Paix et Justice au Moyen-Orient
STRASBOURG, le 17 septembre 2016
Moyen-Orient : de Babylone à Bagdad
Pour entrer dans le vif du sujet, il est nécessaire
de faire un état des lieux aux quatre coins du monde.
La péninsule
coréenne
Depuis la fin de la guerre de Corée en 1953, la
tension reste vive dans la péninsule coréenne. Elle agit comme une sorte de
thermomètre, permettant de mesurer la montée de fièvre, caractéristique des
relations tumultueuses entre l'Occident mené par les Etats-Unis et les
puissances orientales, en particulier russe. Voici les faits les plus récents :
Mercredi 3 août,
un vecteur nord coréen atterrit dans la zone économique exclusive (ZEE) du
Japon. Mercredi 24 août 2016, la
Corée du nord a tiré un missile balistique, depuis un sous marin, en direction
du Japon. "Les Nord-Coréens avancent
méthodiquement" estime Jeffrey Lewis de l'Institut Middlebury de
Californie.
vendredi 9
septembre 2016, la Corée du nord a procédé à son cinquième et le plus
puissant essai nucléaire. Le pays dispose d'un vaste gisement de mine
d'uranium.
A leur tour, les Etats-Unis et leur allié Sud Coréen,
procèdent aux manœuvres militaires annuelles Ulchi Freedom, qui mobilisent 50
000 Sud-Coréens et 30 000 Américains. Ceci est perçu par la Corée du Nord comme
une préparation à une invasion du Nord.
Vendredi 8
juillet 2016, Washington et Séoul ont annoncé le déploiement d'un système
de défense antimissile américain THAAD (Terminal High Altitude Aerial Defense)
en Corée du Sud. Le rayon de surveillance du système peut s'étendre à 2000 km,
couvrant également le nord-est de la Chine. La Russie et la Chine ont manifesté
leur mécontentement et effectueront à partir de lundi 12 septembre 2016 des exercices militaires communs en mer de Chine
méridionale qui dureront huit jours. Face à la puissance militaire américaine,
elles restent solidaires dans la péninsule coréenne, en Mer de Chine et au
Moyen-Orient.
Il est à souligner que, vu la position
géostratégique da la Corée du Nord - proche des puissances économiques et des
lignes de commerce mondial en Asie du Sud -, ce pays sert de moyen de pression
dans les pourparlers russo-américains, en particulier, sur l'Europe de l'Est, sur l'Ukraine et sur le
Moyen-Orient.
En Syrie
La conclusion d'un accord de cessez-le-feu entre le
secrétaire d'Etat américain John Kerry et son homologue russe Sergueï Lavrov
dans la nuit du vendredi 9 au samedi 10
septembre coïncide avec l'encerclement total de la ville d'Alep, d'une
part, et l'explosion du plus puissant essai nucléaire Nord-Coréen le 9 septembre, d'autre part. Ces
coïncidences sont déconcertantes. Certains chroniqueurs oseront-ils encore
parler de la guerre chiite-sunnite au Moyen-Orient ?
Par ailleurs, les textes de l'accord restent
confidentiels ! Portent-ils sur une entente avancée du partage de la région ?
Le dossier crucial pour Washington étant "celui de l'Irak plus que la Syrie" (Marc Semo - Le Monde des 11-12 septembre 2016). [Par
conséquent ?], les Etats-Unis et la Russie invitent les "rebelles modérés" à se séparer des
groupes djihadistes, sinon…Ce qui signifie un affaiblissement des
"insurgés" encerclés à Alep; affaiblissement approuvé donc par les
Etats-Unis, soi-disant soutiens desdits "insurgés".
Le 12 septembre - début de l'application du
cessez-le-feu à Alep - Bachar Al-Assad a annoncé qu'il compte reprendre
l'ensemble du territoire syrien. Il règne donc une totale confusion sur
l'avenir de la Syrie.
Dans le Golfe
Persique
Parallèlement à la manifestation de puissance des
russo-chinois en mer de Chine, l'Iran montre ses muscles en Syrie, en Irak, au
Yémen et dans le Golfe Persique. Le 4 septembre 2016, sept vedettes rapides de
la marine des "Gardiens de la révolution" se sont dirigées vers un
navire de guerre américain. L'une d'entre elle s'est approchée à 90 mètres du
navire qui a dû changer de direction pour éviter la collision. Ce type de manœuvre
d'intimidation s'est répété à plusieurs reprises.
