30.6.07

Communiqué 41

Paix et Justice au Moyen-Orient
STRASBOURG, le 1er juillet 2007

cpjmo@yahoo.fr

La Palestine, le Darfour et

le «colonialisme vert»

Comme on pouvait s’y attendre, le 25 juin 2007, la montagne de Charm el- Cheik a accouché d’une souris!

En effet, pour soutenir Mahmoud Abbas, Ehoud Olmert n’est intervenu qu’à la marge: promesse de libération de 250 prisonniers palestiniens (sur 11000) et déblocage éventuel d’une partie des 600 millions de dollars de droits de douane et de taxes palestiniens collectés par Israël (vol autorisé par la «communauté internationale»). Alors que Mahmoud Abbas n’a cessé d’évoquer la nécessité de lancer le processus conduisant à la création d’un Etat palestinien, Ehoud Olmert s’est contenté de promesses.

Pouvait-il en être autrement dans la mesure où, depuis sa création, Israël répète à qui veut l’entendre, que l’Etat jordanien et l’Etat palestinien ne font qu’un ?

Comme les Israéliens et les Américains, et pour manifester sa «bonne volonté», Mahmoud Abbas traite le Hamas de «terroriste» et met les associations et organisations non gouvernementales sous surveillance, voire sous pression, provoquant leur protestation; tandis que l’asphyxie économique menace la bande de Gaza. Cette situation ne pourra pas durer longtemps.

Absente de la conférence de Charm el- Cheik, Condoleezza Rice, la secrétaire d’état américaine, a préféré participer à la réunion de Paris sur le Darfour. Cette absence signifie-t-elle qu’aux yeux de l’administration de G.W.Bush, la division des Palestiniens signe la victoire des Israéliens, donc la fin du conflit israélo-palestinien? Si c’était le cas, il s’agirait d’une vision à courte vue. Depuis 60 ans, les Palestiniens ont vécu des situations encore plus difficiles (l’encerclement de Yasser Arafat au Liban et son exil en Tunisie) et chaque fois ils ont trouvé les moyens de rebondir. Mahmoud Abbas ne représente qu’une fraction de l’oligarchie palestinienne et tient en Cisjordanie grâce au soutien tacite de l’armée israélienne. Quelle honte!

D’aucuns pensent que la rupture entre le Hamas et le Fatah a été encouragée et provoquée par les américano- israéliens. C’est sûrement vrai. D’ailleurs la devise «diviser pour régner» a toujours fait partie des «munitions» des colonialistes. Les mêmes manœuvres de division colonialiste s’observent également en Afghanistan et en Irak où Al-Qaida, «infiltré par de nombreux services de renseignements» (Syed Saleem Shahzad- Le Monde Diplomatique- Juillet 2007), privilégiant la lutte contre les «infidèles» plutôt que le combat contre les colonialistes occidentaux, attise la haine interreligieuse sunnite-chiite. En Afghanistan, les résistants se sont débarrassés d’Al-Qaida, dont les militants sont partis en Irak, où les résistants, à leur tour, finiront par contenir les manœuvres de division d’Al-Qaida et autres agents sunnites ou chiites infiltrés.

La division au sein de la résistance, provoquée par les colonialistes, fait durer les souffrances, mais n’arrivera jamais à modifier le cours de l’histoire. Aux Etats-Unis, au sujet de l’Irak, la grogne gagne le camp républicain où «un ténor républicain attaque la stratégie Bush» appelant «à une réduction ou un redéploiement des forces militaires américaines sur des positions plus viables en Irak ou au Proche-Orient» (Le Monde du 28 juin 2007). En Palestine, tôt ou tard, les partisans d’un Etat palestinien indépendant se feront entendre plus fort au sein même du Fatah.

