Politique et géopolitique. Deux siècles de guerre au Moyen-Orient et en Asie Centrale. Analyse géopolitique de l'évolution des rapports de forces des acteurs régionaux et mondiaux au Proche et au Moyen-Orient: Afghanistan, Irak, Iran, Liban, Palestine et Syrie face à une guerre permanente. Naissance d'une nouvelle alliance militaire de portée mondiale.
20.12.18
30.11.18
1.11.18
Analyse 14 (2018). Le baiser de la mort d'Istanbul
Paix et Justice au
Moyen-Orient
STRASBOURG, le 1er novembre 2018
geopolitique.mo67@gmail.com
Le baiser de la mort d'Istanbul
Que se passerait-il si l'Iran
retirait son soutien au régime syrien ?
Samedi 27 octobre, les
chefs d’État français, allemand, russe et turc, se sont réunis à Istanbul, et ont appelé à un cessez-le-feu « stable et durable » à Idlib. Lors
d’une conférence de presse qui a suivi cette rencontre, Emmanuel Macron président français a déclaré : « Nous
comptons sur la Russie pour exercer une pression très claire sur le régime, qui
lui doit sa survie » afin de garantir un « cessez-le-feu
stable et durable à Idlib ». (Lemonde.fr du 27 octobre 2018 avec AFP)
L'Iran, principal soutien
militaire, politique et financier de l'actuel régime syrien, n'a pas été convié
à cette réunion. Que se cache-t-il derrière l'injonction française à propos
d'un « cessez-le-feu stable et durable à Idlib »? Pour
comprendre le véritable enjeu de la réunion d'Istanbul et les raisons de
l'absence de l'Iran, un rappel sur le rôle de chacun des protagonistes pendant
la guerre de Syrie s'impose.
Pourquoi la guerre de Syrie ?
La guerre de Syrie
poursuivait les mêmes objectifs, sinon davantage, que la guerre d'Irak et, plus
tard, les guerres du Sud Liban et de Libye : étendre le pouvoir des puissances militaires et financières
occidentales à l'ensemble du Proche et du Moyen-Orient, après la chute de
l'Union soviétique.
Ladite guerre devait
ensuite se conclure par l'écrasement du Hezbollah libanais, suivi de
l'asservissement de l'Iran, de la mainmise sur l'ensemble des ressources
énergétiques et voies de communication terrestres, maritimes et aériennes du
Moyen-Orient, du démantèlement des grands pays de la région, dont la Turquie,
ainsi que la marginalisation croissante de la Russie et de la Chine.
Comme nous l'avons écrit
dans l'une de nos analyses, «la Syrie est la porte de l'Iran» et, par ricochet,
celle de la Russie. La guerre de Syrie devait exaucer le souhait de l'aile
militariste du pouvoir américain, à savoir : « Make America great again » !
Chose inédite. Dès le début
de la contestation en Syrie, les ambassadeurs français et britannique, alliés
des Etats-Unis au sein de l'OTAN, se sont rendus dans certaines villes
insurgées pour apporter le soutien de leur pays respectif, deux anciennes
puissances tutélaires du Moyen-Orient et de la Syrie, auxdits insurgés.
L'insurrection de la
population syrienne contre le régime dictatorial de Bachar Al-Assad était fort
légitime. Cependant, la visite des ambassadeurs français et britannique aux
insurgés envoyait des signaux clairs de soutien aux insurgés et d'ingérence
dans les affaires intérieures d'un pays souverain.
Le passage de la révolte
pacifique de la population à l'insurrection armée (encouragée par lesdites
puissances et leurs obligés régionaux ?) a fini par transformer la révolte en
guerre (presque) internationale, avec l'intervention directe et indirecte des
puissances militaires occidentales et régionales, en particulier américaine,
française, turque et par djihadistes wahhabites interposés.
L'Iran à l'avant poste de la guerre de Syrie
Dès le début, l'Iran,
associé à la Syrie par un traité d'amitié, s'est fortement impliqué dans la
guerre de Syrie. Même le Hamas palestinien, les démocrates occidentaux et moyen
orientaux se sont trompés sur les vrais enjeux de cette guerre de reconquête en
soutenant les insurgés dont le caractère progressiste - réel seulement avant la
militarisation de l'insurrection - était mis en avant par les puissances
militaires occidentales, la Turquie et les régimes médiévaux et archaïques
saoudien, qatari, émirati.
Face aux milliards de
dollars investis et l'afflux de djihadistes pressés de mourir en «martyr», le
pari de l'Iran paraissait difficile à gagner. C'est à ce moment là que l'Iran
invita la Russie à s'engager dans la guerre ; l’Iran fournissant les
miliciens fantassins aguerris et la Russie son aviation.
Grâce à cette combinaison,
le régime syrien fut sauvé, les djihadistes furent mis en déroute et les
desseins de la coalition occidentale pour remodeler le Moyen-Orient furent mis
en échec.
Il reste encore quelques
poches de résistance dont Idlib, la plus importante, où l'Occident tente de
maintenir le statut quo, sous forme d'un « cessez-le-feu stable et
durable à Idlib », afin de sauver ses djihadistes restants,
indispensables pour faire pression sur le régime syrien et l'Iran, dans
l'espoir d'imprimer leurs marques sur la Syrie de l'après guerre.
Les puissances militaires
occidentales n'ont toujours pas renoncé à leurs desseins diaboliques de
reconquête et de dépeçage des grands pays du Moyen-Orient; desseins hérités de
l'administration George W. Bush.
La Turquie et la Russie ont besoin de l'Iran
L'Occident compte sur la
Russie et la Turquie qui ont des relations (et intérêts) très étendues avec les
pays occidentaux pour faire fléchir la Syrie et l'Iran. «Mais plusieurs escarmouches ont eu lieu ces derniers jours [sur
Idlib] et des frappes du régime ont fait
sept morts vendredi» 26 octobre. (Lemonde.fr du 27 octobre 2018 avec AFP). C'est
le message envoyé par la Syrie et l'Iran aux conférenciers d'Istanbul. La
Russie a vite réagi : sans la participation de l'Iran, impossible de rétablir
la paix en Syrie. CQFD !
Par ailleurs, la Russie et
la Turquie sont conscientes qu'elles ont besoin de l'Iran. Imaginons un instant
que l'Iran retire son soutien au régime syrien : le régime chuterait
rapidement; comme en Irak, on assisterait à la création d'un Kurdistan autonome
au Nord de la Syrie. À son tour, la Turquie a toutes les chances de perdre le
Kurdistan turc qui, associé au Kurdistan syrien, formeraient un «Grand
Kurdistan» au Sud de la Turquie et sous la protection de l'Occident. La Russie
perdrait ses bases militaires et devrait quitter la Syrie. Après la chute du
régime syrien, ce serait le tour de l'Iran de subir la guerre et la
dévastation.
