29.12.11

Analyse 19 (2011)

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 29 décembre 2011

cpjmo@yahoo.fr


Le détroit d’Ormuz et

le message de l’Iran


Depuis samedi 24 décembre 2011, l’Iran organise des manœuvres maritimes au détroit d’Ormuz, en mer d’Oman et au nord de l’Océan indien. Une superficie couvrant 2000 km2. Cette manœuvre militaire maritime est différente des précédents exercices.

Hormis la rhétorique sur la fermeture du détroit d’Ormuz et la propagande anti iranienne que font circuler les médias occidentaux aux ordres, le message envoyé par l’Iran est clair : l’Iran est Le patron du détroit. Une nouvelle puissance régionale qui doit être prise au sérieux.

Les Etats-Unis possèdent l’armée la plus puissante du monde. Mais, dans les circonstances actuelles, ils manquent de volonté politique pour mener une nouvelle guerre d’envergure, à fortiori, contre l’Iran. Le manque de volonté politique des Etats-Unis a créé un vide dans la région. Une brèche dans laquelle s’enfonce l’Iran.

Toutes les études montrent l’étendue de la crise que traversent les Etats-Unis. Parlant de l’impact durable de la guerre d’Irak, lancée en 2003, sur la politique étrangère américaine, Stephen Walt, professeur à l’université Harvard écrit : «nous n’allons plus nous lancer dans des occupations prolongées ni tenter de remodeler la politique intérieure d’un pays.»(1) Selon Howard LaFranchi, journaliste au «The Christian Monitor», «pour la plupart des experts en politique étrangère, les coûts financier et humain de la guerre sont la principale raison pour laquelle les Etats-Unis ne lanceront pas d’invasion similaire dans un avenir proche.»(1)

Pour James Linsay, directeur d’études au Conseil des relations extérieurs, un autre think tank de Washington, «en faisant peser un lourd fardeau sur nos finances, la guerre d’Irak a contribué à créer la situation financière périlleuse dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui.»(1)

Conséquences : les Etats-Unis sont contraints de mener des interventions militaires «transhorizon» ou à distance : l’usage de drones ou de missiles lancés à partir de bâtiments de combat. Là encore, la capture, par l’Iran, d’un drone sophistiqué américain RQ-170 Sentinel, laisse supposer que «l’Iran pourrait disposer de technologies d’interception insoupçonnées.»(2)

La propagande occidentale essaie de minimiser sciemment la technologie militaire iranienne. Certes, l’Iran ne peut pas encore rivaliser avec la technologie militaire occidentale. Mais, les faits montrent que depuis la victoire de la révolution islamique en 1979, l’Iran a beaucoup investi dans son industrie militaire et a pu rattraper des décennies de retard technologique.

Selon d’autres experts américains, le véritable test de l’impact de la guerre d’Irak sur la politique extérieure américaine se fera avec l’Iran, et peut-être plus tôt qu’on ne le pense(1). Nous y voilà. L’Iran défie les Etats-Unis dans le détroit d’Ormuz. Son message est clair : vous me cherchez, j’y suis !

Comment vont réagir les Etats-Unis face à ce nouveau «coup» de l’Iran sur l’échiquier moyen-oriental? Il faut rappeler que, par leurs embargos et complots à répétition contre l’Iran, les puissances occidentales ont provoqué l’Iran et accéléré sa réaction offensive.

Pour l’Occident en général et les Etats-Unis en particulier, actuellement il est très difficile d’intervenir militairement contre l’Iran. Les «experts» occidentaux sont unanimes : le déclenchement d’une guerre contre l’Iran conduirait à une grande guerre régionale, ayant des effets catastrophiques sur l’économie mondiale.

Comme nous l’avons écrit plus haut, l’Iran-pourtant parcouru par des crises économiques et sociales et à la veille d’élections boycottées par l’opposition- n’a pas une armée aussi puissante que celle des Etats-Unis. Mais, le régime iranien connait parfaitement les faiblesses et les contraintes financières, politiques et diplomatiques de l’Amérique et en profite pour imposer son jeu, voire son hégémonie au même titre que les Etats-Unis, sur le détroit et en mer d’Oman.

Sur l’échiquier moyen-oriental, l’Iran avance lentement, mais sûrement, ses pions dans la région contre ceux des Etats-Unis et l’on ne sait pas quelle autre alternative qu’une guerre-dans un futur proche ?- en bonne et due forme pourrait l’empêcher de combler le vide laissé par les Etats-Unis au Moyen-Orient. A moins que les Etats-Unis finissent par accepter le nouveau rapport de force qui s’établit actuellement au Proche et au Moyen-Orient et négocient avec l’Iran.

(1) Courrier international- N° 1103-1104 du 22 décembre 2011 au 4 janvier 2012.

(2) Christophe Ayad- Le Monde du 11-12 décembre 2011.

6.12.11

Analyse 18 (2011)

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 06 décembre 2011

cpjmo@yahoo.fr


Que se cache-t-il derrière l’attaque de

l’ambassade britannique à Téhéran ?


