22.8.12

Analyse 10 (le 22 août 2012) : Pourquoi Israël agite-t-il le chiffon rouge de la guerre contre l'Iran ?


Paix et Justice au Moyen-Orient
STRASBOURG, le 22 août  2012

                 

Pourquoi Israël agite-t-il le chiffon rouge de la guerre contre l’Iran ?


Comme l’économie des pays occidentaux, l’économie israélienne traverse une zone de turbulence. En effet, tout comme dans la France de Nicolas Sarkozy, la politique économique néolibérale dévastatrice- pour les couches les plus défavorisées- de Benyamin Nétanyahou s’accompagne de diatribes racistes et guerrières contre l’Iran et les Palestiniens. Benyamin Nétanyahou a ainsi réussi son plan pour détourner l’attention des Israéliens des problèmes sociaux et faire oublier la cause palestinienne. Beaucoup de gens actuellement montrent du doigt et craignent le chiffon rouge de la guerre agité par Benyamin Nétanyahou ; la dénonciation de la politique colonialiste de l’Etat d’Israël et l’absence de volonté des Etats-Unis passent ainsi au second plan.

Il n’y a pas longtemps les «indignés israéliens» fustigeaient l’injustice sociale en Israël. En effet, «50% des israéliens vivent au-dessous du seuil de pauvreté»(1). Alors que pour Shlomo Swirski, du centre d’analyse de la société et de l’économie israélienne Adva Center, les baisses d’impôts entre 2003 et 2010, au profit des plus favorisés s’élèveraient à 50 milliards de shekels(1). Le déficit budgétaire est deux fois plus important que prévu et devrait atteindre 4% du PIB d’ici à la fin de l’année. Conséquences : le taux de la TVA va ainsi augmenter d’un point à 17%. Cette hausse touchera tous les Israéliens. Les crédits accordés aux différents ministères subiront une baisse générale de 5% en 2012 et de 3% l’an prochain. Même la défense devra composer avec une coupe de 100 millions de shekels dans son budget(1).

Malgré les problèmes économiques et sociaux récurrents-en particulier la coupe dans le budget militaire-qui secouent Israël, Benyamin Nétanyahou et son équipe va-t-en- guerre tenteraient-ils une aventure guerrière contre l’Iran ? L’Histoire est remplie de guerres pour justifier le maintien au pouvoir d’hommes politiques, représentants de couches ou classes dirigeantes défaillantes. Or, la classe politique israélienne est profondément divisée. Elle sait qu’Israël n’est pas un pays acteur, mais un pays satellite, au service des intérêts occidentaux, en particulier américains.

Les Etats-Unis sont en crise, endettés à hauteur de 15000 milliards de dollars, soit 25% du PIB mondial. Les coupes budgétaires n’épargnent pas la défense américaine dont les armées se retirent de l’Afghanistan. Sur la défensive, les Etats-Unis –le plus grand pays néocolonialiste de l’Histoire-se sont accrochés au train des «printemps arabes», tout en sauvant l’essentiel : le maintien de la Tunisie, de l’Egypte et du Yémen dans l’escarcelle de l’Occident. De son côté, l’Arabie saoudite, bastion de la réaction islamique, a étouffé dans l’œuf les velléités démocratique des Bahreinis.

En soutenant les révolte libyenne et syrienne, les Etats-Unis sont passés à l’offensive face à des pays comme la Russie, la Chine et l’Iran qui, en tant que soutiens des mouvements de libération nationale, se trouvent du mauvais côté de la barrière en soutenant le régime tyrannique de Bachar Al-Assad.

Les Etats-Unis sont conscients qu’une aventure militaire contre l’Iran- pays acteur de la région- serait très coûteuse sur le plan financier, militaire et humain. Et ce, sans tenir compte de la réaction des puissances orientales comme la Chine et la Russie qui n’a pas caché son intention d’intervenir militairement au Caucase au cas où…Ce n’est pas un hasard si «M. Poutine a assuré que Moscou s’était préparé bien à l’avance à un éventuel conflit avec la Géorgie, et y avait mis les moyens. «Il y avait un plan, ce n’est pas un secret»»(2).

Tout ceci rappelle l’épisode du «Grand jeu», opposant la Grande Bretagne à l’empire russe au dix-neuvième siècle. En effet, répondant à l’avancée vers le nord de l’armée de l’empire indo-britannique, l’armée russe se déployait vers le sud.

Vu les difficultés économiques et les enjeux géostratégiques, les Etats-Unis se satisfont, pour l’instant, d’une guerre «soft» par miliciens interposés en Syrie, voire en Iran où certaines personnalités ou organisations d’opposition n’hésiteraient pas à faire appel à des puissances étrangères. Les grandes puissances se servent également des minorités ethniques pour saper le régime iranien. Ce n’est pas une idée nouvelle. Et certains intellectuels occidentaux ne voient pas le visage du parrain colonialiste qui se sert de la révolte ethnique (Azérie, Kurde, Baloutche, etc.). Par exemple un membre républicain du Congrès, à Washington, vient d’appeler les Etats-Unis à œuvrer à une «réunification» des Azéris, répartis entre l’Azerbaïdjan et l’Iran(3).

Les cyberattaques sont une autre arme «soft» au service des colonialistes américains. David Sanger le journaliste américain du New York Times, a exposé le rôle des services américains dans le virus informatique Stuxnet qui ralenti le programme nucléaire iranien, et l’usage des drones par l’armée américaine au Yémen (4).

