Paix et Justice au
Moyen-Orient
STRASBOURG, le 1er février 2018
Pourquoi la guerre sans fin au Moyen-Orient
?
Le fracas de la guerre au Moyen-Orient ne cesse de
retentir aux quatre coins de cette région stratégique, avec son cortège
d'abomination, de destruction et de morts.
Une guerre remplace une autre à peine terminée, si
ce ne sont des guerres, comme celles de Syrie ou du Yémen, qui se déroulent en
même temps. Sans parler des attentats meurtriers en Afghanistan ou en Irak.
Les puissances militaires occidentales, en
particulier américaine, britannique, française, sont omniprésentes sur les
champs de bataille, soutiennent telle ou telle fraction de combattants vassaux,
les forment, les arment et les jettent sur leurs adversaires qui font de même
en retour. Une chose est sûre : les
guerres se déroulent sur des territoires aux mains de régimes faibles, voire
inexistants
Colonialisme
occidental dans la ligne de mire
Tout a commencé en 1979 avec le renversement du
régime du Chah d'Iran, allié vassal des Etats-Unis. Ledit régime assurait la
sauvegarde des intérêts occidentaux et américains au Sud de feu l’empire
soviétique, dans le Golfe Persique, en Mer d'Oman et au Nord de l'Océan indien.
La victoire de la Révolution iranienne en 1979 a
bouleversé l'équilibre des forces au
Moyen-Orient, portant un coup mortel à un pilier de la domination
américaine dans le monde. C'est le point de départ de la guerre sans fin au
Moyen-Orient.
Que veulent les peuples et nations de cette vaste
région ? En finir, une fois pour toutes, avec la domination colonialiste
anglo-saxonne, en particulier américaine, qui y sévit depuis 1808. La paix qui
accompagnera le nouvel équilibre des forces (militaire, politique et
diplomatique) n'est, malheureusement, pas pour demain !
Relever les
défis militaires américains
Depuis 1979, les Etats-Unis tentent de contenir la
contagion de la révolution anticolonialiste, donc antioccidentale en maintenant
le pouvoir iranien à l'intérieur de ses frontières naturelles. La guerre contre
l'Iran en 1980, déclenchée par le régime de Saddam Hussein, soutenu par les
puissances militaires du globe, y compris soviétique, poursuivait un tel
objectif.
Pour exister, le régime iranien n'a qu'un seul
choix : relever les défis militaires des Etats-Unis, soutenus par leurs alliés
occidentaux et régionaux, partout au Moyen-Orient. A commencer par le premier,
la guerre Iran-Irak (1980-1988).
Force est de constater que le régime iranien
profite des erreurs des Etats-Unis pour consolider son assise. Ainsi, les
soldats irakiens de confession chiite, capturés lors des huit années de guerre,
furent embrigadés, formés par les Gardiens de la révolution (Pasdaran) et
envoyés en Irak après l'effondrement du régime de Saddam Hussein provoqué par
l'armée américaine. Contrairement au souhait des Etats-Unis, l'influence de
l'Iran en Irak ne cesse de se développer et de se consolider.
Dès 1979, profitant du chaos au Liban, les
conseillers militaires iraniens ont organisé la branche armée de la communauté
chiite libanaise, ce qui a conduit à la naissance d'une milice puissante, le
Hezbollah, au Nord d'Israël.
Le Liban
comme point de départ du second défi
La guerre d'Irak n'a pas vaincu le régime de la
République islamique qui en a profité pour mâter l'opposition et consolider son
assise nationale.
Incapable de renverser le régime de la République
islamique, l'armée américaine s'est offert l'Afghanistan (en 2001) et l'Irak
(en 2003). L'Iran est encerclé, mais très actif en Afghanistan et en Irak où il
aide la résistance contre l'occupant américain.
Changement de tactique. Au Nord d'Israël, le
Hezbollah libanais, une «proie facile», mais équipée de missiles, représente
une menace pour le Liban, dans le giron saoudien, et pour Israël. L'offensive
contre le Hezbollah commença en 2006 lorsqu'Israël bombarda les banlieues Sud
de Beyrouth, composées de quartiers déshérités, fiefs du Hezbollah.
Parallèlement, plus de 30000 soldats israéliens pénétrèrent au Sud Liban pour
tordre le cou à la résistance libanaise. L'échec de l'armée israélienne face au
Hezbollah amena la paix dans cette région tourmentée qui devait servir de point
de départ de futures guerres contre l'Iran.
Les
«printemps arabes» comme troisième défi
Les «printemps arabes», terme réservé au
soulèvement des peuples arabes du Moyen-Orient contre les régimes corrompus
soutenus par les puissances occidentales, ont donné l'occasion aux Etats-Unis
et à ses alliés régionaux de secouer le régime de Bachar Al-Assad, corrompu et
dictatorial.