Les critiques fusent de partout contre le saccage le 29 novembre 2011 de l’ambassade britannique à Téhéran. Il n’y a aucun doute sur la nature inadmissible d’une telle opération qui rappelle l’attaque perpétrée, sous Khomeiny, de l’ambassade américaine à Téhéran.

Personne n’a relevé la ressemblance entre ces deux actes qui foulent aux pieds une convention internationale largement approuvée par tous les pays sur l’immunité de la représentation diplomatique d’un Etat en terre étrangère.

Concernant l’ambassade américaine, il faut se rappeler que les Iraniens venaient de renverser le pouvoir pro-américain des Pahlavi et un mur de haine séparait les Iraniens des Etats-Unis considérés à juste titre comme soutien inconditionnel du régime dictatorial et tortionnaire du Chah d’Iran. Mais, Mehdi Bazargan, représentant pro-occidental de l’aile démocrate-religieuse de la bourgeoisie iranienne, devenu premier ministre de Khomeiny, avait hâte de tourner la page sans régler les contentieux qui opposaient l’Iran à l’Occident, en particulier les Etats-Unis.

L’occupation de l’ambassade américaine, organisée par la fraction radicale du clergé chiite, avait pour objectif d’évincer l’aile laïque du pouvoir, de reprendre le contrôle de l’Etat et de couper court aux pourparlers qui se déroulaient en Algérie entre le gouvernement de Bazargan et les Etats-Unis.

Depuis, la fraction fondamentaliste du clergé chiite qui s’est mobilisée sous la houlette de Khamenei, a mis la main sur tous les rouages de l’Etat iranien et une grande partie de la richesse nationale, en écartant méthodiquement les autres fractions du clergé et les laïcs du pouvoir. Une fraction importante des gardiens de la révolution, mobilisée autour de l’organisation militaro-industrialo-sécuritaire de «Khatam-ol anbia», fait partie du cercle restreint du sommet de l’Etat.

Mais l’unité de façade ne doit pas cacher la lutte de clan qui fait rage au sein des fondamentalistes au pouvoir et divisés en clans.

Il faut rappeler que depuis la victoire de la révolution de 1979, l’établissement de relations diplomatiques et économiques normales avec l’Occident est une constante de la bourgeoisie iranienne.

Un clan au pouvoir a-t-il tenté une nouvelle fois de se rapprocher de l’Occident ? Les embargos pèsent lourdement sur l’organisation industrielle et technologique de l’Iran. Les industriels ne cachent plus leur amertume. Même le complexe militaro-industriel souffre des embargos. L’approvisionnement en capitaux et en pièces détachées devient de plus en plus problématique et coûteux.

Concrètement, quel clan de l’Etat se cache-t-il derrière le rapprochement avec l’Occident ? S’agit-t-il d’un clan suffisamment puissant pour ne pas être la cible des radicaux qui n’osent pas l’attaquer de front ?

Malgré la fermeture de l’ambassade britannique à Téhéran, Londres n’est pas allé jusqu’à couper ses relations diplomatiques avec l’Iran, conscient comme l’écrit le Times, «que l’Iran est un pays difficile mais qui reste extrêmement important» (Marc Roche- Le Monde du 03/12/2011).

Ces propos prouvent que le rapprochement de l’Iran avec l’Occident est crucial pour les deux camps. Si un tel rapprochement a lieu, la physionomie du Moyen-Orient serait radicalement modifiée.

30.11.11

Analyse 17 (2011)

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 30 novembre 2011


cpjmo@yahoo.fr


L’Occident prépare le Moyen-Orient à de nouvelles guerres


En observant l’agitation que l’Occident fait régner autour du nucléaire iranien, de la Syrie et de la Chine, on a l’impression que certaines pages de l’Histoire se répètent. En effet, la visite de Barack Obama en Australie et l’envoi de navires de guerre supplémentaires dans l’Océan Pacifique fait monter la tension dans cette partie du globe. La propagande occidentale agite le chiffon rouge du «péril jaune» à la sauce chinoise. Tout porte à croire que le mouvement de navires de guerre soit en rapport avec le Moyen-Orient.

En effet, la création du «Grand Moyen-Orient», héritée de l’époque de Georges Bush, est à l’ordre du jour de l’administration Obama qui trouve l’occasion favorable pour la réalisation du rêve bushien. Le gouvernement syrien est en difficulté et constitue le maillon faible de la chaîne qui relie la Syrie au Hezbollah, à la Palestine et à l’Iran. Si la Syrie tombe dans l’escarcelle de l’Occident, le sort du Hezbollah et de l’Iran sera scellé un peu plus tard et la boucle du «Grand Moyen-Orient» achevée.

