27.5.07

Communiqué n° 36

Paix et Justice au Moyen-Orient
STRASBOURG, le 27 mai 2007

cpjmo@yahoo.fr

La prochaine guerre du Liban

a-t-elle déjà commencé ?

Selon des informations circulant sur le net, informations «ignorées» par la presse officielle, porte parole des chancelleries, les membres du Fatah al-Islam, milice sunnite intégriste retranchée dans le camp palestinien de Nahr el Bared, «sont originaires d’Arabie Saoudite, du Pakistan, d’Algérie, d’Irak, de Tunisie, et d’autres pays encore. Il n’y a pratiquement pas de Palestiniens chez eux, mis à part quelques glandouilleurs. (…) Ils sont payés par le Mouvement du futur de Saad Hariri qui met sur pied des cellules terroristes islamistes sunnites qui devaient servir de couverture aux projets anti-Hezbollah du club Welch, du nom d’un conseiller de la Secrétaire d’Etat Condoleezza Rice».

Ce n’est un secret pour personne que depuis toujours, pour perpétuer leur domination, les colonialistes et les gouvernants des pays composés d’ethnies, jouent avec les tensions interethniques. Formées de déshérités, de lumpens et autres voyous, armées, logées, nourries par les puissants, les milices interviennent au moment voulu comme précurseurs d’une guerre interethnique, suivie de massacres et de destructions, épargnant les gouvernants, les vrais responsables et causes des problèmes sociaux. Pour chasser les Soviétiques d’Afghanistan, la CIA et les services de sécurité pakistanais avaient lancé le «djihad» anti-communiste en se servant des fanatiques musulmans, des marionnettes au service des intérêts géostratégiques occidentaux, formés dans des écoles coraniques pakistanaises financées par l’Arabie saoudite. Au Cachemire, tout indique que le gouvernement pakistanais se sert des «djihadistes» bornés pour tuer des indous traités d’«impurs». En Irak, les attentats perpétrés par des kamikazes sunnites contre les chiites et vice-versa font les gros titres de la presse occidentale, alors qu’il faut fouiller dans les articles traitant de la guerre d’Irak pour découvrir qu’il y a également des pertes américaines: 103 militaires américains et assimilés morts en avril et 104 en mai, selon les «chiffres officiels» communiqués par les Américains. Comme en Algérie où les services gouvernementaux organisent des attentats contre des civils, d’aucuns voient la main des services américains derrière les attentats ethnico- religieux en Irak. Il est à souligner qu’on n’entend jamais les autorités religieuses irakiennes souffler sur la braise de la haine religieuse. Pourtant, à l’instar de l’imam chiite Moqtada Al-sadr, elles tiennent des discours politiques anti-américains, peu relatés par la presse.

Pour diviser l’opposition multiethnique, tout porte à croire que le Fatah al-Islam du camp palestinien de Nahr el Bared a pour rôle de servir de précurseur de guerre interreligieuse au Liban. Or l’expérience de l’organisation Al Qaida, montée par la CIA pour combattre les Soviétiques, montre que les «marionnettes» peuvent se retourner contre leur mentor. Sera-ce le cas au Liban? Toujours est-il que, vu la radicalisation montante au Moyen-Orient, les sentiments anticolonialistes peuvent l’y emporter sur les tensions interethniques. D’autant plus que, selon certaines informations, les gens du Fatah al-Islam, anciens combattants d’Afghanistan et d’Irak, doivent avoir un minimum de conscience politique. Dans une analyse très intéressante, Hussein Agha, professeur chargé d’étude sur le Proche-Orient à l’université d’Oxford, écrit : «Rien n’aura autant affaibli la force de dissuasion israélienne que la performance américaine en Irak- performance qui sert d’inspiration pour les ennemis d’Israël, désormais convaincus que même la force militaire la plus puissante du monde peut être mise à genoux». Un affaiblissement qui contribuera à «radicaliser» l’opinion publique des pays arabo-musulmans (Le Monde du 25 mai 2007).

