Paix et Justice au Moyen-Orient
STRASBOURG, le 11 septembre 2015
Al-Qaïda,
Etat islamique et après
Comment expliquer la persistance de l'intégrisme islamiste
au Proche et au Moyen-Orient ? Dans une analyse très intéressante basée sur
l'histoire récente des pays arabes et musulmans, l'écrivaine palestinienne,
Sahar Khalifa (1), nous fournit quelques éléments sur l'inspiration
au changement, de justice et de modernité colportés par "des personnes instruites (qui) croyaient en ces idées et les défendaient".
Toujours selon l'écrivaine, "nos
librairies et nos rues regorgeaient de livres appelant à la libération, à la
révolution et au changement : littérature existentialiste, socialiste, noire…
Cet élan touchait tout le monde, y compris les paysans illettrés et les femmes,
qui commencèrent à sortir sans voile".
Cet élan de modernité n'effaçait pas la "haine des Occidentaux", tenace au
Proche et au Moyen-Orient : "nous
voulions vivre comme eux sans qu'ils nous dominent" ! Vœux
inacceptable pour les puissances coloniales occidentales.
Les coups d'état militaires d'inspiration
nationaliste et anticolonialiste en Egypte, en Irak, en Syrie et en Libye
répondaient à ce désir de changement et de justice sociale.
Dans l'euphorie du changement, on a fini par
sous-estimer la résistance et la réaction des pays arabes pro-américains, en
particulier l'Arabie saoudite et leurs parrains américano-britanniques dont la
domination vacillait sous la vague des mouvements de libération nationale qui
déferlait au Moyen-Orient, en Asie et en Afrique.
La réaction internationale a repris l'offensive et
"cette atmosphère idyllique se
dissipa lorsque Israël, soutenu par l'Occident, parvint à vaincre le dirigeant
égyptien Gamal Abdel Nasser, en 1967." 1967 sonne comme le début de la
défaite de la bourgeoisie laïque des pays arabes et musulmans qui n'a pas
réussit son pari : mettre un terme à la domination coloniale de l'Occident, en
particulier américaine.
De défaite en défaite, "les Frères musulmans, qui laissaient jusqu'alors le peule indifférent,
montèrent en puissance." Tout le monde connait la suite : le
développement des groupes islamistes fondamentalistes, financés généreusement
par la réaction arabe et les Etats-Unis, ennemis jurés de la modernité, du
développement social, culturel et scientifique du Proche et du Moyen-Orient.
L'écrivaine n'explique pas pourquoi le monstre
intégriste, créé et nourrit par l'Occident colonialiste et la réaction arabe du
Moyen-Orient, a fini, à son tour, par s'émanciper de ses mentors et projette
d'établir des régime hostiles à l'Occident et à ses obligés locaux tels que
l'Arabie saoudite ? Nous en connaissons deux (le régime taliban en Afghanistan,
renversé par l'intervention américaine en 2001) et l'Etat islamique ou Daech
qui sévit actuellement en Syrie et en Irak.
L'échec de la bourgeoisie laïque des pays arabes et
musulmans n'a pas sonné l'échec stratégique de l'anticolonialisme. Bien au
contraire. Les islamistes fondamentalistes, certes réactionnaires mais
radicalement antioccidentaux, ont récupéré l'étendard de la lutte contre
l'Occident colonialiste "mécréant" et sa "culture
dépravée".
Selon Sahar Khalifa, un dilemme reste à résoudre.
"nous avons le choix entre un
Occident synonyme de liberté, de laïcité et de science, mais aussi de
colonialisme, et un islam impitoyable qui appelle à résister à l'Occident, mais
qui s'oppose à la science, à la modernité ainsi qu'à l'émancipation féminine et
sociale".
Doit-on choisir entre ces deux ? Nous pensons qu'il
existe une troisième alternative.
Actuellement, la situation n'est vraiment pas
propice au développement à l'échelle nationale de partis arabes et musulmans
modernes. Le fondamentalisme islamiste bat son plein avec sa cohorte de
destruction à tous les niveaux, social, culturel (archéologique) et
scientifique. La haine des fondamentalistes islamistes de l'Occident les invite
à puiser dans un islam moyenâgeux,
dépourvu de toute contamination occidentale, pour, soi-disant, combattre l'Occident et ses manifestations dont les libertés fondamentales et l'égalité
homme-femme. Le fondamentalisme islamiste est farouchement hostile à la
diversité et sa misogynie transforme les femmes, la moitié de l'humanité, en
esclaves, dépourvues de droits humains. Les "minorités religieuses"
sont également la cible de la haine du fléau islamiste ou djihadiste.
L' "islam
impitoyable" est tout-à-fait incompatible avec l'esprit du XXIe
siècle. Tout porte à croire que ses incantations antioccidentales ne seront pas
suffisantes pour combler ses lacunes en matière de libertés fondamentales,
l'égalité homme-femme, les développements scientifiques indispensables. Sa
défaite ne fait aucun doute.
Un militant éclairé, amoureux des idéaux de
libération et de justice sociale ne peut pas choisir entre le colonialisme et
l' "islam impitoyable". Il
faut combattre ces deux monstres du XXIe siècle. C'est une tâche
ardue dont la réalisation exige du temps.
L'islamisme antioccidental peut-il évoluer vers la
modernité ? L'exemple de l'Iran, dirigé par un régime antioccidental, un pays
relativement développé (douzième producteur mondial d'automobiles avant
l'application des sanctions internationales), montre que la pratique du pouvoir
conduit les dirigeants "islamistes" à adapter leur idéologie à la
réalité du terrain.
Ce qui est vrai pour l'Iran ne l'est pas forcément
pour le régime Saoudien, pro-occidental, "gardien" de la Mecque et de
la "pureté" de l'islam, dans un pays encore très arriéré et réticent,
voire hostile à tout ce qui touche à la modernité et à l'égalité.
L'Iran peut servir d'exemple à la future
transformation des mouvements islamistes "impitoyables" mais antioccidentaux des pays arabes et musulmans
dans le monde qui souhaitent conserver leur identité musulmane, combattre
l'ingérence occidentale dans les affaires du pays et conduire leur pays vers la
modernité.
Pour l'instant, la réaction islamiste, conduite par
l'Arabie saoudite, résiste farouchement. L'affaiblissement de l'Arabie saoudite
va de pair avec la montée en puissance de l'Iran
antioccidental qui a réussi à fusionner l'islam, la modernité et l'iranité.
Ce n'est qu'un début et il reste encore beaucoup de chemin à parcourir jusqu'à l'avènement
d'une société iranienne vraiment moderne, libre, démocratique et égalitaire.
En attendant, l'Iran arrive à séduire la population
des pays arabes et musulmans qui souffre des régimes corrompus, du colonialisme
et du manque de réaction efficace desdits pays à l'égard du colonialisme
israélien.
Tout porte à croire que le temps est compté pour la
réaction arabe du Golfe Persique.