10.7.09

Analyse 17 (2009)

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 10 juillet 2009


cpjmo@yahoo.fr


La politique de la main tendue d’Obama patine


Pourquoi Israël menace-t-il l’Iran ?


Depuis l’élection de Barack Obama, les médias euro-atlantiques ne cessent de nous bassiner avec la main tendue de Barack Obama en direction de l’Iran, de la Russie, de la Palestine, des musulmans. Bref, tout le monde a sa ration de main tendue !


Ceux qui ignorent les critères qui guident les relations entre États, pensent que la main tendue signifie la fin des hostilités, l'accord sur tous les dossiers, l'embrassade, la réconciliation et le début d’un monde sans conflits.


Que signifie la politique de la main tendue de B. Obama en langage diplomatique? Elle marque la fin d’une époque, celle de la politique belliciste et unilatéraliste des Etats-Unis envers ses alliés européens et les puissances hostiles (Russie, Chine, Iran) et le début d’une autre époque, celle de la politique multilatéraliste. Faut-il rappeler que la politique unilatéraliste de l’époque Bush a échoué bien avant l’accession de B. Obama à la présidence. Le nouveau président ne fait que poursuivre dans la voie tracée par l’ancienne administration.


Il est à souligner que la politique de la main tendue s’applique en fonction des rapports de force. Examinions, d’abord, le cas de la Russie, puissance eurasiatique, très éloignée des champs de batailles du Moyen-Orient.


Récemment, la secrétaire d’Etat américaine a posé avec son homologue russe à côté d'un bouton «reset» (redémarrage). Lors de son entretien du lundi 06 juin, et selon les médias, B. Obama a discuté de quatre dossiers avec son homologue russe: le désarmement, le bouclier antimissile en Europe orientale, l’Iran et l’Afghanistan. Pour Corine Lesnes, journaliste du Monde, cela montre que «le «reset » est en marche» (LM du 08/07/09). Voyons ce que signifie «en marche»?


Concernant le désarmement «les négociateurs ont instruction de travailler à rédiger un accord avant le 5 décembre date d’expiration du traité Start de 1991.» Selon le nouveau traité, et dans un délai de sept ans, les deux puissances devraient réduire sensiblement le nombre de leurs têtes nucléaires et de leurs missiles intercontinentaux. Selon «Gary Samore, le coordinateur antiprolifération de la Maison Blanche, l’accord n’a rien de contraignant et on ne peut pas exclure que les chiffres soient, au final, différents». (souligné par nous).


Concernant le bouclier antimissile, les Russes souhaitent «lier la question à la discussion sur le suivi du traité Start». B. Obama «estime pouvoir convaincre Moscou que le bouclier est dirigé contre l’Iran et la Corée du Nord» (Souligné par nous).


Une déclaration commune américano-russe stipule que les experts des deux pays vont «travailler ensemble» pour procéder à «une analyse commune de la menace» représentée par l’Iran et la Corée du Nord. Là encore «la partie américaine n’a pas hésité à nuancer».


Concernant l’Iran «nous (américano-russes) ne sommes pas d’accord sur l’évaluation de la menace (…) les Russes sont plus préoccupés par les missiles et nous par le nucléaire».


Les divergences étant profondes, les américano-russes ont décidé d'"établir un centre commun d’échange d’informations sur les «programmes de missiles dans le monde»».


Là encore, Michael McFaul, conseiller pour la Russie dit qu’il convient de relativiser (Souligné par nous).


Le seul point d’accord des Américano-russes: l’Afghanistan, où les Américains ont obtenu pleine satisfaction. «L’armée américaine pourra transiter par la Russie, ce qui lui permettra d’éviter le Pakistan» (Corine Lesnes- LM du 08/07/09).


Si nous comprenons bien, le «reset» signifie : accords pas contraignants, engagements à nuancer, désaccords complets sur l’Iran et la Corée du Nord et échanges d’informations à nuancer. Pour un «redémarrage», ça patine bien !


Malgré la main tendue, la compétition avec la «vieille Europe» fait rage sur le Moyen-Orient. En effet, il semble que l’Iran préfère discuter directement avec les États-Unis, au détriment des puissances européennes (Angleterre, France, Allemagne). Lesdites puissances, suivant les ordres des États-Unis, perdent de plus en plus de parts de marché en Iran, qui s’approvisionne en Asie (Chine, Inde, Corée du Sud). Le développement des relations avec les États-Unis se manifeste par le développement des coopérations irano-américaines en Irak et en Afghanistan, où l’instabilité touche désormais des provinces du Nord comme Kunduz et Badghis.


Malgré leur soutien militaire, les alliés européens sont méprisés par les Etats-Unis. Un exemple : «Le récent remplacement, sur décision américaine, du commandement de la force de l’OTAN en Afghanistan s’est fait sans grande consultation avec les alliés. Les frappes au Pakistan, par des drones américains, se font à titre unilatéral. Les opérations en «Afpak» sont devenues une affaire américaine avant tout » (Natalie Nougayrède- LM du 7-8/06/09).


«Sans consultation et unilatérale» résume la nature de la main tendue américaine vis-à-vis de ses alliés européens, du moins en Afghanistan, voire même en Irak et au Moyen-Orient. Les menaces proférées par Sarkozy, Merkel ou Brown à l’encontre de l’Iran visent-elles à donner plus d’importance à l’Europe et faire comprendre aux Etats-Unis de ne pas oublier l’Europe lors de ses marchandages avec l’Iran? Toujours est-il que les autorités iraniennes connaissent bien la valeur exacte des alliés des Etats-Unis et la Grande Bretagne semble être la seule qui vaille une réaction.


L’écartement relatif des alliés européens des dossiers importants au Moyen-Orient rapproche ces derniers d’Israël, mécontent de l’attitude des Etats-Unis. Est-ce pour cette raison que les israéliens menacent de bombarder les installations nucléaires iraniennes pour faire capoter le dialogue américano-iranien? Toujours est-il que ces menaces sont à double tranchant et servent également les intérêts américains qui l’utilisent comme moyens de pression sur l’Iran afin de faire plier Téhéran.


L’armée américaine est-elle en mesure d’ouvrir un nouveau front, par exemple en Iran? La réponse semble négative. L’armée américaine n’est pas au meilleur de sa forme. Malgré la crise économique profonde, les dépenses explosent: «Aujourd’hui, le seul paiement des salaires et contrats divers coûte, chaque mois, 9,9 milliards en Irak et 2,4 milliards en Afghanistan (…) Le pays est passé, en huit ans, d’un surplus budgétaire de 236 milliards de dollars à un déficit prévu de 407 milliards en 2009. Un montant qui pourrait grimper encore, crise économique et financière oblige» (Jean-Pierre Stroobants- LM du 12/06/09).


Pour l’instant, avec la politique de la main tendue, les Américains consolident leurs positions au Moyen-Orient et en Asie centrale. Les lignes ne bougent pas. C’est le statut quo au Liban, en Palestine, en Irak et en Somalie. En ce moment, tout se cristallise sur l’«Afpak».


Un faux pas des Etats-Unis (ce qui risque d’arriver en «Afpak») et c’est la montée des enchères. Après la politique unilatéraliste de Bush et celle de la main tendue d’Obama, à qui reviendrait l’application de la politique de «marche arrière toutes»?

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