Pour attaquer la Syrie, il fallait neutraliser l’Iran en soulevant un vent de panique autour du nucléaire iranien, comme si l’Iran était sur le point de fabriquer une ou plusieurs bombes. Ce fut fait avec des mensonges répandus par l’Agence de l’énergie atomique (AIEA). Des mensonges ? Oui, car toutes les installations iraniennes sont sous surveillance des caméras de l’Agence et «le programme clandestin d’acquisition de la bombe a bien été interrompu fin 2003 sur ordre venu du sommet de l’Etat. C’est ce que répètent depuis plusieurs années, contre vents et marées, les directeurs successifs de la communauté américaine du renseignement (…) Ce sont ces travaux d’ingénierie qui ont subi un coup d’arrêt, ou du moins un sérieux ralentissement, fin 2003. Un premier constat à tirer de ce tableau, mais on le savait déjà, est que la bombe iranienne n’est pas pour demain» (Souligné par nous. François Nicoullaud- Analyste, ancien ambassadeur de France en Iran- Le Monde du 16/11/2011).

Prétextant un rapport mensonger de l’AIEA, les embargos contre l’Iran s’étendent et se durcissent. «Or les blocus, en droit international, sont déjà des actes de guerre» (François Nicoullaud- Le Monde du 16/11/2011). L’Occident souffle sur le feu de la guerre contre l’Iran.

Pendant ce temps là : «Israël possède entre 75 et 200 têtes nucléaires, selon l’organisation américaine Arms Control Association (…) Tout le programme nucléaire israélien est couvert par une loi du silence respectée par le monde politique et par la presse (…) au détriment de la transparence démocratique (…) Où sont retraités les déchets radioactifs du réacteur de Dimona? Quelles précautions sont en place face aux risques environnementaux, sachant que ce site du Néguev est proche de la faille sismique syro-africaine? Mystère…» (Laurent Zecchini- Le Monde du 17/11/2011).

En transformant l’Iran en épouvantail, les Etats-Unis vendent encore plus d’armes sophistiquées aux petits pays du Golfe Persique qui ne sauraient même pas s’en servir. Des ventes qui devraient compenser les restrictions budgétaires imposées à l’ramée américaine qui ne peut plus dépenser comme avant pour enrichir le complexe militaro-industrielle.

Dans le cadre du resserrement de l’étau autour de la Syrie, la Chine constitue un autre volet de l’offensive occidentale. A l’époque des rivalités russo-britanniques sur l’Asie centrale, les amis européens des Britanniques amassaient des troupes à la frontière polonaise pour immobiliser une partie des troupes russes en Europe orientale et détourner l’attention des Russes de l’Asie centrale. Sommes-nous face à cette manœuvre lorsque les Etats-Unis expédient leurs navires de guerre dans l’Océan Pacifique dans le but d’immobiliser une partie de l’armée chinoise en mer de Chine et détourner son attention du Moyen-Orient? La question mérite d’être posée.

De son côté, la France propose de créer des «corridors humanitaires (…) des zones qui pourraient être sécurisées, [dans le but de] protéger des populations» en Syrie a déclaré Alain Juppé (Natalie Nougayrède- Le Monde du 25/11/2011). Exactement la même chanson que celle entonnée lors de l’intervention occidentale en Libye, en Irak et en Afghanistan. Natalie Nougayrède ajoute, à juste titre, «mais, l’évocation de couloirs «sécurisés» implique bel et bien l’idée d’une présence militaire étrangère en Syrie».

Pour préparer le terrain à une intervention militaire, la France reconnait le «Conseil national syrien» (CNS) qu’on souhaite nous présenter comme la seule force d’opposition syrienne. Or, le CNS est une association d’opposants, représenté par un universitaire vivant en France. Une marionnette en quelque sorte. L’opposition syrienne est très divisée. Il y a également le «Comité national de coordination pour le changement démocratique» qui est basé en Syrie et «continue de vouloir dialoguer avec le pouvoir et rejette toute ingérence étrangère» (Christophe Ayad- Le Monde du 13-14/11/2011).

Pour Patrick Seal- journaliste britannique- «la région souffre d’un échec de la politique américaine, sur le dossier israélo-palestinien comme sur le dossier iranien. Au lieu de faire la paix, les Etats-Unis ont préparé la région à de nouvelles guerres (…) Israël, veut briser l’axe Téhéran-Damas-Hezbollah, qui a été pendant des années le principal obstacle à l’hégémonie israélo-américaine sur la région.» (Le Monde du 23/11/2011).

Force est de constater que l’aventure syrienne est plus périlleuse que l’aventure libyenne. Les syriens (simples citoyens ou bourgeoisie des grandes villes) n’ont pas suffisamment confiance dans l’opposition et ne souhaitent pas revivre le désastre de la campagne militaire occidentale en Irak qui a causé des dizaines de milliers de morts et obligé des millions d’Irakiens à s’expatrier.

L’Occident, malgré sa faillite économique, n’en a cure et prépare la guerre. Osera-t-il franchir le pas? L’exemple des guerres coloniales françaises et britanniques incessantes des siècles derniers est là pour nous rappeler qu’il faut en passer par là pour que l’Occident se transforme définitivement en nain politique.

21.11.11

Analyse 16 (2011)

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 21 novembre 2011

cpjmo@yahoo.fr

Où s’arrête la frontière politique d’un Empire?


· La Syrie connaitra-t-elle le sort de la Libye?

· Pourquoi les Etats-Unis se retirent-ils d’Irak et maintiennent-ils des bases militaires en Afghanistan ?

