3.4.14

Analyse 4 (2014): La Crimée est-elle devenue "le Stalingrad" de la Russie?

Paix et Justice au Moyen-Orient
STRASBOURG, le 3 avril 2014

                                  

La Crimée est-elle devenue "le Stalingrad" de Moscou?

L'onde de choc de l'effondrement de l'Union soviétique en 1991continue à se propager. l'Europe, le Moyen-Orient et l'Asie centrale sont en première ligne et ne finissent pas d'encaisser sous différentes formes, en particulier guerrière, la disparition d'un poids lourd de l'histoire contemporaine, l'Union soviétique, qui faisait contrepoids à la suprématie occidentale.

Une guerre atroce a d'abord décomposé la Yougoslavie, pays puissant des Balkans, donnant naissance à des nains politiques sans envergure, avalés les uns après les autres par l'Union européenne. D'autres pays d'Europe orientale ont basculé, souvent sans coup férir, dans le camp occidental, permettant à l'OTAN, le bras militaire des américano-britanniques, de s'étendre jusqu'aux frontières géographiques occidentales de la Russie.

Affaiblie, désorganisée et encerclée, la Russie a cédé sous la pression des Etats-Unis qui ont installé des bases militaires un peu partout dans le Caucase et en Asie centrale, l'arrière cour de l'empire russe. Du jamais vu.

Les guerres meurtrières et successives en Afghanistan et en Irak ont fini par mettre un terme au monde bipolaire où l'Union soviétique était implantée politiquement et profitait de marchés et contrats industriels et militaires.

La guerre pour le remodelage du monde euro-asiatique dure en fait depuis plus de 35 ans, avant même l'effondrement de l'Union soviétique en 1991. Celui-ci donnait déjà des signes d'essoufflement suite au retrait de ses forces d'Afghanistan. La reconquête de la Libye par une coalition de forces occidentales menées par le couple franco-britannique, la guerre en Syrie et l'actuel conflit en Ukraine sont les prolongements du remodelage du monde euro-asiatique.

L'Occident en général et les Etats-Unis en particulier, conduisent leurs interventions militaires et leur ingérence diplomatique sous le masque de la défense des droits de l'Homme, transformée en instrument de l'hégémonie mondiale.

Un exemple récent vient de démontrer, une fois de plus, l'hypocrisie des soi-disant défenseurs autoproclamés et sélectifs des droits de l'Homme. " Pas un mot sur les droits de l'Homme ? " Non " a lâché aux journalistes un officiel de la Maison-Blanche, interrogé au sujet de la rencontre de Barack Obama avec le roi Abdallah d'Arabie saoudite, vendredi 28 mars " (1) 2014.

Barack Obama, chef du pays le plus puissant du monde, armé des plus puissants systèmes de surveillance planétaire qui écoute même les conversations de ses alliés européens, ignore-t-il que le royaume wahhabite vit sous un régime clanique typique du Moyen-âge? Bien sûr que non. "Deux princesses, filles du roi Abdallah, ont profité du passage du président américain pour dénoncer leur situation. Dans un entretien à la chaîne britannique Channel 4, les princesses Sahar et Jawaher disent être assignées à résidence depuis dix ans à Djedda" (1)

Deux princesses saoudiennes en résidence surveillée depuis dix ans et Barack ne dit rien! Logique. Le régime médiéval saoudien est parfaitement compatible avec les intérêts - politique, économique, géopolitique et géostratégique - des Etats-Unis. Les droits de l'homme et de la femme en Arabie saoudite peuvent attendre encore, comme c'est le cas depuis la fondation du royaume, et ce en accord avec les Etats-Unis.

Qu'on ne nous endorme pas avec les chars d'assaut de l'OTAN brisant les glacis de dictatures ennemies des droits de l'Homme !

En 2009, dix-huit ans après l'effondrement de l'Union soviétique et suite à l'affaiblissement -toute relative - des Etats-Unis, la Russie commença à relever la tête lors de la guerre en Géorgie. En effet, opposée à l'entrée de la Géorgie dans l'OTAN, l'armée russe infligea une cuisante défaite à la petite armée géorgienne - soutenue pourtant par les Etats-Unis, l'Union européenne et Israël - dont près de deux milles hommes combattaient en Irak dans l'ombre de l'Oncle Sam.

Dans la pure tradition russe - qui répond par une poussée vers le sud lorsque l'Occident pousse vers le nord - l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud ont été arrachées à la Géorgie et l'armée russe menaçait même Tbilissi, la capitale. C'est au cours de la bataille géorgienne que l'allié coréen du Nord a fait exploser sa première bombe atomique !

Depuis, la Russie s'oppose à l'offensive occidentale qui, même si elle n'a pas l'intensité de celle de l'ère Georges Bush, ne faiblit pas tout-à-fait. La Syrie, transformée en ligne jaune par la Russie et l'Iran, soutenue fermement par la Chine et les pays émergents, en est un exemple. Tout porte à croire que la résistance du duo russo-iranien a fini par sauver le "soldat Assad" qui continue à grignoter du terrain aux "insurgés", soutenus à leur tour par l'Occident et ses alliés moyen-orientaux (dont Israël qui soigne les "insurgés" dans ses hôpitaux).

L'avancée de l'Occident vers l'Est, en direction de l'Ukraine, a été stoppée par l'avancée de la Russie vers l'Ouest qui a mis la main sur la Crimée et qui menace les provinces orientales de l'Ukraine dans l'objectif d'empêcher l'entrée de celle-ci dans l'OTAN.

Comme pendant la guerre géorgienne, la Corée du Nord a effectué des tirs de missiles en direction du Japon et un échange de tirs sur la frontière maritime coréenne a montré la détermination de la Russie dans la guerre qui l'oppose à l'Occident.

La Russie ne se montre pas préoccupée des menaces de sanctions agitées par les Etats-Unis et par l'Union européenne. Le 18 mars 2014, l'administration Poutine théorisa même la nouvelle doctrine impériale et hégémonique de la Russie: " la défense universelle des Russes, " la nation la plus disséminée au monde "" !

La Crimée est-elle devenue "le Stalingrad" de la Russie, qui annoncerait un début de reprise d'assurance de la Russie conduisant au renversement des rapports de force à l'échelle planétaire? L'avenir nous dira si, dans le cadre de "la défense universelle des Russes", nous assisterons désormais à des clashes de plus en plus fréquents entre la Russie, ses alliés et l'Occident, en Europe Orientale, en Asie centrale, au Moyen-Orient, en Afrique ?


(1) Corine Lesnes- Le Monde du 30-31mars 2014.

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