En Afghanistan, en Irak, en Somalie et en Palestine, se déroule une guerre coloniale traditionnelle: d’un côté, on trouve des colonialistes «civilisateurs» occidentaux, venus des territoires situés à des milliers de kilomètres et de l’autre des combattants anticolonialistes, «terroristes» et «barbares» selon la terminologie employée. Or, un nouveau type de guerre colonialiste se profile à l’horizon : la «guerre écologique» ! En résumé : «sécheresse, épidémie ou extension de maladies tropicales (paludisme, choléra, schistosomiase) crises de l’eau (…) devraient se multiplier et appeler des interventions militaires, notamment en cas de crises humanitaires » (Hervé Kempf- Le Monde du 4 avril 2007). «Nous devrons glisser de la guerre contre le terrorisme vers le nouveau concept de sécurité soutenable», résume John Ackerman de l’Air Command and Staff College de l’US Air Force. L’initiateur de ce «combat écologique» se nomme Al Gore, ancien vice-président des Etats-Unis, dont le film sur la défense de la planète Terre a été diffusé, après une gigantesque campagne publicitaire, dans le monde entier.

L’importance de la conférence de Paris sur le Darfour, à laquelle participait Condoleezza Rice, vient du fait qu’elle s’inscrit dans ce nouveau type de «colonialisme vert». En effet, selon les «experts» : «Il y a un lien très fort entre la dégradation des sols, la désertification et le conflit du Darfour» (Le Monde du 27 juin 2007). Pour l’instant, il n’y a pas d’intervention militaire, mais tout indique qu’elle se prépare.

Participaient à cette conférence, les représentants de 17 pays, surtout ceux des puissances, en particulier la Chine, les Etats-Unis, la Russie et la France. Tout indique que l’objectif des puissances occidentales est d’évincer la Chine qui a beaucoup d’intérêts stratégiques et pétroliers au Darfour, d’où elle importe 60% de la production pétrolière. L’Union Africaine et le Soudan étaient les grands absents. Normal. On y a sûrement mis au point un scénario de partage de zones d’influence. Pour l’instant, des menaces fusent à l’adresse de Khartoum : «Le Soudan doit savoir que, s’il coopère, nous l’aiderons puissamment et que, s’il refuse, il faudra être ferme» a expliqué M.Sarkozy (Le Monde du 27 juin 2007). En langage diplomatique on peut dire que ça sent la poudre au Darfour. C’est le lot de tout pays qui n’arrive pas à défendre son intégrité et sa souveraineté face aux colonialistes, technologiquement avancés, puissamment armés et actuels maîtres du monde.

Après la décomposition de la Yougoslavie et celle de l’Irak, allons-nous être témoins de la décomposition du Soudan et de la naissance d’un nouveau pays «ethniquement pur» comme le Darfour, sous l’égide de la «communauté internationale»?

23.6.07

Communiqué 40

Paix et Justice au Moyen-Orient
STRASBOURG, le 24 juin 2007

cpjmo@yahoo.fr

Palestine :

où est la ligne de démarcation?

La question de légitimité se pose en termes historiques

Après la signature des Accords d’Oslo en septembre 1993, tout le monde pensait que la question palestinienne trouverait enfin une issue heureuse, qu’un Etat palestinien verrait le jour et qu’une «paix durable» entre deux Etats, palestinien et israélien, s’installerait au Moyen-Orient. Bientôt, les aberrations des «Accords d’Oslo» mirent fin au rêve.

Suite aux Accords d’Oslo, et fait sans précédent dans la juridiction internationale, une «Autorité palestinienne» fut mise sur pied. Ladite «Autorité», qui n’est pas un «gouvernement provisoire», ressemble plus à un «bureau exécutif» des partis politiques composant l’OLP. Alors que c’est à un Etat souverain qu’il revient de reconnaître l’existence d’un autre Etat, la «communauté internationale» exigea de l’«Autorité palestinienne» de reconnaître l’Etat d’Israël, chose encore inédite dans la juridiction internationale!

