous l'avons écrit dans l'Analyse 12 du 10 octobre 2016 : «Il  serait faux et naïf de réduire la Syrie à une voie de transit des hydrocarbures du Golfe Persique à la Méditerranée. La Syrie c'est beaucoup plus que ça. La Syrie est la ligne rouge de la Russie et de l'Iran face aux puissances occidentales qui veulent appliquer à tout prix le projet américain de «remodelage» du Moyen-Orient, hérité de l'administration de Georges W. Bush, ancien président des Etats-Unis. Un «remodelage» qui menace la souveraineté territoriale et politique des grands pays de la région : l'Irak, la Syrie, l'Iran, la Turquie, l'Arabie saoudite, etc.»

Fini donc le «remodelage» à grande échelle. En effet, les Etats-Unis et ses alliés encouragent toujours la sédition kurde en Irak, en Syrie et en Turquie. Les Kurdes irakiens ont organisé un référendum sur l'indépendance, inacceptable par l'Irak et ses voisins iraniens et turcs. Ces derniers se sont rapprochés de l'axe Iran-Russie pour s'opposer au plan américain de démembrement de la Turquie.

Sous la pression de ses alliés régionaux, en particulier turcs, les Etats-Unis n'approuvent pas non plus le «référendum» kurde d'Irak. Wait and see !

Les nouveaux chiens de faïence au Moyen-Orient

Depuis l'émergence de l'Iran en tant que puissance régionale, ce pays est devenu une épine pour la puissance américaine au Moyen-Orient. En effet, l'hégémonie mondiale passe par l'hégémonie sans partage du Moyen-Orient. Une hégémonie qui empêcherait la Russie d'accéder aux «mers chaudes» et qui permettrait à la puissance hégémonique de dominer les principales voies de communication (terrestre, maritime et aérienne) au Moyen-Orient et, facteur vital pour l'économie mondiale, de disposer de toutes les sources d'énergie de la région.

C'est donc l'Iran, plus que la Corée du Nord, qui a porté le coup fatal à l'hégémonie planétaire américaine, en empêchant la victoire occidentale en Syrie, en sabotant le «remodelage» du Moyen-Orient, en facilitant l'accès de la Russie, rivale incontestée des puissances militaires occidentales, aux «mers chaudes».

«La rivalité entre la puissance mondiale américaine et la puissance régionale iranienne, drapée de chiisme, remplace désormais la puissance unipolaire occidentale, «croisée et sioniste», au Proche et Moyen-Orient. Le régime du Chah d'Iran, sans conviction religieuse affirmée, n’a jamais pu mobiliser la masse des croyants chiites multiethnique et atteindre un tel sommet.» (Analyse 3 (2017)).

A quoi sert Donald Trump ? Il passe d'échec en échec

Alors, à quoi servent Donald Trump et ses «excès de colère» ? Donald Trump et les généraux du Pentagone espèrent toujours, en jugulant l'Iran, transformer les Etats-Unis en puissance hégémonique. «America first» résume, entre autres, cet espoir. La colère de Donald Trump contre le traité nucléaire avec l'Iran heurte la résistance de la «communauté internationale». C'est un échec de plus pour le nouveau président.

Et pour cause, les temps ont changé. L'Iran et ses milliers de miliciens confessionnels, répartis dans plusieurs pays du Moyen-Orient, s'affirme de plus en plus comme La puissance régionale, incontournable pour régler les affaires de la région. La Russie, convalescente, consolide ses bases en Syrie. L'Amérique est endettée, l'administration Trump coupe les subventions aux plus démunis, les routes du pays sont dans un piteux état, ses militaires sont démoralisés. Malgré l'augmentation des crédits militaires, l'armée américaine réduit ses effectifs, tout en se déployant en Afghanistan (et donc, augmentation des dépenses militaires), le nouveau champ de bataille sanglant de puissances militaires occidentales et régionales (l'Iran, le Pakistan, l'Inde, la Russie, la Chine).

Pourquoi l'Afghanistan est-il si important pour les Etats-Unis ? La perte de l'Afghanistan ce serait la fin des Etats-Unis en tant que puissance planétaire. L'Amérique s'y battra donc jusqu'à l'épuisement. Tant mieux pour les nations éprises de paix.

