3.8.18

Analyse 10 (2018). Bruit de bottes au Moyen-Orient

   Paix et Justice au Moyen-Orient

                                            STRASBOURG, le 3 août 2018

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               Bruit de bottes au Moyen-Orient

Le Moyen-Orient, une région maudite

Les pays du Moyen-Orient sont au centre des tensions internationales, subissant les pressions et ingérences en tout genre des puissances militaires et financières mondiales, en particulier occidentales.

Certains pays comme les pays arabes du Golfe Persique, l'Egypte, la Jordanie, se sont alignés sur les intérêts géopolitiques des puissances anglo-saxonnes. Ils sont les marchés des complexes militaro-industriels, des industries civiles et agro-alimentaires des puissances militaires occidentales, et mobilisent leurs armées comme forces supplétives des puissances dominantes. Hier britannique, aujourd'hui américaine.

D'autres comme l'Iran et, en moindre mesure, le Liban et la Syrie, tentent de préserver leur souveraineté politique en acceptant le soutien militaire et économique de l'Iran qui les considère comme faisant partie de sa «profondeur stratégique».

Les pouvoirs en Iran, en Irak, en Afghanistan, en Syrie et au Liban se font et se défont en fonction des pressions extérieures : coups d'état et autres guerres coloniales ont installé, depuis plus de deux siècles, l'instabilité chronique en Asie centrale et au Moyen-Orient.

Les guerres de George W. Bush

Depuis l'élection de George W. Bush (20 janvier 2001 - 20 janvier 2009), une situation de guerres sans fin et de chaos prédomine au Moyen-Orient et en Asie centrale. L'invasion de l'Afghanistan en octobre et novembre 2001 par les Etats-Unis et ses alliés britanniques, allemands, français, australiens, etc., a donné le coup d'envoi d'une série d'interventions militaires occidentales en Irak (2003), au Liban (2006), en Libye (2011), en Syrie (mars 2011) où Américains, Britanniques, Français, Israéliens et milices supplétives occupent la première ligne.
Face à la menace américaine de (ré)imposer son hégémonie sur l'ensemble du Moyen-Orient par la force, le pouvoir iranien, soucieux de la souveraineté politique et territoriale du pays, décida en 2005 de reprendre son programme nucléaire en installant Mahmoud Ahmadinejad, un ancien gardien de la Révolution islamique (GRI), à la présidence de la République (2005-2013).

George W. Bush et Mahmoud Ahmadinejad s'invectivaient copieusement et ne perdaient pas une occasion pour se lancer des menaces de guerre et de destruction. Israël n'a pas échappé à la vindicte d'Ahmadinejad qui joignit sa voix à celle des négationnistes européens.

Les guerres de Georges W. Bush ont coûté aux Américains plus de cinq milles milliards de dollars, des milliers de morts, montrant clairement le visage hideux «impérialiste» et interventionniste de la plus grande puissance militaire mondiale drapée d'humanisme. Malgré cela, le programme nucléaire de la République islamique a rapproché l'Iran de la réalisation de la bombe atomique, cauchemar des puissances occidentales et d'Israël.

Barak le pragmatique

L'élection de Barak Obama (20 janvier 2009 - 20 janvier 2017) fut annonciatrice d'un changement de cap de la politique étrangère aux Etats-Unis. Le rapprochement avec l'Iran fut scellé mardi 14 juillet 2015 à Vienne après plusieurs années de rudes négociations sur le nucléaire iranien.

Après l'élection de Barak Obama, un changement de cap est intervenu en Iran en 2013 avec l'élection d'Hassan Rohani à la présidence de la République islamique; président qualifié de modéré par l'Occident. L’Iran put conserver ses avancées nucléaires ainsi que son influence au Moyen-Orient et atteindre la Méditerranée !

Cinq ans plus tard, l'Iran a réussi à sauver le pouvoir de Bachar Al-Assad en Syrie et développe son influence au Yémen, une pièce maitresse sur l'échiquier du Moyen-Orient, aux prises avec l'intervention d'une coalition militaire surpuissante dirigée par l'Arabie saoudite, soutenue par les Etats-Unis et la France. Ils fournissent matériel militaire et autres aides logistiques à la coalition. Le pays est dévasté par des années de bombardements meurtriers et le choléra y sévit au vu et au su du monde dit civilisé.

