23.8.08

Analyse 19

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 24 août 2008

cpjmo@yahoo.fr


Mourir pour Total, Exxon, Shell...


La mort tragique de dix militaires français, le 18 août 2008, à Saroubi, un verrou stratégique en Afghanistan, soulève une question: que fait l'armée française en Afghanistan, à 6000 km de son territoire? A entendre Nicolas Sarkozy:" c'est la paix dans le monde qui se joue ici, et donc la guerre contre le terrorisme et la pauvreté, mais aussi la lutte pour les droits de l'homme, de la femme" (Le Monde du 21/08/08).


La "lutte contre la pauvreté, pour les droits de l'homme" ne s'applique-t-elle pas à l'Afrique et à la France? Dans le cadre de sa politique "françafrique", la France soutient depuis des lustres tous les potentats africains, à la tête de régimes corrompus et dictatoriaux. Il n'est un secret pour personne que Hamid Karzaï, le président afghan, est une marionnette des Etats-Unis et qu'en Afghanistan, l'Occident soutient un narco-Etat corrompu. Selon Natalie Nougayrède, journaliste du Monde, Hamid Karzaï "protégerait l'enrichissement de certains proches, qui détournent une partie des aides étrangères" (LM du 21/08/08).


Pire, "quelques 40% de l'argent dépensé retournent d'une manière ou d'une autre aux donateurs, notamment pour financer les salaires des expatriés et des consultants" (LM du 27/03/08).


De tout temps, les colonialistes ont justifié leurs conquêtes sous couvert d'"aide au développement", ou d'"ingérence humanitaire" pour répandre la "démocratie". La présence massive de l'Occident en Asie centrale répond, avant tout, au problème de la maîtrise totale des voies de communication (maritime, terrestre et aérienne) et doit permettre de satisfaire sa sécurité d'approvisionnement en énergie. Les premiers bénéficiaires sont les majors pétroliers dont Total, Exxon, Shell, etc. Pour Peter Struck, l'ancien ministre de la défense du gouvernement rouge-vert allemand, la défense de l'Europe "commence dans l'Hindou kouche" (LM du 13/02/08). Il s'agit bien de la défense des intérêts stratégiques occidentaux, et non d'une prétendue "aide" à l'Afghanistan.


Depuis la naissance du royaume afghan en 1747, les peuples de ce pays se sont battus contre cinq invasions occidentales et continueront donc de se battre contre l'invasion de l'Afghanistan par l'OTAN. Tant que le pays restera occupé par des armées étrangères, nous serons, malheureusement, témoins d'autres tueries et destructions.


Nous publions ici des extraits de l'analyse 6, "Mourir pour l'Empire", datée du 17 février 2008.


"Les Etats-Unis, nouvelle puissance coloniale planétaire, sont présents sur les cinq continents, soit en tant que puissance occupante (en Irak et en Afghanistan), soit en tant que puissance tutélaire de nombreux pays. Les oléoducs et les gazoducs qui alimentent l’Occident passent par des régions parsemées de bases militaires américaines, et aussi françaises, britanniques, allemandes. Selon l’ancien ministre de la défense du gouvernement rouge- vert Peter Struck : La défense de l’Europe «commence dans l’Hindou Koch»».


Depuis plus de deux siècles, les puissances occidentales ont été amenées à s’activer aux confins de l’«Hindou Koch», très loin de l’Europe. Ancienne puissance mondiale, devenue, après la Seconde guerre mondiale, puissance de «seconde zone», la Grande Bretagne a soutenu les Etats-Unis, dans leur aventure irakienne en 2003. Après six années d’une guerre épuisante, les Britanniques plient bagages pour se consacrer à l’Afghanistan. Londres «épuisé» est remplacé par Paris, «allié indispensable et zélé», qui envoie des forces fraîches en Asie centrale, afin de consolider la suprématie de l’Empire américain. Riche en matières premières, l’Asie centrale attise toutes les convoitises. Après l’Afghanistan, «porte de l’Inde», Paris «noue un partenariat stratégique avec Astana», capitale de Kazakhstan, pays riche en hydrocarbures, en uranium, en titane, métal stratégique (LM du 10-11/02/08).


Pourtant, les tensions sont perceptibles dans l’édifice impérial. Tous les partenaires ne sont pas traités sur un même pied d’égalité. Ils ne veulent pas s’impliquer plus qu’il ne faut dans des guerres meurtrières, coûteuses en homme et en matériel, au profit de l’Empire américain. Le Canada s’apprête à quitter l’Afghanistan. Obligée de supporter le fardeau de plus en plus lourd des interventions colonialistes, l’Amérique se rebiffe et tance ses partenaires en des termes peu amènes. Secrétaire américain à la défense, Robert Gates, qualifie de «décevant» le refus des Alliés d’envoyer des renforts dans le Sud de l’Afghanistan. Pour lui: «certains sont prêts à se battre et mourir et d’autres qui ne le sont pas» (LM du 09/02/08).


Les déboires de l’Empire ne s’arrêtent pas là. Jadis élément important du puzzle, le Pakistan est devenu le maillon faible du dispositif américain. En effet, se sentant encerclé et s’inquiétant du rapprochement indo- afghan, l’armée et les services de renseignement pakistanais ménagent les nationalistes religieux, impliqués, directement ou indirectement, dans la lutte anticolonialiste.


Afin de montrer les «réussites» de l’administration Bush, le secrétaire américain à la défense, Robert Gates, est monté au créneau pour annoncer «la déroute» des combattants islamistes en Irak. Peine perdue. Les journaux n’ont pas tardé à annoncer que «le niveau de violence à Bagdad reste suspendu à la trêve décrétée par l’«Armée du Mahdi» de Moqtada Al-Sadr (LM du 14/02/08). La baisse du niveau de violence marque, sans nul doute, une entente entre Téhéran et Washington. Malgré l’embargo, le développement de la technologie militaire de l’Iran rappelle la sentence d’Henry Kissinger: «La pierre angulaire de la puissance n’est pas le territoire mais la technologie.»


La résistance anticolonialiste s’intensifie dans la région, tout comme les attentats contre les anticolonialistes (l’assassinat en Syrie d’Imad Moughniyeh par les agents israéliens) et autres complots dont sont coutumiers les américano- israéliens. Le Liban et la Palestine restent sous tension et une déflagration régionale est à craindre. L’ouverture d’un nouveau front au Tchad par la France, ne peut qu’affaiblir la position des colonialistes, désormais engagés militairement de la frontière afghane au Tchad.


Au moment où l’Empire américain manifeste des signes de faiblesse, alors que les candidats à la présidence parlent du retrait éventuel des troupes américaines d’Irak, la France arrive sur les champs de bataille. Ses militaires vont continuer à «se battre et mourir» pour les matières premières et pour l’Empire."

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