1.11.18

Analyse 14 (2018). Le baiser de la mort d'Istanbul

      Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 1er novembre 2018

geopolitique.mo67@gmail.com

 Le baiser de la mort d'Istanbul 

Que se passerait-il si l'Iran retirait son soutien au régime syrien ?

Samedi 27 octobre, les chefs d’État français, allemand, russe et turc, se sont réunis à Istanbul, et ont appelé à un cessez-le-feu « stable et durable » à Idlib. Lors d’une conférence de presse qui a suivi cette rencontre, Emmanuel Macron président français a déclaré : « Nous comptons sur la Russie pour exercer une pression très claire sur le régime, qui lui doit sa survie » afin de garantir un « cessez-le-feu stable et durable à Idlib ». (Lemonde.fr du 27 octobre 2018 avec AFP)

L'Iran, principal soutien militaire, politique et financier de l'actuel régime syrien, n'a pas été convié à cette réunion. Que se cache-t-il derrière l'injonction française à propos d'un « cessez-le-feu stable et durable à Idlib »? Pour comprendre le véritable enjeu de la réunion d'Istanbul et les raisons de l'absence de l'Iran, un rappel sur le rôle de chacun des protagonistes pendant la guerre de Syrie s'impose.

Pourquoi la guerre de Syrie ?

La guerre de Syrie poursuivait les mêmes objectifs, sinon davantage, que la guerre d'Irak et, plus tard, les guerres du Sud Liban et de Libye : étendre le pouvoir des puissances militaires et financières occidentales à l'ensemble du Proche et du Moyen-Orient, après la chute de l'Union soviétique.

Ladite guerre devait ensuite se conclure par l'écrasement du Hezbollah libanais, suivi de l'asservissement de l'Iran, de la mainmise sur l'ensemble des ressources énergétiques et voies de communication terrestres, maritimes et aériennes du Moyen-Orient, du démantèlement des grands pays de la région, dont la Turquie, ainsi que la marginalisation croissante de la Russie et de la Chine.

Comme nous l'avons écrit dans l'une de nos analyses, «la Syrie est la porte de l'Iran» et, par ricochet, celle de la Russie. La guerre de Syrie devait exaucer le souhait de l'aile militariste du pouvoir américain, à savoir : « Make America great again » !

Chose inédite. Dès le début de la contestation en Syrie, les ambassadeurs français et britannique, alliés des Etats-Unis au sein de l'OTAN, se sont rendus dans certaines villes insurgées pour apporter le soutien de leur pays respectif, deux anciennes puissances tutélaires du Moyen-Orient et de la Syrie, auxdits insurgés.

L'insurrection de la population syrienne contre le régime dictatorial de Bachar Al-Assad était fort légitime. Cependant, la visite des ambassadeurs français et britannique aux insurgés envoyait des signaux clairs de soutien aux insurgés et d'ingérence dans les affaires intérieures d'un pays souverain.

Le passage de la révolte pacifique de la population à l'insurrection armée (encouragée par lesdites puissances et leurs obligés régionaux ?) a fini par transformer la révolte en guerre (presque) internationale, avec l'intervention directe et indirecte des puissances militaires occidentales et régionales, en particulier américaine, française, turque et par djihadistes wahhabites interposés.

L'Iran à l'avant poste de la guerre de Syrie

Dès le début, l'Iran, associé à la Syrie par un traité d'amitié, s'est fortement impliqué dans la guerre de Syrie. Même le Hamas palestinien, les démocrates occidentaux et moyen orientaux se sont trompés sur les vrais enjeux de cette guerre de reconquête en soutenant les insurgés dont le caractère progressiste - réel seulement avant la militarisation de l'insurrection - était mis en avant par les puissances militaires occidentales, la Turquie et les régimes médiévaux et archaïques saoudien, qatari, émirati.

Face aux milliards de dollars investis et l'afflux de djihadistes pressés de mourir en «martyr», le pari de l'Iran paraissait difficile à gagner. C'est à ce moment là que l'Iran invita la Russie à s'engager dans la guerre ; l’Iran fournissant les miliciens fantassins aguerris et la Russie son aviation.

Grâce à cette combinaison, le régime syrien fut sauvé, les djihadistes furent mis en déroute et les desseins de la coalition occidentale pour remodeler le Moyen-Orient furent mis en échec.

Il reste encore quelques poches de résistance dont Idlib, la plus importante, où l'Occident tente de maintenir le statut quo, sous forme d'un « cessez-le-feu stable et durable à Idlib », afin de sauver ses djihadistes restants, indispensables pour faire pression sur le régime syrien et l'Iran, dans l'espoir d'imprimer leurs marques sur la Syrie de l'après guerre.

Les puissances militaires occidentales n'ont toujours pas renoncé à leurs desseins diaboliques de reconquête et de dépeçage des grands pays du Moyen-Orient; desseins hérités de l'administration George W. Bush.

La Turquie et la Russie ont besoin de l'Iran

L'Occident compte sur la Russie et la Turquie qui ont des relations (et intérêts) très étendues avec les pays occidentaux pour faire fléchir la Syrie et l'Iran. «Mais plusieurs escarmouches ont eu lieu ces derniers jours [sur Idlib] et des frappes du régime ont fait sept morts vendredi» 26 octobre. (Lemonde.fr du 27 octobre 2018 avec AFP). C'est le message envoyé par la Syrie et l'Iran aux conférenciers d'Istanbul. La Russie a vite réagi : sans la participation de l'Iran, impossible de rétablir la paix en Syrie. CQFD !

Par ailleurs, la Russie et la Turquie sont conscientes qu'elles ont besoin de l'Iran. Imaginons un instant que l'Iran retire son soutien au régime syrien : le régime chuterait rapidement; comme en Irak, on assisterait à la création d'un Kurdistan autonome au Nord de la Syrie. À son tour, la Turquie a toutes les chances de perdre le Kurdistan turc qui, associé au Kurdistan syrien, formeraient un «Grand Kurdistan» au Sud de la Turquie et sous la protection de l'Occident. La Russie perdrait ses bases militaires et devrait quitter la Syrie. Après la chute du régime syrien, ce serait le tour de l'Iran de subir la guerre et la dévastation.

Le baiser de la mort d'Istanbul

Accepter la «main tendue» et les promesses du couple Macron-Merkel, c'est donner le baiser de la mort. La Russie et la Turquie - qui savent bien que les puissances militaires occidentales ne respectent jamais leurs promesses - en sont conscientes. C'est pourquoi, la conférence d'Istanbul du 27 octobre est mort né et, sans doute, n’aura jamais de suite.