Etant donné l'état sous développé du pays et l'absence de centres de recherche et de cadres scientifiques yéménites, force est de constater que les miliciens houthistes s'appuient sur l'Iran pour se fournir, entre autres, en missiles balistiques et autres drones militaires. La Mer Rouge n'est plus un «lac occidental» et semble sous contrôle, du moins partiel, des miliciens houthistes et de leurs parrains iraniens.

Tout porte à croire que les Américaine semblent impuissants à endiguer le développement de l'influence de l'Iran et, en partie, celle de la Russie au Moyen-Orient.

L’ère de Donald Trump

Un changement de cap de la politique étrangère américaine est intervenu en 2017 avec l'élection de Donald Trump qui, sur sa politique étrangère, prend le contre pied de ses prédécesseurs. L' «establishment» diabolise la Russie(1)? Donald Trump la courtise. L' «establishment» courtise l'Iran ? Donald Trump le diabolise ! Ainsi de suite.

Comme politique étrangère, cela peut paraître assez enfantin s’agissant de la plus grande puissance mondiale. Mais, cette politique montre également l'impasse dans laquelle se trouve une puissance militaire et financière pour trouver la porte de sortie d’un grand nombre de questions dont son déficit commercial avec la Chine et l'Union européenne.

Arès l'élection de Donald Trump, l'effervescence a gagné Téhéran, surtout après le retrait américain de l'accord nucléaire en mai 2018 et le rétablissement des sanctions économiques envers l'Iran(2). Donald Trump a haussé le ton contre l'Iran. La réplique des autorités iraniennes n'a pas tardé. Comme au temps de Georges W. Bush, les invectives fusent de part et d'autre. Les chefs militaires dont Qassem Soleimani (commandant des Forces Al-Qods) participent à la polémique annonçant que la «Mer Rouge ne sera plus américaine», après qu'un missile houthiste a touché un pétrolier géant saoudien (selon les autorités saoudiennes) en Mer Rouge.

Hassan Rohani, président de la République, semble dépassé par les événements. Il est vrai que les pouvoirs exécutif et sécuritaire du pays sont concentrés aux mains de Khamenei, guide de la Révolution, et des fondamentalistes qui ne laissent qu'une faible marge de manœuvre au président de la République, pourtant élu.

Le pays souffre de spéculation sur la monnaie nationale, de sécheresse, d'incompétence des autorités d'Etat incapables de gérer un pays de plus de 80 millions d'habitants et 3 fois plus grand que la France. La rivalité entre différentes fractions au pouvoir bat son plein. La corruption généralisée, le clientélisme et le manque criant de libertés démocratiques s’ajoutent au mécontentement. Le mouvement de mécontentement touche les retraités, les enseignants et l'ensemble des salariés de la fonction publique et du secteur privé. Hassan Rohani est convoqué devant l'Assemblée islamique. Prélude à un «impeachment» à l'iranienne ?

On entend des bruits de bottes à Téhéran : est-ce pour faire face à l'agitation sociale grandissante et aux menaces américaines d'empêcher la vente du brut iranien ? Actuellement, les militaires montent au créneau contre Donald Trump. La reprise des activités nucléaires par un nouvel «Ahmadinejad» haut en «verbe» à l'instar de Donald Trump serait-elle dans les cartons ?

Par ailleurs, selon les Américains, la marine iranienne projette des manœuvres militaires dans le Golfe Persique et en Mer d'Oman. En effet «la tonalité des déclarations des dirigeants iraniens montre leur détermination à riposter»(3). Le mois d'août 2018 risque d'être très chaud au Moyen-Orient.

  1. Il est vrai que depuis la perte de l'Europe orientale et celle de son influence en Mer Noire, en Asie Centrale et au Moyen-Orient, la Russie, puissance recluse au Nord de l'Europe, ne représente plus un danger pour l'Occident.
2.    "Un premier ensemble de sanctions sera remis en vigueur le 6 août. Ces sanctions viseront notamment le secteur automobile de l'Iran, ainsi que son commerce de l'or et d'autres métaux essentiels", a déclaré dans une conférence de presse Brian Hook, directeur de la planification des politiques au sein du département d'Etat américain. "Les autres sanctions seront réinstallées le 4 novembre. Elles viseront notamment le secteur énergétique et les transactions liées au pétrole, ainsi que toute transaction avec la Banque centrale d'Iran", a-t-il ajouté.
3. Nabil Wakim. Le Monde Economie & Entreprise du 1er août 2018.

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