Dans la pratique, Donald Trump est le premier président qui sert à assurer la transition de l'Amérique d'une puissance planétaire en une puissance de taille moyenne, comme la Grande Bretagne et la France. Une transition qui peut s'échelonner sur plusieurs années, voire décennies. D'ici, là, le monde passera par de nouvelles guerres et tueries. Le déclin n'est malheureusement pas synonyme de désescalade.   

17.7.17

Analyse 8 (2017). Merci monsieur George W. Bush !

   Paix et Justice au Moyen-Orient

                                            STRASBOURG, le 17  juillet 2017

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                    Merci monsieur George W. Bush !
                Un incendie qui n'est pas prêt de s'éteindre

Avant d'envahir l'Irak, George W. Bush consulta certains dirigeants du Proche et Moyen-Orient dont le roi de Jordanie. Ce dernier prédit que le renversement du pouvoir irakien ouvrirait la «boite de Pandore».

Ivre de la «poussée vers l'Est» de l'OTAN et de la diffusion de l'influence occidentale dans l'ancien pré-carré russe (facilitée par l'effondrement du mur de Berlin et de l'Union soviétique), George W. Bush n'écoutait que les «néoconservateurs» pressés d'imposer les «valeurs occidentales» par la force, en procédant à la «nation building» - reconstruire une nouvelle nation à l'image américaine - non seulement en Europe de l'Est, mais surtout au Proche et Moyen-Orient. Enhardi, il proposa même de créer un «Grand Moyen-Orient» américain, s'étendant des frontières chinoises à l'Atlantique.

Lesdits «néoconservateurs» évoquaient la «nation building» qui fut appliquée à l'Allemagne et au Japon sortis vaincus et exsangues de la seconde guerre mondiale. Evocation qui voulait suggérer un avenir prometteur aux Irakiens redoutant l'invasion de leur pays par la plus puissante armée du monde dont on sait que le « passage » dans un pays (le Vietnam par exemple) est synonyme de destruction massive et de massacre de civils.

Le parapluie soviétique n'existait plus et des pays comme l'Irak, la Syrie, la Libye paraissaient des proies faciles à «avaler». L'administration Bush souhaitait ainsi compléter la reconquête américaine de l'ancien espace soviétique. Les chefs militaires promettaient aux soldats qu'ils seraient accueillis comme des «sauveurs» par les Irakiens persécutés par le régime de Saddam Hussein. Sur le papier, tout paraissait à portée de main. Seulement sur le papier ! Car le Moyen-Orient n'est pas l'Europe Orientale et l'Irak n'est pas l'ex-Yougoslavie (re)balkanisée, découpée en de multiples «pays» ethno-confessionnels !

Les Etats-Unis exportent le chaos au Moyen-Orient

L'agression américaine s'appuie toujours sur le «chaos constructif» : créer le chaos pour imposer ses desseins géopolitiques. Ce fut le cas en Irak, en Syrie, au Liban et en Libye où les pouvoirs centraux, représentés aux Nations unies, furent attaqués, soit par des armées occidentales, soit par des mercenaires venus d'ailleurs, mais bénéficiant du soutien financier et militaire des pays occidentaux et de leurs alliés régionaux.

Deux facteurs ont fait échouer les projets néoconservateurs. Le premier, c'est le fort sentiment anticolonialiste des peuples et nations du Proche et Moyen-Orient qui se manifeste également sous forme de sentiment anti occidental, en particulier anti américano-britannique. En effet, le peuple irakien, soutenu par les peuples et nations épris de paix du monde, opposa une forte résistance à l'agression américano-britannique. Plus de 5000 militaires américains y ont laissé leur vie sans parler des dizaines de milliers de blessés.

Le deuxième facteur est la présence de l'Iran dans la région qui s'est engouffré dans la brèche «chaotique» ouverte par l'administration Bush, en avançant méthodiquement ses pions au point d'arriver à partager le pouvoir en Irak avec les Etats-Unis. Ce n'est pas tout.