Le baiser de la mort d'Istanbul
Accepter la «main tendue»
et les promesses du couple Macron-Merkel, c'est donner le baiser de la mort. La
Russie et la Turquie - qui savent bien que les puissances militaires
occidentales ne respectent jamais leurs promesses - en sont conscientes. C'est
pourquoi, la conférence d'Istanbul du 27 octobre est mort né et, sans doute,
n’aura jamais de suite.
20.10.18
Analyse 13 (2018). Du «Mur de Berlin» au «Mur d'Idlib»
Paix et Justice au
Moyen-Orient
STRASBOURG, le 20 octobre 2018
geopolitique.mo67@gmail.com
Du
«Mur de Berlin» au «Mur d'Idlib»
Après la victoire des alliés sur l'Allemagne nazie,
le 8 mai 1945, Berlin, situé en zone soviétique, est partagé en quatre secteurs
administrés par une commission de contrôle quadripartite (Etats-Unis, Grande
Bretagne, URSS et France). Les Soviétiques s'en retirent le 20 mars 1948.
A partir du 13 août 1961, la RDA (République
démocratique d'Allemagne) commence à ériger le mur séparant les deux secteurs
de la ville. A l'est, les Soviétiques et alliés feront face aux camp
occidental, mené par les Etats-Unis, eux-mêmes installés à l'ouest de Berlin,
jusqu'au 9 novembre 1989, date de l'effondrement du mur de Berlin qui fut suivi
de l'unification de l'Allemagne.
Le Berlin du temps de la «guerre froide», et la
province d'Idlib, vivent à des époques différentes, ont vécu différentes
histoires, avec les protagonistes de leur époque. Il serait faux de vouloir les
placer sur le même plan. Pourtant, la similitude entre les deux localités est
frappante : une multitude de forces étrangères est présente sur le champ de
bataille, même si, contrairement à Berlin du temps de la «guerre froide»,
l'enclave d'Idlib n'est pas divisée en zones d'influence des adversaires en
guerre.
Comme à Berlin, le camp occidental (les Etats-Unis,
la France, le Royaume uni, l'Allemagne) et ses alliés régionaux font face à la
Russie et à ses alliés orientaux, en particulier l'Iran, puissance dominante en
Syrie.
Pour le camp occidental, en particulier américain,
il est très important d'avoir une base militaire en Syrie d'où il peut exercer
des pressions sur ses adversaires. Comme Berlin, Idlib est donc un enjeu
d'ordre militaire d'importance stratégique. «Les Etats-Unis ont manifesté publiquement leur volonté de rester en
Syrie et ont réaffirmé leur hostilité à une offensive du régime de Bachar
Al-Assad contre l'enclave d'Idlib (…) Washington
a fait comprendre de manière plus discrète aux acteurs du conflit que les
Etats-Unis pourraient intervenir si le régime syrien lançait une offensive
contre l'enclave d'Idlib»(1)
Comme à Berlin, l'enclave d'Idlib est fortement
militarisée : dépenses militaires colossales, présence d'armes des plus
sophistiquées, munitions et militaires sous toutes les formes (soldats et
miliciens). Hormis un petit contingent de l'armée turque, aucune armée étrangère
n'est, officiellement, présente à Idlib. Il n'y a que l'armée syrienne, épaulée
par des conseillers militaires iraniens et russes et des milliers de miliciens
parrainés par différentes puissances mondiales et régionales, qui se font face.
L'imbroglio
turque
Si le camp oriental, en particulier l'Iran et les
milices affiliées, manifeste une certaine cohésion, le camp occidental brille
par ses contradictions et sa désunion. En manifestant «publiquement leur volonté de rester en Syrie», réaffirmant leur «hostilité à une offensive du régime de
Bachar Al-Assad contre l'enclave d'Idlib», les Etats-Unis apportent
publiquement leur soutien aux djihadistes wahhabites Hayat Tahrir Al Cham
(HTS), la force dominante à Idlib, dont le noyau dur est issu d'Al-Qaida.
HTS «contrôle
les endroits les plus stratégiques et les plus lucratifs du gouvernorat, y
compris son chef-lieu et sa frontière avec la Turquie, à partir de laquelle il
peut prélever des taxes.»(2) Cette manne financière de HTS ne
peut exister sans l'assentiment de la Turquie et de ses alliés, régionaux
(l'Arabie saoudite, parrain de l'ensemble des djihadistes wahhabites) et autres
(Américains), fournisseurs des armes, logistiques et renseignements, au groupe
djihadiste.
Partie du camp occidental, le HTS s'accommode de la
présence turque et avait même accompagné le déploiement du contingent turc à
Idlib. Les djihadistes, qui ne souhaitent pas braquer l'armée turque, sont
conscients de son double jeu qui les utilise contre les rebelles kurdes,
soutenus par les Américains, officiellement alliés des Turcs au sein de l'OTAN.
Les rebelles kurdes du Nord de la Syrie (qui font partie du camp occidental)
forment le talon d'Achille de la Turquie. Car les Iraniens et les Russes les
instrumentalisent également pour faire pression sur la Turquie à la table des
négociations.
Le camp oriental consolide ses positions en Syrie
étape par étape. Les zones de désescalade ont été reprises les unes après les
autres. Il ne reste qu'Idlib et certaines régions du Nord de la Syrie sous administration
kurde, turque et américaine. Avec la livraison des batteries de missiles
sol-air S 300 à l'armée syrienne, la Russie a mis un terme à l'hégémonie
aérienne de l'aviation israélienne qui intervenait au profit du camp
occidental, pour entraver l'avancée de l'armée syrienne. Le pouvoir syrien se
stabilise et la perspective de reconstruction en Syrie attise les appétits en
Occident.
Contrairement à Berlin du temps de la «guerre
froide», où le camp occidental était en position de force, il est en position
de faiblesse à Idlib.
La province semble être prise en otage par le camp
occidental pour des négociations en cours sur les accords nucléaires, les
missiles balistiques de l'Iran, l'influence grandissante de Téhéran au
Moyen-Orient, la guerre à l'Est de l'Ukraine et la reconstruction de la Syrie.
Pour quand la
«chute du mur» d'Idlib?
Les faits sont têtus. Même «les verbes colorés, graveleux parfois» de Donald Trump n'y
changeront rien. Le camp occidental a perdu en Syrie et il est temps qu'il retire
ses troupes. D'autant plus que ledit camp est plus que jamais divisé, grâce à
l'action de l'administration Trump et de sa guerre économique déclenchée contre
le monde entier, en particulier la Chine et l'Union européenne.