Au XIXe siècle, pour protéger le sous continent indien des convoitises de l’Empire russe, la «stratégie anglaise considérait l’Hindou-Kouch comme le rempart de l’Empire des Indes face à l’expansionnisme russe». En effet, «l’Hindou-Kouch est l’unique barrière montagneuse séparant l’Asie du Sud, l’Inde et le golfe Persique des steppes du Nord qui se poursuivent de la frontière afghane jusqu’aux plages arctiques de la Sibérie sans interruption(1)

Dans l’affrontement entre empires britannique et russe, l’Afghanistan s’est transformé en pays tampon, séparant les armées russe et anglaise qui s’affrontaient pour la domination de l’Asie centrale.

Depuis deux siècles, l’Asie centrale garde son intérêt pour un Occident mené par les Etats-Unis qui voient maintenant en l’Afghanistan «le rempart de l’Empire» planétaire américain face aux adversaires et puissances anciennes ou émergeantes russe, chinoise et iranienne.

L’affaiblissement (relatif) des Etats-Unis et la montée en puissance (relative) de l’Iran entraînent une période de flottement et pourraient modifier la forme et l’étendue des frontières politiques entre l’empire Américain et ses adversaires orientaux puisque les empires n’ont pas de frontières naturelles, mais des frontières politiques dont la forme dépend des modifications des rapports de force. Actuellement, les empires américain, russe, chinois et iranien sont «voisins» et s’observent en chiens de faïence.

Force est de constater que, face à l’empire américain, les empires orientaux se battent sur deux fronts : front extérieur qui se résume à desserrer l’étau d’encerclement américano-occidental qui se tisse autour desdits empires, à empêcher le grignotage de leur «espace vital» et à conserver leur souveraineté politique et territoriale, front intérieur- politique, social et économique- une variable très importante dont se sert l’Occident pour affaiblir ses adversaires.

La frontière politique de l’empire américain au Moyen-Orient englobe tous les pays sauf l’Iran, la Syrie et le Liban. D’autant plus que les réserves de pétrole et de gaz de toute la région, sauf celles de l’Iran et de la Syrie, sont sous contrôle américain.

Pour la Russie et la Chine, l’accès aux réserves de pétrole et de gaz iranien brise le monopole américain sur l’énergie du Moyen-Orient et permet auxdits pays de disposer d’une marge de manœuvre qu’ils n’auraient pas si les Etats-Unis mettaient la main sur l’Iran. Vu sous cet angle, la Syrie est le verrou de l’Iran. En effet, la chute du régime syrien faciliterait l’écrasement du Hezbollah et la disparition de son arsenal- une assurance vie pour l’Iran et une vraie menace pour Israël- la reconquête entière du Liban et la fin du rêve de l’Etat palestinien(2), ce qui pourrait conduire à la création du «Grand Israël». L’Iran, sans alliés syrien et libanais, qui tiennent Israël en respect, ne survivrait pas à la chute du régime syrien et à l’effacement du Hezbollah libanais.

Après la mainmise totale des Etats-Unis sur la Syrie et l’Iran, la Chine deviendrait plus docile, car elle perdrait un moyen de pression sur les Etats-Unis, désormais patrons incontestés de toutes les réserves énergétiques du Moyen-Orient, occupant, de surcroît, l’espace situé à l’Ouest de la Chine qui s’étend des frontières afghanes jusqu’à la Méditerranée.

Sans allié au Moyen-Orient et en Europe Orientale, comme après la révolution de 1917, l’encerclement de la Russie serait complet. L’Occident pourrait même se passer du gaz russe et accroître ainsi sa pression sur la Russie.

Pour l’Iran, la Russie et la Chine, la Syrie est une ligne rouge et la Syrie ne prendra pas le même chemin que la Libye. Mais, comme nous l’avons écrit, le front intérieur est une autre variable dont l’Occident se sert depuis la Présidence de Jimmy Carter. «Venir en aide aux populations en détresse», combat pour les «droits de l’homme» sont écrits, en effet, sur le front du casque colonial.

Economiquement, socialement et politiquement arriérés, les régimes syrien et iranien répriment violemment l’opposition qui aspire à la liberté. C’est le talon d’Achille de ces régimes qu’exploitent sans modération les Américains et leurs alliés Occidentaux.

Mais, l’Occident a ses points faibles. La haine de l’Occident colonialiste et la préservation de la souveraineté nationale poussent l’opposition iranienne et syrienne à modérer ses ambitions. Par ailleurs, l’Occident fait face à des problèmes financiers pour alimenter ses guerres épuisantes.

A cause de leurs problèmes de trésorerie, les Etats-Unis ont été amenés à choisir entre l’Irak et l’Afghanistan. L’administration américaine a tranché. C’est en Afghanistan que les Américains disposeront de bases militaires. L’Irak représente moins d’intérêt stratégique que l’Afghanistan, frontalier de trois puissances : l’Iran, la Russie et la Chine. L’espace situé à l’Ouest de l’Iran sera désormais contrôlé par l’armée israélienne et l’armada américaine présente au Kuwait et dans le golfe Persique.