Le chaos au Liban, en Syrie et en Libye

Après l'Irak, les Etats-Unis ont tenté d'exporter le chaos au Liban par l'armée israélienne interposée. La défaite cinglante de l'armée israélienne au Sud Liban en 2006 poussa les alliés occidentaux de la région à encourager une guerre de religion au Liban pendant la guerre de Syrie dans laquelle s'investirent activement l'Arabie saoudite, la Turquie et la Qatar. Selon France 24 de mai 2012 «A Tripoli, dans le nord-ouest du pays, des affrontements confessionnels entre partisans et détracteurs du régime de Damas ont plongé la ville dans un chaos total pendant plus de trois jours. Les violences ont éclaté samedi soir après l'arrestation de Chadi Mawlawi, un salafistes, une branche extrémiste du sunnisme, âgé de 27 ans et soupçonné d'être un «terroriste» par les autorités libanaises.»

La vigilance de la classe politique libanaise, de la population vaccinée contre le chaos, de l'armée libanaise et du Hezbollah a fait échouer le conflit confessionnel qui a quand même fait plusieurs victimes.

En 2011, la révolte justifiée du peuple syrien donna l'occasion aux occidentaux et à leurs alliés locaux d'intervenir massivement en Syrie, par djihadistes interposés, arrivant en Syrie via la Turquie, elle-même servant de base arrière. Ils ont réussi à fragmenter la Syrie, à y semer un chaos indescriptible. Le soutien apporté par l'Iran, le Hezbollah libanais et l'aviation russe aux forces armées syriennes a empêché la chute du régime syrien.

Force est de constater que depuis 1980, la provocation du chaos au Moyen-Orient se solde par le renforcement de l'Iran, par l'extension de sa zone d'influence, de sa «profondeur stratégique», de ses multiples milices et, récemment, par celui de la Russie qui engage ses forces aériennes.

Acculé par l'activisme iranien dans la région, Rex Tillerson, ministre américain des Affaires étrangères, propose de changer pacifiquement le régime de la république islamique. Le chaos est gravé dans le gène de la diplomatie américaine.

Suite au «Printemps arabe» en 2011, une révolte éclata en Libye donnant l'occasion à la France (opération Harmattan) et à la Grande Bretagne (opération Ellamy) de renverser le régime du colonel Kadhafi. Le Canada, la Norvège, le Danemark, la Grèce, la Belgique, les Etats-Unis, la Pologne et le Qatar annoncèrent  officiellement qu'ils participeront aux côtés de la France et de la Grande Bretagne. La guerre se poursuit actuellement en Libye dans la confusion totale. Les djihadistes en profitent pour s'implanter dans un grand pays, en proie au chaos interminable et divisé en plusieurs fiefs, dirigés par différentes milices et armées soutenues par des puissances militaires occidentales et la Russie.

Après la conquête de l'Irak, George W. Bush annonça que maintenant «le monde est plus sûr». Or, depuis la chute du régime de Saddam Hussein, les djihadistes anti occidentaux gagnent du terrain partout dans le monde au point de menacer la Pax americana du Proche et Moyen-Orient jusqu'aux Philippines, répondant ainsi au chaos américain.

Comme nous l'avons écrit dans l'analyse 6 (2017) : «Al-Qaida, qui ne comptait que 400 membres à la veille des attaques de New York et de Washington, est aujourd'hui forte de plusieurs dizaines de milliers de membres, de millions de supporteurs et de sympathisants, pour ne s'en tenir qu'à l'organisation fondée par Oussama Ben Laden.» En Afghanistan «les talibans contrôlent plus de 40% du territoire et 35% de la population et leur emprise ne cesse de se renforcer» (Jacques Follorou-Le Monde du 5 juillet 2017). Merci qui ? Merci monsieur George W. Bush et ses «néoconservateurs» !

Faut-il rappeler que les djihadistes obscurantistes n'ont aucune chance de réussir, à moins qu'ils modifient radicalement leur comportement rétrograde et s'adaptent à la modernité. «Désormais, les talibans entendent montrer qu'ils administrent des pans entiers du territoire comme un véritable État (…) il n'y a plus d'interdits visant la télévision, les téléphones ou les cigarettes et les filles peuvent, disent-ils, aller à l'école.» (Jacques Follorou-Le Monde du 5 juillet 2017). Il faut un début à tout.

