13.5.07

Communiqué n° 33

Paix et Justice au Moyen-Orient
STRASBOURG, le 13 mai 2007

cpjmo@yahoo.fr

La quatrième


Offensive de l’Histoire moderne

Elles arrivent par vagues successives

Balayant tout sur leur passage

Rien ne leur résiste

Rien.

C’est en terme presque poétique que nous pouvons décrire les offensives de l’Histoire moderne. La première offensive de l’Histoire sous forme de «révolution démocratique», initiée par la bourgeoisie naissante des pays d’Europe occidentale et d’Amérique, eut lieu au dix-huitième siècle. Elle se déroula de 1770 (début de la révolution américaine) jusqu’en 1794, fin de la révolution polonaise (1788-1794). L’ensemble de ces révolutions ou mouvements révolutionnaires, avait pour cible l’Ancien Régime, incarné par la monarchie absolue et ses privilèges féodaux.

La révolution française fut celle qui marqua l’Histoire par son caractère radical, anticlérical et son universalisme. En effet, les deux piliers emblématiques de l’ancien système, la monarchie absolutiste et son soutien, l’institution religieuse, ont cédé devant les coups décisifs de la révolution. Pourtant, face à la résistance acharnée de l’Ancien Régime, celle-ci mit 82 ans (1789- 1871) pour venir à bout de la réaction et aboutir à l’instauration définitive de la république, symbole du nouvel ordre bourgeois.

Le signal de la deuxième offensive de l’Histoire fut donné 34 ans plus tard, en 1905, avec la révolution russe avortée. Cette déferlante ne débuta réellement qu’en 1906, avec la victoire de la révolution constitutionnelle en Perse. La révolution devait combattre l’ingérence étrangère (russe) pour adapter la monarchie absolutiste à la modernité. La bourgeoisie iranienne, devenue également propriétaire foncier, ne pouvait pas adopter l’attitude radicale de la bourgeoisie française. L’institution religieuse, liée à la féodalité, écartée de la révolution, était opposée à celle-ci et avançait le caractère «illégitime» (non religieux) de la révolution.

A l’époque, l’Asie était le théâtre de rivalité des Empires russe et britannique et les peuples de la région devaient affronter la réaction nationale, soutenue par les puissances étrangères. Ce qui rendait la tâche de la bourgeoisie asiatique d’autant plus difficile et la poussait à la radicalisation. Ainsi, 12 ans après la révolution perse, les révolutionnaires russes, appelés «bolcheviks», ont récidivé en abattant violemment l’Ancien Régime féodal et ses symboles emblématiques, la monarchie absolutiste et son soutien, l’institution religieuse. Le caractère radical de la révolution russe s’exprimait dans les «Thèses d’avril» de Lénine.

Devenus colonialistes, les pays capitalistes d’Europe occidentales, se sont opposés aussi bien à la révolution russe qu’à la révolution bourgeoise en général. La réaction internationale a trouvé un répit, jusqu’à la fin de la deuxième guerre mondiale. En effet, les monarchies d’Europe de l’est, vestige de l’Ancien Régime, furent, enfin, balayées après leur passage dans le giron soviétique : C’est la troisième offensive de l’Histoire, approfondie par la chute de l’Ancien Régime féodalo-colonial en Chine et la naissance de la République chinoise. La révolution vietnamienne fut le point d’orgue de la troisième offensive, comparable, par son ampleur, à un tsunami de l’Histoire.

La Perse a eu moins de chance. En effet, le mouvement nationaliste et laïc, dirigé par Mossadegh, constitué autour de la nationalisation du pétrole, subit un échec suite à l’intervention des colonialistes anglo-américains, et la monarchie absolutiste des Pahlavi fut rétablie. A leur tour les monarchies de certains pays arabes (l’Irak, l’Egypte et la Syrie) ont été balayés par la troisième offensive de l’Histoire, cédant place à des républiques.

La quatrième offensive de l’Histoire, très différente, dans sa forme, des trois autres, débuta en 1979, avec la victoire de la révolution islamique d’Iran. Comme ses prédécesseurs, cette nouvelle offensive, aussi violente que celle des «Jacobins» et des «bolcheviks», vise la féodalité et son symbole emblématique, la monarchie absolutiste. De plus, celle-ci est soutenue, armée et souvent vassalisée, directement ou indirectement, par les puissances colonialistes occidentales. Ainsi, la monarchie iranienne fut balayée, mais le second pilier de la réaction, l’institution religieuse, sort renforcé de la révolution. En effet, l’une des particularités de cette quatrième offensive de la révolution démocratique et bourgeoise c’est qu’elle est menée par une institution féodale, le clergé islamique. Toujours est-il que cette suprématie de l’institution religieuse à la tête de la révolution bourgeoise, impose des épreuves douloureuses et prolongées à la société : la révolution, inachevée, devrait se terminer d’une manière ou d’une autre, avec l’enterrement définitif de l’institution religieuse en tant que force politique majeure. En Iran, berceau de la «révolution islamique», le débat fait rage sur le rôle de l’islam en politique et, malgré son omniprésence, le «velayat-e fagih» (le gouvernement d’un jurisconsulte) est de plus en plus contesté par le peuple et par certains cercles du pouvoir. L’Histoire nous apprend que «le gouvernement d’un jurisconsulte» est condamné à disparaître.

Actuellement, la quatrième offensive de l’Histoire est en œuvre dans tous les pays arabo-musulmans, du Maghreb, en passant par l’Arabie saoudite, jusqu’aux confins de l’Asie centrale. Malgré le caractère passéiste de leur projet de société, à cent lieu de celui des «sans culottes» français, les djihadistes (pas ceux qui commettent des attentas contre des civils innocents) poursuivent le même objectifs : abattre les derniers vestiges des systèmes féodaux, inféodés aux colonialistes, au Proche et au Moyen-Orient. Si par son caractère radical le mouvement communiste a œuvré (sur une période, immédiatement après la victoire de la révolution) dans le sens de l’Histoire, le mouvement islamiste, en s’appuyant sur la religion, avance, peut-on dire, à reculons. L’exemple de l’Iran montre que leur projet de société ne résiste pas à l’épreuve de la vie moderne.

Les Américano-britanniques, défendant leurs intérêts colonialistes et la réaction locale, jouent un rôle négatif dans l’Histoire et les barrages des «républiques islamiques d’Afghanistan et d’Irak» fantoches n’y changeront rien. C’est le sens de l’Histoire.

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