Reste les ambitions régionales de l’Iran, qui dispose d’un réseau d’influence en Irak. L’Iran arrivera-t-il un jour à remplacer les Etats-Unis en Irak et à mettre la main sur ses richesses pétrolières et gazières? La question mérite d’être posée même si l’aboutissement des efforts de l’Iran prendra beaucoup de temps. Et si l’Iran y parvenait? Ce serait la clé d’émancipation de l’Iran. En effet, pour exploiter le pétrole irakien, il faudrait se rendre à Téhéran. C’est un scénario cauchemardesque pour l’Occident. D’où, des pressions de plus en plus fortes exercées sur l’Iran pour réduire ses ambitions. Le voyage de Massoud Barzani, le chef du gouvernement autonome kurde irakien à Téhéran, a constitué un signal d’alarme.

Le jeu d’échec compliqué en Orient façonne notre vie en Occident.

(1) Le Royaume de l’insolence- Michael Barry- Flammarion.

(2) Le vote français à l’UNESCO en faveur de la Palestine montre que la France ne croit, ni à la chute du régime syrien, ni à la fin du rêve de l’Etat palestinien.

7.11.11

Analyse 15 (2011)

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 7 novembre 2011

cpjmo@yahoo.fr


Moyen-Orient à la croisée des chemins

Soutenu par les Etats-Unis, Israël fait entendre les tambours de la guerre au Moyen-Orient et parle du «Droit international». En effet, l’«Agence internationale de l’énergie atomique» (AIEA), prétend que le programme atomique de l’Iran renferme un volet militaire, contraire aux engagements pris par l’Iran. Des «preuves», comme celles apportées par l’administration Bush pour justifier son agression contre l’Irak de Saddam Hussein, ne manquent pas. Ainsi, les Etats-Unis et Israël se font passer pour des Etats «respectueux» et «garants» du Droit international.

De l’Iran, d’Israël et des Etats-Unis, lequel est le vrai «hors la loi»? Un retour sur l’histoire de la diplomatie moderne montre que «le rôle de l’ONU est de faire respecter le «droit international» lorsque celui-ci va dans le sens des intérêts américains» (François Lazar-Mouvement de la Paix). Le récent vote à l’UNESCO autorisant la Palestine à siéger au sein de l’institution comme membre à part entière a été rejeté par les Etats-Unis et Israël qui ont suspendu leur cotisation. N’est-ce pas un refus du Droit international? La résolution 181, prévoyant explicitement l’établissement d’un Etat palestinien sur 46% de la Palestine historique n’est toujours pas appliquée par Israël. La résolution 465, adoptée en 1980 demande à Israël de «démanteler les colonies existantes» dans les territoires occupés en 1967, tout en précisant que toutes les mesures prises par Israël pour «changer le caractère physique, la composition, la structure institutionnelle ou le statut des territoires palestiniens et autres territoires arabes occupés depuis 1967, Jérusalem y compris, n’ont pas de base légale» et constituent des violations flagrantes du droit international. Tout le monde sait ce qui est advenu de ladite résolution : avec l’approbation des Etats-Unis, Israël développe encore davantage ses colonies dans les territoires occupés.

Samedi 8 octobre, le New York Times a révélé que, bafouant le droit international, «Obama a autorisé l’assassinat d’Anouar-Aulaqi un citoyen américain, imam radical yéménite, le 30 septembre, par un tir d’un drone de la CIA» (Le Monde du 14/10/2011).

Des «assassinats ciblés» sont couramment pratiqués par différentes administrations américaines –en particulier sous Georges Bush- et par Israël. Barack Obama qui avait promis d’être exemplaire en matière de droits de l’homme n’a pas tenu parole et, par drones interposés, pratique de tels assassinats au Yémen et au Pakistan dont la souveraineté est bafouée. Encore un cas de non respect du droit international. «Actionnés par la CIA, des drones Predator y [au Pakistan] lâchent leurs missiles sur des repaires identifiés comme «ennemis», tuant les «terroristes» mais aussi des civils (…) Ces frappes, qui causent aussi des victimes civiles (en nombre indéterminé), attisent l’antiaméricanisme au Pakistan, où les éléments les plus nationalistes dénoncent la «violation de la souveraineté nationale»» (Frédéric Bobin- Le Monde du 27/01/2011).

Selon une étude américaine publiée par l’université Brown, depuis le 11 septembre 2001, les conflits américains dans le monde ont causé 225000 morts et 365000 blessés (Le Monde du 3-4/7/2011). Pour chaque crime commis dans un pays tiers (en Libye de Kadhafi ou en Irak de Saddam Hussein) la «communauté internationale» brandissait la menace de la «Cour pénale internationale» (CPI). Arrivera-t-on un jour à traduire les Etats-Unis devant la CPI pour tant de crimes commis depuis le 11 septembre ?