Force est de constater que les États Occidentaux en général et l’État nord-américain en particulier ne connaissent pas très bien le Moyen-Orient et les aspirations anti colonialistes des peuples et nations asiatiques. Selon un adage bien connu «celui qui ne connait pas l'histoire est condamné à la revivre» (Karl Marx).

7.4.17

Analyse 4 (2017) : «Attaque chimique», agression américaine et le gigantesque marché de reconstruction en Syrie

    Paix et Justice au Moyen-Orient

                                            STRASBOURG, le 07 avril 2017

                                                           cpjmo@yahoo.fr
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         «Attaque chimique», agression américaine et le gigantesque
                                    marché de reconstruction en Syrie                     
                           
Nous ne rappelons pas assez la phrase, ô combien pertinente, de lord Curzon, vice-roi britannique des Indes de 1899 à 1906 :«Turkestan, Afghanistan, Transcaspienne, Perse - (..) . Pour moi, je l'avoue, il s'agit là des pièces d'un échiquier sur lequel se dispute la partie pour la domination du monde.»

Cette «partie pour la domination du monde» se poursuit actuellement en Syrie, en Irak, en Palestine et au Yémen, avec sa cohorte de morts et de destructions à n'en plus finir.

Un regard sur l'atlas du monde montre que, malgré leur immensité, les océans et les mers du monde possèdent des goulots d'étranglement appelés «détroits», par lesquels passent, chaque année, plus de 55 000 pétroliers, méthaniers et des navires de marchandises.
Qui est maître des sept plus importants «détroits» devient maître du monde. Il s'agit des détroits de Malaga en Asie du sud-est, d'Ormuz, de Bâb Al-Mândab, du canal de Suez, du Bosphore et finalement de Gibraltar, tous verrouillés par des navires de guerre de l'Alliance Atlantique, nommée communément l'OTAN.

Avec 4 détroits stratégiques (Ormuz, Bâb Al-Mândab, Suez et Bosphore) le Proche et le Moyen-Orient se trouvent à mi-chemin de la voie de navigation la plus stratégique du globe qui relie le détroit de Malaga en Asie du sud-est à Gibraltar, un détroit qui relie la Méditerranée à l'Océan Atlantique. Cette position stratégique est devenue cauchemardesque pour les peuples et nations de la région, une grande zone d'instabilité, entretenue savamment par des puissances militaires occidentales qui veulent maintenir leur suprématie planétaire, coûte que coûte.

La région est plongée dans un tunnel de guerre permanente dont il est impossible d'imaginer le bout, tellement cette région est vitale pour l'économie mondiale.

Pour maintenir la région sous la coupe des puissances occidentales, tous les coups sont permis : assassinats ciblés des opposants, soit par des tueurs professionnels (qualifiés de «déséquilibrés» par les médias occidentaux), soit  par drones; des coups d'état ( l'Iran en a connu deux); invasion directe des pays et des territoires (Afghanistan, Irak, Syrie, Bahreïn, Yémen, Libye, etc.); soutien politique et militaire apporté aux régimes obscurantistes et dictatoriaux (Arabie saoudite, Egypte, Jordanie); vente massive d'armes de destruction massive; destruction des infrastructures, des industries, des villes et des forces vives de la société, dès qu'un pays tente de s'émanciper (l'Afghanistan, l'Irak, la Syrie, la Libye). Bref, une guerre de destruction systématique et sans merci qui empêche le décollage économique des pays et l'entrée de cette région, pourtant le berceau de l'humanité, parmi les nations développées.

Depuis l'élection de Jimmy Carter à la présidence des Etats-Unis (1977-1981), la défense des «droits de l'homme» a été ajoutée à l'arsenal répressif et expansionniste de l'OTAN. Consciemment ou inconsciemment, certaines associations humanitaires occidentales, apportent leur soutien à l'intervention «humanitaire» des armées occidentales en guerre permanente au Proche et au Moyen-Orient. Lesdites associations ont déjà oublié les atrocités commises par les puissances occidentales au Japon (bombardement nucléaire), en Inde, en Algérie, au Madagascar et dans toute l'Afrique. Actuellement, l'armée française mène une guerre au Mali dans le but de protéger ses mines d'Uranium au Niger.