L'Iran sort renforcé de cette conférence. Il imposera bientôt SA solution pour libérer Idlib : déloger militairement les derniers djihadistes. L'étape suivante, ce sera libérer les poches situées au Nord de la Syrie, détenues principalement par les combattants kurdes, soutenus par Washington. C'est une autre affaire où le pouvoir syrien pourrait, peut-être, compter sur l'armée turque et ses miliciens de «l'armée syrienne libre» (ASL). Les souverainetés territoriales syrienne et turque sont étroitement liées.

20.10.18

Analyse 13 (2018). Du «Mur de Berlin» au «Mur d'Idlib»

       Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 20 octobre 2018

geopolitique.mo67@gmail.com

Du «Mur de Berlin» au «Mur d'Idlib»

Après la victoire des alliés sur l'Allemagne nazie, le 8 mai 1945, Berlin, situé en zone soviétique, est partagé en quatre secteurs administrés par une commission de contrôle quadripartite (Etats-Unis, Grande Bretagne, URSS et France). Les Soviétiques s'en retirent le 20 mars 1948.

A partir du 13 août 1961, la RDA (République démocratique d'Allemagne) commence à ériger le mur séparant les deux secteurs de la ville. A l'est, les Soviétiques et alliés feront face aux camp occidental, mené par les Etats-Unis, eux-mêmes installés à l'ouest de Berlin, jusqu'au 9 novembre 1989, date de l'effondrement du mur de Berlin qui fut suivi de l'unification de l'Allemagne.

Le Berlin du temps de la «guerre froide», et la province d'Idlib, vivent à des époques différentes, ont vécu différentes histoires, avec les protagonistes de leur époque. Il serait faux de vouloir les placer sur le même plan. Pourtant, la similitude entre les deux localités est frappante : une multitude de forces étrangères est présente sur le champ de bataille, même si, contrairement à Berlin du temps de la «guerre froide», l'enclave d'Idlib n'est pas divisée en zones d'influence des adversaires en guerre.

Comme à Berlin, le camp occidental (les Etats-Unis, la France, le Royaume uni, l'Allemagne) et ses alliés régionaux font face à la Russie et à ses alliés orientaux, en particulier l'Iran, puissance dominante en Syrie.

Pour le camp occidental, en particulier américain, il est très important d'avoir une base militaire en Syrie d'où il peut exercer des pressions sur ses adversaires. Comme Berlin, Idlib est donc un enjeu d'ordre militaire d'importance stratégique. «Les Etats-Unis ont manifesté publiquement leur volonté de rester en Syrie et ont réaffirmé leur hostilité à une offensive du régime de Bachar Al-Assad contre l'enclave d'Idlib (…) Washington a fait comprendre de manière plus discrète aux acteurs du conflit que les Etats-Unis pourraient intervenir si le régime syrien lançait une offensive contre l'enclave d'Idlib»(1)

Comme à Berlin, l'enclave d'Idlib est fortement militarisée : dépenses militaires colossales, présence d'armes des plus sophistiquées, munitions et militaires sous toutes les formes (soldats et miliciens). Hormis un petit contingent de l'armée turque, aucune armée étrangère n'est, officiellement, présente à Idlib. Il n'y a que l'armée syrienne, épaulée par des conseillers militaires iraniens et russes et des milliers de miliciens parrainés par différentes puissances mondiales et régionales, qui se font face.

L'imbroglio turque

Si le camp oriental, en particulier l'Iran et les milices affiliées, manifeste une certaine cohésion, le camp occidental brille par ses contradictions et sa désunion. En manifestant «publiquement leur volonté de rester en Syrie», réaffirmant leur «hostilité à une offensive du régime de Bachar Al-Assad contre l'enclave d'Idlib», les Etats-Unis apportent publiquement leur soutien aux djihadistes wahhabites Hayat Tahrir Al Cham (HTS), la force dominante à Idlib, dont le noyau dur est issu d'Al-Qaida.

HTS «contrôle les endroits les plus stratégiques et les plus lucratifs du gouvernorat, y compris son chef-lieu et sa frontière avec la Turquie, à partir de laquelle il peut prélever des taxes(2) Cette manne financière de HTS ne peut exister sans l'assentiment de la Turquie et de ses alliés, régionaux (l'Arabie saoudite, parrain de l'ensemble des djihadistes wahhabites) et autres (Américains), fournisseurs des armes, logistiques et renseignements, au groupe djihadiste.

Partie du camp occidental, le HTS s'accommode de la présence turque et avait même accompagné le déploiement du contingent turc à Idlib. Les djihadistes, qui ne souhaitent pas braquer l'armée turque, sont conscients de son double jeu qui les utilise contre les rebelles kurdes, soutenus par les Américains, officiellement alliés des Turcs au sein de l'OTAN. Les rebelles kurdes du Nord de la Syrie (qui font partie du camp occidental) forment le talon d'Achille de la Turquie. Car les Iraniens et les Russes les instrumentalisent également pour faire pression sur la Turquie à la table des négociations.

Le camp oriental consolide ses positions en Syrie étape par étape. Les zones de désescalade ont été reprises les unes après les autres. Il ne reste qu'Idlib et certaines régions du Nord de la Syrie sous administration kurde, turque et américaine. Avec la livraison des batteries de missiles sol-air S 300 à l'armée syrienne, la Russie a mis un terme à l'hégémonie aérienne de l'aviation israélienne qui intervenait au profit du camp occidental, pour entraver l'avancée de l'armée syrienne. Le pouvoir syrien se stabilise et la perspective de reconstruction en Syrie attise les appétits en Occident.

Contrairement à Berlin du temps de la «guerre froide», où le camp occidental était en position de force, il est en position de faiblesse à Idlib.

La province semble être prise en otage par le camp occidental pour des négociations en cours sur les accords nucléaires, les missiles balistiques de l'Iran, l'influence grandissante de Téhéran au Moyen-Orient, la guerre à l'Est de l'Ukraine et la reconstruction de la Syrie.

Pour quand la «chute du mur» d'Idlib?

Les faits sont têtus. Même «les verbes colorés, graveleux parfois» de Donald Trump n'y changeront rien. Le camp occidental a perdu en Syrie et il est temps qu'il retire ses troupes. D'autant plus que ledit camp est plus que jamais divisé, grâce à l'action de l'administration Trump et de sa guerre économique déclenchée contre le monde entier, en particulier la Chine et l'Union européenne.