D’un autre côté, «on» avait fait croire aux Palestiniens qu’ils avaient enfin un «gouvernement», voire même un «embryon d’Etat». Avec le temps, les Palestiniens découvrirent que leur «Autorité» n’en a aucune: leurs frontières sont surveillées par l’armée israélienne qui peut les fermer, les ouvrir ou les modifier comme bon lui semble. Des «check- points» bloquent toute circulation à l’intérieur des territoires palestiniens, alors que, sous l’œil bienveillant de la «communauté internationale», des colonies israéliennes grignotent, jour après jour, les territoires palestiniens. Les droits de douane et autres taxes sont perçus par la douane israélienne qui peut refuser de les reverser à leur destinataire palestinien. Le carburant est distribué par une société israélienne, liée au gouvernement. L’eau et l’électricité sont distribuées par le gouvernement israélien. Bref, une situation de dépendance totale, celle d’un territoire colonisé, à la merci du pouvoir occupant.

L’objectif d’un tel asservissement? Faire comprendre aux Palestiniens, pris au piège dans les territoires contrôlés hermétiquement par l’armée israélienne, qu’ils ont le choix entre l’absorption forcée par la société israélienne ou la répression.

Réagissant à ce que l’on peut appeler un complot international pour étouffer l’aspiration du peuple palestinien à disposer d’un Etat digne de ce nom, Yasser Arafat, n’acceptant ni l’absorption ni la répression, encouragea la seconde Intifada. Assiégé à la Mouqataa par l’armée israélienne, Yasser Arafat paya au prix fort son «insolence» : la destruction de la totalité des infrastructures de l’«Autorité palestinienne». Il mourut sans avoir atteint ses objectifs.

Tout porte à croire qu’une fraction de l’aristocratie palestinienne, formée d’hommes d’affaires, de banquiers et de technocrates liés aux institutions internationales, finit par trouver des affinités avec les milieux financiers internationaux. Celle-ci, menée par Mahmoud Abbas, successeur de Y. Arafat, mit fin à l’Intifada, alors que les humiliations, les brimades et les «check- points» continuent d’empoisonner quotidiennement la vie du peuple et que des ministres et députés élus croupissent dans les geôles israéliennes.

La dissolution par Mahmoud Abbas du gouvernement démocratiquement élu et la nomination d’un nouveau premier ministre en la personne de Salam Fayyad «apprécié tant des Américains et des Européens que des Israéliens», éloignent un peu plus cette fraction du Fatah du peuple palestinien. Il est trop tôt de conclure que cette fraction, qui pense pouvoir établir un Etat palestinien par des négociations, s’est transformée en vassal d’Israël. Le comportement d’Israël, soutenu par l’Occident, montre que ce pays met à profit les négociations avec les Palestiniens pour développer la colonisation de la Cisjordanie et rendre impossible la construction de l’Etat palestinien.

Les partisans des deux camps s’accusent mutuellement d’illégitimité. Or cette question se pose dans les termes suivants: qui œuvre réellement pour la libération de la Palestine et pour la construction d’un Etat? C’est la ligne de démarcation. L’Histoire des nations nous enseigne que la construction d’un Etat résulte de rapports de force militaire sur le terrain. Partant de ce postulat, Mahmoud Abbas, qui ne cherche plus le rapport de force avec l’occupant israélien, est le grand perdant.

Le score du Hamas aux dernières législatives palestiniennes montre que, exaspéré et aspirant à un Etat, le peuple a porté son espoir sur le Hamas qui a repris, en quelque sorte, l’étendard de la «lutte armée» laissé par le défunt Y. Arafat.

Il est à souligner que l’Islam, idéologie médiévale, est actuellement portée par la résistance anticolonialiste. Les démocrates occidentaux, attachés à la démocratie, aux «Droits de l’Homme» et à la libération de la femme, sont paralysés à l’idée de devoir soutenir un mouvement fondamentaliste comme le Hamas qui combat le colonialisme. La paralysie et la neutralité profitent aux colonialistes qui mettent en avant les «Droits de l’Homme» pour mieux combattre les anticolonialistes. Or le combat pour l’intégrité territoriale, la souveraineté nationale et le droit à la vie pour l’ensemble du peuple palestinien font partie des «Droits de l’Homme» les plus élémentaires, au même titre que les libertés fondamentales.

