Paix et Justice au Moyen-Orient
STRASBOURG, le 3
avril 2016
Arabie
saoudite : "le roi est nu"
Rien ne va
plus pour l'Arabie saoudite. En 2015, Riyad s'efforçait de faire tomber Bachar
Al-Assad avant la fin juin. Ses mercenaires wahhabites de Jaich Al-Islam
(l'Armée de l'islam), financés et armés directement par l'Arabie saoudite, sont
dans la Ghouta orientale, la périphérie agricole de Damas, "une enclave assiégée et affamée"
par l'armée de Bachar Al-Assad. Le protégé de l'Arabie saoudite, Zahran
Allouche, fondateur de" l'Armée de
l'islam, à la tête de 45 000 hommes, a été liquidé vendredi 25 décembre 2015
lors d'un bombardement aérien sur l'une de ses bases secrètes. Le régime de
Bachar Al-Assad est toujours là et continue de regagner du terrain. L'entente
américano-russe y est pour quelque chose. Force est de constater que, sur la
Syrie, les Etats-Unis et l'Arabie saoudite ne sont plus sur la même longueur
d'onde.
Faut-il
rappeler que le Conseil de Coopération du Golfe (CCG)(1) en général
et l'Arabie saoudite en particulier, grands clients du complexe
militaro-industriel américain(2), mettent de multiples bases
militaires à la disposition des Etats-Unis, investissent des milliards de leurs
pétrodollars dans l'économie américaine et attendent, en retour, un vrai
soutien des Etats-Unis à leur projet de domination régionale sous l'égide de
l'Arabie saoudite. Pourtant, les Etats-Unis ont refusé en 2015 de signer avec
eux un traité de sécurité en bonne et due forme. C'est le signe révélateur de
la place occupée par l'Arabie saoudite dans la hiérarchie des valeurs
militaires et stratégiques américaines.
En effet,
sur le papier, l'Arabie saoudite dispose d'une armée puissante. Le budget de la
défense de Riyad en 2014, évalué à 80 milliards de dollars, est six fois
supérieur à celui de Téhéran. "Tonnerre du Nord", l'exercice
militaire récente de l'Arabie saoudite qui s'est achevé le 11 mars 2016, devait
montrer la puissance de l'armée saoudienne. Selon Riyad, y avaient pris part
quelque 150 000 militaires (regonflé en suite à 350 000 pour impressionner la
galerie) venus des quatre coins du monde, du Proche-Orient, du Maghreb et
d'Asie.
Riyad a
présenté ses manouvres militaires comme "le plus grand rassemblement de forces armées dans le Golfe depuis
l'opération "Tempête du désert", lancée en 1991". Or, selon
le site britannique Jane's, spécialisé dans les questions de défense, l'exercice
"Brightstar", qui a rassemblé en Egypte, en 1999, 73000 soldat de 11
pays, était plus important que "Tonnerre du Nord" (3).
CQFD.
Il est à
souligner que certains pays invités, importants sur le plan militaire, dont
l'Egypte et le Pakistan, bénéficient des largesses financières de l'Arabie
saoudite. Leur présence sert à valoriser l'exercice militaire et symbolise le
retour sur investissement des mannes pétrolières saoudiennes.
Sur le
terrain, c'est une autre histoire. Engagée depuis un an au Yémen, l'armée
saoudienne s'y enlise. Les carnages à répétition, au cours desquels plusieurs
milliers de civils ont laissé leur vie, n'arrangent rien. Des marchés, hôpitaux(4),
écoles, etc., sont fréquemment bombardés par les aviateurs saoudiens, accusés
de manquer de professionnalisme. Le Yémen, un moment la "cour
arrière" de Riyad, échappe donc au contrôle de l'Arabie saoudite dont
l'armée bute toujours sur les verrous de Taëz et de Moka, l'empêchant de
marcher sur la capitale.
Sanaa est
entre les mains de la rébellion Houthiste qui contrôle des pans entiers du
pays. Alors, que croire ? Les parades et exercices militaires redondants,
espèce de show hollywoodien, ou l'efficacité militaire ?
L'exemple
yéménite montre que l'armée saoudienne ressemble plus à une armée de parade. La
reconquête du Yémen, si elle avait lieu, pouvait servir de vitrine pour
propulser l'Arabie saoudite en tant que nouvelle puissance militaire sur la
scène moyen-orientale. Peine perdue.
L'Arabie
saoudite a "perdu" le Liban au profit du Hezbollah et de son parrain
iranien; elle est en train de perdre le Yémen, du moins une bonne moitié. Elle
n'a aucune place en Irak où son ancien protégé l'Etat islamique (qui a bien
profité des mannes pétrolières du royaume) et ses milliers de combattants saoudiens
attendent la chute de Mossoul. Elle ne
compte plus en Syrie dont le sort du régime est négocié entre les Etats-Unis
d'une part, la Russie et l'Iran d'autre part (qui mènent en bateau les
"opposants" syriens, soutenus par Riyad, aux pourparlers de Genève).
Avec ses
amis turcs, Riyad est le grand perdant des marchandages en cours au
Moyen-Orient. Même en treillis militaire, "le roi est nu" !
1) L'instance
de coopération des pétromonarchies, composée de l'Arabie saoudite, des Emirat
arabes unis, du Koweït, de Bahreïn, du Qatar et d'Oman.
2) Ces seules
trois dernières années, Riyad a dépensé plus de 150 milliards de dollars [près
de 140 milliards d'euros] pour l'achat d'armement. C'est l'équivalent de
quarante années du budget yéménite.(Rai
Al-Youm (extrait), cité par Courrier
international - n° 1274 du 2 au 8 avril 2015).
3) Benjamin
Barthe -Le Monde des 13-14 mars 2016.
4) L'ONU a indiqué hier que la coalition menée par l'Arabie saoudite au
Yémen avait entraîné la mort de "deux fois plus" de personnes que
toutes les autres forces présentes dans le pays où plus de 3200 civils ont été
tué en un an. (Dernières Nouvelles
d'Alsace (DNA) du 19 mars 2016).