Les djihadistes en Syrie sont soutenus financièrement et militairement par une cohorte de pays, acheteurs généreux de matériels de guerre et obligés des puissances militaires occidentales : l'Arabie saoudite (quatrième budget militaire mondial), la Turquie (membre de l'OTAN), les Émirats Arabes unis, le Qatar, etc.

Une coalition menée par l'Arabie saoudite continue à détruire le Yémen. Elle est soutenue par les Etats-Unis et la Grande Bretagne qui continuent à vendre des milliards d'armes et de munitions aux pays arabes de la coalition.

La guerre en Syrie devait se conclure comme en Afghanistan, en Irak et en Libye : par le renversement du régime de Bachar Al-Assad, l'installation d'un pouvoir fantoche, le renforcement de l'encerclement de la Russie, du Liban et de l'Iran, la mise au pas de la Chine et, in fine, la préparation du terrain au renversement du régime de Téhéran.

L'engagement stratégique de Téhéran et de la Russie a fait avorter le plan de l'OTAN et de ses obligés locaux. Ils ont compris qu'ils n'arriveraient pas à arracher de concessions substantielles à la Syrie. Aux pressions militaires des djihadistes se sont greffées des accusations de bombardement aux gaz toxiques en Syrie.

La guerre et les exactions commises, sur le dos de la population civile et sur les champs de batailles, sont horribles et inexcusables.  Mais, qui dit vrai ? Qui est responsables de l'utilisation d'armes chimiques en Syrie ? S'agit-il d'un mensonge de plus pour faire plier la Syrie et ses soutiens dans le but de leur arracher des concessions ? L'enquête n'a pas encore commencé, mais les accusations et les missiles pleuvent.

L'Union européenne (UE) compte sur le marché de la reconstruction en Syrie pour renforcer ses positions diplomatiques au Moyen-Orient; un marché évalué entre 200 et 300 milliards d'euros. Selon un haut fonctionnaire syrien (cité par Le Monde du 4 avril 2017) «L'UE se berce d'illusion». Les Etats-Unis aussi. Rageant pour le «monde civilisé» n'est-ce pas ?!

L'étendue du marché, la position géostratégique de la Syrie, la mise au pas (toujours d'actualité en Occident) de l'Iran et de la Russie et les perspectives de réaliser par les capitaux ce que l'Occident n'a pas réussi à faire par les armes, pourraient conduire les puissances militaires à utiliser une fois de plus leur arme favorite : la « défense des droits de l'homme » au Moyen-Orient. Sommes-nous face à une manipulation d'information comme à Timisoara en Roumanie ?

Selon Fabrice Drouelle (site de France inter, mardi 10 mars 2015) : «Le 17 Décembre 1989, des émeutes éclatent à Timisoara, ville de Transylvanie, plutôt inhabituel pour ce dernier bastion européen du communisme stalinien. C’est en réalité le point de départ de la révolution roumaine.

Aux images de joie et de fête, de cette foule qui s’empare du pouvoir à Bucarest, succède l’horreur des charniers découverts à Timisoara. (…) Et puis, l’ivresse des événements se dissipe… Elle laisse place à un goût amer. Quelque chose cloche… les charniers n’ont jamais existé. Les chiffres des morts annoncés à la hâte ont été multipliés par 100… Trucage médiatique, manipulation politique : derrière la révolution populaire roumaine se cacherait en réalité un magistral coup d’Etat… On est loin de la révolution de velours du voisin tchécoslovaque.»

Toujours est-il que la guerre en Syrie n'échappera pas à la règle générale de la guerre : tuerie, destruction, vol, mensonge, manipulation, pillage des richesses et partition d'un pays transformé en champ de bataille des puissances militaires.

2.1.17

Analyse 1 (2017). La Syrie : une case sur l'échiquier géopolitique mondial

                            Paix et Justice au Moyen-Orient

                                            STRASBOURG, le 02 janvier 2017

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         La Syrie : une case sur l'échiquier géopolitique mondial



Le Moyen-Orient et l'Asie Centrale forment un grand échiquier où les grandes puissances militaires occidentales et orientales jouent une partie nommée le «Grand jeu» depuis 1808, sinon plus si on intègre la Chine, l'Inde et l'Indochine.