Cette dernière tient à rester dans l'accord
nucléaire avec l'Iran et tente de le sauver avec la création de l' «entité
légale» ou «véhicule spécial» - SVP, selon l'acronyme anglais, dont la
naissance a été annoncée lundi 24 septembre à New York. Le SVP devrait
permettre à l'Iran de maintenir des liens commerciaux et industriels avec
l'Union européenne et le reste du monde, via les banques européennes.
Face à l'Iran, l'Union européenne et
l'administration Trump ont deux stratégies diamétralement opposées. Un gouffre.
Selon les dires des autorités européennes, l'Union
européenne profite du SVP pour se libérer également du diktat américain.
Face à l'adversité américaine, l'avenir nous dira
si le SVP a réussi. Une chose est sûre : «Les
Etats-Unis n'ont plus le pouvoir ni le statut nécessaire pour imposer un ordre
régional qui leur conviendrait. Il est fort probable que Washington ne
parviendra jamais à rétablir son hégémonie au Moyen-Orient, car la région a
fondamentalement changé.»(3)
La chute du «mur d'Idlib» n'est qu'une question de
temps dont les aiguilles tournent en faveur du camp oriental, en particulier de
l'Iran.
La chute du «Mur de Berlin» a ouvert un boulevard
devant la poussée vers l'Est du camp occidental. Verra-t-on le camp oriental s'étendre
vers l'Ouest après la chute du «Mur d'Idlib» ?
1)
Marie Bourreau
et Allan Kaval (à Paris) - Le Monde des 9-10 septembre 2018.
2) Le Monde des 16-17 septembre 2018.
3) Marc Lynch
- Foreign Affairs New York - cité par
Courrier international n° 1452 du 30
août au 5 septembre 2018.
8.10.18
Analyse 12 (2018) : Le Moyen-Orient, le deuxième Vietnam des Américains ?
Paix
et Justice au Moyen-Orient
Strasbourg,le 8 octobre 2018
Le Moyen-Orient, le deuxième Vietnam des Américains ?
Strasbourg,le 8 octobre 2018
Le Moyen-Orient, le deuxième Vietnam des Américains ?
La roue de l'Histoire tourne en faveur de nouvelles forces
émergentes
Le
Vietnam. Ce pays sonne comme un cauchemar aux oreilles de la plus puissante armée
du monde qui, après 20 ans de guerre meurtrière (novembre 1955-avril 1975),
durant laquelle l'armée américaine utilisa toutes les gammes de munitions
interdites par les conventions internationales, a du plier bagage et fuir honteusement
ce pays.
C'est
la plus grande défaite de l'armée américaine, depuis la seconde guerre mondiale;
celle qui avait diffusé (et continue à diffuser) un roman à propos de son
invincibilité. Revivons-nous le même scénario au Moyen-Orient ?
Les
Etats-Unis ont traversé une longue période de convalescence qui alla jusqu'en
2001, date de l'attentat des tours jumelles de World trade center à New York. Au cours cette période (1975-2001),
l'armée américaine s'est consolidée et rétablie, surtout sur le plan moral.
D'autant plus que la chute du principal adversaire des Etats-Unis, l'Union
soviétique, le 25 décembre 1991, ouvrit un boulevard devant l'appétit
hégémonique de Washington.
«Make America Great Again»
Les
guerres pour «Make America Great Again»
ont repris de plus belle par l'armée américaine en novembre 2001, d'abord avec
l'invasion de l'Afghanistan, suivie de l'invasion de l'Irak le 20 mars 2003.
Il
ne manquaient que la Syrie et, en particulier l'Iran, pays occupant une
position géostratégique au Moyen-Orient, au tableau de chasse de l'armée
américaine. Sans lesdits pays, impossible de «Make America Great Again» !
Tout
paraissait à portée de main de l'armée américaine. Les finances du pays étaient
équilibrées, l'armée motivée à tel point que les hommes politiques et des think
tanks associés pensaient pouvoir engager l'armée sur, au moins, trois fronts.
C'était sans compter avec la résistance acharnée des peuples Afghan et Irakien
ainsi que l'agitation qui avait gagné les pays voisins, comme l'Iran, le
Pakistan, l'Inde, la Chine et la Russie, suite à la rupture des équilibres
régionales et mondiales des forces.
L'Iran
sortait de huit années d'une guerre meurtrière avec l'Irak de Saddam Hussein,
soutenu par toutes les puissances militaires que comptaient le monde d'alors, y
compris l'Union soviétique. L'Iran est sorti exsangue, mais pas vaincu. Et sans
dettes.
La
guerre avec l'Irak a servi d'«entrainement» aux armées iraniennes (l'armée
nationale et les Gardiens de la révolution), faisant prendre conscience au
pouvoir et à la nation que le pays vit dans la région la plus dangereuse du
globe.
Le
renforcement du potentiel militaire s'est imposé comme la seule alternative
indispensable à la survie de la nation. L'obtention de la bombe atomique fut
relancée. Une panoplie de missiles de différentes portées fut fabriquée et,
surtout, la constitution d'une «profondeur stratégique» fut entreprise pour
éloigner l'adversaire du territoire national, en menant la guerre sur d'autres
terrain, en l'occurrence sur celui des alliés régionaux des Etats-Unis.
Certes,
l'Union soviétique n'existe plus. Mais, le monde assiste à la naissance d'une
nouvelle puissance militaire au Moyen-Orient, la région la plus stratégique du
globe. Elle agit comme la flèche des puissances militaires orientales, en
particulier russe et chinoise, conscientes du crépuscule de la puissance
américaine, encore agressive et dangereuse.
La
puissance montante iranienne ne possède pas une technologie militaire aussi
performante que la Russie et la Chine. Mais, elle possède une arme redoutable :
elle mise sur le sentiment confessionnelles (chiite) imprégné de
l'anti-impérialisme occidental pour mobiliser les peuples et nations des pays
agressés (le Liban, l'Irak, la Syrie, l'Afghanistan) par les Etats-Unis et ses
alliés régionaux (l'Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, le Qatar, la
Turquie, Israël).
Par
ailleurs, l'Iran exploite amplement les nombreuses erreurs stratégiques
américaines, et de ses alliés, dont les plus importantes furent l'invasion de
l'Irak en 2003, l'invasion du Liban Sud par l'armée israélienne en 2006, la
guerre de Syrie en 2011 et la guerre du Yémen en 2015, déclenchée par une
coalition arabe sous le patronage de l'Arabie saoudite.
