5.5.18

Analyse 6 (2018). L'Occident décidé à décomposer la Syrie et la Turquie

   Paix et Justice au Moyen-Orient

                                             STRASBOURG, le 05 mai 2018

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     La Syrie et la Turquie menacées de partition

1918 : Mainmise franco-britannique sur le Moyen-Orient

Un siècle après la conclusion de l'accord secret Sykes-Picot (16 mai 1916) entre la France et le Royaume uni, puissances colonialistes de l'époque, portant sur le partage de la dépouille de l'empire ottoman au Moyen-Orient, l'histoire semble revenir, un siècle après, au point de départ d'un partage inachevé selon les plans originaux.
Selon l'accord, le Proche-Orient est découpé, malgré les promesses d'indépendance faites aux Arabes*, en cinq zones. Les Français et les Britanniques se mettent d'accord sur les frontières à la conférence de San Remo en avril 1920. La France reçoit mandat du Liban et de la Syrie, la Grande-Bretagne de la Mésopotamie (agrandie de Mossoul cédée par les Français en échange d'une participation aux bénéfices pétroliers du bassin de Kirkouk), de la Transjordanie et de la Palestine.
Finalement, le partage décidé ne sera jamais vraiment appliqué, avec la naissance de la Turquie moderne, ainsi que la création de l'Arabie saoudite actuelle.

Traité de Sèvre : découpage colonialiste et mort programmée de la Turquie

Suite à la conclusion du traité de Sèvre, signé le 10 août 1920, la Turquie actuelle n'avait pas droit à l'existence. En effet, ce traité consacre le rétrécissement de l'Empire ottoman qui ne garde en Europe qu'Istanbul et en Asie que la partie occidentale de l'Anatolie, moins la région de Smyrne soit un territoire de seulement 420 000 km2 (contre 783 562 km2 actuellement), composé en grande partie des steppes salées de l'Anatolie centrale, et aux possibilités de développement limitées à cause d'un système de « garanties » qui, entre-autres, mettent les finances du pays sous la tutelle de commissions étrangères. Toutes les ressources du pays doivent être affectées en priorité aux frais d'occupation et au remboursement des indemnités dues aux Alliés (art. 231-266).
Les articles 62 à 64 prévoient la création d'un « territoire autonome des Kurdes » englobant le sud-est de l'Anatolie.

Soulèvement kémaliste et guerre d'indépendance

La plupart des Turcs, dans la presque totalité du pays, ne reconnaissaient que l'autorité du gouvernement d'Ankara dirigé par Mustafa Kemal qui, lui, refusait catégoriquement le traité de Sèvre et ses clauses. Craignant de voir leur pays partagé entre les Empires coloniaux européens, les Turcs se soulèvent en masse, s'enrôlent dans l'armée kémaliste et déclenchent la Guerre d'indépendance turque en mai 1919. Les kémalistes sont victorieux au bout de quatre années de conflit.
Le traité de Sèvres, non ratifié par tous ses signataires, est finalement révisé par le traité de Lausanne (24 juillet 1923), conclu avec la Turquie moderne d’Atatürk. Mieux encore pour la Turquie, le traité de Kars, conclu en octobre 1921 avec la Russie soviétique, lui permet de récupérer le territoire de Kars perdu en 1878 par les sultans et de bénéficier de l'armement soviétique dans sa lutte contre les Arméniens, les Grecs et la Triple-Entente.

Naissance de la Turquie moderne

Après la tuerie de la Première Guerre Mondiale, suivi de la chute du Tsar en Russie et de l'empire rétrograde ottoman, une vague de pensée progressiste envahi l'Orient. La victoire des Kémalistes prépare le terrain à la naissance de la Turquie moderne et laïque. Le pays adopte même l'alphabet latin, signe de «progrès» pour eux. Encouragées par le nouveau pouvoir, les femmes s'émancipent et acquièrent des libertés dont celle de ne pas porter le voile islamique. Le port du voile est même interdit dans certains espaces publics comme les universités.
Le nouveau pouvoir se consolide, se veut plutôt occidental qu'oriental, synonyme d'«arriération», et adhère en 1952 à l'OTAN, une alliance militaire occidentale. La Turquie, serait-elle pour autant protégée des convoitises occidentales ? Un Occident qui n'a pas digéré le traité de Lausanne du 24 juillet 1923 qui entérine l'intégration du Sud-Est anatolien à la nouvelle république de Turquie.