La guerre meurtrière actuelle au Proche et au Moyen-Orient trouve son origine dans des conflits vieux de plusieurs siècles et provoqués  par des puissances militaires occidentales pour la domination du monde : ces conflits risquent malheureusement de durer longtemps encore.

Un rappel succinct de la situation politique de l'Asie nous apprend que, tout au long des siècles précédents et au cours d'une partie du vingtième siècle, les peuples de grands pays comme la Chine et l'Inde ont subi le plus brutal colonialisme occidental (Britannique, américain, français, portugais, hollandais, etc.) de leur histoire. Une domination accompagnée de pillage, de sauvagerie et de tueries innommables.

Deux exemples : Lors de la rébellion de 1858 contre le colonialisme britannique, des centaines d'insurgés indiens furent pendus ou ligotés à la bouche des canons et «volatilisés». «Le 16 mars 1968, des GI massacrent en quatre heures 504 civils vietnamiens sans défense, hommes et femmes, enfants et vieillards

Les puissances coloniales ont partagé la Chine comme s'il s'agissait d'un gâteau. Hong Kong est devenue colonie britannique en 1842, rétrocédée à la Chine, 155 ans plus tard, en 1997. De même, le Portugal arracha Macao à la Chine en 1513 qui lui fut rétrocédé 486 ans plus tard, le 20 décembre 1999. La Chine elle-même accéda à la souveraineté politique en 1949, après la chute du Kuomintang, le parti dirigé par Tchang-kaï-chek, soutenu militairement par les Etats-Unis.
   
Tchang-kaï-chek et sa cour, protégés des Américains, se réfugièrent à Taïwan, l'ile chinoise, qui continue à vivre, de nos jours, sous le «parapluie» américain.

Commencée en 1765, la conquête de l'Inde s'acheva en 1858. L'Inde fut la colonie la plus rentable des Britanniques. En effet, «la conquête de l'Inde n'a pas coûté un sou à l'Angleterre, car c'était l'Inde elle-même qui devait en supporter les frais.» La conservation de l'Inde des convoitises russes fut à l'origine du «Grand jeu» anglo-russe pour la possession de l'Asie Centrale où l'Afghanistan figure comme la pièce centrale.

Dates clés du réveil des pays asiatiques millénaires

L'Inde accéda à l'indépendance en 1947, il y a 70 ans. C'est le début du réveil de l'Asie et du reflux de l'influence politique et militaire des puissances colonialistes occidentales. La victoire de la révolution chinoise en 1949, suivie de celle du Vietnam en 1975, de l'Iran en 1979, renforcèrent la marginalisation de l'influence politique de l'Occident en Asie, achevant l'accès à la souveraineté politique de puissances asiatiques millénaires.

La victoire de la «révolution islamique» d'Iran en 1979 renforça l'élan anticolonialiste donc antioccidental, des peuples arabo-musulmans. A tel point que certaines «milices sunnites» formées et financées par l'Arabie saoudite, «amie» servile de l'Occident, se sont retournées contre leur mentor wahhabite. C'est le cas d'une fraction d'Al-Qaida et de Daech, (acronyme arabe de «l'Etat islamique» (EI)) qui mobilise, actuellement, contre lui une coalition internationale.
      
Envahi par l'URSS le 27 décembre 1979, l'Afghanistan, la «pièce centrale» du «Grand jeu», retomba en 2001 dans l'escarcelle des Etats-Unis. C'est la preuve que l'Occident, mené par les Etats-Unis, reste encore La puissance politique, militaire et financière du globe !

La position stratégique de l'Afghanistan permet aux Etats-Unis de surveiller les voies maritimes stratégiques du Golfe Persique, de la mer d'Oman et les voies de communications de leurs adversaires : la Chine, la Russie, l'Iran et l'Inde.

Le «Grand jeu» se poursuit

Depuis 2003, date d'invasion de l'Irak par les armées américaine et britannique, le «Grand jeu» se poursuit au Proche et Moyen-Orient, fauchant la vie de centaines de milliers de civils, dévastant des pays et territoires comme l'Irak, la Syrie, la Palestine et le Yémen.