Au Liban, la composition de l’opposition montre que les sentiments politiques l’emportent largement sur les tensions interethniques : chiites, sunnites et chrétiens forment l’opposition au gouvernement de Fouad Siniora, uni à Samir Geagea, à Saad Hariri et à Walid Jumblat, tous membres du fameux «Club Welch», qui, avec le retournement éventuel du Fatah al-Islam, pourrait subir un échec cuisant. La famille Hariri soutient d’autres groupes fondamentalistes: Asbat al- Ansar et Jund as-Sham, groupuscules fondamentalistes du camp de réfugiés de Aïn Héloué. Vont-il suivre l’exemple du Fatah al- Islam?

Plus troublant, c’est l’aide militaire urgente envoyée par les Etats-Unis à l’armée libanaise (60000 hommes), qui dispose de suffisamment d’armes lourdes et légères pour venir à bout d’un groupuscule assiégé dans un camp de réfugiés de 2 km2 ! A son tour, la France «est également disposée à satisfaire une éventuelle demande de coopération militaire sous forme de fourniture d’équipements légers» (Le Monde du 26 mai 2007). L’affaire du Fath al-Islam prend une importance telle que le ministre français des affaires étrangères, Bernard Kouchner s’est rendu jeudi 24 mai à Beyrouth pour une visite de «solidarité» avec le Liban. Que se cache-t-il derrière cette agitation? Y a-t-il un lien avec le vote de la Chambre des représentants, à majorité démocrate, qui, en votant la loi de financement de la guerre en Irak, affiche son unité provisoire avec l’administration Bush?

Avec ce vote, «l’heure de vérité» de l’administration Bush au Moyen-orient sera repoussée en septembre. Quatre mois pour inverser la tendance à la déroute des Etats-Unis au Moyen-Orient. Quatre mois pendant lesquels les Etats-Unis et son allié israélien, voulant rétablir leur autorité régionale bafouée, essaieront-ils d’en découdre une fois de plus avec les mouvements islamistes (le Hamas, le Hezbollah,…), seuls vrais dangers pour Israël et la présence américaine dans la région? La prochaine guerre du Liban a-t-elle déjà commencé? La question mérite d’être posée.

22.5.07

Communiqué n° 35

Paix et Justice au Moyen-Orient
STRASBOURG, le 22 mai 2007

cpjmo@yahoo.fr

Edition spéciale

Moyen-Orient, Palestine:
Le vent tourne

Depuis le 11 mai, des «combats fratricides» font rage à Gaza. D’aucuns pensent que ces combats résultent de «calculs imbéciles» (éditorial du Monde du 18 mai 2007).

Certes, face à l’ennemi sioniste qui fait saigner la Palestine à blanc ; face à une «communauté internationale» plus que complaisante à l’égard d’Israël et de ses attaques incessantes contre les civils aussi bien que contre les infrastructures palestiniennes; bref, face aux velléités occidentales pour étouffer dans l’œuf toute possibilité de création d’un Etat palestinien, on serait tenté de souhaiter la paix entre fractions armées. Or la question que l’on ne se pose pas c’est de savoir pourquoi le Hamas, le mouvement de résistance islamique, a pris une importance telle qu’il met en danger l’existence même du Fatah, qui a tant fait pour la Palestine et la dignité des Palestiniens? Force est de constater que la naissance et la montée en puissance du Hamas traduit l’incurie et l’incapacité du Fatah et de ses soutiens internationaux qui n’ont pas voulu répondre aux aspirations légitimes du peuple palestinien. L’Occident et Israël ne veulent pas d’un Etat palestinien. Ils veulent d’un territoire sous contrôle, d’une sorte de bantoustan sous perfusion, dépendant des ONG occidentales, statut accepté par une partie du Fatah de Mahmoud Abbas mais que refuse les Palestiniens.

Il faut souligner que le Fatah de Mahmoud Abbas n’a pas les mêmes objectifs que le Fatah de Yasser Arafat. Ce dernier, partisan sans concession de la création d’un Etat palestinien, a été marginalisé, humilié dans son QG de Ramallah par l’armée israélienne, soutenue par les colonialistes américains qui songeaient à étendre la domination sans partage des Etats-Unis à tout le «Grand Moyen-Orient». Après la mort de Yasser Arafat et l’arrivée au pouvoir de Mahmoud Abbas, plus conciliant avec Israël, l’Occident a cru pouvoir atteindre ses objectifs de «bantoustanisation» de la Palestine. C’est sans compter avec la volonté du peuple palestinien, avide de sa souveraineté et de son Etat. La montée en puissance du Hamas répond à l’attente historique des Palestiniens, attente qui tarde à se concrétiser.