Washington
ravitaille les avions de la coalition en vol et lui fournit des renseignements,
des armes et des bombes. Au premier jour de la visite de Donald Trump à Riyad
le 20 mai 2017, les Etats-Unis ont signé plus de 380 milliards de dollars de
contrats d'armements avec les Saoudiens.
Le
nouveau «Vietnam» américain commence en Irak…
La
guerre d'Irak, suivie de la résistance acharnée du peuple contre l'envahisseur,
a coûté très chère aux Américains qui y ont perdu plus de 6000 militaires, des
dizaines de milliers d'estropiés et des milliers de milliards de dollars de
dépenses militaires. Cette guerre a permis à l'Iran de sortir de ses
frontières, de s'installer en Irak et de partager le pouvoir du pays avec
Washington.
La
guerre du Liban, déclenchée par Israël, a transformé le Hezbollah libanais,
seule force résistant à l'envahisseur, en force incontournable sur la scène politique
libanaise.
La
guerre de Syrie est totalement perdu par les alliés de Washington, donc par les
Etats-Unis et ses djihadistes qui tentent de maintenir un contingent en Syrie.
Jusqu'à quand ?
La
guerre de Yémen commence à épuiser l'Arabie saoudite qui y a engagé des
milliards de dollars et son prestige piétiné chaque jour par des résistants
yéménites. Selon un fonctionnaire onusien «Le
Yémen est devenu le Vietnam des Saoudiens», et celui des Américains,
principal soutien de la coalition. Selon un officiel occidental : «cette guerre ne peut pas être gagnée. Et
pourtant, ils [tous les principaux alliés de Riyad] continuent de donner la priorité aux ventes d'armes.» (Benjamin
Barthe et Louis Imbert (à Paris) - Le
Monde du 2 octobre 2018).
En
effet, les firmes européennes avaient exporté, entre 2001 et 2015, pour 57
milliards d'euros d'armements vers Riyad, deuxième plus gros importateur
mondial, selon l'Institut de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri). De
fait, près de 60% de l'armement saoudien provenait alors d'Europe (Même
source).
…et
s'étend à l'ensemble du Moyen-Orient. Les puissances militaires euro-asiatique relèvent
la tête.
Force
est de constater que rien ne vas plus pour Washington et ses alliés occidentaux
(le Royaume uni, la France, l'Allemagne) et régionaux (l'Arabie saoudite, les
Emirats arabes unis, la Turquie) au Moyen-Orient.
Sentant
le vent tourné, la Turquie, menacée d'une partition du sud du pays; partition
soutenue par les Etats-Unis, se tourne vers l'axe Iran-Russie.
La
Russie et la Chine, défiant les Etats-Unis, ont organisé en Sibérie orientale, des
manœuvres militaires géantes «Vostok 2018», du 11 au 17 septembre 2018. Un signal
envoyé aux Américains en amont d'un règlement éventuel du conflit de la
péninsule coréenne qui secouera l'architecture géopolitique actuelle de l'Asie
du Sud et dénote également de la fin de la toute puissance américaine dans
cette partie du monde.
Les
Américains ont dépêché en hâte leur flottille composée de porte-avions, de sous
marins et autres navires de guerre, stationnée au Golfe Persique, vers le
Sud-Est asiatique. Washington ne sait pas où donner de la tête.
Comme
Richard Nixon, vers la fin de la guerre de Vietnam, il ne reste que les
hurlements de Donald Trump et de ses conseillers «néoconservateurs» et va-t-en-guerre, liés au complexe
militaro-industriels, pour «Make America
Great Again» ! Ainsi que les sanctions économiques envers l'Iran et la
Russie, soudainement suspectée d'empoisonnement des opposants Russes au Royaume
uni.
L'isolement
de Donald Trump au Conseil de sécurité des Nations unies le 26 septembre 2018,
face à un front uni entre l'Europe, la Russie et la Chine, en dit long sur les
modifications historiques des rapports de force en cours. En effet, la roue de
l'Histoire tourne en faveur de nouvelles forces émergentes.
Le
Moyen-Orient ressemble, à s'y méprendre, au deuxième Vietnam des Etats-Unis qui
ne sont qu'au début du reflux de leur puissance. L'Union européenne arrivera-t-elle
à saisir l'occasion dans le but de maintenir certaine influence économique et
politique au Moyen-Orient, en se détachant de l'emprise financière et politique
américaine ?
4.9.18
Analyse 11 (2018). La lutte finale à Idlib
Paix et Justice au
Moyen-Orient
STRASBOURG, le 4 septembre 2018
geopolitique.mo67@gmail.com
La
lutte finale à Idlib
Le reflux occidental au Moyen-Orient
Comment comprendre la dynamique géopolitique
actuelle au Moyen-Orient ? Pour certains médias, cette dynamique s'apparente
plutôt à un «nouveau désordre» (Courrier international du 30 août au 5
septembre 2018). Faut-il rappeler que les médias occidentaux parlent de «désordre» chaque fois que l'hégémonie
des puissances militaires occidentales est contestée. Lesdits médias parlent de
«stabilité» dans le cas de domination
sans partage d'une région ou d'un pays par des puissances colonialistes
euro-américaines.
Avant la chute de l'Union soviétique, l'Irak et la
Syrie étaient parrainés par elle qui, en les armant, les protégeait face à la
convoitise des puissances occidentales. L'affaiblissement, puis la chute de
l'Union soviétique mirent l'Irak et la Syrie à portée de main de l'armée
américaine qui envahit puis conquit l'Irak en 2003.
La Syrie devait subir le sort de l'Irak. Mais, les
accords militaires irano-syriens et la percée du Hezbollah au Liban - ainsi que
sa victoire sur l'armée israélienne qui dut évacuer le Sud Liban - ont créé de
facto une alliance tripartite puissante, obligeant Washington et ses obligés
locaux à revoir leurs plans, agir autrement.
Il leur fallait d'abord casser l'alliance
tripartite en commençant par son maillon le plus faible, le Hezbollah libanais.
Le choix a donc porté sur le Liban, petit pays divisé où l'Occident a des
soutiens solides en la personne de Saad Hariri et où le Hezbollah semblait une
proie facile pour la machine de guerre israélienne. La Syrie après le Liban, se
disaient (peut-être) les américano-saoudo-israéliens.
Malgré les 33 jours d'une guerre destructrice en
2006 au Sud Liban, le Hezbollah est sorti de cette guerre encore plus puissant
qu'avant.
Saisissant la période des «Printemps arabes», le
pouvoir syrien devait être broyé, à son tour, par les obligés de l'Occident, en
particulier la Turquie et l'Arabie saoudite et leurs milliers de djihadistes.