Les objectifs de cette guerre sont un classique des guerres coloniales : conquérir de nouvelles zones géostratégiques, installer des bases militaires, piller les ressources, en particulier énergétiques, et contrôler les voies de communication afin de contenir et affaiblir les adversaires des puissances colonialistes occidentales, en particulier les Etats-Unis.

Ce «Grand jeu» mobilise, sous la baguette de l'OTAN, plus d'une soixantaine de pays dont l'Arabie saoudite, la Turquie, le Qatar, la Jordanie, Israël, pour ne citer que les plus actifs d'entre eux. Ils sont regroupés au sein d'un «Centre d'opération militaire» (MOM en turc), une structure de coordination militaire du sud de la Turquie où siègent les principaux partenaires de djihadistes venus du monde entier.

Les puissances orientales (La Russie, l'Iran, la Chine et leurs soutiens) mobilisent également des moyens colossaux - des miliciens de toutes les nationalités (Libanais, Afghans, Pakistanais, Iraniens), sous l'égide des instructeurs iraniens - et sont plus que jamais déterminées à gagner une guerre liée à leur survie (nous avons développé ce point de vue dans nos précédentes analyses).

Test en réel de matériel de guerre

Les puissances militaires engagées testent leur matériel sur les champs de guerre, pour mieux, ensuite, les vendre. Les Russes et les Français sont fiers de leurs bombardiers qui détruisent et massacrent à tour de bras. «La France a désormais largué plus de bombes en Irak qu'en 2011 en Libye». De leur côté, les milices chiites, soutenues par Téhéran, se font remarquer par «des jeep Safir, fabriquées par l'entreprise iranienne Fath Vehicle Industries, surmontées de canons sans recul et de missiles Toophan, la copie iranienne de missiles antichar Tow américain». (Le Monde du 9/12/2016).

Le cas turc

Il est à souligner que les alliances militaires se font et se défont au gré du changement des rapports de force sur le terrain. La France, opposée à l'invasion de l'Irak, s'est ensuite alignée sur les positions américaines.

Prise de panique par le soutien militaire et politique des Russes et des Iraniens apporté aux combattants kurdes syriens, - ainsi que par le projet américain de dépecer les grands pays comme la Turquie dans le cadre du projet néoconservateur de créer le «Grand Moyen-Orient» - la Turquie, «pièce maîtresse» de l'OTAN en Syrie et soutien de djihadistes de tout poil, s'est, peu à peu, éloignée des Etats-Unis et rapprochée de l'axe Russie-Iran.

Le souhait de la Turquie : empêcher la formation d'une entité autonome kurde au Nord de la Syrie.

Il semble bien que le nouvel axe Russie-Iran-Turquie a enrayé la machine infernale du projet néoconservateur de création d'entités ethniques et confessionnelle.

L'échec du projet néoconservateur en Syrie, suivi de la marginalisation des Etats-Unis, expliqueraient-ils l'offensive anti Poutine d'Obama ? La question mérite d'être posée.

En guerre intense depuis 2001 au Moyen-Orient, en Afrique et rongées par la crise financière de 2007-8, les armées occidentales sont en train de décrocher et commencent à manquer de personnels, d'armes et de munitions en tout genre.

Selon Pierre de Villiers, le chef d'état major, «Des tenues de combat aux hélicoptères, il manque 17 milliards d'euros pour soutenir les opérations actuelles».

Quant à l'armée britannique, elle a déjà épuisé ses hommes et ses matériels. Les pays colonialistes s'endettent, s'épuisent dans des guerres interminables. Même épuisés, ils continuent à faire la guerre, espérant que l'adversaire s'écroulera avant.

L'OTAN, les «insurgés» syriens, les djihadistes wahhabites, leurs mentors du Golfe Persique et la Turquie sont les grands perdants sur l'échiquier syrien. Le prochain coup se jouera-t-il à Astana au Kazakhstan ?

La Syrie n'est qu'une case sur le grand échiquier géopolitique mondial; or un échiquier compte 64 cases. Force est de constater que la lutte anticolonialiste et les guerres "inter-impérialistes" ne connaîtront pas de répit !