L’accord de la Mecque du 8 février 2006 entre le Fatah et le Hamas pour former un gouvernement d’union nationale, avait fait naître, auprès des Palestiniens, hantés par la peur de la guerre civile, l’espoir d’une paix durable. C’était oublier que la situation en Palestine se doit d’être analysée dans le cadre des rapports de force aussi bien à l’échelle internationale qu’à l’échelle régionale. L’accord de la Mecque n’a marqué qu’un répit, dans la longue guerre menée par les Etats-Unis pour dominer la région. Sitôt l’accord conclu, les Etats-Unis ont entrepris le renforcement de l’appareil militaire du Fatah : «Le congrès des Etats-Unis a débloqué, mardi 10 avril, l’attribution d’une aide de 59,8 millions de dollars (45 millions d’euros) aux forces loyales au chef de l’Autorité palestinienne, explicitement destinée à lui permettre de renforcer sa position face au mouvement de la résistance islamique (Hamas)», écrivait Sylvain Cypel, Le Monde du 12 avril 2007.

En effet, les nuages s’amoncellent au-dessus des Etats-Unis. Rien ne va plus en Irak. Acculés, les Américains dialoguent officiellement avec l’Iran, leur ennemi juré, qui tient tête à l’Occident. Nancy Pelosi, le chef du Parlement américain s’est entretenu en Syrie avec Bachar Al- Assad. De son côté, la Russie contre-attaque et Poutine, président russe, s’en prend aux Etats-Unis en évoquant «des Etats aux prétentions à l’hégémonie mondiale» comme à «l’époque du troisième Reich» (Le Monde du 17 mai 2007).

Autrement dit, les Etats-Unis ne font plus peur. Selon l’ancien ministre israélien Yossi Beilin: «L’aggravation du conflit au Moyen-Orient est le symbole éclatant de l’affaiblissement de la puissance américaine». Les rapports de force évoluent lentement, mais sûrement, en faveur des forces anticolonialistes. C’est sous cet aspect qu’il faut analyser les bombardements des forces du Hamas par l’aviation israélienne, soutien on ne peut plus clair au Fatah.

Tout porte à croire que les combats entre le Fatah et le Hamas continueront jusqu’à la victoire finale de ce dernier. Les éventuelles trêves ne serviront qu’à la réorganisation des forces en présence. Cette lutte s’inscrit dans le cadre de la «quatrième offensive de l’Histoire moderne» développée dans le communiqué n°33 du 13 mai 2007.

Actuellement, un combat a lieu entre un camp de réfugiés palestiniens dans le nord du Liban et l’armée libanaise. Malgré des «informations» émanant de sources officielles contrôlées par les colonialistes et leurs suppôts, faut-il y voir un lien avec le combat qui oppose le Fatah au Hamas? S’agit-il d’un mouvement de révolte des Palestiniens qui risque de s’étendre à tous les camps de réfugiés?

L’instabilité régionale, liée à l’ingérence des colonialistes anglo-américains au Moyen-Orient, continuera et s’accentuera avec l’affaiblissement des Etats-Unis et de leur allié israélien, suivi du renforcement de l’Iran, de la Syrie, des mouvements de la résistance anticolonialiste en Irak, en Palestine, en Afghanistan, au Liban et l’approche des élections présidentielles américaines en novembre 2008.

La défaite soviétique en Afghanistan s’est traduite par l’écroulement de l’Union soviétique. Allons-nous être témoins de l’écroulement de l’Empire américain suite à sa défaite en Irak?

19.5.07

Communiqué n° 34 (le 20 mai 2007). Que se passe-t-il au Moyen-Orient et en Iran ? Réponse à Alain Gresh (Le Monde Diplomatique)

Paix et Justice au Moyen-Orient STRASBOURG, le 20 mai 2007

cpjmo@yahoo.fr

Réponse à Alain Gresh (Le Monde Diplomatique)

Que se passe-t-il

au Moyen-Orient et en Iran ?