Après sept ans de guerre sans merci, Bachar Al-Assad, soutenu activement par
l'Iran et la Russie, est toujours là.
Anti-impérialistes
et djihadistes
Il est très important de noter que les puissances
américano-britanniques, à cause de leurs interventions fréquentes sous forme de
coup d'état, provocation d'agitations sociales, soutien aux rebellions
ethniques conduisant au démantèlement des pays souverains, etc., sont craintes
et honnies dans toute la région. Aux yeux de la population moyen-orientale,
l'intervention des américano-britanniques au Moyen-Orient revêt donc un
caractère colonialiste. L'opposition à cette intervention revêt automatiquement
un caractère anticolonialiste.
Ce principe n'échappe par aux autorités iraniennes
qui, à cause de leur hostilité envers les Etats-Unis, puissance menaçante,
oppressive et ouvertement pro-israélienne, arrivent à attirer la sympathie
croissante de l'ensemble des peuples du Moyen-Orient, voire au-delà.
Les Etats-Unis et leurs obligés locaux, en
particulier l'Arabie saoudite, ne restent pas les bras croisés. En effet,
depuis les années 1950 et le développement du mouvement anticolonialiste au
Moyen-Orient qui a conduit à la naissance des régimes «anti-impérialistes» en
Egypte, en Irak et en Syrie, nous observons l'essor du wahhabisme et du
salafisme qui diffusent le venin de «la guerre de religion» - sunnite contre
tous les «impies» et «mécréants» - au Moyen-Orient, voire en Europe et en
Amérique.
La réalité est que la «la guerre de religion»,
financée et armée par l'Arabie saoudite et les Etats-Unis, éloigne la guerre
«anti-impérialistes» de ses objectifs, profite largement aux forces
colonialistes, en particulier à leurs parrains américains et saoudiens.
Compte tenu du caractère anticolonialiste des
mouvements de libération au Moyen-Orient, une partie des djihadistes
wahhabites, retourne ses armes contre les Etats-Unis et l'Arabie saoudite,
accusée à son tour de servir les intérêts des Etats-Unis, «puissance croisée» !
Ce fut le cas d' «Al Qaida» en Afghanistan et de «l'Etat islamique» en Irak et
en Syrie.
Cela n'empêche pas les Etats-Unis de s'appuyer
occasionnellement sur lesdites forces djihadistes pour combattre leurs
adversaires du moment (l'Iran, la Russie) au Moyen-Orient.
La guerre de
partage au Moyen-Orient et la nouvelle puissance montante.
C'est encore le cas en Irak ou en Syrie où les
médias occidentaux mettent l'accent sur la guerre de religion sunnite-chiite
opposant l'Iran aux forces pro-américaines et wahhabites.
Les médias passent sous silence le caractère
mondial de cette guerre qui ravage la région et à laquelle participent une
soixantaine de pays étrangers, en particulier les vieilles puissances
colonialistes dont les Etats-Unis, le Royaume uni, la France, l'Allemagne, la
Russie, etc.
C'est une guerre pour des zones d'influence que se
livrent lesdites puissances au Moyen-Orient, à laquelle s'est invité l'Iran, la
nouvelle puissance montante.
Une guerre
entre l'Iran et les Etats-Unis est-elle envisageable ?
Etant donné les tensions croissantes entre les
Etats-Unis et leurs obligés locaux, d'une part, et l'Iran, d'autre part,
certains n'hésitent pas à brandir la menace imminente d'une guerre entre les
deux protagonistes.
C'est oublier que, depuis la chute du pouvoir des Pahlavi en 1979, les Etats-Unis -
qui ont perdu leur hégémonie sans partage au Moyen-Orient, carrefour de trois
continents, et des détroits hautement stratégiques d'Ormuz et de Bab Al-Mandeb,
menacés par le mouvement yéménite Houthiste, soutenu par Téhéran - sont en guerre (via des pays voisins et
Israël) contre l'Iran (et ses alliés),
pays clé de la région.
Ces guerres d'inspiration américaine qui durent
depuis 38 ans se sont soldées (au moment où nous rédigeons cette analyse), par
la destruction du Liban Sud, de l'Irak, du Yémen et de la Syrie. Un immense
champ de ruines. Sans parler des dizaines de milliers de morts civils et
militaires, des millions de déplacés qui jonchent l'histoire tourmentée de
cette région.
Les gagnants
et les perdants
Parallèlement, l'Iran en a profité pour renforcer
sa position régionale, acquérir des zones d'influence en Afghanistan, au Liban,
en Irak, en Syrie.
Les Etats-Unis sont les vrais perdants de cette
guerre sans fin. Ils perdent du terrain au profit de l'Iran et de la Russie,
invitée de l'Iran sur la scène syrienne. Les dettes américaines explosent, son
armée est démoralisée, son hégémonie mondiale sérieusement contestée.
Impuissants à battre militairement l'Iran et ses
alliés, les Etats-Unis, soutenus par les puissances occidentales (la France, le
Royaume uni, l'Allemagne) sortent leur dernière arme, celle des sanctions
économiques, même contre leurs propres alliés, si ceux-ci ne respectent pas la
Pax americana !
Le malaise est total. En effet, pour combler leurs
déficits colossaux, les Etats-Unis mènent actuellement une guerre économique
tous azimuts contre leurs propres alliés. L'objectif : mettre à contribution
les finances de ces derniers pour éponger leurs propres dettes astronomiques.
La tension est palpable entre les Etats-Unis et leurs alliés chinois et
européens qui n'apprécient guère la méthode brutale de détroussage d’une
administration Trump à bout de souffle.
La lutte
finale à Idlib
Actuellement, Idlib est la seule région syrienne
qui échappe au pouvoir syrien et à ses alliés Iraniens et Russes. L'armée turque
et les djihadistes wahhabites présents à Idlib représentent le dernier carré de
résistance des puissances occidentales encore actives en Syrie.
Tout porte à croire que l'armée turque et les
miliciens djihadistes divisés ne résisteront pas longtemps face au rouleau
compresseur de l'armée syrienne, soutenue par des miliciens chiites aguerris
encadrés par les conseillers iraniens et l'aviation russe.
Le pouvoir
syrien, l'Iran et la Russie sont les grands gagnants de la guerre de Syrie. L'Union européenne souhaite
vivement participer à la reconstruction de la Syrie qui lui permet également de
rester présente dans cette partie hautement stratégique du Moyen-Orient. Or,
pour revenir en Syrie, il faut négocier avec l'Iran.
