6.1.08

Analyse 1 (2008)

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 06 janvier 2008

cpjmo@yahoo.fr

Affrontement des empires au Moyen-Orient


Pourquoi Washington a-t-il saboté l’initiative française au Liban ?

Les dirigeants libanais n’arrivent plus à s’entendre sur le nom d’un candidat à la présidence, dont le siège est vacant depuis le 24 novembre 2007. Il serait faux de penser que cette mésentente ne concerne que la classe politique. Hormis deux vieux empires (l’Iran et la Turquie), tous les pays de la région: Afghanistan, Pakistan, Arabie saoudite, Syrie et Irak sont des jeunes pays, issus de l’éclatement de l’Empire ottoman, de l’Empire Perse et de l’Empire Indo- Musulman des Grands Moghols.

Ces pays n’étaient que des «régions périphériques», des «territoires», dominés par des chefs tribaux, des notables, obéissant au pouvoir central. Les puissances occidentales, qui ont profité de l’effondrement des Empires, ou participé à leur désintégration, ont soutenu les chefs tribaux, promus chefs d’état. Même le «républicain» Saddam Hussein puisait sa puissance dans sa tribu.

L’Afghanistan est le plus vieux des «jeunes pays» de la région. En effet, suite à l’effondrement simultané des Empires Perse et Moghol, les tribus afghanes ont pu créer leur propre royaume en 1747.

L’histoire de l’Afghanistan et du Pakistan fournit des informations intéressantes sur les conflits en cours. L’Afghanistan est une mosaïque de tribus, formée de Pachtounes, de Tadjiks, d’Ouzbeks, de Hazaras, etc. Le fragile consensus entre les ethnies afghanes, symbolisé par le roi, a été détruit par le coup d’état d’inspiration soviétique, suivi par l’intervention de l’armée rouge.

Pour chasser les Soviétiques, les écoles coraniques, mises en place par l’«ISI», le service secret pakistanais, ont formé des milliers de fondamentalistes pachtounes. Ces derniers ont pris le pouvoir, chassant les Tadjiks et leurs alliés Ouzbeks et Hazaras, qui, à leur tour, suite à l’intervention militaire des Etats-Unis, ont repris le pouvoir, chassant les Pachtounes. Actuellement, ces derniers, soutenus par une fraction des services secrets et de l’armée pakistanaise combattent l’étranger colonialiste. Dans la pratique, l’Afghanistan, en tant que pays souverain, n’existe plus. C’est le retour à la situation d’avant 1747, où l’Afghanistan n’était qu’un «territoire», une «zone tampon», siège de rivalités entre les empires.

Le Pakistan est né suite à l’effondrement de l’Empire indo- britannique. Ce pays est constitué de Mohajirs (réfugiés d’Inde dont est issu Pervez Musharraf), de Pendjabis et de Sindis, représentés par la famille Bhutto. Dans ce pays, les liens claniques sont plus puissants que la conscience nationale naissante. Du fait de la faiblesse de celle-ci, l’islam est devenu le ciment de l’unité nationale. L’assassinat de Benazir Bhutto a été imputé par son entourage à Pervez Musharraf, le Mohajir, qui, disait-on, ne souhaitait pas partager le pouvoir avec les Sindis. Les partis politiques sont d’une autre nature qu’en Europe. Le Parti du Peuple Pakistanais (PPP) a tout d’une organisation féodale. Après l’assassinat de Benazir Bhutto, son fils a été désigné pour lui succéder à la tête du parti, tandis que le gouvernement agit en vassal des Etats-Unis.

Une situation comparable peur être observée en Irak, où n’existe pas de classe dirigeante, représentative de la bourgeoisie. Saddam Hussein avait instauré un régime dictatorial, clanique et minoritaire. Son renversement a conduit à l’éclatement du pays et, comme dans les pays voisins, à sa transformation en simple «territoire», siège d’affrontement entre les empires.

L’Iran exerce son influence en milieu chiite et kurde. Les Etats-Unis, puissance dominante, n’y contrôle pas tout. Tout porte à croire que, pour combattre l’influence de l’Iran, les Etats-Unis ont autorisé les Turcs, soutenus par Israël, à intervenir au Kurdistan. Si par le biais du Hezbollah, armé et entraîné par l’Iran, ce pays est présent au nord d’Israël, ce dernier, quant à lui, est actif, aux côtés de l’armée turque, aux frontières ouest de l’Iran.

La structure clanique et tribale des jeunes Etats arabes du Golfe persique, empêche la formation d’une vraie classe politique, qui représenterait les différentes tendances de la bourgeoisie. Le maintien de ces états impose le recours à un régime despotique ou à une protection étrangère, ou aux deux à la fois. Autrefois arrière cours ou «territoires» des Empires orientaux, ces pays sont dorénavant «territoires» des Empires occidentaux.

Le Liban, ancien protectorat français, siège d’affrontement entre l’Occident et l’Orient, n’échappe pas à la règle. Deux camps se font face: celui, dit «majoritaire», est soutenu par l’Occident, tandis que les «minoritaires» le sont par l’Iran et la Syrie. La situation d’équilibre des forces en présence conduit à l’impossibilité de trouver un président. Après l’échec de l’agression israélienne de juillet- août 2006, les «minoritaires» ont pris le dessus et comptent monnayer leur victoire. La France, puissance moyenne, et ancienne puissance tutélaire du Liban, a tenté d’imposer ses solutions. Mais, selon L’Agence de Presse Arabe Syrienne du 24/12/07, Michel Aoun, chef du bloc parlementaire «changement et réforme», «a imputé à l’équipe au pouvoir au Liban sous les ordres de l’étranger la responsabilité de l’achoppement des solutions et l’échec de toutes les initiatives, affirmant l’attachement de cette équipe au projet américain».

Le sabotage des initiatives françaises au Liban par les Etats-Unis montre que les Américains n’ont pas que des adversaires orientaux au Liban. Mais, fidèle à sa nouvelle ligne, Nicolas Sarkozy s’est rangé derrière les Américains et a attaqué la Syrie, accusée de tous les maux.

Pour exister au Moyen-Orient, un pays doit être une puissance économique, technologique et militaire. C’est ce qu’a compris l’Iran, seule puissance souveraine du Moyen-Orient. Son dilemme: devenir une puissance à l’échelle mondiale ou disparaître.

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