Philippe BERNARD, journaliste du quotidien Le Monde (14/10/2011) rapporte les critiques de Human Rights Watch (HRW) qui fustige «le refus» de M. Obama de rendre publiques les bases légales de l’opération menée au Yémen. Ce raid, souligne l’organisation, constitue un précédent dangereux, utilisable par des régimes autoritaires : «la Chine pourrait-elle en toute légalité ordonner une frappe mortelle contre un militant ouïgour vivant à New York ?»

Force est de constater que les Américano-israéliens usent et abusent amplement de l’arme de mensonge pour détourner l’opinion mondiale de leurs propres échecs. Le dernier mensonge en date est l’histoire abracadabrante du soi-disant «attentat» contre Adel Al-Jubeir ambassadeur saoudien aux Etats-Unis. Selon Corine Lesnes, journaliste au quotidien Le Monde (15/10/2011) «le scepticisme n’était pas entièrement dissipé à Washington sur la «bizarrerie» du scénario. D’autant plus que la personnalité du suspect principal, un vendeur de voitures d’occasion du Texas, tranche avec le professionnalisme généralement prêté aux commandos iraniens.»

Comment interpréter la forte montée des tensions au Moyen-Orient ? Deux éléments devraient être pris en considération : le retrait des Etats-Unis d’Irak, puis d’Afghanistan et la naissance du «printemps arabe».

Les Américains ne se retirent pas en position de force. En effet, les Etats-Unis, endettés et affaiblis, ne sont plus en mesure de mener des guerres sur plusieurs fronts ou de réaliser des dépenses militaires colossales comme à l’époque de Georges Bush. Le budget de la défense devrait baisser de 450 milliards de dollars sur dix ans. «3700 milliards de dollars, soit le quart de la dette américaine : c’est le coût des conflits dans lesquels les Etats-Unis se sont engagés depuis le 11 septembre 2001.» (Etude américaine publiée par l’université Brown- Le Monde du 3-4/07/2011). «Pour la seule année 2012, le prix de l’intervention américaine en Afghanistan atteindra 120 milliards de dollars » (Le Monde du 01/07/2011).

«Le printemps arabe» est une des conséquences de l’affaiblissement des positions américaines au Moyen-Orient. C’est le printemps des mouvements de libération nationale à caractère islamique que la propagande occidentale qualifie de salafiste ou d’«islamiste», donc répréhensible. Cette idéologie est aujourd’hui la seule en mesure de mobiliser la masse des croyants anticolonialistes contre la domination occidentale qui a trop duré.

On peut ne pas être d’accord avec l’idéologie rétrograde et moyenâgeuse prônée par les mouvements de libération au Moyen-Orient. Mais, ces mouvements ont un caractère anticolonialiste et devront être soutenus par les peuples d’Occident.

Malheureusement, tel n’est pas le cas. Les intellectuels des pays occidentaux sont paralysés par la propagande de leurs gouvernements qui mettent l’accent sur les «droits de l’homme» pour mieux combattre l’inspiration des peuples à la souveraineté. Tel fut le cas de la Libye qui, après 42 années de souveraineté nationale, repasse sous la coupe de l’Occident.

«Le printemps des mouvements de libération nationale» révèle une modification des rapports de force au Moyen-Orient qui profite amplement aux peuples et nations de la région et à l’Iran qui, malgré ses multiples problèmes économiques et sociaux, y voit un renforcement de ses positions dans la région.

Soit les Etats-Unis acceptent le changement en cours et négocieront surtout avec l’Iran avant de se replier. Ou bien ils pratiqueront la politique de la terre brulée. Dans ce cas, un affrontement militaire avec l’Iran- qui peut prendre différentes formes- n’est plus à exclure. Wait and see.

21.10.11

Analyse 14 (2011)

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 21 octobre 2011


cpjmo@yahoo.fr


Victoire «Total» en Libye

Les puissances colonialistes regroupées au sein de l’OTAN voudraient nous faire croire qu’avec l’assassinat de Kadhafi la guerre en Libye est terminée.

Retour rapide sur l’histoire : «En 1939 les Italiens intègrent la Libye au territoire national. Après la campagne de Libye (1940-1943), la France et l’Angleterre administrent le pays.

Par le traité de paix de Paris du 10 février 1947, l’Italie renonce à ses droits, puis l’O.N.U. décide, en 1949, d’accorder l’indépendance à la Libye, au plus tard en 1952. La Libye est déclarée indépendante le 24 décembre 1951. L’Angleterre reçoit en location [une forme déguisée de colonialisme-NDLR] plusieurs bases stratégiques et le droit de maintenir des troupes dans le pays (1953). Les Etats-Unis édifient près de Tripoli la base de Wheelus Field, l’une des pièces maitresse de la stratégie américaine en Méditerranée et au Moyen-Orient.

Le premier septembre 1969, l’armée renverse la monarchie et le Conseil de la révolution, présidé par le colonel Kadhafi, proclame la république.

Pour assurer l’indépendance du pays, le gouvernement obtient (décembre 1969) l’évacuation des bases militaires britanniques et américaines. La British Petroleum est nationalisée en décembre.»