La Syrie est devenue l'atout stratégique de l'Iran
face aux puissances occidentales (sauf les Etats-Unis) qui maintiennent des
canaux de négociation avec l'Iran.
3.8.18
Analyse 10 (2018). Bruit de bottes au Moyen-Orient
Paix et Justice au
Moyen-Orient
STRASBOURG, le 3 août 2018
geopolitique.mo67@gmail.com
Bruit de bottes au Moyen-Orient
Le
Moyen-Orient, une région maudite
Les pays du Moyen-Orient sont au centre des
tensions internationales, subissant les pressions et ingérences en tout genre
des puissances militaires et financières mondiales, en particulier
occidentales.
Certains pays comme les pays arabes du Golfe
Persique, l'Egypte, la Jordanie, se sont alignés sur les intérêts géopolitiques
des puissances anglo-saxonnes. Ils sont les marchés des complexes
militaro-industriels, des industries civiles et agro-alimentaires des
puissances militaires occidentales, et mobilisent leurs armées comme forces
supplétives des puissances dominantes. Hier britannique, aujourd'hui
américaine.
D'autres comme l'Iran et, en moindre mesure, le
Liban et la Syrie, tentent de préserver leur souveraineté politique en
acceptant le soutien militaire et économique de l'Iran qui les considère comme
faisant partie de sa «profondeur stratégique».
Les pouvoirs en Iran, en Irak, en Afghanistan, en
Syrie et au Liban se font et se défont en fonction des pressions
extérieures : coups d'état et autres guerres coloniales ont installé,
depuis plus de deux siècles, l'instabilité chronique en Asie centrale et au
Moyen-Orient.
Les
guerres de George W. Bush
Depuis l'élection de George W. Bush (20 janvier
2001 - 20 janvier 2009), une situation de guerres sans fin et de chaos
prédomine au Moyen-Orient et en Asie centrale. L'invasion de l'Afghanistan en
octobre et novembre 2001 par les Etats-Unis et ses alliés britanniques,
allemands, français, australiens, etc., a donné le coup d'envoi d'une série
d'interventions militaires occidentales en Irak (2003), au Liban (2006), en
Libye (2011), en Syrie (mars 2011) où Américains, Britanniques, Français,
Israéliens et milices supplétives occupent la première ligne.
Face à la menace américaine de (ré)imposer son
hégémonie sur l'ensemble du Moyen-Orient par la force, le pouvoir iranien,
soucieux de la souveraineté politique et territoriale du pays, décida en 2005
de reprendre son programme nucléaire en installant Mahmoud Ahmadinejad, un
ancien gardien de la Révolution islamique (GRI), à la présidence de la
République (2005-2013).
George W. Bush et Mahmoud Ahmadinejad
s'invectivaient copieusement et ne perdaient pas une occasion pour se lancer
des menaces de guerre et de destruction. Israël n'a pas échappé à la vindicte
d'Ahmadinejad qui joignit sa voix à celle des négationnistes européens.
Les guerres de Georges W. Bush ont coûté aux
Américains plus de cinq milles milliards de dollars, des milliers de morts,
montrant clairement le visage hideux «impérialiste» et interventionniste de la
plus grande puissance militaire mondiale drapée d'humanisme. Malgré cela, le
programme nucléaire de la République islamique a rapproché l'Iran de la
réalisation de la bombe atomique, cauchemar des puissances occidentales et
d'Israël.
Barak
le pragmatique
L'élection de Barak Obama (20 janvier 2009 - 20
janvier 2017) fut annonciatrice d'un changement de cap de la politique
étrangère aux Etats-Unis. Le rapprochement avec l'Iran fut scellé mardi 14
juillet 2015 à Vienne après plusieurs années de rudes négociations sur le
nucléaire iranien.
Après l'élection de Barak Obama, un changement de
cap est intervenu en Iran en 2013 avec l'élection d'Hassan Rohani à la
présidence de la République islamique; président qualifié de modéré par
l'Occident. L’Iran put conserver ses avancées nucléaires ainsi que son
influence au Moyen-Orient et atteindre la Méditerranée !
Cinq ans plus tard, l'Iran a réussi à sauver le
pouvoir de Bachar Al-Assad en Syrie et développe son influence au Yémen, une
pièce maitresse sur l'échiquier du Moyen-Orient, aux prises avec l'intervention
d'une coalition militaire surpuissante dirigée par l'Arabie saoudite, soutenue
par les Etats-Unis et la France. Ils fournissent matériel militaire et autres
aides logistiques à la coalition. Le pays est dévasté par des années de
bombardements meurtriers et le choléra y sévit au vu et au su du monde dit
civilisé.
Etant donné l'état sous développé du pays et
l'absence de centres de recherche et de cadres scientifiques yéménites, force
est de constater que les miliciens houthistes s'appuient sur l'Iran pour se
fournir, entre autres, en missiles balistiques et autres drones militaires. La
Mer Rouge n'est plus un «lac occidental» et semble sous contrôle, du moins
partiel, des miliciens houthistes et de leurs parrains iraniens.
Tout porte à croire que les Américaine semblent
impuissants à endiguer le développement de l'influence de l'Iran et, en partie,
celle de la Russie au Moyen-Orient.
L’ère
de Donald Trump
Un changement de cap de la politique étrangère
américaine est intervenu en 2017 avec l'élection de Donald Trump qui, sur sa
politique étrangère, prend le contre pied de ses prédécesseurs. L'
«establishment» diabolise la Russie(1)? Donald Trump la courtise. L'
«establishment» courtise l'Iran ? Donald Trump le diabolise ! Ainsi de suite.
Comme politique étrangère, cela peut paraître assez
enfantin s’agissant de la plus grande puissance mondiale. Mais, cette politique
montre également l'impasse dans laquelle se trouve une puissance militaire et
financière pour trouver la porte de sortie d’un grand nombre de questions dont
son déficit commercial avec la Chine et l'Union européenne.
Arès l'élection de Donald Trump, l'effervescence a gagné
Téhéran, surtout après le retrait américain de l'accord nucléaire en mai 2018
et le rétablissement des sanctions économiques envers l'Iran(2).
Donald Trump a haussé le ton contre l'Iran. La réplique des autorités
iraniennes n'a pas tardé. Comme au temps de Georges W. Bush, les invectives
fusent de part et d'autre. Les chefs militaires dont Qassem Soleimani
(commandant des Forces Al-Qods) participent à la polémique annonçant que la «Mer Rouge ne sera plus américaine»,
après qu'un missile houthiste a touché un pétrolier géant saoudien (selon les
autorités saoudiennes) en Mer Rouge.
