23.8.07

Communiqué 49 (le 24 août 2007). Le joker français de Washington

Paix et Justice au Moyen-Orient STRASBOURG, le 24 août 2007

cpjmo@yahoo.fr

Le joker français de Washington

Sur le plan militaire et énergétique, l’Irak est d’un grand intérêt stratégique pour les Etats-Unis.

L’Irak est, avant tout, une immense base militaire d’où les Américains peuvent surveiller toute la région hautement stratégique du Moyen et du Proche-Orient, de l’Asie Centrale et de l’Afrique Orientale; intimider les pays récalcitrants, voire les puissances concurrentes, et projeter, en cas de besoin, leurs forces aux quatre coins de la région.

Sur le plan économique, la conquête de l’Irak a permis aux Etats-Unis d’évincer leurs concurrents directs (Russie, France,…), de mettre la main sur un immense champ pétrolifère, assurant des réserves stratégiques d’énergie aux majors américaines et leur procurant, de ce fait, une importante valorisation boursière. Avec la suprématie américaine dans les pays du Golfe Persique, producteurs de pétrole (Arabie saoudite et Koweït), le marché de l’énergie est désormais tributaire des Etats-Unis.

Après l’invasion, l’Irak s’est transformé en «eldorado» pour les entreprises américaines, liées au parti républicain et à l’administration Bush (Halliburton, Kellogg Brown and Root (KBR)), s’octroyant des milliards de contrats. «Halliburton (dont le vice-président des Etats-Unis, Dick Cheney, est l’ancien PDG) a déjà glané pour 2 milliards de dollars de contrats en Irak», selon Le Monde du 14-15/09/2003.

Des détournements de fonds et autres malversations ont émaillé le pillage du pays. Selon le quotidien britannique The Independent, cité par Le Monde du 20/09/05, «1 milliard de dollars a été dérobé au ministère de la défense irakien». Toujours selon le quotidien britannique : L’arnaque est si importante que les autorités à Bagdad estiment «que les Irakiens impliqués n’étaient que des hommes de paille et que des ripoux au sein de l’armée ou des renseignements américains pourraient avoir joué un rôle décisif en coulisse».

Selon D.BULLIVANT, chef de la société HENDERSON RISKS : «l’Irak est une mine d’or. La marge bénéficiaire est incroyablement plus élevé que le risque» (LM du 27/05/2004). Cette sentence reste-elle vraie? Le retrait d’Irak des alliés fidèles des Etats-Unis (Espagne, Italie, Danemark et bientôt Royaume Uni) fait penser que les risques sont devenus plus importants que la marge bénéficiaire. Ce, d’autant plus que, pour pouvoir justifier leur présence en Irak, directement ou par l’intermédiaire de groupuscules facilement manipulables, les Etats-Unis entretiennent les tensions interethniques, interreligieuses autant que l’insécurité dans le pays.

La devise «diviser pour régner» y est largement appliquée. Le dernier exemple en est l’attentat du 14 août à Al- Khataniyah et Al- Adnaniyah contre la communauté religieuse des Yézidis, au cours duquel l’explosion de 4 camions piégés contenant 200 tonnes d’explosifs, a causé la mort de plus de 400 civils et des centaines de blessés. A considérer l’importance de l’attentat, une participation des services américains ne peut être exclus. Pour «gagner la bataille des coeurs», l’armée américaine a dépêché rapidement nourriture, médicaments, bandages et couverture sur les lieux. A-t-on déjà oublié Abou Graib et autres atrocités subies par la population, suite à l’invasion? Selon The Lancet, l’hebdomadaire médical britannique, 655000 décès sont directement liés à la guerre en Irak. Selon l’ONU, près de 100 civils y meurent chaque jour (LM du 21/10/2006). L’envoi de quelques bandages et couvertures ne va sûrement pas impressionner les Irakiens ni modifier le cours de l’Histoire.

Le doute et la contestation ont gagné les Etats-Unis, où des voix s’élèvent en faveur d’un calendrier de retrait. Le Monde du 27/10/2006 rapporte la pétition d’une centaine de soldats américains de l’active et de la réserve, ayant servi en Irak, demandant un «retrait rapide» des forces américaines. Les signataires estiment que: «rester en Irak ne marchera pas et ne vaut pas le coup

Afin de limiter l’étendue de l’échec américain, Bush, adepte de la force, a envoyé des troupes supplémentaires en Irak. Cette décision a été critiquée par Douglas Alexander, ministre britannique du commerce et du développement international, pour qui la force ne peut pas se résumer à la puissance militaire (LM du 31/07/07). Même la hiérarchie militaire britannique est favorable à un retrait.

C’est dans un tel climat de discrédit politique et morale, d’isolement, d’échec patent et face aux appels pressants à un retrait que Bush sort son joker : le retour français sur la scène irakienne! Retour scellé dans la résidence de Kennebunkport de la famille Bush.

Il serait naïf de croire que la France, sans influence au Moyen-Orient, pourra réussir là où le vieux renard britannique, ancien maître tout-puissant de la région, a échoué. Alors que cherche la France de son retour en Irak? Il s’agit de parachever le processus du retour de Paris dans le giron atlantique, commencé avec la préparation de la résolution 1559 sur le Liban (retrait des troupes syriennes du Liban), adoptée le 2 septembre 2004. Après le dossier libanais, l’heure des dossiers irakien et palestinien est venue. Les pressions exercées sur la Bande de Gaza en sont- elles une conséquence? L’«exception française» cède place à l’amitié atlantique.

En se rapprochant des Etats-Unis, la France accédera plus facilement au marché mondial de l’armement et de l’énergie. En effet, Chevron, la Major américaine proche de l’administration Bush, est prête à s’associer à Total pour l’exploration et l’exploitation des énormes réserves du champ pétrolifère de Majnoun, près de la frontière iranienne (LM du 11/08/07). A condition toutefois que la sécurité soit garantie. Ce qui est loin d’être acquis. A son tour, la France risque de pâtir de son rapprochement avec le colonialiste américain, l’ennemi des peuples et nations du Moyen-Orient.

Affaiblis en Afghanistan et en Irak, les Etats-Unis deviennent d’autant plus agressifs. Faute de pouvoir s’imposer militairement, ils accentuent leurs manœuvres de déstabilisation aux frontières de l’Iran et de la Syrie et au sein des minorités ethniques et religieuses. Les tensions s’accentuent au Moyen-Orient, d’autant plus que l’échec américain renforce la position de l’Iran comme puissance régionale. Bien entendu, ceci n’excuse pas la politique répressive des gouvernements iranien et syrien à l’encontre des minorités et de la population déshéritée, soumises au dictat d’une minorité qui détient tous les leviers du pouvoir économique et politique.

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