Nous voyons bien qu’avec la soi-disant «révolution libyenne» téléguidée par Nicolas Sarkozy et son ami Bernard Henry Lévy-ennemi juré de la souveraineté palestinienne- les anciennes puissances coloniales française, britannique et américaine font un retour remarqué en Libye. Elles vont récupérer leurs anciens privilèges, leur influence politique, leur position géostratégique et autres bases militaires.

Selon le quotidien Le Monde du 28 septembre : «Total est la première compagnie étrangère à reprendre la production de pétrole. Le groupe pétrolier français gagne ainsi la course-toute symbolique-lancée contre son concurrent italien ENI.» Par ailleurs, «un marché de la reconstruction estimé par le patronat français à 200 milliards de dollars (148 milliards d’euros) attend Bouygues et autres entrepreneurs français.

Derrière la victoire «Total» se dessine, en filigrane, la rage concurrentielle qui anime Français et Britanniques pour évincer les Italiens du marché libyen, longtemps la chasse gardée de Rome.

Il n’y a aucun doute que le peuple libyen se réorganisera et se battra, nous l’espérons, pour retrouver sa souveraineté.

La guerre pour la souveraineté de la Libye ne fait que continuer. Au cours de son histoire moderne, ce pays n’a connu que 42 ans de souveraineté sous le règne dictatorial de Kadhafi.

Les libyens forment un peuple instruit et n’accepteront jamais la transformation de leur pays en colonie occidentale.

16.10.11

Analyse 13 (2011)

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 16 octobre 2011


cpjmo@yahoo.fr

Jeux d’échec au Moyen-Orient

Drôle de jeux. D’un côté les Etats-Unis, une puissance en déclin, croulant sous le poids des dettes, mais décidés, vaille que vaille, à conserver sa position dominante au Moyen-Orient et en Asie centrale, en maintenant ses bases militaires pléthoriques, véritable gouffre financier.

De l’autre côté, les puissances orientales, la Russie, la Chine et l’Iran, maillon faible desdites puissances, qui occupe pourtant une position, Ô combien stratégique, au Proche et au Moyen-Orient. Les réseaux de l’Iran en Afghanistan, en Irak, dans le Golfe persique, au Liban ou en Asie centrale font saliver plus d’un.

L’étrangeté de ce jeu d’échec découle des faiblesses d’une puissance mondiale dominatrice militairement et financièrement et qui serre chaque jour davantage l’étau autour de l’Iran, en empêchant ses avions de voler, en bloquant ses avoirs dans les banques, en diffusant des mensonges sur l’implication de l’Iran dans la soi-disant tentative d’assassinat de l’ambassadeur saoudien aux Etats-Unis. Dans ces conditions, l’Iran refuse de serrer la «main tendue» des Américains. Le jeu est étrange car le puissant paraît faible et désemparé et le faible se sent en position de force.

En effet, les Etats-Unis se trouvent face au même phénomène qu’ont connu les anciennes puissances coloniales britannique et française : un engagement militaire incessant aux quatre coins du monde conduisant à l’épuisement des forces vives de la nation, à l’enrichissement de l’industrie militaro-industrielle et des sociétés militaires privées affidées, provoquant des crises économiques à répétition et conduisant à l’appauvrissement de la société et à l’affaiblissement de la puissance coloniale.

Malgré son régime archaïque et son industrie militaire incapable de rivaliser avec celle des puissances occidentales, le régime des mollahs pourtant miné par une crise sociale et économique, mène une politique étrangère offensive dans la région. Lors du prochain retrait américain d’Irak et d’Afghanistan, les Etats-Unis ont besoin de sa «bienveillance». De plus, le chevauchement des intérêts antagonistes Washington-Téhéran au Moyen-Orient conduit les Etats-Unis à trouver un terrain d’entente avec l’Iran dont la puissance, même relative, le rend indispensable à une Pax americana au Proche et au Moyen-Orient. Certes, un Iran docile ou très affaibli serait vivement souhaité. D’où l’exercice de pressions croissantes sur l’Iran, en dehors des résolutions de l’ONU, pourtant aux ordres de l’Occident.

La propagande officielle veut donner l’impression que les Etats-Unis souhaitent en finir avec le régime iranien. Ce n’est qu’une impression. Les faits contredisent la propagande officielle. Même en Libye, l’OTAN patauge et applique la méthode Coué : «on a gagné».

La pression croissante exercée sur l’Iran poursuit un seul objectif : négocier avec l’Iran en position de force. Pour l’instant, l’Iran refuse de négocier dans ces conditions et l’avenir nous dira ce qu’adviendra de ce bras de fer qui fait monter la fièvre au Moyen-Orient.

Tout porte à croire que l’Iran ne cèdera pas aux pressions et chantages américains. Le jeu d’échec au Moyen-Orient continue depuis deux siècles. Attendons le prochain «coup» de l’Iran. Le gagnant de ce bras de fer marquera de son sceau l’avenir du Moyen-Orient.

30.9.11

Analyse 12 (2011)

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 30 septembre 2011

cpjmo@yahoo.fr

La revanche du colonialisme

Le Proche, le Moyen-Orient et l’Asie centrale ont connu une longue période de colonialisme.

De 1858 à 1947, l’Inde a vécu 89 ans sous la coupe de l’Angleterre.