La division des Palestiniens sur les moyens d’accéder à l’indépendance ravit et, en même temps, inquiète, Israël et ses amis Occidentaux. Les partisans du Hamas sont encore puissants en Cisjordanie et les mesures d’intimidation du Fatah à l’encontre de ces derniers ne peuvent qu’exacerber les tensions entre les deux fractions. Les mesures vexatoires israéliennes pour asphyxier la bande de Gaza, provoqueront la division du Fatah et renforceront la volonté farouche des Palestiniens de lutter pour un Etat palestinien indépendant.

16.6.07

Communiqué 39


Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 17 juin 2007

cpjmo@yahoo.fr

Palestine :

A mi-chemin de la construction d’un Etat

«Ils» voulaient (et veulent encore) remodeler le Moyen-Orient, l’organiser selon leurs intérêts stratégiques, créer une grande région soumise politiquement et économiquement sous la coupe de l’empire américain.

Six ans après l’accession de G.W.Bush à la tête de l’état le plus puissant qu’ait jamais connu l’humanité, les ravages de la politique conquérante de l’administration Bush sont là : après avoir dépensé plus de 500 milliards de dollars et perdu plus de 3500 militaires et assimilés en Irak, ce pays est toujours à feu et à sang. Echec après échec, toutes les politiques déjà testées ailleurs, et qui ont montré leur inefficacité, ont été (et sont) testées en Irak, en Afghanistan et en Palestine, avec les résultats que l’on sait. La dernière en date consiste à créer des auxiliaires locaux de maintien de l’ordre colonialiste ; ils sont composés de sunnites collaborateurs regroupés au sein d’un «conseil de salut d’Al-Anbar», dont une extension politique se nomme «Réveil d’Al-Anbar» qui a installé ses bureaux dans la «zone verte»! L’objectif du «Réveil d’Al-Anbar» est de combattre l’insurrection. La France, le Royaume uni et les Etats-Unis avaient déjà pratiqué cette politique en Algérie, en Malaisie et au…Vietnam.

Comme nous l’avons écrit dans le communiqué 20 du 20 février 2007 : «Les actions «antiterroristes» menées par les Etats-Unis au Moyen-Orient ont produit l’effet contraire : le renforcement des «islamistes» dans les pays arabo-musulmans du Moyen-orient et de l’Asie centrale (…). Du côté de la Palestine, les actions israéliennes s’inspirant de l’unilatéralisme américain (s’appuyer sur la force brute pour imposer sa politique coloniale et néo-coloniale, ne reconnaître aucun interlocuteur), ont produit l’effet contraire à celui recherché par Israël : le renforcement du Hamas».

Dans le communiqué 35, daté du 22 mai : «Moyen-Orient, Palestine : le vent tourne » nous avons écrit : «L’accord de la Mecque du 8 février 2006 entre le Fatah et le Hamas (…) n’a marqué qu’un répit, dans la longue guerre menée par les Etats-Unis pour dominer la région. Sitôt l’accord conclu, les Etats-Unis ont entrepris le renforcement de l’appareil militaire du Fatah (…). Tout porte à croire que les combats entre le Fatah et le Hamas continueront jusqu’à la victoire finale de ce dernier».

Depuis le jeudi 14 juin, la bande de Gaza est entièrement contrôlée par le Hamas. Mahmoud Abbas et son équipe, en voulant donner satisfaction à l’Occident, se sont mis hors jeu des aspirations historiques du peuple palestinien.

Tout porte à croire que Israël et la «communauté internationale» (Etats-Unis et Union européenne), mécontents de la défaite du Fatah, feront payer cher la victoire du Hamas aux habitants de la bande de Gaza.

