10.5.08

Analyse 12 (le 10 mai 2008). L'avenir du Moyen-Orient se joue au Liban

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 11 mai 2008

cpjmo@yahoo.fr

L’avenir du Moyen-Orient

se joue au Liban

La résistance libanaise a un caractère révolutionnaire !

Depuis fin mars 2008, l’armée américaine est passée à l’offensive contre la résistance anticolonialiste au Moyen-Orient, d’abord en Irak, contre l’armée du Mahdi, puis au Liban début mai.

Le signal de la deuxième offensive a été donné par Walid Joumblatt, figure de la «majorité politique libanaise» et chef du «Parti socialiste progressiste» (PSP), qui, dans une déclaration réclama : «la destitution de l’officier responsable de la sécurité de l’aéroport de Beyrouth, Walid Choucair, ainsi que l’expulsion de l’ambassadeur de la République Islamique d’Iran.» (Le Monde du 06/05/08).

Afin de marquer au fer rouge la soit disante «collusion» entre le Hezbollah libanais, l’Iran et la Syrie, il est de pratique courante d’attaquer la résistance libanaise en même temps que l’Iran et la Syrie.

Faut-il voir un rapport de cause à effet entre la quinzième visite de Condoleezza Rice au Moyen-orient et l’offensive contre la résistance libanaise? En effet, l’étude de la diplomatie américaine montre que chaque visite de Condoleezza Rice ou de George Bush au Moyen-Orient se traduit par la montée des tensions régionales, voire des agressions contre les anticolonialistes.

Il est une autre pratique de la presse occidentale, celle de conférer un caractère confessionnel aux combats anticolonialistes : «Chiites et sunnites s’affrontent au Liban» (Mouna Naïm- LM du 09/05/08). Alors qu’aussi bien dans le camp de la «majorité politique libanaise» que celui de la résistance, toutes les confessions du pays sont représentées. Qu’aurait dit Mouna Naïm de l’opposition De Gaulle- Pétain? Chrétien contre chrétien? Ou un patriote contre un collaborateur de l’occupant nazi ? Pour quelle raison certains journalistes escamotent (consciemment?) le caractère anticolonialiste du combat mené par l’opposition irakienne, afghane et libanaise?

Toujours est-il que, dans l’impasse (en Irak, en Palestine, en Afghanistan) et en fin de règne, la seule logique que connaît l’administration Bush au Moyen-Orient est celle de la poursuite des affrontements armés. «Les Etats-Unis envisagent d’envoyer 7000 soldats supplémentaires, en 2009, en Afghanistan» (AFP, cité par LM du 06/05/08). La nomination du général Petraeus, homme de confiance des va-t-en-guerre, au poste de chef des forces américaines pour le Moyen-Orient et l’Asie centrale (Centcom), signifie l’intensification des combats au Moyen-Orient, qui marquera, entre autres, la fin de règne de la clique au pouvoir à Washington.

D’aucuns se demandent pourquoi, malgré tant d’échecs et de dépenses militaires (rien que 3 milliards de dollars par semaine en Irak !) l’administration Bush insiste- t-elle à s’acharner au Moyen-Orient, au prix de s’y enliser chaque jour davantage? La raison est, avant tout, d’ordre militaire. «La guerre n’abandonne jamais un espace qu’elle a conquis» (Vincent Desportes- Commandant du centre de doctrine d’emploi de forces (CDEF) du ministère de la défense- LM du 27-28/04/08).

A entendre les militaires américains, ils n’auraient pas perdu la guerre du Vietnam. Ce sont les diplomates qui l’ont perdue! La même «logique» prévaut actuellement à Washington. La clique militaro-industrielle au pouvoir aux Etats-Unis se battra jusqu’à la dernière cartouche, payée par le contribuable américain. L’administration Bush sait bien que les choses peuvent changer après les futures élections présidentielles. C’est pourquoi elle envisage de marquer un maximum de points avant de céder sa place à la prochaine équipe susceptible d’impulser un changement de cap à la diplomatie américaine au Moyen-Orient.

Parallèlement à la poursuite des combats contre l’armée du Mahdi en Irak, un nouveau front vient donc de s’ouvrir au Liban. Comme nous l’avons écrit dans l’analyse 10 : «Depuis l’été 2006, les Américano- israéliens ne sont victorieux dans aucun conflit. Après son échec au Liban, l’armée israélienne n’a pas atteint son objectif d’éradiquer le Hamas en Palestine. Les «négociations de paix» sont factices. Les Américano- israéliens ne sont plus en position de force et la tempête pourrait se transformer en ouragan». Ce qui se passe sous nos yeux au Liban, confirme notre analyse.

