Paix et Justice au
Moyen-Orient
STRASBOURG,
le 27 mai 2018
geopolitique.mo67@gmail.com
La Syrie, l'Ukraine du Moyen-Orient
L'Ukraine
convoitée
L'Ukraine, pays d'Europe de l'Est, frontalière de
la Russie, est devenue un champ de bataille des puissances occidentales et de
la Russie. Celle-ci veut stopper, coûte que coûte, la poussée vers l'Est des
puissances militaires et financières occidentales.
En effet, après la dissolution de l'Union
soviétique le 26 décembre 1991, l'OTAN (Organisation du traité de l'Atlantique
nord) s'est confortablement installée en mer Noire, la transformant en mer
américaine. La Géorgie, située à l'Est de la mer Noire, désireuse d'intégrer
l'OTAN, en fut empêchée en août 2008. Une guerre a opposé la Géorgie à la
Russie qui a vite tourné en faveur de l'armée russe, prête à envahir Tbilissi,
la capitale.
Après l'arrêt des hostilités (dont la paternité
revient à l'Union européenne et à Nicolas Sarkozy), la Russie a décidé de
reconnaître la souveraineté de l'Abkhazie, à l'Ouest de la Géorgie, sur la
façade Est de la mer Noire.
L'enjeu du face-à-face des puissances militaires
occidentales-Russie à l'Est de l'Ukraine est plus important pour les deux
camps, même vital pour la Russie. En effet, la marine occidentale vise la mer
d'Azov, un «lac russe». La mainmise occidentale sur la Crimée et le port
ukrainien Marioupol (ville portuaire et industrielle) aurait permis à la marine
américaine d'être présente au Détroit Kertch et de fortement gêner les
manœuvres de la marine russe.
En mars 2014, la Crimée, péninsule peuplée
majoritairement de russophones dans le Sud de son territoire, fut envahie par
des hommes armés sans insignes militaires, puis annexée à la Russie, après le
«référendum» du 16 mars 2014 sur le rattachement de la Crimée à la Russie.
Le sort
réservé à un pays désorganisé et faible
Toujours en 2014. Dans la région du Donbass (un
bassin houiller, situé entre la mer d'Azov et le fleuve Don) et dans ses
régions limitrophes, les manifestations «antimaïdan» évoluent en insurrection
armée contre le gouvernement central par intérim de Kiev. Cette insurrection
devient séparatiste et proclame la création de la «République populaire de
Donetsk» le 7 avril, puis la «République populaire de Lougansk» la 11 mai. Dès
le 2 mai 2014, l'armée ukrainienne intervient dans l'Est du pays, est stoppée,
puis finalement doit reculer, face aux séparatistes, soutenus par la Russie.
Malgré des promesses de règlement (les accords de
Minsk de février 2015), le face-à-face entre les puissances militaires
occidentales soutenant l'armée ukrainienne et la Russie (soutien des
séparatistes à l'Est de l'Ukraine) se poursuit et le règlement de la crise
ukrainienne est dans l'impasse.
Ainsi vont les rapports de force militaire. Un pays
désorganisé comme l'Ukraine en 2014, sans un pouvoir central affirmé, donc
faible, incapable de se défendre militairement, devient le champ de bataille du
ou des voisins puissants, voire des puissances militaires régionales et
mondiales.
La Syrie, une
pièce maîtresse
Comme en Ukraine, les puissances militaires
occidentales (et leurs alliés moyen-orientaux) menés par les Etats-Unis font
face, en Syrie, à la Russie alliée à l'Iran dans sa bataille pour sauver le
régime de Bachar Al-Assad.
Vieil empire asiatique, «endormi» depuis la chute
de l'empire des Afsharides le 19 juin 1747, l'Iran semble s'être «réveillé»
après la Révolution de 1979. Il compte retrouver son rang d'antan de puissance
régionale. Israël en 1982 et les
Etats-Unis en 2003 lui en ont fournit l'occasion.
Stratégie
hasardeuse d'Israël en 1982
C'est l'année où l'armée israélienne,
Tsahal, soutenue par l'Armée du Liban-Sud et les Phalanges libanaises (milices
libanaises à majorité chrétienne) lança l'opération militaire «Paix en Galilée
», envahissant le Sud Liban à partir du 6 juin 1982. Objectif officiel : faire
cesser les attaques palestiniennes de l'Organisation de libération de la
Palestine (OLP) lancées depuis le Sud Liban; une opération de grande ampleur
qui conduisit Tsahal jusqu'à Beyrouth.
L'occupation
israélienne allait durer trois ans, et se prolonger par la présence de troupes
jusqu'en 2000. Officiellement, il
s'agissait pour l'armée israélienne de s'assurer du contrôle d'une bande de 40
kilomètres au sud du Liban, de façon que les groupes palestiniens considérés
par l'occupant israélien comme des « terroristes » ne puissent pas atteindre le
nord d'Israël avec leurs roquettes.