Hassan Rohani, président de la République, semble
dépassé par les événements. Il est vrai que les pouvoirs exécutif et
sécuritaire du pays sont concentrés aux mains de Khamenei, guide de la
Révolution, et des fondamentalistes qui ne laissent qu'une faible marge de
manœuvre au président de la République, pourtant élu.
Le pays souffre de spéculation sur la monnaie
nationale, de sécheresse, d'incompétence des autorités d'Etat incapables de
gérer un pays de plus de 80 millions d'habitants et 3 fois plus grand que la
France. La rivalité entre différentes fractions au pouvoir bat son plein. La
corruption généralisée, le clientélisme et le manque criant de libertés
démocratiques s’ajoutent au mécontentement. Le mouvement de mécontentement
touche les retraités, les enseignants et l'ensemble des salariés de la fonction
publique et du secteur privé. Hassan Rohani est convoqué devant l'Assemblée
islamique. Prélude à un «impeachment»
à l'iranienne ?
On entend des bruits de bottes à Téhéran : est-ce
pour faire face à l'agitation sociale grandissante et aux menaces américaines
d'empêcher la vente du brut iranien ? Actuellement, les militaires montent au
créneau contre Donald Trump. La reprise des activités nucléaires par un nouvel
«Ahmadinejad» haut en «verbe» à l'instar de Donald Trump serait-elle dans les
cartons ?
Par ailleurs, selon les Américains, la marine
iranienne projette des manœuvres militaires dans le Golfe Persique et en Mer
d'Oman. En effet «la tonalité des
déclarations des dirigeants iraniens montre leur détermination à riposter»(3).
Le mois d'août 2018 risque d'être très chaud au Moyen-Orient.
- Il est vrai que depuis la perte de
l'Europe orientale et celle de son influence en Mer Noire, en Asie
Centrale et au Moyen-Orient, la Russie, puissance recluse au Nord de
l'Europe, ne représente plus un danger pour l'Occident.
2. "Un premier ensemble de sanctions
sera remis en vigueur le 6 août. Ces sanctions viseront notamment le secteur
automobile de l'Iran, ainsi que son commerce de l'or et d'autres métaux
essentiels", a déclaré dans une conférence de presse Brian Hook, directeur
de la planification des politiques au sein du département d'Etat américain. "Les
autres sanctions seront réinstallées le 4 novembre. Elles viseront notamment le
secteur énergétique et les transactions liées au pétrole, ainsi que toute
transaction avec la Banque centrale d'Iran", a-t-il ajouté.
3. Nabil Wakim. Le Monde Economie
& Entreprise du 1er août 2018.
13.7.18
Analyse 9 (2018) : La guerre des postes-frontières, la militarisation des détroits
Paix et Justice au
Moyen-Orient
STRASBOURG, le 13 juillet 2018
geopolitique.mo67@gmail.com
La
guerre des postes-frontières,
la
militarisation des détroits
La guerre des détroits aura-t-elle lieu ?
La guerre
sans fin au Moyen-Orient ne connaît pas de répit. L'Irak et la Syrie se
trouvent toujours en état de guerre. Des forces occidentales, en particulier
américano-françaises(1), sont encore présentes dans ces pays, rêvent
à un nouveau traité du type Sykes-Picot, renforcent leurs positions dans des
bases militaires, défient les armées irakienne ou syrienne, voire même des
miliciens chiites multiethniques. La Turquie n'est pas en reste, son armée, en
accord avec l'Iran et la Russie, occupe certains territoires au Nord de la
Syrie et de l'Irak. Un vrai capharnaüm !
Le pouvoir
syrien, encore chancelant il y a deux ans, a fini - avec le soutien de l'Iran
et de la Russie - par venir à bout des djihadistes soutenus (financièrement et
militairement) par des puissances militaires occidentales et leurs obligés du
Golfe Persique. Il consolide son assise militaire et politique. L'armée
syrienne est arrivée début juillet 2018 au Sud de la Syrie, à la frontière
jordanienne.
L'intérêt
stratégique des postes-frontières
A leur
apogée, les djihadistes, conseillés et appuyés par les voisins de la Syrie (la
Turquie, la Jordanie), s'étaient rapidement emparés des postes frontières - Cilvegozu à Reyhanli et Bab al-Hawa
entre la Syrie et la Turquie et le terminal de Nassib entre la Syrie et la
Jordanie - afin d'asphyxier économiquement le pouvoir syrien.
En effet,
l'importance stratégique des postes-frontières est étroitement liée à la
viabilité économique d'un pays et à la survie de son régime politique.
L'exemple du terminal de Nassib est frappant. «Ce terminal et la zone franche adjacente généraient, avant le
déclenchement de la guerre civile, un trafic commercial d'une valeur estimée à
1,5 milliard de dollars par an. Les camions de produits syriens, mais aussi
turcs, libanais et européens, en route vers Amman et les monarchies du Golfe, y
croisaient d'autres poids lourds, remplis d'exportations égyptiennes,
jordaniennes et saoudiennes, à destination de Damas, d'Istanbul et des pays
européens.». (Benjamin Barthe - Le
Monde des 8-9 juillet 2018). Ces quelques lignes prouvent également la
position stratégique de la Syrie comme
carrefour des voies de communication commerciale au Proche et Moyen-Orient.
Asphyxier
économiquement le pouvoir syrien pour faciliter sa chute a donc conduit les
puissances militaires occidentales et leurs obligés locaux (Turcs, Saoudiens et
Jordaniens) à encourager les groupes djihadistes à s'emparer, au début de
l'insurrection, des postes-frontières.
Ainsi, au
Terminal de Nassib, l'Agence centrale américaine (CIA) a parrainé les miliciens
du «Front du Sud», leur apportant depuis 2014, son soutien financier et
militaire; miliciens qualifiés d' «insurgés»,
voire de «révolutionnaires» par les
médias occidentaux !!!(2)
La
reconquête du Terminal Nassib par l'armée syrienne fut facilitée grâce à un marchandage
avec les Etats-Unis quand leur ambassade à Amman annonça le désengagement
américain dans une note aux commandants du «Front du Sud»: «Vous ne devez pas fonder vos décisions sur
l'hypothèse ou sur l'attente d'une intervention militaire américaine».
Asphyxier le Qatar
La guerre des frontières ne se limite pas à la Syrie. Le 5 juin
2017, l'Arabie saoudite, l'Égypte, Bahreïn et les Émirats arabes unis mettent un terme à leurs relations diplomatiques avec
le Qatar pourtant membre du «Conseil de coopération des Etats arabes
du Golfe» (CCG). Une décision assortie de
mesures économiques, comme la fermeture
des frontières terrestres et maritimes, l'interdiction de survol et des
restrictions sur le déplacement des personnes. La principale raison : le Qatar
refuse le leadership saoudien, se rapproche de l'Iran avec qui il partage
l'énorme gisement gazier de South Pars offshore (appelé également North Dome ou North Field) dans le Golfe Persique.