Contrairement à l’armée du Mahdi, qui représente une fraction de la résistance irakienne, le Hezbollah libanais a réussi à unifier l’opposition libanaise qui jouit, de ce fait, d’une aura et d’un avantage certains. Bien équipée et aguerrie, l’opposition libanaise pourrait facilement obtenir, à la suite de cet affrontement, ce qu’elle n’a pas obtenu pacifiquement: à minima, le partage du pouvoir et, à maxima, le renversement de la clique pro-occidentale au pouvoir à Beyrouth.

L’actuel affrontement au Liban montre une fois de plus la myopie des colonialistes et de leurs obligés locaux. Quoique consciente du rapport de forces favorable à la résistance, la «majorité politique libanaise», au lieu de chercher un compromis, a préféré suivre les recommandations de Bush- Condoleezza Rice et passer à l’offensive. La résistance libanaise n’en sortira que renforcée.

L’affrontement actuel au Liban revêt une importance cruciale pour tout le Moyen-Orient et pour l’humanité. En effet, depuis la révolution constitutionnelle et anticolonialiste de 1906 en Perse, la lutte anticolonialiste, pour la souveraineté politique, nationale et l’intégrité territoriale, a un caractère révolutionnaire. Nous pouvons même parler de la «Révolution libanaise» en cours.

En cas de victoire, cette révolution ne laissera pas indemne l’ensemble de la région. La Palestine en sera le premier bénéficiaire. Les régimes arabes fantoches devraient préparer leurs valises.

En attendant, l’administration Bush qui avait anticipé la déflagration, a dépêché ses navires de guerre, dont USS Cole au large du Liban (LM du 06/03/08). L’intervention des Américano- sionistes aux côtés de la «majorité politique libanaise» n’est pas à exclure. Le roulement de tambours à l’Est de la Méditerranée se fait de plus en plus pressant.

La restitution à l’armée des quartiers conquis de Beyrouth montre que, consciente des enjeux géopolitiques, la résistance libanaise calcule bien ses coups à l’avance et marche à pas feutrés.

4.5.08

Analyse 11

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 04 mai 2008

cpjmo@yahoo.fr

La diplomatie américaine au Moyen- Orient est un champ de ruines



Correspondante en Russie du journal Le Monde, Marie Jégo se fait la porte-parole des néoconservateurs américains


Au cours des élections présidentielles de 2001 aux Etats-Unis, Al Gore, rival démocrate de George Bush, avait quelques centaines de milliers de voix d’avance sur George Bush, son rival républicain. Dans une confusion généralisée, savamment entretenue par les médias aux ordres du complexe militaro- industriel et autres majors pétroliers, c’est George Bush qui fut pourtant déclaré vainqueur des élections. C’est que, pour réaliser le projet américain de domination sans partage du monde, la bourgeoisie américaine avait préféré George Bush à son rival démocrate, sans doute jugé un peu «mou» et moins disposé à mettre le Moyen-Orient et l’Asie centrale à feu et à sang.

Dès la formation de la nouvelle administration, les uns après les autres, les traités conclus entre l’ex-URSS et les Etats-Unis furent rapidement dénoncés par l’administration Bush. Une manière de signifier à la Russie que son statut de «superpuissance» n’était plus reconnu par les Etats-Unis, ceux-ci ayant englouti peu à peu, la zone d’influence russe, en Europe, en Asie centrale et au Moyen-orient, limitant même l’accès de la Russie à la Mer Noire.

La conquête des sources et des voies de circulation du pétrole et du gaz naturel a constitué l’essentiel des efforts de l’administration Bush pour s’imposer à ses «alliés» afin de réaliser la domination planétaire des Etats-Unis. C’est chose faite suite à l’installation des bases militaires en Asie centrale, complétant celles déjà existantes au Moyen-Orient, prolongées par la conquête sanglante de l’Afghanistan et de l’Irak.

La politique qui a permis à l’administration Bush d’asseoir l’autorité musclée des Etats-Unis dans le monde, a plusieurs composantes: «une hyperutilisation de la force, presque sans limite»*, «des actions unilatérales et souvent illégitimes»*, «un mépris toujours plus grand»* du droit international, l’ingérence dans les affaires intérieures des nations souveraines, des menaces d’intervention militaire et de bombardement, le développement généralisé de la torture, de la corruption et de la gabegie dans des pays occupés par les Etats-Unis et leurs alliés, etc.

Ce qui est vrai pour l’encerclement de la Russie, l’est également pour le Moyen-Orient et l’Asie centrale où l’Alliance atlantique intervient directement en Afghanistan. Journaliste au journal Le Monde, Marie Jégo voit autrement l’élargissement de l’OTAN vers les frontières chinoises.