Comme les Etats-Unis en Irak, Israël est engagé, en Palestine, dans une «guerre irrégulière», également nommée «guerre asymétrique», impliquant d’une part une armée régulière, de l’autre des éléments irréguliers ne représentant pas officiellement un Etat. «Le problème, en guerre irrégulière, n’est pas la victoire militaire pour les insurgés. Il est de rendre la victoire militaire impossible pour l’adversaire et de le lasser (…). Bref, une situation sans issue victorieuse» (Gérard CHALIAND- L’Amérique en guerre- Edition du Rocher).

On peut ne pas être d’accord avec l’idéologie médiévale du Hamas; mais sa victoire se confond avec celle du peuple palestinien qui, depuis 40 ans, est impliqué dans une «guerre asymétrique» contre l’armée israélienne: la première Intifada suivie de la reconnaissance internationale de l’OLP en tant que représentant du peuple palestinien, le retour d’exil de Yasser Arafat, la formation de l’Autorité palestinienne, la deuxième Intifada, le retrait israélien de la bande de Gaza et de quelques localités de Cisjordanie.

Actuellement, la radicalisation gagne les camps palestiniens du Liban et menace de s’étendre en Jordanie, dans les pays arabes du Golfe persique et en Egypte, où la corruption et la fraude électorale placent les fondamentalistes en position de force morale.

La construction d’un Etat palestinien requiert la libération de la bande de Gaza et celle de la Cisjordanie du joug du colonialiste israélien. Malgré le mur, les «check points» à profusion de l’armée israélienne et les colonies illégales, les Palestiniens ont montré qu’ils sont capables de conduire un conflit prolongé et arriveront à s’imposer un jour en Cisjordanie, comme ils l’ont fait dans la bande de Gaza. L’Etat palestinien finira par naître sur les cendres du colonialisme israélien.

3.6.07

Communiqué 37

Paix et Justice au Moyen-Orient
STRASBOURG, le 03 juin 2007

cpjmo@yahoo.fr

Moyen-Orient sous pression,

Liban sous tutelle

La guerre du Liban de juillet-août 2006 n’est pas terminée. Cette guerre, dont l’objectif affiché était de «briser la colonne vertébrale militaire du Hezbollah» afin de «changer la carte politique du Liban» n’a pas atteint ses objectifs.

Plus tard, l’évolution de la situation permit de constater que l’armée israélienne n’était qu’un simple exécutant du projet américain de créer le «nouveau Moyen-Orient». G.W.Bush alla jusqu’à déclarer que le Proche-Orient se trouvait à un «moment charnière de son histoire».

Malgré la destruction d’une grande partie des infrastructures du Liban par l’aviation, la marine et l’artillerie israéliennes, causant la mort de 1183 civils libanais, les appels à la cessation des hostilités étaient rejetés par l’administration Bush qui croyait pouvoir en finir avec la résistance libanaise. Un mois et demi après le déclenchement de la guerre, la crainte de l’enlisement de son armée, fragilisée par la résistance libanaise, poussa Israël ainsi que son parrain américain à accepter l’arrêt des combats.

Le Liban conserva sa souveraineté politique, bien qu’atteint dans son intégrité territoriale. Les fermes du Chebaa restent toujours occupées, les eaux de ses fleuves sont pompées par Israël, ses côtes sont «surveillées» par les marines israélienne et allemande, le Sud Liban est occupé par près de 15000 militaires venus du monde entier et son espace aérien est violé quotidiennement par l’aviation israélienne.