2018 : ouverture des plaies géopolitiques de 1918

Tout porte à croire que les puissances militaires occidentales, en particulier les Etats-Unis et la France, ont repris le cours de l'histoire, rompu le 24 juillet 1923 ! En effet, la guerre d'Irak, commencée par les Etats-Unis en 2003 et celle de Syrie, commencée par un soulèvement populaire en 2011 - mais détourné de ses objectifs par l'intervention des obligés locaux des puissances occidentale dont la Turquie - ont fini par toucher le pouvoir turc, menacé par la montée en puissance des combattants kurdes au Nord de la Syrie, en liaison avec leurs cousins kurdes du Sud-Est anatolien. Les puissances militaires occidentales, menées par les Etats-Unis, soutiennent ouvertement les combattants kurdes qui ne cachent pas leur velléité d'autonomie, voire d'indépendance.

De la complicité avec l'OTAN et les pays arabes du Golfe Persique…

Pendant la guerre de Syrie, le pouvoir turc s'est mis corps et âme au service des desseins de ses «amis» américano-saoudiens, transformant son territoire en couloir de passage des djihadistes wahhabites.
Il n'est un secret pour personne que les djihadistes de l'Etat islamique (EI) utilisaient le territoire turc comme une base arrière, soignant leurs blessés de guerre et vendant du pétrole à l'Etat turc. La guerre de Syrie a montré que, malgré ses bons offices et sa proximité stratégique avec les puissances militaires occidentales (qui disposent de bases militaires en Turquie), celles-ci sont décidées à appliquer le traité de Sèvre du 10 août 1920 qui prévoit la création d'un «territoire autonome des Kurdes».
En effet, les Américains ont misé (et continuent de miser) sur les combattants kurdes du Nord syrien (armés et financés par les Etats-Unis) proche de leurs cousins du Sud-Est anatolien.

… à l'opposition

Pour manifester son opposition aux desseins de ses «amis» de l'OTAN et défendre sa souveraineté territoriale, le pouvoir turc s'est rapproché de la Russie et de l'Iran.
Tout porte à croire que les puissances occidentales considèrent la Turquie comme une puissance orientale et rivale comme la Russie et l'Iran.
L'occidentalisation forcée de la Turquie ottomane sonne comme un échec et ne la protège pas des convoitises des puissances colonialistes occidentales. Preuve : les Etats-Unis maintiennent leurs forces spéciales dans le Nord syrien et, selon James Mattis le secrétaire américain à la défense : «les Français nous ont renforcés en Syrie avec des forces spéciales au cours des deux dernières semaines» (Le Monde du 28 avril 2018). Par ailleurs, selon l'agence de presse turque Andalou, les Etats-Unis ont commencé à construire deux bases dans la région de Manbij, à l'Ouest de l'Euphrate, située à une trentaine de kilomètres de la frontière turque. Manbij ouvre l'accès au large territoire de l'Est de la Syrie contrôlé par des combattants kurdes.
Une nouvelle ère d'affrontement sanglant entre puissances militaires s'ouvre au Nord de la Syrie et au Sud-Est anatolien. Le pouvoir syrien veut récupérer le Nord-Est du pays. La Turquie veut sauver son intégrité territoriale. Les Etats-Unis et la France souhaitent maintenir une présence militaire au Kurdistan syrien, voire turc, près d'un carrefour stratégique riche en hydrocarbure. Les combattants kurdes joueront le rôle de relais local des puissances colonialistes occidentales qui ne veulent pas lâcher la Syrie et l'Irak.
Tous les coups sont permis. Les traités de Sèvre et de Lausanne sont morts. La conclusion d'un nouveau traité se jouera soit à Genève (au profit des puissances militaires occidentales) ou à Astana, la capitale du Kazakhstan, au profit des puissances orientales. Au prix de milliers de morts et de monumentales destructions d'infrastructures. Les complexes militaro-industriels américano-français se frottent les mains.

*Le 18 février 1918 le gouvernement britannique répond :
« Le gouvernement de sa Majesté et ses alliés n'ont pas abandonné leur politique qui consiste à apporter leur concours le plus entier à tous les mouvements qui luttent pour la libération des Nations opprimées. En vertu de ce principe, ils sont plus que jamais résolus à soutenir les peuples arabes dans leur effort pour instaurer un Monde arabe dans lequel la loi remplacera l'arbitraire ottoman et où l'unité prévaudra sur les rivalités artificiellement provoquées par les intrigues des administrations turques. Le gouvernement de Sa Majesté confirme ses promesses antérieures concernant la libération des peuples arabes.» A l'époque, le Royaume-Uni, La puissance colonialiste, ne parlait pas de «terroristes» mais de la «libération des Nations opprimées» !!!
Source : Wikipédia

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