27.5.18

Analyse 7 (2018). La Syrie, l'Ukraine du Moyen-Orient


   Paix et Justice au Moyen-Orient

                                             STRASBOURG, le 27 mai 2018

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   La Syrie, l'Ukraine du Moyen-Orient

L'Ukraine convoitée

L'Ukraine, pays d'Europe de l'Est, frontalière de la Russie, est devenue un champ de bataille des puissances occidentales et de la Russie. Celle-ci veut stopper, coûte que coûte, la poussée vers l'Est des puissances militaires et financières occidentales.

En effet, après la dissolution de l'Union soviétique le 26 décembre 1991, l'OTAN (Organisation du traité de l'Atlantique nord) s'est confortablement installée en mer Noire, la transformant en mer américaine. La Géorgie, située à l'Est de la mer Noire, désireuse d'intégrer l'OTAN, en fut empêchée en août 2008. Une guerre a opposé la Géorgie à la Russie qui a vite tourné en faveur de l'armée russe, prête à envahir Tbilissi, la capitale.

Après l'arrêt des hostilités (dont la paternité revient à l'Union européenne et à Nicolas Sarkozy), la Russie a décidé de reconnaître la souveraineté de l'Abkhazie, à l'Ouest de la Géorgie, sur la façade Est de la mer Noire.

L'enjeu du face-à-face des puissances militaires occidentales-Russie à l'Est de l'Ukraine est plus important pour les deux camps, même vital pour la Russie. En effet, la marine occidentale vise la mer d'Azov, un «lac russe». La mainmise occidentale sur la Crimée et le port ukrainien Marioupol (ville portuaire et industrielle) aurait permis à la marine américaine d'être présente au Détroit Kertch et de fortement gêner les manœuvres de la marine russe.

En mars 2014, la Crimée, péninsule peuplée majoritairement de russophones dans le Sud de son territoire, fut envahie par des hommes armés sans insignes militaires, puis annexée à la Russie, après le «référendum» du 16 mars 2014 sur le rattachement de la Crimée à la Russie.

Le sort réservé à un pays désorganisé et faible

Toujours en 2014. Dans la région du Donbass (un bassin houiller, situé entre la mer d'Azov et le fleuve Don) et dans ses régions limitrophes, les manifestations «antimaïdan» évoluent en insurrection armée contre le gouvernement central par intérim de Kiev. Cette insurrection devient séparatiste et proclame la création de la «République populaire de Donetsk» le 7 avril, puis la «République populaire de Lougansk» la 11 mai. Dès le 2 mai 2014, l'armée ukrainienne intervient dans l'Est du pays, est stoppée, puis finalement doit reculer, face aux séparatistes, soutenus par la Russie.

Malgré des promesses de règlement (les accords de Minsk de février 2015), le face-à-face entre les puissances militaires occidentales soutenant l'armée ukrainienne et la Russie (soutien des séparatistes à l'Est de l'Ukraine) se poursuit et le règlement de la crise ukrainienne est dans l'impasse.

Ainsi vont les rapports de force militaire. Un pays désorganisé comme l'Ukraine en 2014, sans un pouvoir central affirmé, donc faible, incapable de se défendre militairement, devient le champ de bataille du ou des voisins puissants, voire des puissances militaires régionales et mondiales.

La Syrie, une pièce maîtresse

Comme en Ukraine, les puissances militaires occidentales (et leurs alliés moyen-orientaux) menés par les Etats-Unis font face, en Syrie, à la Russie alliée à l'Iran dans sa bataille pour sauver le régime de Bachar Al-Assad.

Vieil empire asiatique, «endormi» depuis la chute de l'empire des Afsharides le 19 juin 1747, l'Iran semble s'être «réveillé» après la Révolution de 1979. Il compte retrouver son rang d'antan de puissance régionale. Israël en 1982 et les Etats-Unis en 2003 lui en ont fournit l'occasion.