Que se passe-t-il entre les États-Unis et l’Iran? Est-il vrai que, selon l’éditorial, signé Alain Gresh, de «Manière de voir» de juin-juillet 2007, le «compte à rebours» a commencé pour l’Iran ?

L’éditorialiste base son analyse sur deux faits:

1- Les «gestes d’ouverture» de l’Iran (en 2002 et en 2003) furent purement et simplement balayés par les Etats-Unis et

2- La «diabolisation de l’Iran» s’inscrit dans la vision de G.W.Bush d’une «troisième guerre mondiale» contre le «fascisme islamique».

Il est vrai que les Etats-Unis de G.W.Bush ne connaissent qu’un seul langage, celui du rapport de force militaire. Dans le langage diplomatique, les «gestes d’ouverture», s’ils ne sont pas accompagnés d’un rapport de force militaire adéquat, sont autant de signes de faiblesse de l’adversaire. C’est pourquoi, l’Iran essaie d’étendre et de consolider son réseau d’influence régional et de renforcer son potentiel militaire (balistique et autres) afin de parler en position de force.

Il est également vrai que la «diabolisation» fait partie de l’arsenal de guerre psychologique. Si l’Iran est «diabolisé» en Occident, les américano-britanniques le sont tout autant, sinon plus, en Orient, où ce couple de colonialistes occidentaux, synonymes de brutalité, de barbarie et de violence est également l’objet de guerre psychologique.

Dans cette analyse, l’éditorialiste sort purement et simplement l’Iran et les Etats-Unis de leur contexte historique et géopolitique régional et mondial. L’analyse donne beaucoup d’importance à la «toute puissance» de l’armée américaine dont «les troupes campent en Irak et en Afghanistan, et l’Iran est enserré dans un réseau dense de bases militaires étrangères».

Sans vouloir minimiser la puissance militaire américaine, force est de constater que l’éditorialiste «oublie» l’enlisement de la plus puissante armée du monde dans le bourbier irakien. L’envoi de troupes supplémentaires en Irak, contesté par les Chambres du congrès américain, est l’aveu même de l’état lamentable d’une armée démoralisée, incapable de s’imposer face à une guérilla de plus en plus offensive et téméraire, défiant les États-Unis dans leur fief ultra protégé de la «zone verte». Lâchés par leurs alliés, les Américains reconnaissent même que la guerre d’Irak est déjà perdue. La guerre est désormais qualifiée d’«illégitime» et la question qui se pose actuellement aux Américains est d’établir un calendrier de retrait des troupes. Humiliant, non?

Le même phénomène s’observe en Afghanistan où l’acceptation de l’échec des armées occidentales (pas seulement que de l’armée américaine) fait son chemin. Signe des temps, le chaos n’épargne plus le Pakistan, dont le régime est dévoué aux colonialistes américains, et qui s’enfonce dans la crise politique. L’éditorial du Monde du 15 mai 2007 est édifiant : «Le Pakistan en danger»! Non seulement le Pakistan, mais tous les régimes proaméricains en Orient sont de plus en plus contestés et, ce n’est un secret pour personne, ils sont assis sur un volcan.

Depuis le 7 novembre 2006, date des élections à mi- mandat, une époque est révolue, celle où l’Occident mené par les Etats-Unis, était à l’offensive : «Reconquêtes» de l’Europe de l’Est, suivie de conquête de la Géorgie et de l’Ukraine. Puis l’installation de bases militaires en Asie centrale et le projet de bases de missiles antimissiles en Pologne et en république Tchèque. Après avoir «avalé des couleuvres», la Russie, refusant son humiliation, sort la hache de guerre. Certains n’hésitent pas à parler d’une ambiance de «guerre froide». En effet les sujets de contentieux ne manquent pas : Le Kosovo, la Géorgie, l’Ukraine (où Victor Ianoukovitch, allié de Moscou, passe à l’offensive), le gaz du Turkménistan et les réseaux de missiles antimissiles, etc. La Russie contre- attaque car les Etats-Unis sont en grande difficulté.