Malgré des intérêts divergents avec son parrain, Israël ne peut pas se permettre d’agir contre les intérêts des américains. Une intervention militaire israélienne en Iran ou à n’importe que point du Moyen-Orient se fera seulement avec le feu vert des Etats-Unis. L’affaiblissement croissant du régime syrien-allié stratégique de l’Iran- avancera-t-il une telle échéance avec les conséquences que l’on peut prévoir ? L’avenir nous le dira.


(1)  Véronique Falez- Le Monde du 02/08/2012.
(2)  Le Monde du 14/08/2012.
(3)  Natalie Nougayrède- Le Monde du  03/08/2012.
(4)  Corine Lesnes- Le Monde du 10-11/06/2012.

15.8.12

Analyse 9 (2012)


Paix et Justice au Moyen-Orient
STRASBOURG, le 15 août 2012

                
Syrie : une guerre sans merci oppose les Etats-Unis aux Russes et aux Iraniens


Certains attendent impatiemment le jour et l’heure du déclenchement d’un conflit armé entre les Etats-Unis et l’Iran, alors que la guerre opposant les Etats-Unis à la Russie et l’Iran fait rage, devant nos yeux, en Syrie. Le but recherché par les Etats-Unis en Syrie a été exprimé par Mme Clinton, ministre américaine des affaires étrangères, lors de sa visite en Turquie : «casser les liens entre l’Iran, le Hezbollah et la Syrie»(1), principal obstacle à l’hégémonie planétaire sans partage des Etats-Unis.

C’est ainsi que, selon les dires du secrétaire général de l’ONU, la Syrie est devenue le théâtre d’un conflit par procuration entre grandes puissances. La revue de presse qui suit montre bien que la guerre en Syrie dépasse largement le cadre national et revêt un caractère international.

A en croire les médias occidentaux, les tâches sont bien partagées entre les puissances militaires occidentales et leurs obligés locaux. Les Américains s’occuperaient de «matériel de communication, renseignement, et activités de la CIA qui, à partir de la Turquie, s’efforcerait d’identifier des groupes «fiables» en Syrie»(2).

Dans le jargon américain, groupes «fiables» signifie des groupes au service des intérêts américains. La journaliste relève bien que «l’axe principal choisi désormais pour valoriser l’engagement occidental va être l’aspect «humanitaire»-les guillemets sont de la journaliste- ce qui n’est pas sans rappeler le traitement de la guerre de Bosnie.» Autrement dit, la Syrie, après la Yougoslavie. Il est logique de penser qu’après Damas, Téhéran sera la prochaine cible.

Sous la supervision de la CIA, les insurgés syriens ont déjà «libéré» des villages du nord de la province, disposant ainsi d’une «profondeur stratégique», leur permettant de s’approvisionner en armes et en combattants(3). Selon le New York Times, certains groupes rebelles-fiables !!!- auraient reçu tout récemment des premières livraisons de missiles antiaériens thermo-guidés.»(3)

De son côté, la Turquie a massé 2600 soldats et 170 véhicules et blindés à quelques kilomètres de sa frontière. Le premier ministre turc a même qualifié la Syrie de «pays ennemi»(4). Selon l’un des commandants de l’Armée syrienne libre (ASL) : «la Turquie est entrée dans une guerre secrète mais sans merci contre Damas(4)

La Jordanie, autre obligé local du néocolonialisme, se met de la partie et provoque des incidents armés à la frontière syrienne.

La tension ne cesse de croître au Moyen-Orient. En effet, Téhéran a rétabli le visa pour les ressortissants turcs et mis en garde la Turquie contre une aventure militaire en Syrie.

Avec l’intervention médiatisée de Bernard Henry Lévy (BHL) dans le conflit, la «profondeur stratégique» des insurgés s’agrandit. L’émissaire itinérant et va-t-en-guerre du néocolonialisme, mécontent de l’envoi d’un «groupe médico-chirurgical militaire» français en Jordanie, pousse à une intervention militaire en Syrie.

L’arrestation des 48 Iraniens présumés «gardiens de la révolution», montre l’implication directe de l’Iran dans le conflit.

Le peuple syrien se trouverait ainsi devant un choix : la «démocratie néocolonialiste» proposée par les Etats-Unis ou la dictature médiévale de la charia prônée par la république islamique. Les médias occidentaux ne parlent jamais des vrais révolutionnaires syriens-pourtant ils existent- indépendants des puissances étrangères-donc non «fiables»- qui se battent pour une Syrie souveraine dotée d’un régime démocratique respectueux d’un état de droit.

Dans les conditions actuelles où l’insurrection est écrasée sous le poids de l’intervention des puissances étrangères, une Syrie libre et indépendante de toute ingérence étrangère peut-elle exister un jour ? La question mérite d’être posée.

Une chose est sûre : la guerre sera longue et aucune partie-occidentale ou orientale-ne lâchera facilement la proie syrienne. C’est le rapport de force, sur le terrain, qui décidera de l’issue finale.


(1)  AFP, Reuter- Le Monde du 14/08/2012.
(2)  Natalie Nougayrède- Le Monde du 5-6/08/2012.
(3)  Christophe Ayad- Le Monde du 10/08/2012.
(4)  Florence Aubenas- Le Monde du 12-13/08/2012.