La mainmise occidentale sur la Syrie devait
permettre aux Etats-Unis et à Israël d'en finir avec le Hezbollah qui reçoit
ses missiles iraniens via la Syrie. En utilisant une formule simple, nous
pouvons dire que la Syrie et le Liban sont les portes d'entrée de l'Iran.
Les alliés régionaux des Etats-Unis se sont mis au
travail en créant le MOM (un acronyme du turc qui signifie centre d'opération
militaire); une structure de coordination dans les bases militaires du Sud de
la Turquie, où siègent les principaux partenaires des «rebelles syriens», sous
la baguette de la CIA. La Turquie, l'Arabie saoudite, le Qatar, les Etats-Unis,
la France, la Grande Bretagne, font partie du MOM. L'argent coulait à flot et
les djihadistes wahhabites arrivaient des quatre coins du monde, rejoignant la
Syrie via la Turquie.
En 2012, les «rebelles syriens» étaient arrivés aux
portes de Damas. Saoudiens et Turcs jubilaient. C'était sans compter avec la
détermination de l'Iran et l'entrée en scène de la Russie qui réussirent à
sauver le régime de Bachar Al-Assad d'une chute certaine.
Après l'Irak, voici l'Iran en Syrie, au bord de la
Méditerranée, soutenu par des milliers de miliciens d'origine afghane,
pakistanaise, irakienne, syrienne, libanaise.
L'importance prise par les milices chiites irakiennes,
vainqueurs de l'Etat islamique (EI), encadrées par des conseillers iraniens,
est telle qu'elles jouent actuellement un rôle de premier plan dans les
élections irakiennes. Selon Hosham Dawood, spécialiste de l'Irak à l'Ecole des
hautes études en sciences sociales
(EHESS) «les Etats-Unis et l'Iran ont
négocié directement pour former cette coalition» électorale en Irak. «Leurs représentants étaient là le jour de la
signature».
Les
sentiments anticolonialistes s'enflamment
A son tour, l'Iran souffle sur les sentiments
anticolonialistes et antiaméricains des peuples et nations des pays
arabo-musulmans, qui prennent l'Iran pour modèle. A coup d'attentats, la lutte
contre l'occupant américain et ses obligés se poursuit en Afghanistan, en
Egypte et partout au Moyen-Orient. Une nouvelle force alliant l'islam et la
modernité naîtra un jour des décombres des djihadistes obscurantistes. Même
l'Iran est en pleine évolution.
Grâce au «Printemps arabe», un nouveau front s'est
ouvert au Yémen où le mouvement houthiste (soutenu par l'Iran) contrôle le Nord
et sa capitale Sanaa. Défaite en Syrie, l'Arabie saoudite n'arrive pas à
s'imposer au Yémen, menacé de partition.
En effet, alliés des saoudiens au Yémen, les
Emirats Arabes Unis - quatrième importateur de matériels militaires dans le
monde - soutiennent les séparatistes sudistes qui ont conquis Aden, en chassant
le gouvernement de Abd Rabbo Mansour Hadi, en exil en Arabie saoudite. Il est
difficile de dire qui commande vraiment au Yémen.
Tout porte à croire que la confusion règne dans le
camp américain au Moyen-Orient, jadis uni au sein du MOM et autour de la
question syrienne. Le Qatar s'est rapproché de l'Iran, alors que les
Américains, en soutenant les combattants kurdes syriens, menacent l'intégrité
territoriale turque. Avec la bénédiction des Russes et des Iraniens, l'armée
turque passe à l'offensive à Afrin et menace Manbij où stationnent près de 2000
militaires des forces spéciales américaines. Que comptent faire les Américains
?
La guerre
sans fin
Lors d'une conférence à la Hoover Institution de
l'université Stanford, Rex Tillerson, secrétaire d'Etat américain, a annoncé
que les Etats-Unis maintiendront aussi longtemps que nécessaire leur présence
militaire dans la partie orientale de la Syrie. Objectifs annoncés : peser sur
une éventuelle transition politique à Damas - alors que les Etats-Unis, force
occupante en Syrie, n'ont aucun mandat des Nations Unies - et réduire
l'influence de l'Iran.
En occupant
le Nord de la Syrie, les Etats-Unis comptent négocier en position de force les
questions liées à l'Ukraine, à la Corée du Nord et au partage du Moyen-Orient
avec la Russie et l'Iran.
Continuant sa croisade anti-kurde, Recep Tayyip
Erdogan s'est rapproché de l'axe Iran-Russie et
demande aux conseillers militaires américains de se retirer de la zone
de Manbij à 50 km à l'Est d'Afrin. (Gilles Paris (à Washington) et Marc Semo - Le Monde du 30 janvier 2018).
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