Cette dernière tient à rester dans l'accord nucléaire avec l'Iran et tente de le sauver avec la création de l' «entité légale» ou «véhicule spécial» - SVP, selon l'acronyme anglais, dont la naissance a été annoncée lundi 24 septembre à New York. Le SVP devrait permettre à l'Iran de maintenir des liens commerciaux et industriels avec l'Union européenne et le reste du monde, via les banques européennes.

Face à l'Iran, l'Union européenne et l'administration Trump ont deux stratégies diamétralement opposées. Un gouffre.

Selon les dires des autorités européennes, l'Union européenne profite du SVP pour se libérer également du diktat américain.

Face à l'adversité américaine, l'avenir nous dira si le SVP a réussi. Une chose est sûre : «Les Etats-Unis n'ont plus le pouvoir ni le statut nécessaire pour imposer un ordre régional qui leur conviendrait. Il est fort probable que Washington ne parviendra jamais à rétablir son hégémonie au Moyen-Orient, car la région a fondamentalement changé(3)

La chute du «mur d'Idlib» n'est qu'une question de temps dont les aiguilles tournent en faveur du camp oriental, en particulier de l'Iran.

La chute du «Mur de Berlin» a ouvert un boulevard devant la poussée vers l'Est du camp occidental. Verra-t-on le camp oriental s'étendre vers l'Ouest après la chute du «Mur d'Idlib» ?

1)   Marie Bourreau et Allan Kaval (à Paris) - Le Monde des 9-10 septembre 2018.
2)   Le Monde des 16-17 septembre 2018.
3)   Marc Lynch - Foreign Affairs New York - cité par Courrier international n° 1452 du 30 août au 5 septembre 2018.

8.10.18

Analyse 12 (2018) : Le Moyen-Orient, le deuxième Vietnam des Américains ?

Paix et Justice au Moyen-Orient
Strasbourg,le 8 octobre 2018

Le Moyen-Orient, le deuxième Vietnam des Américains ?

La roue de l'Histoire tourne en faveur de nouvelles forces émergentes

Le Vietnam. Ce pays sonne comme un cauchemar aux oreilles de la plus puissante armée du monde qui, après 20 ans de guerre meurtrière (novembre 1955-avril 1975), durant laquelle l'armée américaine utilisa toutes les gammes de munitions interdites par les conventions internationales, a du plier bagage et fuir honteusement ce pays.

C'est la plus grande défaite de l'armée américaine, depuis la seconde guerre mondiale; celle qui avait diffusé (et continue à diffuser) un roman à propos de son invincibilité. Revivons-nous le même scénario au Moyen-Orient ?

Les Etats-Unis ont traversé une longue période de convalescence qui alla jusqu'en 2001, date de l'attentat des tours jumelles de World trade center à New York. Au cours cette période (1975-2001), l'armée américaine s'est consolidée et rétablie, surtout sur le plan moral. D'autant plus que la chute du principal adversaire des Etats-Unis, l'Union soviétique, le 25 décembre 1991, ouvrit un boulevard devant l'appétit hégémonique de Washington.

«Make America Great Again»

Les guerres pour «Make America Great Again» ont repris de plus belle par l'armée américaine en novembre 2001, d'abord avec l'invasion de l'Afghanistan, suivie de l'invasion de l'Irak le 20 mars 2003.

Il ne manquaient que la Syrie et, en particulier l'Iran, pays occupant une position géostratégique au Moyen-Orient, au tableau de chasse de l'armée américaine. Sans lesdits pays, impossible de «Make America Great Again» !

Tout paraissait à portée de main de l'armée américaine. Les finances du pays étaient équilibrées, l'armée motivée à tel point que les hommes politiques et des think tanks associés pensaient pouvoir engager l'armée sur, au moins, trois fronts. C'était sans compter avec la résistance acharnée des peuples Afghan et Irakien ainsi que l'agitation qui avait gagné les pays voisins, comme l'Iran, le Pakistan, l'Inde, la Chine et la Russie, suite à la rupture des équilibres régionales et mondiales des forces.

L'Iran sortait de huit années d'une guerre meurtrière avec l'Irak de Saddam Hussein, soutenu par toutes les puissances militaires que comptaient le monde d'alors, y compris l'Union soviétique. L'Iran est sorti exsangue, mais pas vaincu. Et sans dettes.

La guerre avec l'Irak a servi d'«entrainement» aux armées iraniennes (l'armée nationale et les Gardiens de la révolution), faisant prendre conscience au pouvoir et à la nation que le pays vit dans la région la plus dangereuse du globe.

Le renforcement du potentiel militaire s'est imposé comme la seule alternative indispensable à la survie de la nation. L'obtention de la bombe atomique fut relancée. Une panoplie de missiles de différentes portées fut fabriquée et, surtout, la constitution d'une «profondeur stratégique» fut entreprise pour éloigner l'adversaire du territoire national, en menant la guerre sur d'autres terrain, en l'occurrence sur celui des alliés régionaux des Etats-Unis.

Certes, l'Union soviétique n'existe plus. Mais, le monde assiste à la naissance d'une nouvelle puissance militaire au Moyen-Orient, la région la plus stratégique du globe. Elle agit comme la flèche des puissances militaires orientales, en particulier russe et chinoise, conscientes du crépuscule de la puissance américaine, encore agressive et dangereuse.

La puissance montante iranienne ne possède pas une technologie militaire aussi performante que la Russie et la Chine. Mais, elle possède une arme redoutable : elle mise sur le sentiment confessionnelles (chiite) imprégné de l'anti-impérialisme occidental pour mobiliser les peuples et nations des pays agressés (le Liban, l'Irak, la Syrie, l'Afghanistan) par les Etats-Unis et ses alliés régionaux (l'Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, le Qatar, la Turquie, Israël).

Par ailleurs, l'Iran exploite amplement les nombreuses erreurs stratégiques américaines, et de ses alliés, dont les plus importantes furent l'invasion de l'Irak en 2003, l'invasion du Liban Sud par l'armée israélienne en 2006, la guerre de Syrie en 2011 et la guerre du Yémen en 2015, déclenchée par une coalition arabe sous le patronage de l'Arabie saoudite.

Washington ravitaille les avions de la coalition en vol et lui fournit des renseignements, des armes et des bombes. Au premier jour de la visite de Donald Trump à Riyad le 20 mai 2017, les Etats-Unis ont signé plus de 380 milliards de dollars de contrats d'armements avec les Saoudiens.

