19.5.07

Communiqué n° 34 (le 20 mai 2007). Que se passe-t-il au Moyen-Orient et en Iran ? Réponse à Alain Gresh (Le Monde Diplomatique)

Paix et Justice au Moyen-Orient STRASBOURG, le 20 mai 2007

cpjmo@yahoo.fr

Réponse à Alain Gresh (Le Monde Diplomatique)

Que se passe-t-il

au Moyen-Orient et en Iran ?

Que se passe-t-il entre les États-Unis et l’Iran? Est-il vrai que, selon l’éditorial, signé Alain Gresh, de «Manière de voir» de juin-juillet 2007, le «compte à rebours» a commencé pour l’Iran ?

L’éditorialiste base son analyse sur deux faits:

1- Les «gestes d’ouverture» de l’Iran (en 2002 et en 2003) furent purement et simplement balayés par les Etats-Unis et

2- La «diabolisation de l’Iran» s’inscrit dans la vision de G.W.Bush d’une «troisième guerre mondiale» contre le «fascisme islamique».

Il est vrai que les Etats-Unis de G.W.Bush ne connaissent qu’un seul langage, celui du rapport de force militaire. Dans le langage diplomatique, les «gestes d’ouverture», s’ils ne sont pas accompagnés d’un rapport de force militaire adéquat, sont autant de signes de faiblesse de l’adversaire. C’est pourquoi, l’Iran essaie d’étendre et de consolider son réseau d’influence régional et de renforcer son potentiel militaire (balistique et autres) afin de parler en position de force.

Il est également vrai que la «diabolisation» fait partie de l’arsenal de guerre psychologique. Si l’Iran est «diabolisé» en Occident, les américano-britanniques le sont tout autant, sinon plus, en Orient, où ce couple de colonialistes occidentaux, synonymes de brutalité, de barbarie et de violence est également l’objet de guerre psychologique.

Dans cette analyse, l’éditorialiste sort purement et simplement l’Iran et les Etats-Unis de leur contexte historique et géopolitique régional et mondial. L’analyse donne beaucoup d’importance à la «toute puissance» de l’armée américaine dont «les troupes campent en Irak et en Afghanistan, et l’Iran est enserré dans un réseau dense de bases militaires étrangères».

Sans vouloir minimiser la puissance militaire américaine, force est de constater que l’éditorialiste «oublie» l’enlisement de la plus puissante armée du monde dans le bourbier irakien. L’envoi de troupes supplémentaires en Irak, contesté par les Chambres du congrès américain, est l’aveu même de l’état lamentable d’une armée démoralisée, incapable de s’imposer face à une guérilla de plus en plus offensive et téméraire, défiant les États-Unis dans leur fief ultra protégé de la «zone verte». Lâchés par leurs alliés, les Américains reconnaissent même que la guerre d’Irak est déjà perdue. La guerre est désormais qualifiée d’«illégitime» et la question qui se pose actuellement aux Américains est d’établir un calendrier de retrait des troupes. Humiliant, non?

Le même phénomène s’observe en Afghanistan où l’acceptation de l’échec des armées occidentales (pas seulement que de l’armée américaine) fait son chemin. Signe des temps, le chaos n’épargne plus le Pakistan, dont le régime est dévoué aux colonialistes américains, et qui s’enfonce dans la crise politique. L’éditorial du Monde du 15 mai 2007 est édifiant : «Le Pakistan en danger»! Non seulement le Pakistan, mais tous les régimes proaméricains en Orient sont de plus en plus contestés et, ce n’est un secret pour personne, ils sont assis sur un volcan.

Depuis le 7 novembre 2006, date des élections à mi- mandat, une époque est révolue, celle où l’Occident mené par les Etats-Unis, était à l’offensive : «Reconquêtes» de l’Europe de l’Est, suivie de conquête de la Géorgie et de l’Ukraine. Puis l’installation de bases militaires en Asie centrale et le projet de bases de missiles antimissiles en Pologne et en république Tchèque. Après avoir «avalé des couleuvres», la Russie, refusant son humiliation, sort la hache de guerre. Certains n’hésitent pas à parler d’une ambiance de «guerre froide». En effet les sujets de contentieux ne manquent pas : Le Kosovo, la Géorgie, l’Ukraine (où Victor Ianoukovitch, allié de Moscou, passe à l’offensive), le gaz du Turkménistan et les réseaux de missiles antimissiles, etc. La Russie contre- attaque car les Etats-Unis sont en grande difficulté.

Les élections à mi-mandat du 7 novembre 2006 ont sanctionné la politique de l’administration de G.W.Bush, exigeant une nouvelle politique, dont les conférences de Bagdad et de Charm el- Cheik, en présence de l’Iran et de la Syrie, représentent des moments forts. Les Etats-Unis ont même annoncé des discussions directes avec l’Iran. N’est-ce pas reconnaître leur échec en Irak? Et reconnaître explicitement le rôle de puissance régionale de l’Iran? Les Américains, s’ils étaient encore en position de force, auraient-ils proposé de dialoguer avec l’Iran? Comment pourraient-ils attaquer l’Iran s’ils demandent son soutien pour «rétablir la sécurité» en Irak?

Dans un tel climat, régional et international, défavorable aux Américains, le «compte à rebours» militaire ne marchera pas, d’autant plus que la réaction de l’Iran, armé de missiles, pourrait conduire à «une catastrophe», au blocage du Détroit d’Ormuz par où transitent près de 14 millions de barils de pétrole par jour, sans parler d’autres marchandises, indispensables aux marchés des «pays amis» des Etats-Unis dans le Golfe persique. Les milieux financiers américains, non liés à l’industrie militaro- pétrolière, seraient- ils prêts à supporter une nouvelle aventure militaire, néfaste à l’image et à l’économie des Etats-Unis dans le monde? L’analyse du «compte à rebours» convenait à la période d’avant le 07 novembre 2007, époque où l’«unilatéralisme» bushien dictait sa loi. «Le monde multipolaire se développe sans nous demander notre avis et sans correspondre à notre schéma! (…) Les pays émergeants peuvent nouer des liens entre eux, en se passant des Européens et même des Etats-Unis.» (Hubert Védrine, ancien ministre des affaires étrangères- Le Monde du 22-23/04/07).

Il est vrai que l’aide aux mouvements armés à base ethnique- Azéri, Baloutche, Arabe, Kurde- fait partie des panoplies de complots des puissances étrangères qui ont toujours voulu décomposer l’Iran. Les Iraniens ont l’habitude de l’ingérence étrangère et y sont préparés. Après la deuxième guerre mondiale, les Soviétiques ont même créé des «républiques soviétiques» fantoches azéri et kurde, qui se sont effondrées après le départ des Soviétiques. Le «nationalisme iranien» a toujours servi de ciment à la cohésion nationale et la collusion avec l’«ennemi étranger» a toujours été fatale aux opposants imprudents.

Il reste l’embargo économique et technologique de l’Occident. Il est à souligner qu’aucun système, même cubain, ne s’est effondré suite à l’embargo économique. Le monde entier exporte vers l’Iran, via les Emirats arabes unis, qui sont devenus les premiers partenaires économiques de l’Iran avec des échanges commerciaux d’environ 11 milliards USD en 2006. Pourtant, il ne faut pas sous-estimer les effets néfastes d’un embargo économique sur le développement de l’Iran. Ce pays a décidé de rationner l’essence à partir du premier Khordad (21 mai). L’argent manque à l’industrie civile, car la recherche et l’industrie militaires absorbent une part importante des investissements.

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