Les élections à mi-mandat du 7 novembre 2006 ont sanctionné la politique de l’administration de G.W.Bush, exigeant une nouvelle politique, dont les conférences de Bagdad et de Charm el- Cheik, en présence de l’Iran et de la Syrie, représentent des moments forts. Les Etats-Unis ont même annoncé des discussions directes avec l’Iran. N’est-ce pas reconnaître leur échec en Irak? Et reconnaître explicitement le rôle de puissance régionale de l’Iran? Les Américains, s’ils étaient encore en position de force, auraient-ils proposé de dialoguer avec l’Iran? Comment pourraient-ils attaquer l’Iran s’ils demandent son soutien pour «rétablir la sécurité» en Irak?

Dans un tel climat, régional et international, défavorable aux Américains, le «compte à rebours» militaire ne marchera pas, d’autant plus que la réaction de l’Iran, armé de missiles, pourrait conduire à «une catastrophe», au blocage du Détroit d’Ormuz par où transitent près de 14 millions de barils de pétrole par jour, sans parler d’autres marchandises, indispensables aux marchés des «pays amis» des Etats-Unis dans le Golfe persique. Les milieux financiers américains, non liés à l’industrie militaro- pétrolière, seraient- ils prêts à supporter une nouvelle aventure militaire, néfaste à l’image et à l’économie des Etats-Unis dans le monde? L’analyse du «compte à rebours» convenait à la période d’avant le 07 novembre 2007, époque où l’«unilatéralisme» bushien dictait sa loi. «Le monde multipolaire se développe sans nous demander notre avis et sans correspondre à notre schéma! (…) Les pays émergeants peuvent nouer des liens entre eux, en se passant des Européens et même des Etats-Unis.» (Hubert Védrine, ancien ministre des affaires étrangères- Le Monde du 22-23/04/07).

Il est vrai que l’aide aux mouvements armés à base ethnique- Azéri, Baloutche, Arabe, Kurde- fait partie des panoplies de complots des puissances étrangères qui ont toujours voulu décomposer l’Iran. Les Iraniens ont l’habitude de l’ingérence étrangère et y sont préparés. Après la deuxième guerre mondiale, les Soviétiques ont même créé des «républiques soviétiques» fantoches azéri et kurde, qui se sont effondrées après le départ des Soviétiques. Le «nationalisme iranien» a toujours servi de ciment à la cohésion nationale et la collusion avec l’«ennemi étranger» a toujours été fatale aux opposants imprudents.

Il reste l’embargo économique et technologique de l’Occident. Il est à souligner qu’aucun système, même cubain, ne s’est effondré suite à l’embargo économique. Le monde entier exporte vers l’Iran, via les Emirats arabes unis, qui sont devenus les premiers partenaires économiques de l’Iran avec des échanges commerciaux d’environ 11 milliards USD en 2006. Pourtant, il ne faut pas sous-estimer les effets néfastes d’un embargo économique sur le développement de l’Iran. Ce pays a décidé de rationner l’essence à partir du premier Khordad (21 mai). L’argent manque à l’industrie civile, car la recherche et l’industrie militaires absorbent une part importante des investissements.

13.5.07

Communiqué n° 33

Paix et Justice au Moyen-Orient
STRASBOURG, le 13 mai 2007

cpjmo@yahoo.fr

La quatrième


Offensive de l’Histoire moderne

Elles arrivent par vagues successives

Balayant tout sur leur passage

Rien ne leur résiste

Rien.

C’est en terme presque poétique que nous pouvons décrire les offensives de l’Histoire moderne. La première offensive de l’Histoire sous forme de «révolution démocratique», initiée par la bourgeoisie naissante des pays d’Europe occidentale et d’Amérique, eut lieu au dix-huitième siècle. Elle se déroula de 1770 (début de la révolution américaine) jusqu’en 1794, fin de la révolution polonaise (1788-1794). L’ensemble de ces révolutions ou mouvements révolutionnaires, avait pour cible l’Ancien Régime, incarné par la monarchie absolue et ses privilèges féodaux.

La révolution française fut celle qui marqua l’Histoire par son caractère radical, anticlérical et son universalisme. En effet, les deux piliers emblématiques de l’ancien système, la monarchie absolutiste et son soutien, l’institution religieuse, ont cédé devant les coups décisifs de la révolution. Pourtant, face à la résistance acharnée de l’Ancien Régime, celle-ci mit 82 ans (1789- 1871) pour venir à bout de la réaction et aboutir à l’instauration définitive de la république, symbole du nouvel ordre bourgeois.