Le nouveau «Vietnam» américain commence en Irak…

La guerre d'Irak, suivie de la résistance acharnée du peuple contre l'envahisseur, a coûté très chère aux Américains qui y ont perdu plus de 6000 militaires, des dizaines de milliers d'estropiés et des milliers de milliards de dollars de dépenses militaires. Cette guerre a permis à l'Iran de sortir de ses frontières, de s'installer en Irak et de partager le pouvoir du pays avec Washington.

La guerre du Liban, déclenchée par Israël, a transformé le Hezbollah libanais, seule force résistant à l'envahisseur, en force incontournable sur la scène politique libanaise.

La guerre de Syrie est totalement perdu par les alliés de Washington, donc par les Etats-Unis et ses djihadistes qui tentent de maintenir un contingent en Syrie. Jusqu'à quand ?

La guerre de Yémen commence à épuiser l'Arabie saoudite qui y a engagé des milliards de dollars et son prestige piétiné chaque jour par des résistants yéménites. Selon un fonctionnaire onusien «Le Yémen est devenu le Vietnam des Saoudiens», et celui des Américains, principal soutien  de la coalition. Selon un officiel occidental : «cette guerre ne peut pas être gagnée. Et pourtant, ils [tous les principaux alliés de Riyad] continuent de donner la priorité aux ventes d'armes.» (Benjamin Barthe et Louis Imbert (à Paris) - Le Monde du 2 octobre 2018).  

En effet, les firmes européennes avaient exporté, entre 2001 et 2015, pour 57 milliards d'euros d'armements vers Riyad, deuxième plus gros importateur mondial, selon l'Institut de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri). De fait, près de 60% de l'armement saoudien provenait alors d'Europe (Même source).

…et s'étend à l'ensemble du Moyen-Orient. Les puissances militaires euro-asiatique relèvent la tête.

Force est de constater que rien ne vas plus pour Washington et ses alliés occidentaux (le Royaume uni, la France, l'Allemagne) et régionaux (l'Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, la Turquie) au Moyen-Orient.

Sentant le vent tourné, la Turquie, menacée d'une partition du sud du pays; partition soutenue par les Etats-Unis, se tourne vers l'axe Iran-Russie.

La Russie et la Chine, défiant les Etats-Unis, ont organisé en Sibérie orientale, des manœuvres militaires géantes «Vostok 2018», du 11 au 17 septembre 2018. Un signal envoyé aux Américains en amont d'un règlement éventuel du conflit de la péninsule coréenne qui secouera l'architecture géopolitique actuelle de l'Asie du Sud et dénote également de la fin de la toute puissance américaine dans cette partie du monde.

Les Américains ont dépêché en hâte leur flottille composée de porte-avions, de sous marins et autres navires de guerre, stationnée au Golfe Persique, vers le Sud-Est asiatique. Washington ne sait pas où donner de la tête.

Comme Richard Nixon, vers la fin de la guerre de Vietnam, il ne reste que les hurlements de Donald Trump et de ses conseillers «néoconservateurs» et va-t-en-guerre, liés au complexe militaro-industriels, pour «Make America Great Again» ! Ainsi que les sanctions économiques envers l'Iran et la Russie, soudainement suspectée d'empoisonnement des opposants Russes au Royaume uni.

L'isolement de Donald Trump au Conseil de sécurité des Nations unies le 26 septembre 2018, face à un front uni entre l'Europe, la Russie et la Chine, en dit long sur les modifications historiques des rapports de force en cours. En effet, la roue de l'Histoire tourne en faveur de nouvelles forces émergentes.

Le Moyen-Orient ressemble, à s'y méprendre, au deuxième Vietnam des Etats-Unis qui ne sont qu'au début du reflux de leur puissance. L'Union européenne arrivera-t-elle à saisir l'occasion dans le but de maintenir certaine influence économique et politique au Moyen-Orient, en se détachant de l'emprise financière et politique américaine ?

A en croire François Heisbourg, conseiller spécial à la Fondation pour la recherche stratégique : «Un schisme entre les Etats-Unis et l'Europe n'est plus à exclure». Wait and see.

4.9.18

Analyse 11 (2018). La lutte finale à Idlib

       Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 4 septembre 2018

geopolitique.mo67@gmail.com
                                    
La lutte finale à Idlib

Le reflux occidental au Moyen-Orient

Comment comprendre la dynamique géopolitique actuelle au Moyen-Orient ? Pour certains médias, cette dynamique s'apparente plutôt à un «nouveau désordre» (Courrier international du 30 août au 5 septembre 2018). Faut-il rappeler que les médias occidentaux parlent de «désordre» chaque fois que l'hégémonie des puissances militaires occidentales est contestée. Lesdits médias parlent de «stabilité» dans le cas de domination sans partage d'une région ou d'un pays par des puissances colonialistes euro-américaines.

Avant la chute de l'Union soviétique, l'Irak et la Syrie étaient parrainés par elle qui, en les armant, les protégeait face à la convoitise des puissances occidentales. L'affaiblissement, puis la chute de l'Union soviétique mirent l'Irak et la Syrie à portée de main de l'armée américaine qui envahit puis conquit l'Irak en 2003.

La Syrie devait subir le sort de l'Irak. Mais, les accords militaires irano-syriens et la percée du Hezbollah au Liban - ainsi que sa victoire sur l'armée israélienne qui dut évacuer le Sud Liban - ont créé de facto une alliance tripartite puissante, obligeant Washington et ses obligés locaux à revoir leurs plans, agir autrement.

Il leur fallait d'abord casser l'alliance tripartite en commençant par son maillon le plus faible, le Hezbollah libanais. Le choix a donc porté sur le Liban, petit pays divisé où l'Occident a des soutiens solides en la personne de Saad Hariri et où le Hezbollah semblait une proie facile pour la machine de guerre israélienne. La Syrie après le Liban, se disaient (peut-être) les américano-saoudo-israéliens.

Malgré les 33 jours d'une guerre destructrice en 2006 au Sud Liban, le Hezbollah est sorti de cette guerre encore plus puissant qu'avant.

Saisissant la période des «Printemps arabes», le pouvoir syrien devait être broyé, à son tour, par les obligés de l'Occident, en particulier la Turquie et l'Arabie saoudite et leurs milliers de djihadistes. Après sept ans de guerre sans merci, Bachar Al-Assad, soutenu activement par l'Iran et la Russie, est toujours là.