Il est vrai que le conflit au Moyen-Orient et surtout au Liban, jeune et petit pays dépourvu d’une armée digne de ce nom et enclavé entre la Syrie et Israël, prend immédiatement des proportions mondiales. La majorité, composée de riches hommes d’affaire, comme Hariri, liés aux milieux financiers internationaux, s’appuie sur l’Occident qui détient les rênes des finances mondiales ; alors que l’opposition, soucieuse de l’intégrité territoriale et de la souveraineté du Liban, s’appuie sur les forces anti-colonialistes du Moyen-Orient dont l’Iran et la Syrie. Il est d’usage de parler de «majorité pro-occidentale» ou d’«opposition prosyrienne».Sont-elles pour autant, l’une ou l’autre, vassalisées par l’Occident ou par la Syrie et l’Iran? Mise à part une petite frange de chaque camp, il est difficile aujourd’hui, de parler de la soumission desdits courants à l’Occident ou à la Syrie et l’Iran, et ce, malgré les tentatives présentes et à venir des soutiens étrangers de tel ou tel camp (majorité ou opposition) de vassaliser les courants politiques libanais, en commençant par les chef politiques et leur lieutenants.

C’est ce qui se passe actuellement au Liban. Lors de l’agression israélienne du Sud Liban, l’armée libanaise n’a opposé aucune résistance. C’est l’opposition qui s’est battue contre l’armée d’invasion israélienne. De ce fait, la notoriété de l’opposition patriote a augmenté auprès des Libanais. L’opposition réclame plus de pouvoir au sein du gouvernement, ce que la majorité refuse. C’est le blocage des institutions. Profitant de ce blocage, l’Occident, très exactement les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni, s’engouffre dans la brèche pour tenter de mettre la main, une nouvelle fois, sur le Liban. L’adoption par le Conseil de sécurité de l’ONU, mercredi 30 mai, de la constitution du «tribunal Hariri» à caractère international, conduit à mettre le Liban sous tutelle des trois puissances occidentales. L’exemple de la Serbie, démembrée et réduite à sa portion congrue, par un «tribunal» à caractère international, montre l’efficacité d’un tel «tribunal». Le Liban suivra-t-il le même chemin que la Serbie?

Tout porte à croire que la majorité, affaiblie suite à la guerre de juillet-août et portée par l’affairisme, donc désintéressée de la souveraineté judiciaire et politique libanaise, applaudisse des deux mains la constitution du «tribunal Hariri». Elle voit dans ledit «tribunal» un «soutien international» non négligeable dans le bras de fer avec l’opposition. La majorité, consciente des enjeux judicaires et politiques du «tribunal», néfastes pour la souveraineté du Liban, préfère-t-il la soumission à l’Occident plutôt que la confrontation démocratique avec l’opposition?

L’aspect hautement politique du «tribunal» ressort de l’analyse de Robert Malley, Directeur de l’International Crisis Groupe, et de Peter Harling, Consultant à l’International Crisis Groupe : «Vu des Etats-Unis, le Liban est une pièce sur un échiquier à dimension régionale; la partie qui s’y joue vise à affaiblir un axe Hezbollah-Syrie-Iran» (Le Monde du 02 juin 2007). Pour ces analystes : «La France notamment semble aveugle. (…) La France, qui semble foncer tête baissée vers la confrontation».

Actuellement, l’armée libanaise bombarde à l’arme lourde le camp palestinien de Nahr el Bared dont la superficie est de 2 km2. Les groupuscules fondamentalistes Asbat al- Ansar et Jund al-Sham du camp Aïn Héloué attendent, peut-être, leur tour. L’armée israélienne met la bande de Gaza à feu et à sang et des opérations clandestines américaines, contraires aux traités internationaux, se déroulent fréquemment au Sud- Est et à l’Ouest de l’Iran.

Le Moyen-orient est sous pression et les réactions de défense contre l’ingérence des puissances colonialistes occidentales se multiplient. La région, transformée en poudrière, est prête à exploser à tout instant.

Le Moyen-Orient n’est pas les Balkans et vouloir le soumettre (il s’agit bien du Moyen-Orient, en commençant par le Liban) par un «tribunal» à caractère international aux ordres des puissances colonialistes occidentales, par des actes de sabotage dans des pays souverains ou par des assassinats ciblés et des blocages de territoires, c’est faire preuve, une fois de plus, d’une méconnaissance de la région, lourde de conséquences.