Stratégie hasardeuse d'Israël en 1982

C'est l'année où l'armée israélienne, Tsahal, soutenue par l'Armée du Liban-Sud et les Phalanges libanaises (milices libanaises à majorité chrétienne) lança l'opération militaire «Paix en Galilée », envahissant le Sud Liban à partir du 6 juin 1982. Objectif officiel : faire cesser les attaques palestiniennes de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) lancées depuis le Sud Liban; une opération de grande ampleur qui conduisit Tsahal jusqu'à Beyrouth.
L'occupation israélienne allait durer trois ans, et se prolonger par la présence de troupes jusqu'en 2000.  Officiellement, il s'agissait pour l'armée israélienne de s'assurer du contrôle d'une bande de 40 kilomètres au sud du Liban, de façon que les groupes palestiniens considérés par l'occupant israélien comme des « terroristes » ne puissent pas atteindre le nord d'Israël avec leurs roquettes.
Il est à souligner qu'entre le 16 et le 18 septembre 1982, sous la supervision d’Ariel Sharon alors ministre israélien de la Défense, une unité de la milice des Phalangistes libanais pénétra dans les camps de réfugiés de Sabra et Chatila, à Beyrouth, et ces Phalangistes violèrent, assassinèrent et mutilèrent atrocement des milliers de civils. Environ un quart de ces réfugiés étaient des Chiites libanais qui avaient fui la violence déchaînée dans le Sud. L’importance du rôle joué par l’invasion israélienne du Liban, en 1982, dans l’apparition du Hezbollah ne saurait être sous-estimée.
Les Pasdarans (gardiens de la Révolution), envoyés par la République islamique au Liban en 1982, ont contribué à l'émergence du Hezbollah, parti politique chiite possédant un bras armé. Son principal objectif est de combattre l'occupation israélienne(1).
Suite à la guérilla anti-israélienne, menée par le Hezbollah, Israël évacue le Sud Liban en 2000. Les fermes du Chebaa, une bande de territoire à la frontière entre le Liban et le plateau du Golan, réclamée par la Liban, est toujours occupée par l'armée israélienne.
Conséquences de la stratégie hasardeuse d'Israël au Sud-Liban en 1982 : 36 ans plus tard, lors des législatives du 6 mai 2018, les électeurs libanais ont offert une éclatante victoire au camp pro-Hezbollah, qui sort également très renforcé de son engagement militaire en Syrie. Le «courant du Futur», camp pro saoudien et pro occidental a perdu des sièges dans son fief historique de Beyrouth-2. Ainsi, sur les onze sièges en jeu dans la circonscription à dominante sunnite, la moitié environ ont échappé au «courant du Futur».

Stratégies hasardeuses américaines en 1980 et en 2003

Depuis 1979, les Etats-Unis tentent de contenir la contagion de la révolution anticolonialiste, donc antioccidentale en maintenant le pouvoir iranien à l'intérieur de ses frontières naturelles. La guerre contre l'Iran en 1980, déclenchée par le régime de Saddam Hussein et soutenue par les puissances militaires mondiales, y compris l'Union soviétique, poursuivait un tel objectif.

Pour exister, le régime iranien n'a qu'un seul choix : relever les défis militaires lancés par les Etats-Unis et soutenus par leurs alliés occidentaux et régionaux, partout au Moyen-Orient. A commencer par le premier, la guerre Iran-Irak (1980-1988).

Force est de constater que le régime iranien profite des erreurs des Etats-Unis pour consolider son assise régionale. Ainsi, les soldats irakiens de confession chiite, capturés lors des huit années de guerre, furent embrigadés au sein de Badr, une milice chiite irakienne, formés par les Gardiens de la révolution (Pasdarans) et envoyés en Irak après l'effondrement du régime de Saddam Hussein provoqué par l'armée américaine. Conséquences : contrairement au souhait des Etats-Unis, l'influence de l'Iran en Irak ne cesse de se développer.

Le même phénomène s'observe également en Syrie où les Etats-Unis comptent démembrer la Syrie dans le but de créer des entités confessionnelles (sunnite-wahhabite) et ethniques (kurde, etc.).

Déstabilisée par des desseins destructeurs américains à ses frontières, la Turquie s'est rapprochée de l'axe Iran-Russie et son armée est intervenue au Nord de la Syrie. Pourtant, les djihadistes pro-saoudiens avaient réussi à s'installer dans une grande partie de l'Irak et de la Syrie. Le soutien massif de l'Iran aux résistants de ces deux pays a largement contribué à l'échec desdits djihadistes wahhabites, donc à l'échec du projet américano-saoudien d'installer des «régimes» fantoches en Irak et en Syrie.

Réaction américaine au développement de l'influence iranienne au Moyen-Orient

Pour faire plier l'Iran au Moyen-Orient, les Etats-Unis ont quitté l'accord nucléaire signé le 14 juillet 2015 dans le but d'imposer à l'Iran des sanctions «les plus dures de l'histoire». Ils somment l'Iran de revenir à l'intérieur de ses frontières !!!

Peine perdue. En effet, avec le temps, l'Iran est devenu la seule puissance militaire disposant de milliers de miliciens à ses ordres au Moyen-Orient. l'Iran a dépensé des milliards de dollars et perdu, avec ses alliés, des milliers d'hommes sur les champs de bataille en Irak et en Syrie. Ce qui a été gagné par la guerre, ne sera restitué qu'en cas d'échec lors d'une guerre. Même la Russie, officiellement «alliée de l'Iran» en Syrie, jalouse le potentiel militaire de l'Iran au Moyen-Orient.

Le face-à-face entre les puissances militaires occidentales et orientales se poursuit en Ukraine, en Syrie, en Irak, au Liban et au Yémen. De grandes turbulences régionales en perspective.

1.    https://arretsurinfo.ch/le-hezbollah-joue-un-role-fondamental-dans-la-resistance-a-la-domination-disrael/

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