Anti-impérialistes et djihadistes

Il est très important de noter que les puissances américano-britanniques, à cause de leurs interventions fréquentes sous forme de coup d'état, provocation d'agitations sociales, soutien aux rebellions ethniques conduisant au démantèlement des pays souverains, etc., sont craintes et honnies dans toute la région. Aux yeux de la population moyen-orientale, l'intervention des américano-britanniques au Moyen-Orient revêt donc un caractère colonialiste. L'opposition à cette intervention revêt automatiquement un caractère anticolonialiste.

Ce principe n'échappe par aux autorités iraniennes qui, à cause de leur hostilité envers les Etats-Unis, puissance menaçante, oppressive et ouvertement pro-israélienne, arrivent à attirer la sympathie croissante de l'ensemble des peuples du Moyen-Orient, voire au-delà.

Les Etats-Unis et leurs obligés locaux, en particulier l'Arabie saoudite, ne restent pas les bras croisés. En effet, depuis les années 1950 et le développement du mouvement anticolonialiste au Moyen-Orient qui a conduit à la naissance des régimes «anti-impérialistes» en Egypte, en Irak et en Syrie, nous observons l'essor du wahhabisme et du salafisme qui diffusent le venin de «la guerre de religion» - sunnite contre tous les «impies» et «mécréants» - au Moyen-Orient, voire en Europe et en Amérique.

La réalité est que la «la guerre de religion», financée et armée par l'Arabie saoudite et les Etats-Unis, éloigne la guerre «anti-impérialistes» de ses objectifs, profite largement aux forces colonialistes, en particulier à leurs parrains américains et saoudiens.

Compte tenu du caractère anticolonialiste des mouvements de libération au Moyen-Orient, une partie des djihadistes wahhabites, retourne ses armes contre les Etats-Unis et l'Arabie saoudite, accusée à son tour de servir les intérêts des Etats-Unis, «puissance croisée» ! Ce fut le cas d' «Al Qaida» en Afghanistan et de «l'Etat islamique» en Irak et en Syrie.

Cela n'empêche pas les Etats-Unis de s'appuyer occasionnellement sur lesdites forces djihadistes pour combattre leurs adversaires du moment (l'Iran, la Russie) au Moyen-Orient.

La guerre de partage au Moyen-Orient et la nouvelle puissance montante.

C'est encore le cas en Irak ou en Syrie où les médias occidentaux mettent l'accent sur la guerre de religion sunnite-chiite opposant l'Iran aux forces pro-américaines et wahhabites.

Les médias passent sous silence le caractère mondial de cette guerre qui ravage la région et à laquelle participent une soixantaine de pays étrangers, en particulier les vieilles puissances colonialistes dont les Etats-Unis, le Royaume uni, la France, l'Allemagne, la Russie, etc.

C'est une guerre pour des zones d'influence que se livrent lesdites puissances au Moyen-Orient, à laquelle s'est invité l'Iran, la nouvelle puissance montante.

Une guerre entre l'Iran et les Etats-Unis est-elle envisageable ?

Etant donné les tensions croissantes entre les Etats-Unis et leurs obligés locaux, d'une part, et l'Iran, d'autre part, certains n'hésitent pas à brandir la menace imminente d'une guerre entre les deux protagonistes.

C'est oublier que, depuis la chute du pouvoir des Pahlavi en 1979, les Etats-Unis - qui ont perdu leur hégémonie sans partage au Moyen-Orient, carrefour de trois continents, et des détroits hautement stratégiques d'Ormuz et de Bab Al-Mandeb, menacés par le mouvement yéménite Houthiste, soutenu par Téhéran - sont en guerre (via des pays voisins et Israël)  contre l'Iran (et ses alliés), pays clé de la région.

Ces guerres d'inspiration américaine qui durent depuis 38 ans se sont soldées (au moment où nous rédigeons cette analyse), par la destruction du Liban Sud, de l'Irak, du Yémen et de la Syrie. Un immense champ de ruines. Sans parler des dizaines de milliers de morts civils et militaires, des millions de déplacés qui jonchent l'histoire tourmentée de cette région.

Les gagnants et les perdants

Parallèlement, l'Iran en a profité pour renforcer sa position régionale, acquérir des zones d'influence en Afghanistan, au Liban, en Irak, en Syrie.

Les Etats-Unis sont les vrais perdants de cette guerre sans fin. Ils perdent du terrain au profit de l'Iran et de la Russie, invitée de l'Iran sur la scène syrienne. Les dettes américaines explosent, son armée est démoralisée, son hégémonie mondiale sérieusement contestée.

Impuissants à battre militairement l'Iran et ses alliés, les Etats-Unis, soutenus par les puissances occidentales (la France, le Royaume uni, l'Allemagne) sortent leur dernière arme, celle des sanctions économiques, même contre leurs propres alliés, si ceux-ci ne respectent pas la Pax americana !

Le malaise est total. En effet, pour combler leurs déficits colossaux, les Etats-Unis mènent actuellement une guerre économique tous azimuts contre leurs propres alliés. L'objectif : mettre à contribution les finances de ces derniers pour éponger leurs propres dettes astronomiques. La tension est palpable entre les Etats-Unis et leurs alliés chinois et européens qui n'apprécient guère la méthode brutale de détroussage d’une administration Trump à bout de souffle.

La lutte finale à Idlib

Actuellement, Idlib est la seule région syrienne qui échappe au pouvoir syrien et à ses alliés Iraniens et Russes. L'armée turque et les djihadistes wahhabites présents à Idlib représentent le dernier carré de résistance des puissances occidentales encore actives en Syrie.

Tout porte à croire que l'armée turque et les miliciens djihadistes divisés ne résisteront pas longtemps face au rouleau compresseur de l'armée syrienne, soutenue par des miliciens chiites aguerris encadrés par les conseillers iraniens et l'aviation russe.

Le pouvoir syrien, l'Iran et la Russie sont les grands gagnants de la guerre de Syrie. L'Union européenne souhaite vivement participer à la reconstruction de la Syrie qui lui permet également de rester présente dans cette partie hautement stratégique du Moyen-Orient. Or, pour revenir en Syrie, il faut négocier avec l'Iran.

La Syrie est devenue l'atout stratégique de l'Iran face aux puissances occidentales (sauf les Etats-Unis) qui maintiennent des canaux de négociation avec l'Iran.