Le signal de la deuxième offensive de l’Histoire fut donné 34 ans plus tard, en 1905, avec la révolution russe avortée. Cette déferlante ne débuta réellement qu’en 1906, avec la victoire de la révolution constitutionnelle en Perse. La révolution devait combattre l’ingérence étrangère (russe) pour adapter la monarchie absolutiste à la modernité. La bourgeoisie iranienne, devenue également propriétaire foncier, ne pouvait pas adopter l’attitude radicale de la bourgeoisie française. L’institution religieuse, liée à la féodalité, écartée de la révolution, était opposée à celle-ci et avançait le caractère «illégitime» (non religieux) de la révolution.

A l’époque, l’Asie était le théâtre de rivalité des Empires russe et britannique et les peuples de la région devaient affronter la réaction nationale, soutenue par les puissances étrangères. Ce qui rendait la tâche de la bourgeoisie asiatique d’autant plus difficile et la poussait à la radicalisation. Ainsi, 12 ans après la révolution perse, les révolutionnaires russes, appelés «bolcheviks», ont récidivé en abattant violemment l’Ancien Régime féodal et ses symboles emblématiques, la monarchie absolutiste et son soutien, l’institution religieuse. Le caractère radical de la révolution russe s’exprimait dans les «Thèses d’avril» de Lénine.

Devenus colonialistes, les pays capitalistes d’Europe occidentales, se sont opposés aussi bien à la révolution russe qu’à la révolution bourgeoise en général. La réaction internationale a trouvé un répit, jusqu’à la fin de la deuxième guerre mondiale. En effet, les monarchies d’Europe de l’est, vestige de l’Ancien Régime, furent, enfin, balayées après leur passage dans le giron soviétique : C’est la troisième offensive de l’Histoire, approfondie par la chute de l’Ancien Régime féodalo-colonial en Chine et la naissance de la République chinoise. La révolution vietnamienne fut le point d’orgue de la troisième offensive, comparable, par son ampleur, à un tsunami de l’Histoire.

La Perse a eu moins de chance. En effet, le mouvement nationaliste et laïc, dirigé par Mossadegh, constitué autour de la nationalisation du pétrole, subit un échec suite à l’intervention des colonialistes anglo-américains, et la monarchie absolutiste des Pahlavi fut rétablie. A leur tour les monarchies de certains pays arabes (l’Irak, l’Egypte et la Syrie) ont été balayés par la troisième offensive de l’Histoire, cédant place à des républiques.

La quatrième offensive de l’Histoire, très différente, dans sa forme, des trois autres, débuta en 1979, avec la victoire de la révolution islamique d’Iran. Comme ses prédécesseurs, cette nouvelle offensive, aussi violente que celle des «Jacobins» et des «bolcheviks», vise la féodalité et son symbole emblématique, la monarchie absolutiste. De plus, celle-ci est soutenue, armée et souvent vassalisée, directement ou indirectement, par les puissances colonialistes occidentales. Ainsi, la monarchie iranienne fut balayée, mais le second pilier de la réaction, l’institution religieuse, sort renforcé de la révolution. En effet, l’une des particularités de cette quatrième offensive de la révolution démocratique et bourgeoise c’est qu’elle est menée par une institution féodale, le clergé islamique. Toujours est-il que cette suprématie de l’institution religieuse à la tête de la révolution bourgeoise, impose des épreuves douloureuses et prolongées à la société : la révolution, inachevée, devrait se terminer d’une manière ou d’une autre, avec l’enterrement définitif de l’institution religieuse en tant que force politique majeure. En Iran, berceau de la «révolution islamique», le débat fait rage sur le rôle de l’islam en politique et, malgré son omniprésence, le «velayat-e fagih» (le gouvernement d’un jurisconsulte) est de plus en plus contesté par le peuple et par certains cercles du pouvoir. L’Histoire nous apprend que «le gouvernement d’un jurisconsulte» est condamné à disparaître.