L'intérêt stratégique des détroits
a - Militarisation du détroit d'Ormuz
Si les
postes-frontières peuvent agir comme des goulots d'étranglement des pays, les
détroits agissent comme ceux du commerce mondial. Les détroits les plus
stratégiques au Proche et Moyen-Orient sont les détroits d'Ormuz dans le Golfe Persique, le détroit de Bab el-Mandeb qui sépare les continents africain et asiatique au
Sud-ouest du Yémen. Par lesdits détroits transitent chaque année des milliers
de navires chargés de marchandises ainsi que des méthaniers, assurant l'énergie
indispensable à l'économie mondiale.
Depuis
plus de deux siècles, d'abord la Grande Bretagne, puis les Etats-Unis épaulés
par les mini puissances maritimes européennes, sont maîtres des océans et des
détroits stratégiques du globe, depuis le détroit de Malacca en Asie du Sud-Est
jusqu'à Gibraltar, détroit qui sépare les continents africain et européen.
Il est à
souligner que les détroits sont surveillés par des bases militaires. Les Etats-Unis ont installé à Bahreïn le quartier général de leur 5ème flotte, «reconstituée» le 1er juillet 1995. Le quartier général (NSA Bahreïn) se trouve
à Manama. La Ve flotte
opère sous l'autorité du CENTCOM.
En avril 2018 le Royaume-Uni
a ouvert une base militaire à Bahreïn, ce qui constitue la première
implantation permanente de ses forces armées au Moyen-Orient en près d’un
demi-siècle.
La France a aussi Sa base militaire dans le Golfe Persique. Il s'agit
d'un ensemble de trois bases militaires situées
aux Émirats arabes unis.
La Turquie a
déployé des forces terrestres dans la caserne de Tariq bin Ziyad au Qatar, dans
le cadre de l’accord signé entre Ankara et Doha le 19 décembre 2014. Le Qatar
prend en charge tous les frais de construction de cette base.
N'importe
quels arguments sont avancés pour justifier la militarisation des détroits. Par
exemple, un parlementaire turc affirme que la création d’une base militaire
turque au Qatar n’a qu'une seule motivation : défendre le Qatar face à l’Iran !!! Alors que pour empêcher
l'asphyxie du Qatar, l'Iran a mis son espace aérien à la disposition de Qatar
Airways et alimente le marché qatari par voie maritime.
b-
Militarisation du Bab el-Mandeb
Si la présence militaire turque au Qatar a pour
objectif, selon le pouvoir turc, de défendre ce pays face à l'Iran, quels
arguments peuvent justifier la présence turque en Somalie, dans la Corne de
l'Afrique ? En effet, le chef
d’état-major des forces armées turques, le général Hulusi Akar, s’est rendu, le
30 septembre 2017, sur le sol somalien pour y inaugurer sa plus grande
base militaire installée dans un pays tiers.
Estimée à 50 millions de dollars, la base serait
destinée, selon les dires de la Turquie et des Somaliens acquis à l'Occident, à
la formation des forces somaliennes pour affronter "seuls" à long
terme les «terroristes de Shebab».
Il faut souligner que le colonialisme empêche le
développement harmonieux des pays de la Corne de l'Afrique qui souffrent de
misère et de sous-développement chronique. La résistance des peuples de cette
région stratégique crée une situation d'instabilité qui porte des coups
mortifères aux intérêts de l'Occident. Il est à noter que la résistance
anticolonialiste n'a jamais cessé en Afrique sub-saharienne depuis la
«décolonisation» qui a donné naissance à des Etats africains fantoches.
Emiratis dans la Corne de l'Afrique
Engagés au côté de l'Arabie Saoudite dans une guerre sanglante au Yémen
contre la minorité houthie, les Emirats (quatrième importateur de matériel
militaire, en particulier américain, dans le monde) ont pris possession d’un
petit port abandonné, face aux côtes yéménites, à l’extrémité Sud de
l’Erythrée.
Il s'agit du port d'Assab,
une ancienne base militaire délaissée par l’armée soviétique à la fin de la
Guerre froide. Située en plein désert, Assab se trouve au milieu de nulle part,
à 500 km au sud de la capitale érythréenne Asmara, idéalement située face à la ville yéménite d’Aden.
Base militaire en Erythrée
Selon le site spécialisé Jane’s 360, cité par le journal Le
Monde du 4 juin «cette base émiratie abrite des Mirage
2000, des hélicoptères et des avions de transport pour les blindés émiratis…
une base arrière pour la guerre au Yémen. Une partie des combattants, sont
également entraînés à Assab», selon un accord signé avec
l’Erythrée. Lequel s’accompagne, selon les experts de l’ONU, d’un «transfert de matériel militaire vers
l’Erythrée et d’une assistance militaire, en
violation de l’embargo sur les armes imposé depuis 2009 à ce pays, l’une des pires dictatures au monde.»
Une
seconde base militaire des Émirats arabes unis va bientôt s'implanter dans la
Corne de l'Afrique. Après l'Érythrée l'an dernier, c'est le Somaliland qui a
accepté d'accueillir des troupes émiraties sur son territoire, dans le port de Berbera.
Il
est à signaler que les navires de guerre américains, français, allemands et
britanniques patrouillent en permanence près de la Corne de l'Afrique.
Récemment,
les résistants houthistes yéménites ont réussi à s'installer dans les hauteurs
de la montagne qui domine le détroit de Bab el-Mandeb, menaçant les navires de
guerre et de marchandise de l'Arabie saoudite, en représailles aux
bombardements incessants du Nord du Yémen par les forces de la coalition,
soutenues par les puissances militaires occidentales dont la France.
La
guerre des détroits aura-t-elle lieu ? A suivre.
Bibliographie :
1)
Selon Nicholas Heras du Center for a New American
Security, il existerait à Washington une volonté de consolider «une zone OTAN en Syrie avec, dans le
Nord-Ouest, les territoires contrôlés par la Turquie et ses alliés issus de la
rébellion, et dans le Nord-Est, les territoires contrôlés par les Etats-Unis et
les FDS [à dominante kurde]. Manbij
serait la clé de voûte de cette nouvelle zone» (Allan Kaval - Le Monde du 07 juin 2018).
2)
Benjamin Barthe - Le Monde du 27 juin 2018.
3)
Wikipédia.