En plus des Etats-Unis, Israël et l'Arabie saoudite ne sortiront pas indemnes du reflux occidental au Moyen-Orient qui ressemble, à s'y méprendre, à du sable mouvant. Les Etats-Unis ont intérêt à réduire drastiquement leur mouvement !

3.8.18

Analyse 10 (2018). Bruit de bottes au Moyen-Orient

   Paix et Justice au Moyen-Orient

                                            STRASBOURG, le 3 août 2018

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               Bruit de bottes au Moyen-Orient

Le Moyen-Orient, une région maudite

Les pays du Moyen-Orient sont au centre des tensions internationales, subissant les pressions et ingérences en tout genre des puissances militaires et financières mondiales, en particulier occidentales.

Certains pays comme les pays arabes du Golfe Persique, l'Egypte, la Jordanie, se sont alignés sur les intérêts géopolitiques des puissances anglo-saxonnes. Ils sont les marchés des complexes militaro-industriels, des industries civiles et agro-alimentaires des puissances militaires occidentales, et mobilisent leurs armées comme forces supplétives des puissances dominantes. Hier britannique, aujourd'hui américaine.

D'autres comme l'Iran et, en moindre mesure, le Liban et la Syrie, tentent de préserver leur souveraineté politique en acceptant le soutien militaire et économique de l'Iran qui les considère comme faisant partie de sa «profondeur stratégique».

Les pouvoirs en Iran, en Irak, en Afghanistan, en Syrie et au Liban se font et se défont en fonction des pressions extérieures : coups d'état et autres guerres coloniales ont installé, depuis plus de deux siècles, l'instabilité chronique en Asie centrale et au Moyen-Orient.

Les guerres de George W. Bush

Depuis l'élection de George W. Bush (20 janvier 2001 - 20 janvier 2009), une situation de guerres sans fin et de chaos prédomine au Moyen-Orient et en Asie centrale. L'invasion de l'Afghanistan en octobre et novembre 2001 par les Etats-Unis et ses alliés britanniques, allemands, français, australiens, etc., a donné le coup d'envoi d'une série d'interventions militaires occidentales en Irak (2003), au Liban (2006), en Libye (2011), en Syrie (mars 2011) où Américains, Britanniques, Français, Israéliens et milices supplétives occupent la première ligne.
Face à la menace américaine de (ré)imposer son hégémonie sur l'ensemble du Moyen-Orient par la force, le pouvoir iranien, soucieux de la souveraineté politique et territoriale du pays, décida en 2005 de reprendre son programme nucléaire en installant Mahmoud Ahmadinejad, un ancien gardien de la Révolution islamique (GRI), à la présidence de la République (2005-2013).

George W. Bush et Mahmoud Ahmadinejad s'invectivaient copieusement et ne perdaient pas une occasion pour se lancer des menaces de guerre et de destruction. Israël n'a pas échappé à la vindicte d'Ahmadinejad qui joignit sa voix à celle des négationnistes européens.

Les guerres de Georges W. Bush ont coûté aux Américains plus de cinq milles milliards de dollars, des milliers de morts, montrant clairement le visage hideux «impérialiste» et interventionniste de la plus grande puissance militaire mondiale drapée d'humanisme. Malgré cela, le programme nucléaire de la République islamique a rapproché l'Iran de la réalisation de la bombe atomique, cauchemar des puissances occidentales et d'Israël.

Barak le pragmatique

L'élection de Barak Obama (20 janvier 2009 - 20 janvier 2017) fut annonciatrice d'un changement de cap de la politique étrangère aux Etats-Unis. Le rapprochement avec l'Iran fut scellé mardi 14 juillet 2015 à Vienne après plusieurs années de rudes négociations sur le nucléaire iranien.

Après l'élection de Barak Obama, un changement de cap est intervenu en Iran en 2013 avec l'élection d'Hassan Rohani à la présidence de la République islamique; président qualifié de modéré par l'Occident. L’Iran put conserver ses avancées nucléaires ainsi que son influence au Moyen-Orient et atteindre la Méditerranée !

Cinq ans plus tard, l'Iran a réussi à sauver le pouvoir de Bachar Al-Assad en Syrie et développe son influence au Yémen, une pièce maitresse sur l'échiquier du Moyen-Orient, aux prises avec l'intervention d'une coalition militaire surpuissante dirigée par l'Arabie saoudite, soutenue par les Etats-Unis et la France. Ils fournissent matériel militaire et autres aides logistiques à la coalition. Le pays est dévasté par des années de bombardements meurtriers et le choléra y sévit au vu et au su du monde dit civilisé.

Etant donné l'état sous développé du pays et l'absence de centres de recherche et de cadres scientifiques yéménites, force est de constater que les miliciens houthistes s'appuient sur l'Iran pour se fournir, entre autres, en missiles balistiques et autres drones militaires. La Mer Rouge n'est plus un «lac occidental» et semble sous contrôle, du moins partiel, des miliciens houthistes et de leurs parrains iraniens.

Tout porte à croire que les Américaine semblent impuissants à endiguer le développement de l'influence de l'Iran et, en partie, celle de la Russie au Moyen-Orient.

L’ère de Donald Trump

Un changement de cap de la politique étrangère américaine est intervenu en 2017 avec l'élection de Donald Trump qui, sur sa politique étrangère, prend le contre pied de ses prédécesseurs. L' «establishment» diabolise la Russie(1)? Donald Trump la courtise. L' «establishment» courtise l'Iran ? Donald Trump le diabolise ! Ainsi de suite.

Comme politique étrangère, cela peut paraître assez enfantin s’agissant de la plus grande puissance mondiale. Mais, cette politique montre également l'impasse dans laquelle se trouve une puissance militaire et financière pour trouver la porte de sortie d’un grand nombre de questions dont son déficit commercial avec la Chine et l'Union européenne.

Arès l'élection de Donald Trump, l'effervescence a gagné Téhéran, surtout après le retrait américain de l'accord nucléaire en mai 2018 et le rétablissement des sanctions économiques envers l'Iran(2). Donald Trump a haussé le ton contre l'Iran. La réplique des autorités iraniennes n'a pas tardé. Comme au temps de Georges W. Bush, les invectives fusent de part et d'autre. Les chefs militaires dont Qassem Soleimani (commandant des Forces Al-Qods) participent à la polémique annonçant que la «Mer Rouge ne sera plus américaine», après qu'un missile houthiste a touché un pétrolier géant saoudien (selon les autorités saoudiennes) en Mer Rouge.

