15.2.12

Analyse 3 (2012)

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 15 février 2012


cpjmo@yahoo.fr

Offensive généralisée.

L’Iran peut-il résister indéfiniment à la pression occidentale ?

Depuis plus d’un an, sous la houlette des Etats-Unis, l’Occident mène une offensive généralisée au Proche et au Moyen-Orient. L’offensive se déroule simultanément sur trois fronts syrien, libanais et iranien. L’Occident tente de séparer le Hezbollah libanais du reste de la nation libanaise. Or la milice chiite a libéré le Sud Liban ; elle défend la souveraineté libanaise et a résisté en 2006 à l’agression israélienne. On peut ne pas être d’accord avec l’idéologie rétrograde du Hezbollah libanais, mais on ne peut pas ignorer sa politique anticolonialiste.

L’offensive se cristallise donc autour de la Syrie, notamment autour de l’attentat contre Rafic Hariri, qui met en cause le Hezbollah, et du programme nucléaire iranien. L’objectif non déclaré étant d’en finir avec la souveraineté de trois pays-Syrie, Iran et Liban- qui résistent encore au colonialisme occidental.

Derrière cette offensive généralisée se profile une âpre bataille pour placer le globe sous la domination exclusive des Etats-Unis. En effet, comme nous l’avons écrit à plusieurs reprises, la chute éventuelle du régime syrien entraînerait, tôt ou tard, celles du Liban et de l’Iran qui tomberaient dans l’escarcelle de l’Amérique et de ses alliés européens. S’en suivra ensuite la mainmise des Etats-Unis sur l’ensemble des sources d’énergie- pétrole et gaz- du Proche et du Moyen-Orient.

Dans cette situation, l’Occident pourrait se passer du gaz et du pétrole russe. La Chine et l’Inde-plus de 2,5 milliards d’habitants- devraient, elles quémander auprès des Etats-Unis pour s’approvisionner en énergie. Ce serait donc le début de la dépendance croissante de la Chine et de l’Inde envers l’Amérique, ce qui renforcerait ainsi sa position de puissance mondiale incontestée. C’est sous cet angle qu’on peut comprendre l’opposition de l’Inde et de la Chine à l’embargo du pétrole iranien par l’Occident. Selon Mahtab Alam Rizvi de l’«Institut for Defence Studies and Analyses à New Delhi» : «l’Inde ne peut pas laisser tomber l’Iran » (Le Monde du 08/02/2012). Autrement dit, à travers le pétrole iranien, l’Inde tient à sa souveraineté politique. Même le Japon et la Corée du Sud, pourtant pays satellites des Etats-Unis «traînent les pieds» pour annoncer leur participation aux sanctions.

Nous n’en sommes pas encore là. Mais, la dictature impitoyable qui sévit en Syrie et en Iran démobilise la population, affaiblit les fondements des régimes et porte de l’eau au moulin des colonialistes qui durcissent l’embargo et les sanctions unilatérales ou multilatérales dans le but d’obtenir à moindres coûts le renversement des régimes syrien et iranien.

L’endiguement de l’Iran a déjà été testé en URSS. «Endiguer l’Iran jusqu’à ce que le régime tombe. C’est ce que nous avons fait avec Staline et l’URSS, après tout» a dit un membre de l’administration Obama sous couvert d’anonymat (Géo & politique-Le Monde du 12-13 février 2012).

L’Iran peut-il résister longtemps au rouleau compresseur américain ? Pendant la guerre Irak-Iran, le pays a montré sa grande capacité de résistance face à une armée soutenue aussi bien par l’Occident que par la Russie. Mais aujourd’hui l’Iran souffre de profondes divisions au sein de sa classe politique. La population souffre de la dictature, du chômage, de la vie chère et du pillage des richesses par une poignée de parvenus qui, au nom de l’islam, saignent un peuple. La situation est pourtant très complexe et les rapports de force évoluent constamment au sein de la classe politique iranienne comme chez l’adversaire occidental.

L’Occident souffre également de plusieurs faiblesses. L’arrivée récente de millier de militaires américains en Israël est le signe de la vulnérabilité d’Israël, encerclé de plus en plus par des pays dirigés par des gouvernements nationalistes islamiques. Les dettes occidentales poussent les pays colonialistes à réduire leurs dépenses militaires et à réfléchir à deux fois avant de se lancer dans une nouvelle aventure militaire. En effet, malgré toute la faiblesse de la république islamique, une aventure militaire contre l’Iran ne sera pas une promenade de santé pour l’Occident affaibli. La guerre serait de longue durée, embrasant l’ensemble de la région, désorganisant l’économie mondiale, menaçant sérieusement l’économie des pays occidentaux et renforçant le sentiment anti occidental en général et anti américain en particulier. Les fondamentalistes au pouvoir à Téhéran, soutenus par la Russie et la Chine, pourraient s’en sortir renforcés. L’éventualité d’une guerre conventionnelle contre l’Iran paraît faible. Par contre, les assassinats ciblés des savants et les tentatives de sabotage des installations scientifiques iraniennes iront crescendo.

Pour avoir une idée de la haine anticolonialiste au Moyen-Orient, il suffit de lire ce que pense Chaker Al-Anbari du retrait américain d’Irak : «L’envahisseur (…) se comporte comme un voleur qui prend la fuite avant qu’on ne découvre son crime. Il n’a même pas pris le temps de construire un centre culturel digne de ce nom, il ne laisse rien de l’héritage d’un Ernest Hemingway ou d’un John Steinbeck. Il n’a pas non plus construit un seul laboratoire pour nous enseigner la science de Mme Curie, ni d’agence de la Nasa pour nous apprendre comment investir l’espace et découvrir des traces de vie dans d’autres galaxies, ni de bibliothèque comme celle du Congrès à Washington.» (Courrier international du 02 au 08 février 2012 ; traduit de Al-Mustaqbal-Beyrouth).

L’expérience de l’endiguement de l’URSS et la chute de l’Empire soviétique montrent que l’Occident sait patienter, en attendant la putréfaction d’un régime ennemi. C’est ce qui menace, voire attend, la république islamique et tout autre régime dictatorial.

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