Parallèlement au défi lancé contre la présence
américaine dans le Golfe Persique, le guide de la révolution, Ali Khamenei,
saisissant l’occasion du pèlerinage de la Mecque, a haussé le ton, mercredi 7
septembre 2016, envers l'Arabie saoudite.
Certains y voient une nouvelle "guerre de
religion". Or, selon toute vraisemblance, il s'agit d'une posture
politique, venant de la nouvelle puissance du Golfe s'adressant à une puissance
déchue. Une manière d'annoncer : désormais, "c'est moi le chef !" ?
Le président de la république islamique, Hassan
Rohani, enchaina dans le même sens, accusant Riyad de "verser le sang des musulmans",
allusion à peine voilée à l'intervention militaire saoudienne en Syrie et au
Yémen où l'aviation Saoudienne continue à bombarder des écoles et des hôpitaux.
A son tour, les miliciens Houthistes ont lancé des missiles Zelzal 3, de
conception iranienne, sur les casernes
saoudiennes, causant des dizaines de morts côté saoudien.
L'Iran confirme sa présence sur
tous les fronts du Moyen-Orient, de Bagdad à Damas en passant par Beyrouth et
Sanaa.
En Irak
Tout porte à croire qu'en Irak, un
rôle de premier plan serait confié au général iranien Qassem Soleimani, chef
des Forces Al-Qods, forces spéciales des Gardiens de la Révolution Islamique d'Iran (GRI). Il est à souligner que "la coordination de la bataille [de Mossoul] est faite par le Centcom" [commandement central des
Etats-Unis]. Par ailleurs, tout le monde reconnait que, dans la lutte contre
l'Etat islamique (EI), les milices chiites (sous influence iranienne) se sont
rendues incontournables.
En effet, soutenues par le feu des
bombardiers américains, les milices chiites brisent la première ligne de
défense, ouvrant la voie à l'entrée de l'armée irakienne au cœur du dispositif
de défense djihadiste.
On voit bien que, malgré les
diatribes antiaméricaines des autorités iraniennes, en Irak, les Etats-Unis et
l'Iran marchent main dans la main. Il n'y a aucun doute qu'actuellement l'Irak
est cogéré par les deux puissances rivales et ce sera encore le cas après la
disparition de l'EI.
Depuis la conquête de Babylone le
12 octobre 539 avant notre ère, la Mésopotamie était l'arrière-cour de l'empire
Perse. Quelques ruptures plus tard, elle retourne, depuis 2003, sous
l'influence conjointe irano-américaine.
La Turquie se tourne vers de nouveaux acteurs
Conséquence de la (re)naissance
des nouvelles puissances au Moyen-Orient, la Turquie se tourne, désormais, vers
la Russie et l'Iran pour venir à bout des combattants kurdes syriens du PYD
(Parti de l'union démocratique) qui
poursuit la politique du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), bête
noire d'Ankara.
L'intervention de l'armée turque
au nord de la Syrie (autorisée par la Russie et l'Iran) profite à la Russie, à
l'Iran et à la Turquie. Elle les débarrasse de l'EI et des combattants
indépendantistes kurdes du nord de la Syrie et éloigne, en même temps, le
spectre de la partition qui hante, depuis l'effondrement de l'empire ottoman,
la souveraineté territoriale turque.
Lundi 5 septembre, Mikhaïl Bogdanov, envoyé spécial
de Vladimir Poutine pour le Moyen-Orient, s'est entretenu avec Benyamin
Netanyahou, lui proposant "d'accueillir
à Moscou une rencontre en tête à tête" entre Netanyahou et Mahmoud
Abbas.
Hormis le sort réservé à l'initiative russe, cela
ne changera rien quant au nouveau rôle de puissance ressuscitée de la Russie au
Moyen-Orient.
Les Etats-Unis, la Russie et l'Iran rédigent en ce
moment l'acte d'enterrement des accords secrets Sykes-Picot, signés le 16 mai
1916.