Hassan Rohani, président de la République, semble dépassé par les événements. Il est vrai que les pouvoirs exécutif et sécuritaire du pays sont concentrés aux mains de Khamenei, guide de la Révolution, et des fondamentalistes qui ne laissent qu'une faible marge de manœuvre au président de la République, pourtant élu.

Le pays souffre de spéculation sur la monnaie nationale, de sécheresse, d'incompétence des autorités d'Etat incapables de gérer un pays de plus de 80 millions d'habitants et 3 fois plus grand que la France. La rivalité entre différentes fractions au pouvoir bat son plein. La corruption généralisée, le clientélisme et le manque criant de libertés démocratiques s’ajoutent au mécontentement. Le mouvement de mécontentement touche les retraités, les enseignants et l'ensemble des salariés de la fonction publique et du secteur privé. Hassan Rohani est convoqué devant l'Assemblée islamique. Prélude à un «impeachment» à l'iranienne ?

On entend des bruits de bottes à Téhéran : est-ce pour faire face à l'agitation sociale grandissante et aux menaces américaines d'empêcher la vente du brut iranien ? Actuellement, les militaires montent au créneau contre Donald Trump. La reprise des activités nucléaires par un nouvel «Ahmadinejad» haut en «verbe» à l'instar de Donald Trump serait-elle dans les cartons ?

Par ailleurs, selon les Américains, la marine iranienne projette des manœuvres militaires dans le Golfe Persique et en Mer d'Oman. En effet «la tonalité des déclarations des dirigeants iraniens montre leur détermination à riposter»(3). Le mois d'août 2018 risque d'être très chaud au Moyen-Orient.

  1. Il est vrai que depuis la perte de l'Europe orientale et celle de son influence en Mer Noire, en Asie Centrale et au Moyen-Orient, la Russie, puissance recluse au Nord de l'Europe, ne représente plus un danger pour l'Occident.
2.    "Un premier ensemble de sanctions sera remis en vigueur le 6 août. Ces sanctions viseront notamment le secteur automobile de l'Iran, ainsi que son commerce de l'or et d'autres métaux essentiels", a déclaré dans une conférence de presse Brian Hook, directeur de la planification des politiques au sein du département d'Etat américain. "Les autres sanctions seront réinstallées le 4 novembre. Elles viseront notamment le secteur énergétique et les transactions liées au pétrole, ainsi que toute transaction avec la Banque centrale d'Iran", a-t-il ajouté.
3. Nabil Wakim. Le Monde Economie & Entreprise du 1er août 2018.

13.7.18

Analyse 9 (2018) : La guerre des postes-frontières, la militarisation des détroits



  Paix et Justice au Moyen-Orient

                                            STRASBOURG, le 13 juillet 2018

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La guerre des postes-frontières,
la militarisation des détroits

            La guerre des détroits aura-t-elle lieu ?

La guerre sans fin au Moyen-Orient ne connaît pas de répit. L'Irak et la Syrie se trouvent toujours en état de guerre. Des forces occidentales, en particulier américano-françaises(1), sont encore présentes dans ces pays, rêvent à un nouveau traité du type Sykes-Picot, renforcent leurs positions dans des bases militaires, défient les armées irakienne ou syrienne, voire même des miliciens chiites multiethniques. La Turquie n'est pas en reste, son armée, en accord avec l'Iran et la Russie, occupe certains territoires au Nord de la Syrie et de l'Irak. Un vrai capharnaüm !

Le pouvoir syrien, encore chancelant il y a deux ans, a fini - avec le soutien de l'Iran et de la Russie - par venir à bout des djihadistes soutenus (financièrement et militairement) par des puissances militaires occidentales et leurs obligés du Golfe Persique. Il consolide son assise militaire et politique. L'armée syrienne est arrivée début juillet 2018 au Sud de la Syrie, à la frontière jordanienne.



L'intérêt stratégique des postes-frontières

A leur apogée, les djihadistes, conseillés et appuyés par les voisins de la Syrie (la Turquie, la Jordanie), s'étaient rapidement emparés des postes frontières - Cilvegozu à Reyhanli et  Bab al-Hawa entre la Syrie et la Turquie et le terminal de Nassib entre la Syrie et la Jordanie - afin d'asphyxier économiquement le pouvoir syrien.

En effet, l'importance stratégique des postes-frontières est étroitement liée à la viabilité économique d'un pays et à la survie de son régime politique. L'exemple du terminal de Nassib est frappant. «Ce terminal et la zone franche adjacente généraient, avant le déclenchement de la guerre civile, un trafic commercial d'une valeur estimée à 1,5 milliard de dollars par an. Les camions de produits syriens, mais aussi turcs, libanais et européens, en route vers Amman et les monarchies du Golfe, y croisaient d'autres poids lourds, remplis d'exportations égyptiennes, jordaniennes et saoudiennes, à destination de Damas, d'Istanbul et des pays européens.». (Benjamin Barthe - Le Monde des 8-9 juillet 2018). Ces quelques lignes prouvent également la position stratégique de la Syrie comme carrefour des voies de communication commerciale au Proche et Moyen-Orient.

Asphyxier économiquement le pouvoir syrien pour faciliter sa chute a donc conduit les puissances militaires occidentales et leurs obligés locaux (Turcs, Saoudiens et Jordaniens) à encourager les groupes djihadistes à s'emparer, au début de l'insurrection, des postes-frontières.

Ainsi, au Terminal de Nassib, l'Agence centrale américaine (CIA) a parrainé les miliciens du «Front du Sud», leur apportant depuis 2014, son soutien financier et militaire; miliciens qualifiés d' «insurgés», voire de «révolutionnaires» par les médias occidentaux !!!(2)

La reconquête du Terminal Nassib par l'armée syrienne fut facilitée grâce à un marchandage avec les Etats-Unis quand leur ambassade à Amman annonça le désengagement américain dans une note aux commandants du «Front du Sud»: «Vous ne devez pas fonder vos décisions sur l'hypothèse ou sur l'attente d'une intervention militaire américaine».

Asphyxier le Qatar

La guerre des frontières ne se limite pas à la Syrie. Le 5 juin 2017, l'Arabie saoudite, l'Égypte, Bahreïn et les Émirats arabes unis mettent un terme à leurs relations diplomatiques avec le Qatar pourtant membre du «Conseil de coopération des Etats arabes du Golfe» (CCG). Une décision assortie de mesures économiques, comme la fermeture des frontières terrestres et maritimes, l'interdiction de survol et des restrictions sur le déplacement des personnes. La principale raison : le Qatar refuse le leadership saoudien, se rapproche de l'Iran avec qui il partage l'énorme gisement gazier de South Pars offshore (appelé également North Dome ou North Field) dans le Golfe Persique.

