Paix et Justice au Moyen-Orient
STRASBOURG, le 21 janvier 2013
Moyen-Orient,
Afrique : la guerre des civilisations
Une «opération de police» contre les «terroristes» et les
«bandits» au nom de l’«ordre constitutionnel» ou de la lutte contre la «menace
islamiste» et les «trafiquants».
Non, ce n’est pas François Hollande, président de la
République française ou son ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius,
qui ont prononcé les phrases guerrières ci-dessus. Ce sont les propos des
autorités russes face à la dernière guerre coloniale, en Tchétchénie. (1)
Des injures pour justifier une guerre coloniale. Les mêmes
injures sont proférées pour qualifier les Maliens ou Somaliens qui refusent de
plier l’échine devant la civilisation occidentale et ses représentants au sommet
des Etats africains, issus d’une décolonisation inachevée. «Libérer le nord du
Mali, aujourd’hui aux mains de bandes islamistes (…) Les islamo-gangsters» :
Surenchères injurieuses de l’éditorial du quotidien Le Monde du 23 octobre
2012.
Selon Rony Brauman, ancien président de Médecins sans
frontières France, ce type d’anathème «fait l’impasse sur les questions
politiques. Qu’est-ce qui a fait que ce pays, le Mali, que l’on disait
démocratique, a connu un tel enrôlement de jeunes dans le combat armé, le
jihad ? On trouve des explications dans l’appauvrissement de la
population, la corruption, l’autoritarisme et la prise de pouvoir de militaires
qui après un coup d’Etat, ont une très faible légitimité dans le pays» (2)
La corruption, le pillage, l’injustice sociale sont des termes
qui reviennent en boucle chez les analystes qui connaissent bien l’oligarchie et le
régime maliens. Selon l’analyse d’un Collectif de spécialistes économiques «L’Etat
[malien] s’est montré si obstinément prédateur que la population ne le
supportait plus, et ceci aussi bien au Sud qu’au Nord. Si on en est là, c’est
que les dirigeants politiques, tous partis confondus, depuis quarante ans, se
sont répartis les prébendes au lieu de faire face aux besoins de leurs
concitoyens.» (3) Toujours selon le Collectif «il se pourrait
aussi que le soutien populaire aux islamistes soit plus profond qu’on ne
l’imagine.» (3)
Suite à la «décolonisation» de l’Afrique, des régimes
africains ont remplacé ceux des anciennes puissances coloniales, la France et
la Grande Bretagne. Or, lesdits régimes, dirigés par des potentats africains,
n’ont qu’une apparence africaine ; ils ont pieds et mains liés aux
anciennes puissances coloniales. Les autorités des pays africains
«indépendants» vouent une admiration sans limite à la culture des anciennes
puissances coloniales, s’habillent à l’occidentale-costume trois pièces,
cravate-, parlent couramment leur langue, envoient leurs progénitures dans les
écoles françaises ou britanniques, propagent la culture occidentale, placent
l’argent du pillage dans les banques occidentales, achètent des biens
immobiliers à Londres ou à Paris, ouvrent grande la porte du pays aux
spécialistes français et britanniques et leurs armées veillent sur le pillage
des ressources du pays par les anciennes métropoles. Selon Michel Galy,
politologue : «La France est bien en retard d’une décolonisation, seul
pays à entretenir des bases militaires permanentes depuis les indépendances et
à intervenir régulièrement sur le continent.» (4)
Pour les anticolonialistes, la décolonisation n’est pas
achevée et les régimes en place constituent les succursales des anciennes
puissances coloniales et dont l’objectif est la défense des intérêts économiques,
politiques et géopolitiques des anciennes métropoles, tout en répandant la
culture et la religion occidentales, instruments de l’asservissement du
continent noir.
Dès lors, combattre les régimes néocolonialistes revient à
combattre l’influence occidentale, sa langue, sa culture, sa religion. Pour le
Collectif cité ci-dessus «il faudrait tenir compte de la détermination des
«bandits armés» : qu’ils soient bien payés ou pas, qu’ils soient
endoctrinés ou pas, ils sont animés par une envie de domination territoriale et
d’élimination de toute influence occidentale, prêts à mourir pour la cause
qu’ils servent.» (3)
La seule idéologie capable d’achever la décolonisation, de
mobiliser les masses pauvres et éprises de justice sociale, de détruire les régimes
au service de l’Occident colonialiste et de son influence culturelle est-selon
les combattants «islamistes»- la charia moyenâgeuse, dépourvue de toute
contamination culturelle occidentale.
Il s’agit d’une guerre de civilisations : civilisation
orientale contre celle occidentale. Depuis des siècles, l’Occident colonialiste
tente d’imposer son mode de vie, sa vision du monde, sa culture, sa langue, sa
philosophie, sa religion aux continents asiatique et africain. Toute opposition
à l’hégémonie culturelle de l’Occident est taxée d’opposition au modernisme et
les opposants taxés d’«arriérés», voire de «barbares». S’en sont suivies des
destructions massives de modes de vies ancestrales, de cultures et de langues,
pratiquées par des peuples soumis. Le mépris des langues et cultures
millénaires des vieux pays comme la Chine, l’Iran ou l’Inde dépasse
l’imagination. Voici
la célèbre «Note sur l’éducation» de 1835 de l’historien Macaulay, membre du
conseil de Bentinck : «Un rayon d’une bonne bibliothèque européenne
vaut toute la littérature indigène de l’Inde et de l’Arabie» (1)
CQFD !
La résistance au colonialisme prend donc des aspects politique,
économique, culturel donc civilisateurs.
De son côté, la charia n’est pas la panacée. C’est une
doctrine médiévale, incapable de répondre aux besoins des temps modernes de
libertés individuelles, de respect des êtres humains, des femmes et des hommes
épris de libertés d’expression, de presse, jouissant d’une vie personnelle
libre de toute ingérence cléricale et moralisatrice.
De ce point de vue, l’Iran est devenu la vitrine d’un pouvoir
islamique qui impose la charia à une population farouchement anticolonialiste. Trente
quatre ans après la victoire de la révolution iranienne en 1979, une bande de
mafieux richissimes spéculateurs, religieux, civils et militaires, sans foi, ni
loi, a fait main basse sur l’appareil d’Etat et sur les richesses du pays ;
impose, au nom de la charia, une dictature moyenâgeuse à un peuple qui a fait
la révolution pour jouir d’une vraie république démocratique, respectueux de
l’Etat de droit, du vote des citoyens, des libertés individuelles et
collectives.
Actuellement, les jeunes, même issus des familles religieuses,
prennent leur distance avec l’islam et sur les réseaux sociaux expriment leur
dégoût de la religion, leur agnosticisme, voire leur athéisme.
La guerre des civilisations continuera tant qu’existera le
colonialisme sous quelque forme que ce soit. Mais il y a fort à parier qu’il
faudrait autre chose aux anticolonialistes que la charia médiévale pour vaincre
le colonialisme occidental prêt à tout pour préserver son espace vital
planétaire.
(1)
Le livre noir du colonialisme- Robert Laffont.
(2)
Politis du 17 au 23 janvier 2013.
(3)
Collectif- Le Monde du 26 octobre 2012.
Michel Galy, politologue- Le Monde du 18 janvier 2013.