Paix et Justice au Moyen-Orient
STRASBOURG, le 6 mai 2007
Le «philosophe» de Bagdad
Conférence de Charm el- Cheikh : assistons-nous à un partage des zones d’influence au Moyen-orient ?
Quatre ans après l’appontage «triomphal» de G.W.Bush, le 1er mai 2003, sur le porte-avions Abraham Lincoln, sous la bannière «Mission accomplie», rien ne va plus pour l’administration Bush, ni au Moyen-Orient, ni même à Washington.
En Irak, les attentats et conflits en tous genres (résistance contre les troupes d’occupation, sunnites contre chiites, Arabes contre Kurdes, Kurdes contre Kurdes, etc.) continuent de plus belle. Comme les Soviétiques à Berlin au temps de la «guerre froide» ou les Israéliens en Palestine, les Américains «se protègent» des attaques de la résistance irakienne en entourant la «zone verte» à Bagdad de murs antibombes, ou en érigeant des murs autour des commissariats de police, des casernes, des marchés, des écoles, des hôtels, des hôpitaux, des ambassades, des bureaux des partis politiques, des sièges des médias et du quartier sunnite d’Adhamiyah.
L’armée américaine procède même au marquage des habitants de la ville de Qouba, qui rappelle tristement le marquage des juifs par l’armée allemande pendant la seconde guerre mondiale.
Pourtant, aussi bien pour les Bagdadis que pour les troupes étrangères, l’insécurité n’a jamais été aussi patente. «La faillite du plan de sécurité» est l’un des motifs avancés par l’aile politique de l’«armée du Mahdi» pour justifier la démission de ses six ministres du gouvernement irakien.
Signe des temps. Face aux Occidentaux, l’Iran ne s’est jamais senti autant en position de force. Pour arracher des concessions à la «communauté internationale», Manouchehr Mottaki, ministre des affaires étrangères, a déclaré n’avoir à «l’ordre du jour aucune autre conférence que celle des voisins de l’Irak». Ce qui signifie que pour être présent à la table de la conférence sur l’Irak, les membres permanents du Conseil de sécurité, les représentants de l’Union européenne et les membres du G8, devront «casquer»! Il semble clairement établi qu’après avoir jugé «regrettables» les réticences de l’Iran, les Américains ont fini par «payer le prix» et annoncé la «bonne nouvelle» : l’Iran participera à la conférence internationale sur la reconstruction en Irak à Charm el- Cheikh (Egypte). Il est à souligner que le qualificatif «reconstruction» n’est que de la poudre aux yeux. L’invasion de l’Irak n’avait pour objectif que d’en expulser les compagnies françaises et russes, de détruire l’Irak afin de pouvoir enrichir les entreprises américaines (Halliburton et compagnies associées), de mettre une source d’énergie à la disposition des majors américaines et d’augmenter les moyens de pressions américains sur ses adversaires.
La tenue de cette conférence en présence de l’Iran et de la Syrie- application un peu tardive des recommandations de la commission Baker-Hamilton- signifie que la «communauté internationale» reconnaît désormais le rôle indispensable de la Syrie et, en particulier, de l’Iran comme puissances régionales, dans la résolution des problèmes du Moyen-Orient. Cette conférence fait penser à celles qui, aux XVIIIe, XIXe et XXe siècles ont façonné la physionomie de l’Europe et du monde. L’avenir nous dira si la conférence de Charm el- Cheikh entrera dans l’Histoire comme celle menée par les Etats-Unis et l’Iran, qui a conduit à un partage- entre puissances occidentales et l’Iran- des zones d’influence au Moyen-Orient? Aura-t-elle des conséquences sur l’avenir de la Palestine et du Liban?
La faiblesse de l’autorité américaine au Moyen-orient est perceptible dans toute la région où la réalisation de ses plans, pour soumettre le Moyen-orient, rencontre de plus en plus de résistance.
En Afghanistan, l’OTAN perd du terrain au profit des Talibans qui continuent à progresser. Le pays est dirigé par une bande de corrompus, soucieux de ses intérêts personnels et claniques. Hamid Karzaï, président de l’Etat afghan, ne contrôle réellement que Kaboul, la capitale. Les militaires étrangers se comportent comme des envahisseurs arrogants, peu respectueux des us et coutumes des Afghans. Certains partenaires des Etats-Unis émettent de sérieux doutes sur les chances de victoire.
Sur le front libano-palestinien, Israël, l’allié inconditionnel des Etats-Unis, n’est pas en meilleure position que son mentor américain.
Au Liban, le soit disant «tribunal Hariri» provoque une levée de boucliers de la part des opposants qui y voient «une mesure destinée à placer le Liban sous tutelle» (Le Monde du 18 avril 2007). Une question taraude les esprits: quel rapport existe-t-il entre le souhait de Chirac de vouloir imposer le tribunal sur l’assassinat de Rafic Hariri avant la fin de son mandat et le «prêt» par l’un des fils Hariri d’un appartement au couple Chirac? (Le Monde du 27 avril 2007). Le «bakchich» n’est pas qu’oriental !
Les provocations en tout genre émaillent la vie politique du Liban comme le double assassinat, fin avril, de deux jeunes sunnites, proches du parti socialiste progressiste (PSP), majorité politique. Pour le ministre de la défense, Elias Murr : «une cinquième colonne » tente de «semer la discorde» (Le Monde du 28 avril 2007). Les Libanais n’ont pas cédé à la provocation.
Dans la bande de Gaza transformée en prison à ciel ouvert, la marge de manœuvre militaire des Palestiniens est réduite. Mais la tension reste très vive dans le reste des territoires, comme en Cisjordanie, où les «colonies sauvages» israéliennes occupent colline après colline. «Plus la colonisation se poursuivra (…) plus ce sera difficile de donner un Etat aux Palestiniens» (Dror Etkes de la «Paix maintenant»), cité par le Monde du 27 février 2007. Tout ce qui accroît les tensions, augmente la possibilité pour les mouvements radicaux de s’enraciner en Palestine et renforce les risques d’une déflagration.
Depuis 6 ans, les gouvernements américain et israélien s’appuient uniquement sur la force militaire pour asseoir leur autorité. Ils ont du mal à prendre le virage indispensable à un apaisement dans la région, depuis que les rapports de force ont évolué en faveur des forces anticolonialistes. En persévérant dans leurs erreurs, ils continuent à perdre du terrain. C’est la crise à Washington et à Tel-Aviv.
Devant l’impasse irakienne suite à l’entêtement de l’administration Bush, s’exprimant devant la presse au Pentagone, le général David Petraeus, commandant en chef des troupes étrangères d’invasion en Irak, comme bon soldat discipliné et l’un des plus intelligents des généraux américains, prend les choses avec philosophie. «Notre effort pourrait s’avérer [dans un premier temps] plus difficile avant que cela ne devienne plus facile». Ou encore : «Pour réussir, il faudra de la persévérance et du sacrifice» car la situation va «se détériorer avant de s’améliorer».
Pour les Américains, pris dans le piège irakien et n’arrivant même pas à assurer leur propre sécurité dans des bunkers ultra- fortifiés, la philosophie peut aider à tenir. Sauf que la situation ne s’améliorera pas et que le philosophe risque de périr avant de pouvoir s’enfuir par le toit de l’ambassade des Etats-Unis dans la «zone verte».
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