L'intérêt stratégique des détroits

a - Militarisation du détroit d'Ormuz

Si les postes-frontières peuvent agir comme des goulots d'étranglement des pays, les détroits agissent comme ceux du commerce mondial. Les détroits les plus stratégiques au Proche et Moyen-Orient sont les détroits d'Ormuz dans le Golfe Persique, le détroit de Bab el-Mandeb qui sépare les continents africain et asiatique au Sud-ouest du Yémen. Par lesdits détroits transitent chaque année des milliers de navires chargés de marchandises ainsi que des méthaniers, assurant l'énergie indispensable à l'économie mondiale.

Depuis plus de deux siècles, d'abord la Grande Bretagne, puis les Etats-Unis épaulés par les mini puissances maritimes européennes, sont maîtres des océans et des détroits stratégiques du globe, depuis le détroit de Malacca en Asie du Sud-Est jusqu'à Gibraltar, détroit qui sépare les continents africain et européen.

Il est à souligner que les détroits sont surveillés par des bases militaires. Les Etats-Unis ont installé à Bahreïn le quartier général de leur 5ème flotte, «reconstituée» le 1er juillet 1995. Le quartier général (NSA Bahreïn) se trouve à Manama. La Ve flotte opère sous l'autorité du CENTCOM.

En avril 2018 le Royaume-Uni a ouvert une base militaire à Bahreïn, ce qui constitue la première implantation permanente de ses forces armées au Moyen-Orient en près d’un demi-siècle.

La France a aussi Sa base militaire dans le Golfe Persique. Il s'agit d'un ensemble de trois bases militaires situées aux Émirats arabes unis.

La Turquie a déployé des forces terrestres dans la caserne de Tariq bin Ziyad au Qatar, dans le cadre de l’accord signé entre Ankara et Doha le 19 décembre 2014. Le Qatar prend en charge tous les frais de construction de cette base.
N'importe quels arguments sont avancés pour justifier la militarisation des détroits. Par exemple, un parlementaire turc affirme que la création d’une base militaire turque au Qatar n’a qu'une seule motivation : défendre le Qatar face à l’Iran !!! Alors que pour empêcher l'asphyxie du Qatar, l'Iran a mis son espace aérien à la disposition de Qatar Airways et alimente le marché qatari par voie maritime.
b- Militarisation du Bab el-Mandeb
Si la présence militaire turque au Qatar a pour objectif, selon le pouvoir turc, de défendre ce pays face à l'Iran, quels arguments peuvent justifier la présence turque en Somalie, dans la Corne de l'Afrique ?  En effet, le chef d’état-major des forces armées turques, le général Hulusi Akar, s’est rendu, le 30 septembre 2017, sur le sol somalien pour y inaugurer sa plus grande base militaire installée dans un pays tiers.
Estimée à 50 millions de dollars, la base serait destinée, selon les dires de la Turquie et des Somaliens acquis à l'Occident, à la formation des forces somaliennes pour affronter "seuls" à long terme les «terroristes de Shebab».
Il faut souligner que le colonialisme empêche le développement harmonieux des pays de la Corne de l'Afrique qui souffrent de misère et de sous-développement chronique. La résistance des peuples de cette région stratégique crée une situation d'instabilité qui porte des coups mortifères aux intérêts de l'Occident. Il est à noter que la résistance anticolonialiste n'a jamais cessé en Afrique sub-saharienne depuis la «décolonisation» qui a donné naissance à des Etats africains fantoches.
Emiratis dans la Corne de l'Afrique

Engagés au côté de l'Arabie Saoudite dans une guerre sanglante au Yémen contre la minorité houthie, les Emirats (quatrième importateur de matériel militaire, en particulier américain, dans le monde) ont pris possession d’un petit port abandonné, face aux côtes yéménites, à l’extrémité Sud de l’Erythrée.

Il s'agit du port d'Assab, une ancienne base militaire délaissée par l’armée soviétique à la fin de la Guerre froide. Située en plein désert, Assab se trouve au milieu de nulle part, à 500 km au sud de la capitale érythréenne Asmara, idéalement située face à la ville yéménite d’Aden.

Base militaire en Erythrée

Selon le site spécialisé Jane’s 360, cité par le journal Le Monde du 4 juin «cette base émiratie abrite des Mirage 2000, des hélicoptères et des avions de transport pour les blindés émiratis… une base arrière pour la guerre au Yémen. Une partie des combattants, sont également entraînés à Assab», selon un accord signé avec l’Erythrée. Lequel s’accompagne, selon les experts de l’ONU, d’un «transfert de matériel ­militaire vers l’Erythrée et d’une assistance militaire, en violation de l’embargo sur les armes imposé depuis 2009 à ce pays, l’une des pires dictatures au monde.»

Une seconde base militaire des Émirats arabes unis va bientôt s'implanter dans la Corne de l'Afrique. Après l'Érythrée l'an dernier, c'est le Somaliland qui a accepté d'accueillir des troupes émiraties sur son territoire, dans le port de Berbera.
Il est à signaler que les navires de guerre américains, français, allemands et britanniques patrouillent en permanence près de la Corne de l'Afrique.
Récemment, les résistants houthistes yéménites ont réussi à s'installer dans les hauteurs de la montagne qui domine le détroit de Bab el-Mandeb, menaçant les navires de guerre et de marchandise de l'Arabie saoudite, en représailles aux bombardements incessants du Nord du Yémen par les forces de la coalition, soutenues par les puissances militaires occidentales dont la France.
La guerre des détroits aura-t-elle lieu ? A suivre.

Bibliographie :

1)   Selon Nicholas Heras du Center for a New American Security, il existerait à Washington une volonté de consolider «une zone OTAN en Syrie avec, dans le Nord-Ouest, les territoires contrôlés par la Turquie et ses alliés issus de la rébellion, et dans le Nord-Est, les territoires contrôlés par les Etats-Unis et les FDS [à dominante kurde]. Manbij serait la clé de voûte de cette nouvelle zone» (Allan Kaval - Le Monde du 07 juin 2018).
2)   Benjamin Barthe - Le Monde du 27 juin 2018.
3)   Wikipédia.