Il est à souligner qu'entre le 16 et le 18 septembre 1982, sous la
supervision d’Ariel Sharon alors ministre israélien de la Défense, une unité de
la milice des Phalangistes libanais pénétra dans les camps de réfugiés de Sabra
et Chatila, à Beyrouth, et ces Phalangistes violèrent, assassinèrent et
mutilèrent atrocement des milliers de civils. Environ un quart de ces réfugiés étaient des Chiites libanais qui
avaient fui la violence déchaînée dans le Sud. L’importance du rôle joué par
l’invasion israélienne du Liban, en
1982, dans l’apparition du Hezbollah ne saurait être sous-estimée.
Les Pasdarans (gardiens de la Révolution), envoyés par la
République islamique au Liban en 1982, ont contribué à l'émergence du Hezbollah, parti politique chiite
possédant un bras armé. Son principal objectif est de combattre l'occupation
israélienne(1).
Suite à la guérilla anti-israélienne, menée par
le Hezbollah, Israël évacue le Sud Liban en 2000. Les fermes du
Chebaa, une bande de territoire à la frontière entre le Liban et le plateau du
Golan, réclamée par la Liban, est toujours occupée par l'armée israélienne.
Conséquences de la stratégie hasardeuse d'Israël
au Sud-Liban en 1982 : 36 ans plus tard, lors des législatives du 6 mai 2018,
les électeurs libanais ont offert une éclatante victoire au camp pro-Hezbollah,
qui sort également très renforcé de son engagement militaire en Syrie. Le
«courant du Futur», camp pro saoudien et pro occidental a perdu des sièges dans
son fief historique de Beyrouth-2. Ainsi, sur les onze sièges en jeu dans la
circonscription à dominante sunnite, la moitié environ ont échappé au «courant
du Futur».
Stratégies
hasardeuses américaines en 1980 et en 2003
Depuis 1979, les Etats-Unis tentent de contenir la
contagion de la révolution anticolonialiste, donc antioccidentale en maintenant
le pouvoir iranien à l'intérieur de ses frontières naturelles. La guerre contre
l'Iran en 1980, déclenchée par le régime de Saddam Hussein et soutenue par les
puissances militaires mondiales, y compris l'Union soviétique, poursuivait un
tel objectif.
Pour exister, le régime iranien n'a qu'un seul
choix : relever les défis militaires lancés par les Etats-Unis et soutenus par
leurs alliés occidentaux et régionaux, partout au Moyen-Orient. A commencer par
le premier, la guerre Iran-Irak (1980-1988).
Force est de constater que le régime iranien profite des erreurs des Etats-Unis pour consolider
son assise régionale. Ainsi, les soldats irakiens de confession chiite,
capturés lors des huit années de guerre, furent embrigadés au sein de Badr, une
milice chiite irakienne, formés par les Gardiens de la révolution (Pasdarans)
et envoyés en Irak après l'effondrement du régime de Saddam Hussein provoqué
par l'armée américaine. Conséquences : contrairement au souhait des Etats-Unis,
l'influence de l'Iran en Irak ne cesse de se développer.
Le même phénomène s'observe également en Syrie où
les Etats-Unis comptent démembrer la Syrie dans le but de créer des entités
confessionnelles (sunnite-wahhabite) et ethniques (kurde, etc.).
Déstabilisée par des desseins destructeurs
américains à ses frontières, la Turquie s'est rapprochée de l'axe Iran-Russie
et son armée est intervenue au Nord de la Syrie. Pourtant, les djihadistes
pro-saoudiens avaient réussi à s'installer dans une grande partie de l'Irak et
de la Syrie. Le soutien massif de l'Iran aux résistants de ces deux pays a
largement contribué à l'échec desdits djihadistes wahhabites, donc à l'échec du
projet américano-saoudien d'installer des «régimes» fantoches en Irak et en
Syrie.
Réaction américaine
au développement de l'influence iranienne au Moyen-Orient
Pour faire plier l'Iran au Moyen-Orient, les
Etats-Unis ont quitté l'accord nucléaire signé le 14 juillet 2015 dans le but
d'imposer à l'Iran des sanctions «les
plus dures de l'histoire». Ils somment l'Iran de revenir à l'intérieur de
ses frontières !!!
Peine perdue. En effet, avec le temps, l'Iran est
devenu la seule puissance militaire disposant de milliers de miliciens à ses
ordres au Moyen-Orient. l'Iran a dépensé des milliards de dollars et perdu,
avec ses alliés, des milliers d'hommes sur les champs de bataille en Irak et en
Syrie. Ce qui a été gagné par la guerre,
ne sera restitué qu'en cas d'échec lors d'une guerre. Même la Russie,
officiellement «alliée de l'Iran» en Syrie, jalouse le potentiel militaire de
l'Iran au Moyen-Orient.
Le face-à-face entre les puissances militaires
occidentales et orientales se poursuit en Ukraine, en Syrie, en Irak, au Liban
et au Yémen. De grandes turbulences régionales en perspective.
1.
https://arretsurinfo.ch/le-hezbollah-joue-un-role-fondamental-dans-la-resistance-a-la-domination-disrael/