Paix et Justice au
Moyen-Orient
STRASBOURG, le 22 janvier 2018
Afrin : nouvelle étape dans le déclin de la présence
américaine au
Moyen-Orient
Le rêve kurde
Actuellement, une bataille d'importance
géopolitique et historique se déroule à Afrin, une ville et un district du
gouvernorat d'Alep, dans le Nord-Ouest de la Syrie. Afrin se trouve à environ
30 km de la frontière turque, près de la Montagne des Kurdes.
Les combattants kurdes des YPG (Unité de protection
du peuple) qui constituent la force dominante au sein des FDS (Forces
démocratiques syriennes), encadrées par des conseillers militaires américains,
y ont joué un rôle central dans la bataille et la défaite de Daech (l'Etat
islamique (EI)).
Les combattants kurdes d'Afrin rêvent de poursuivre
leur combat afin d'exister et de conquérir des territoires situés à l'Est
d'Afrin dans le but de réaliser la continuité territoriale avec les zones de
peuplement kurde du Nord de la Syrie, jusqu'à la frontière irakienne.
L'objectif (non avoué) : la création d'une entité kurde autonome, voire indépendante
au Nord de la Syrie, donc au Sud des frontières turques où résident une
majorité kurde, en lutte contre Ankara, et qui rêve d'un Etat éponyme.
Le rêve des combattants kurdes d'Afrin est le
cauchemar des autorités turques qui y voient une menace sérieuse contre
l'intégrité territoriale du pays. Ankara n'a pas tardé à réagir. Pour Erdogan,
le président turc, : «L'Amérique a avoué
qu'elle était en train de constituer une armée terroriste à notre frontière. Ce
qui nous revient, à nous autres, c'est de tuer dans l'œuf cette armée
terroriste.»
Le rêve
américain
Surfant sur le «rêve kurde», les Américains ont
annoncé la création d'une force frontalière de 30000 hommes le long de la
frontière entre l'Irak et la Syrie, composée notamment de combattants kurdes
des YPG.
Pour calmer le courroux turc, l'armée américaine
prétend que la nouvelle force n'a pas vocation à défier Ankara. Or, Madjid
Zerrouky, journaliste du quotidien Le Monde (17 janvier 2018) reste
dubitatif : «On peut cependant
s'interroger sur la taille annoncée, impressionnante, de ladite force (30000
hommes) au regard des objectifs limités qui lui sont assignés» [à savoir :
assurer la défaite de l'Etat islamique [EI], empêcher les conditions dans
lesquelles il pourrait réapparaître et restreindre le flux de terroristes
étrangers en Irak, en Turquie et en Europe, précise le colonel Ryan S. Dillon,
porte-parole à Bagdad de la coalition internationale dirigée par les
Etats-Unis]. Alors que la menace représentée par l'EI, suite à son
effondrement, est désormais écartée.
Alors, que se cache-t-il derrière les intentions
américaines ? L'administration Trump
poursuit la réalisation des desseins de l'administration de George W. Bush :
dépecer les grands pays du Moyen-Orient (l'Irak, la Syrie, la Turquie, l'Iran,
etc.) afin de créer de petites entités ethniques et confessionnelles (kurde,
turkmène, chiite, sunnite, etc.), faciles à manipuler, à diviser et à
soumettre sous la botte américaine. Les combattants kurdes sont
instrumentalisés par les Etats-Unis qui comptent réaliser ainsi leurs objectifs
destructeurs.
L'Obstacle
turc
L'offensive actuelle américaine sur Afrin rencontre
un grand obstacle : l'armée turque, garante de l'intégrité territoriale du
pays, qui intervient en Syrie pour stopper l'offensive de son «allié»
américain.
Pour intervenir en Syrie, l'armée turque a dépêché
en Russie son chef d'état major et le patron des services de sécurité.
Parallèlement, le chef d'état major turc a parlé au téléphone avec son
homologue iranien. Tout porte à croire que le marchandage entre la Turquie,
l'Iran et la Russie a fini par payer : l'armée turque est entrée à Afrin.
Faut-il rappeler que la Turquie est le vrai parrain
des «insurgés» à Idlib, région située au Sud d'Afrin. Lesdits «insurgés»
reçoivent armes, nourritures et soins de la part de leur parrain turc.
Détenteur du vrai pouvoir, la Turquie se sert de sa mainmise sur Idlib pour
négocier en position de force avec la Russie et l'Iran qui - pour faire fléchir
le pouvoir turc - soutiennent, en catimini, les combattants autonomistes
kurdes.
Face aux menaces de dépeçage de son territoire par
les Etats-Unis, tout porte à croire que la Turquie s'est rapprochée de l'axe
Iran-Russie et aurait sacrifié Idlib sur l'autel de son intégrité territoriale.
Actuellement, l'armée syrienne avance rapidement à Idlib, et a réussi à libérer
le grand aéroport militaire. Les localités d'Idlib tombent les unes après les
autres dans l'escarcelle de l'autorité syrienne et la reconquête totale d'Idlib
paraît imminente.
Les grands
perdants et gagnants de la bataille d'Afrin
En extrapolant ce qui suit, voici les futurs grands
perdants de l'actuelle bataille d'Afrin : les Etats-Unis qui auraient échoué à
dépecer la Turquie, la Syrie, voire l'Irak et à disposer, in fine, d'une base
militaire en Syrie, néfaste pour ses adversaires, en particulier l'Iran.
La Turquie, chassée d'Idlib et qui n'arrivera pas à
avoir sa part du gâteau syrien et réaliser ainsi son rêve de concurrencer
l'adversaire perse en expansion.
Une fois de plus, les combattants kurdes ont été
instrumentalisés par les puissances militaires occidentales et orientales qui
ne pensent qu'à leurs propres intérêts géopolitiques.
La Russie, l'Iran et la Syrie paraissent être les futurs grands gagnants
de l'actuelle bataille d'Afrin. La Syrie retrouvera bientôt son intégrité
territoriale, alors que la Russie et l'Iran deviendront les futures grandes
puissances incontournables du Moyen-Orient, carrefours stratégique de trois
continents : l'Asie, l'Europe et l'Afrique.