Actuellement, la quatrième offensive de l’Histoire est en œuvre dans tous les pays arabo-musulmans, du Maghreb, en passant par l’Arabie saoudite, jusqu’aux confins de l’Asie centrale. Malgré le caractère passéiste de leur projet de société, à cent lieu de celui des «sans culottes» français, les djihadistes (pas ceux qui commettent des attentas contre des civils innocents) poursuivent le même objectifs : abattre les derniers vestiges des systèmes féodaux, inféodés aux colonialistes, au Proche et au Moyen-Orient. Si par son caractère radical le mouvement communiste a œuvré (sur une période, immédiatement après la victoire de la révolution) dans le sens de l’Histoire, le mouvement islamiste, en s’appuyant sur la religion, avance, peut-on dire, à reculons. L’exemple de l’Iran montre que leur projet de société ne résiste pas à l’épreuve de la vie moderne.

Les Américano-britanniques, défendant leurs intérêts colonialistes et la réaction locale, jouent un rôle négatif dans l’Histoire et les barrages des «républiques islamiques d’Afghanistan et d’Irak» fantoches n’y changeront rien. C’est le sens de l’Histoire.

4.5.07

Communiqué n° 32

Paix et Justice au Moyen-Orient
STRASBOURG, le 6 mai 2007

cpjmo@yahoo.fr

Le «philosophe» de Bagdad

Conférence de Charm el- Cheikh : assistons-nous à un partage des zones d’influence au Moyen-orient ?

Quatre ans après l’appontage «triomphal» de G.W.Bush, le 1er mai 2003, sur le porte-avions Abraham Lincoln, sous la bannière «Mission accomplie», rien ne va plus pour l’administration Bush, ni au Moyen-Orient, ni même à Washington.

En Irak, les attentats et conflits en tous genres (résistance contre les troupes d’occupation, sunnites contre chiites, Arabes contre Kurdes, Kurdes contre Kurdes, etc.) continuent de plus belle. Comme les Soviétiques à Berlin au temps de la «guerre froide» ou les Israéliens en Palestine, les Américains «se protègent» des attaques de la résistance irakienne en entourant la «zone verte» à Bagdad de murs antibombes, ou en érigeant des murs autour des commissariats de police, des casernes, des marchés, des écoles, des hôtels, des hôpitaux, des ambassades, des bureaux des partis politiques, des sièges des médias et du quartier sunnite d’Adhamiyah.

L’armée américaine procède même au marquage des habitants de la ville de Qouba, qui rappelle tristement le marquage des juifs par l’armée allemande pendant la seconde guerre mondiale.

Pourtant, aussi bien pour les Bagdadis que pour les troupes étrangères, l’insécurité n’a jamais été aussi patente. «La faillite du plan de sécurité» est l’un des motifs avancés par l’aile politique de l’«armée du Mahdi» pour justifier la démission de ses six ministres du gouvernement irakien.

Signe des temps. Face aux Occidentaux, l’Iran ne s’est jamais senti autant en position de force. Pour arracher des concessions à la «communauté internationale», Manouchehr Mottaki, ministre des affaires étrangères, a déclaré n’avoir à «l’ordre du jour aucune autre conférence que celle des voisins de l’Irak». Ce qui signifie que pour être présent à la table de la conférence sur l’Irak, les membres permanents du Conseil de sécurité, les représentants de l’Union européenne et les membres du G8, devront «casquer»! Il semble clairement établi qu’après avoir jugé «regrettables» les réticences de l’Iran, les Américains ont fini par «payer le prix» et annoncé la «bonne nouvelle» : l’Iran participera à la conférence internationale sur la reconstruction en Irak à Charm el- Cheikh (Egypte). Il est à souligner que le qualificatif «reconstruction» n’est que de la poudre aux yeux. L’invasion de l’Irak n’avait pour objectif que d’en expulser les compagnies françaises et russes, de détruire l’Irak afin de pouvoir enrichir les entreprises américaines (Halliburton et compagnies associées), de mettre une source d’énergie à la disposition des majors américaines et d’augmenter les moyens de pressions américains sur ses adversaires.