Dans son article «Pourquoi la Russie a peur de l’OTAN ?» Marie Jégo, correspondante en Russie, se fait la porte-parole des néoconservateurs américains. Selon elle : «ce que l’élite russe craint par-dessus tout n’est pas la menace militaire de l’OTAN, mais sa capacité à démocratiser» (Le Monde du 17/04/08).

En «analysant» comme Marie Jégo, nous pourrions dire que la résistance Afghane lutte contre l’OTAN parce qu’elle a peur de la «capacité de l’Alliance atlantique à démocratiser» l’Afghanistan. Dans la même optique, la résistance irakienne combattrait l’armée d’occupation américaine parce qu’elle a peur de la «capacité de l’armée américaine à démocratiser» l’Irak! C’est une «analyse» dans la droite ligne de la propagande de l’administration Bush qui prétend «répandre sa démocratie» par la force en Orient. C’est une nouvelle version de «l’aspect positif du colonialisme»: Ô «gens arriérés» de l’Orient, ne craignez pas pour votre dignité, votre souveraineté et l’intégrité territoriale de votre pays. L’invasion occidentale est porteuse de la «démocratie»!

La négation de la souveraineté des pays du monde constitue l’axe principal de la politique des puissances occidentales (Grande Bretagne, France, Allemagne,…) en général et des Etats-Unis en particulier. Parlant de la transition démocratique des états du bloc de l’Est, la chancelière allemande a dit aux parlementaires de l’Union européenne: «continuez à vous ingérer, continuez à former l’Europe!» (Dernières Nouvelles d’Alsace (DNA) du 16/04/08).

Jusqu’où s’étendent les intérêts de l’Europe? Pour Vincent Desportes, Commandant du Centre de doctrine d’emploi des forces (CDEF) du ministère de la défense, la tranquillité de l’occident dépend de guerres qui se déroulent dans l’Hindu Kuch! (LM du 27-28/04/08). C’est ainsi que les puissances occidentales s’ingèrent régulièrement dans les affaires des pays souverains comme l’Iran, la Syrie (bombardement d’un site syrien le 6 septembre 2007), voire la Chine, secouée par une déferlante occidentale sur les questions de «droits de l’homme» au Tibet. Faut-il rappeler que les «droits de l’homme» ont servi d’alibi pour envahir l’Irak et l’Afghanistan? Faut-il rappeler que Taiwan, territoire chinois est encore sous la coupe des Etats-Unis?

«D’après le livre intitulé «La guerre à trois milliards de dollars» co-écrit par le Prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz et Linda Bilmes, professeur à Harvard, «le coût des opérations militaires américaines- sans prendre en compte les dépenses à long terme comme les soins aux vétérans- dépasse déjà le coût de la guerre du Vietnam, longue de 12 ans, et représente plus du double de ce qu’a coûté la guerre de Corée»» (DNA- 12/03/08).

Peut-on expliquer les dépenses miliaires colossales («trois milliards de dollars par semaine» en Irak, selon Joseph Biden, sénateur démocrate- Le Monde du 10/04/08) et les pertes humaines (plus de 4000 militaires tués et des dizaines de milliers de blessés, sans parler des pertes irakiennes estimées à près de 600 000) par le simple souci philanthropique de l’administration Bush et du complexe militaro- industriel? «Il n’y a pas de «soldats-humanitaires», il n’y a que des soldats, avec une mission» (Vincent Desportes, commandant du CDEF- LM du 27-28/04/08).

Au cours de ces sept dernières années, les dégâts causés par l’administration Bush à l’économie américaine, aux finances mondiales et au crédit des Etats-Unis, sont tels que les caciques du Parti démocrate s’engagent de plus en plus à les corriger. Le prestige des Etats-Unis était également au plus bas après la guerre du Vietnam. C’est Jimmy Carter qui fut chargé de redorer le blason des Etats-Unis. En ce moment, face au discrédit grandissant des Etats-Unis dans le monde, c’est encore Jimmy Carter qui se déplace au Moyen-Orient, rencontre le Hamas et voyage en Syrie. Ces rencontres annoncent la fin inévitable d’une politique et d’une époque, celles de l’administration Bush.

Jimmy Carter est un bon «thermomètre», permettant de mesurer l’état de santé de la diplomatie américaine. En effet, la diplomatie américaine au Moyen-Orient est un champ de ruines. Les Etats-Unis n’y ont jamais été autant détestés.

(* Termes prononcés par Poutine, le 10 février 2007 à la Conférence de Munich- Courrier international du 22 au 28 février 2007. On peut détester Poutine, mais son analyse est pertinente).