10.8.08

Analyse 17

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 10 août 2008

cpjmo@yahoo.fr


En Géorgie, le torchon brûle

entre Washington et Moscou


Pour qui se bat Mikheïl Saakachvili, président géorgien?


Jeudi 7 août 2008, l'armée géorgienne a lancé une vaste offensive militaire contre l'Ossétie du Sud. A en croire le président géorgien, il s'agit d'"établir l'ordre constitutionnel dans l'ensemble de la région".

S'il est vrai que l'Ossétie du Sud fait partie intégrante de la Géorgie, la partie jouée par Saakachvili, président géorgien, et son armée, est troublante. En effet, entraînée et armée par les Etats-Unis, l'armée géorgienne se comporte comme exécutant des intérêts géostratégiques des Etats-Unis au Moyen-Orient et au Caucase. Actuellement, 2000 militaires géorgiens sont déployés en Irak, près de Kout, de Baqouba et dans la zone verte et, selon le colonel Bondo Maisuradze, chef du contingent géorgien en Irak, les militaires géorgiens s'apprêtent à quitter l'Irak pour l'Ossétie du Sud (nouvelobs.com du 09/08/08). De plus, cette armée "sécurise" l'oléoduc BTC (Bakou- Tbilissi- Ceyhan), par où transite, via la Turquie, le pétrole de la mer Caspienne à destination de l'Occident. Il serait faux d'accorder des sentiments patriotiques à cette armée, en particulier à ses officiers supérieurs, aux ordres des conseillers militaires américains qui infestent l'armée géorgienne, candidat potentiel à l'adhésion à l'OTAN.

La flambée de violence qui ravage actuellement l'Ossétie du Sud s'inscrit dans le cadre d'un conflit plus généralisé qui agite les relations russo-américaines: celles-ci ont pris un tour dramatique, depuis que l'administration Bush a décidé d'installer une base antimissiles en Pologne et une base de radars en République Tchèque. Les tractations Bush- Poutine n'ayant rien donné, la Russie a décidé de faire atterrir ses bombardiers stratégiques à Cuba. Pour Washington, c'est franchir une ligne rouge. Le conflit actuel en Ossétie du Sud serait une réponse à l'"insolence" russe et, aussi, une tentative de compléter l'encerclement de la Russie, en réduisant ses marges de manœuvres au Caucase et sur le pourtour de la mer Noire, transformée en lac américain.

Le bombardement par l'aviation russe du port pétrolier Poti sur la mer Noire, site clé pour le transport des ressources énergétiques de la mer Caspienne, est un message lourd de conséquences. Il signifie à l'Occident que, pour "sécuriser" l'approvisionnement en pétrole de l'Occident, il faut composer avec la Russie car elle est en mesure de stopper son écoulement. Un premier message en ce sens avait déjà été envoyé lorsque la Russie avait coupé le gaz à l'Ukraine, faisant trembler l'Europe tout entière.

Humiliés en Irak, en Afghanistan et au Liban et ignorés par l'Iran qui refuse de céder aux chantages, les Etats-Unis de Georges Bush, en proie à des difficultés économiques croissantes, cherchent-ils à sortir de la poisse par une victoire au Caucase? La fermeté de la Russie annonce un nouvel échec que l'Oncle Sam subira, cette fois-ci, au Caucase. [Seulement trois jours après les débuts des hostilités, et sous la pression de l'armée russe, le ministre géorgien de l'Intérieur vient d'annoncer le retrait de l'armée géorgienne de l'Ossétie du Sud (lemonde.fr du 10/08/08)].

Et ce d'autant plus que, depuis le retrait de Total de l'exploitation du gisement de gaz de Pars Sud, dans le Golfe persique, et les menaces iraniennes de fermer le détroit d'Ormuz si l'Iran est agressé, les marges de manœuvres de l'Occident, en général, et des Etats-Unis, en particulier, sont très étroites.

Faut-il, pour autant, conclure à la possibilité d'une interruption de l'écoulement de pétrole vers l'Occident? La guerre en Ossétie du Sud fait partie de ces conflits régionaux entre grandes puissances militaires, qui s'achèveront par des ajustements (territoriaux, diplomatiques, etc.) en faveur de l'une des puissances. Et le pétrole continuera de couler dans les oléoducs.

C'est toujours la population qui finit par payer un lourd tribut, sous forme de chair à canon, à l'aventure militaire des grandes puissances et de leurs laquais. D'ailleurs, Saakachvili et son entourage n'ont pas hésité à exalter le "patriotisme" des Géorgiens et les inviter à se porter volontaires au combat pour la "mère patrie"!!

Il est à souligner qu'au fur et à mesure que se rapproche la fin de l'administration Bush et avec son affaiblissement, les conflits régionaux vont se multiplier. Le Kurdistan irakien et le Pakistan montrent des signes de fébrilité.

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