La tenue de cette conférence en présence de l’Iran et de la Syrie- application un peu tardive des recommandations de la commission Baker-Hamilton- signifie que la «communauté internationale» reconnaît désormais le rôle indispensable de la Syrie et, en particulier, de l’Iran comme puissances régionales, dans la résolution des problèmes du Moyen-Orient. Cette conférence fait penser à celles qui, aux XVIIIe, XIXe et XXe siècles ont façonné la physionomie de l’Europe et du monde. L’avenir nous dira si la conférence de Charm el- Cheikh entrera dans l’Histoire comme celle menée par les Etats-Unis et l’Iran, qui a conduit à un partage- entre puissances occidentales et l’Iran- des zones d’influence au Moyen-Orient? Aura-t-elle des conséquences sur l’avenir de la Palestine et du Liban?

La faiblesse de l’autorité américaine au Moyen-orient est perceptible dans toute la région où la réalisation de ses plans, pour soumettre le Moyen-orient, rencontre de plus en plus de résistance.

En Afghanistan, l’OTAN perd du terrain au profit des Talibans qui continuent à progresser. Le pays est dirigé par une bande de corrompus, soucieux de ses intérêts personnels et claniques. Hamid Karzaï, président de l’Etat afghan, ne contrôle réellement que Kaboul, la capitale. Les militaires étrangers se comportent comme des envahisseurs arrogants, peu respectueux des us et coutumes des Afghans. Certains partenaires des Etats-Unis émettent de sérieux doutes sur les chances de victoire.

Sur le front libano-palestinien, Israël, l’allié inconditionnel des Etats-Unis, n’est pas en meilleure position que son mentor américain.

Au Liban, le soit disant «tribunal Hariri» provoque une levée de boucliers de la part des opposants qui y voient «une mesure destinée à placer le Liban sous tutelle» (Le Monde du 18 avril 2007). Une question taraude les esprits: quel rapport existe-t-il entre le souhait de Chirac de vouloir imposer le tribunal sur l’assassinat de Rafic Hariri avant la fin de son mandat et le «prêt» par l’un des fils Hariri d’un appartement au couple Chirac? (Le Monde du 27 avril 2007). Le «bakchich» n’est pas qu’oriental !

Les provocations en tout genre émaillent la vie politique du Liban comme le double assassinat, fin avril, de deux jeunes sunnites, proches du parti socialiste progressiste (PSP), majorité politique. Pour le ministre de la défense, Elias Murr : «une cinquième colonne » tente de «semer la discorde» (Le Monde du 28 avril 2007). Les Libanais n’ont pas cédé à la provocation.

Dans la bande de Gaza transformée en prison à ciel ouvert, la marge de manœuvre militaire des Palestiniens est réduite. Mais la tension reste très vive dans le reste des territoires, comme en Cisjordanie, où les «colonies sauvages» israéliennes occupent colline après colline. «Plus la colonisation se poursuivra (…) plus ce sera difficile de donner un Etat aux Palestiniens» (Dror Etkes de la «Paix maintenant»), cité par le Monde du 27 février 2007. Tout ce qui accroît les tensions, augmente la possibilité pour les mouvements radicaux de s’enraciner en Palestine et renforce les risques d’une déflagration.

Depuis 6 ans, les gouvernements américain et israélien s’appuient uniquement sur la force militaire pour asseoir leur autorité. Ils ont du mal à prendre le virage indispensable à un apaisement dans la région, depuis que les rapports de force ont évolué en faveur des forces anticolonialistes. En persévérant dans leurs erreurs, ils continuent à perdre du terrain. C’est la crise à Washington et à Tel-Aviv.

Devant l’impasse irakienne suite à l’entêtement de l’administration Bush, s’exprimant devant la presse au Pentagone, le général David Petraeus, commandant en chef des troupes étrangères d’invasion en Irak, comme bon soldat discipliné et l’un des plus intelligents des généraux américains, prend les choses avec philosophie. «Notre effort pourrait s’avérer [dans un premier temps] plus difficile avant que cela ne devienne plus facile». Ou encore : «Pour réussir, il faudra de la persévérance et du sacrifice» car la situation va «se détériorer avant de s’améliorer».

Pour les Américains, pris dans le piège irakien et n’arrivant même pas à assurer leur propre sécurité dans des bunkers ultra- fortifiés, la philosophie peut aider à tenir. Sauf que la situation ne s’améliorera pas et que le philosophe risque de périr avant de pouvoir s’enfuir par le toit de l’ambassade des Etats-Unis dans la «zone verte».