Ce qu’on appelle l’Inde quand on traite de la colonisation, c’est en réalité l’Asie du Sud, immense espace, rarement unifié dans l’histoire, qui s’étend de l’Himalaya au cap Comorin et du Béloutchistan à la Birmanie.

La conquête de cette région du monde par la Grande Bretagne à partir de 1757 est un processus décousu qui s’est étalé sur plus d’un siècle. Elle a donné naissance à ce qui fut à l’époque la plus vaste entité coloniale de la planète. Avec la seule occupation du sous-continent indien, les Anglais disposaient d’un ensemble plus étendu et plus peuplé que l’Empire romain à son apogée.

L’empire des Indes, un conglomérat de territoires de statuts divers et véritable mosaïque culturelle, a accédé à l’indépendance en 1947. Quatre des Etats du monde contemporain, l’Inde, le Pakistan, le Bangladesh et la Birmanie en sont issus.

A son tour, de 1865 à 1868, l’Empire russe occupe l’Asie centrale jusqu’à la frontière afghane. C’est une vaste région correspondant à plus de 4 millions de km2 qui a accédé à l’indépendance en 1991 à la suite de l’effondrement de l’URSS et d’où sont issus cinq des Etats du monde contemporain, le Kazakhstan, l’Ouzbékistan, le Turkménistan, le Kirghizistan et le Tadjikistan.

Les Ottomans ont occupé, à leur tour, durant des siècles, une vaste zone du Proche et du Moyen-Orient. Défaits pendant la première guerre mondiale, les Ottomans signent l’armistice de Moudors le 30 octobre 1918, conduisant au morcellement de l’Empire, désormais occupé par les Britanniques et les Français.

Une vaste région, allant du Sud de la Turquie actuelle jusqu’au Sud de l’Arabie saoudite, le sud du Golf persique, le Yémen, la Palestine, l’Egypte, tombe dans l’escarcelle des nouveaux colonialistes britanniques et français.

Avant de quitter la région, les Britanniques et Français ont placé des régimes fantoches et dictatoriaux à la tête des Etats qu’ils avaient artificiellement créés.

Il faut noter que la bipolarisation américano-soviétique a été bénéfique à plusieurs pays du Proche et Moyen-Orient, soucieux de leur souveraineté. Au cours du vingtième siècle, profitant des rivalités et de l’équilibre des forces militaires entre les deux superpuissances, ces pays ont réussi à s’émanciper de la domination colonialiste (directe ou indirecte) des anglo-américains. Copiant le modèle soviétique, ces pays-généralement après quelques coups d’Etat- installèrent un parti unique dirigé par un chef nationaliste et charismatique. Au départ, celui-ci tient un langage révolutionnaire et anticolonialiste, qui lui vaut une véritable assise populaire. Par la suite, la corruption et l’incompétence prennent le pas sur la nécessité de réformer en profondeur.

La désaffection populaire rend alors nécessaire la mise en place d’un important et redoutable service de renseignements, afin de «combattre l’ingérence extérieure» et de «neutraliser l’ennemi intérieur» personnalisé par le peuple contestataire, déçu de la gestion économique, sociale et politique du pays.

Les oreilles et les yeux du régime sont présents à tous les niveaux de la société. Le parti unique devient une secte mafieuse au service d’un gourou dictatorial et de sa famille. Le régime nationaliste finit par perdre sa légitimité et se transforme en une monarchie absolutiste à la syrienne.

Rien qu’en Egypte, 1,5 millions d’Egyptiens étaient rattachés au ministère de l’intérieur.

Par leur brutalité, les dictatures irakienne, égyptienne, syrienne ou libyenne ont préparé le terrain de leur propre échec face aux manœuvres du colonialisme occidental qui n’a jamais accepté la perte de ses ressources énergétiques, bases militaires et positions stratégiques dans la région.

Battue à deux reprises par l’armée israélienne, humiliée et affaiblie, l’Egypte est revenue dans l’escarcelle des Etats-Unis. Ce qui n’a pas empêché Sadate et Hosni Moubarak d’entretenir un régime de type fasciste, interdisant à l’opposition de s’exprimer.

Depuis la présidence de Carter (1977-1981), afin de combattre l’Union soviétique et récupérer ses anciennes colonies devenues souveraines, les Etats-Unis ont radicalement changé de politique, faisant de la lutte pour les «droits de l’homme» et de «l’ingérence humanitaire» leur cheval de Troie.

L’invasion de l’Afghanistan s’est effectuée dans un mélange de «lutte contre le terrorisme» et de combat contre l’obscurantisme des talibans. L’invasion de l’Irak, basée sur un mensonge, s’est poursuivie avec les mêmes intentions : «sauver le peuple irakien de la dictature de Saddam Hussein, rétablir un régime démocratique en Irak qui sera la vitrine de la démocratie au Moyen-Orient». On connait la suite.

Les mêmes intentions ont dominé l’agression contre la souveraineté de la Lybie où Kadhafi a régné en dictateur pendant 42 ans.

Actuellement, la pression occidentale s’accentue sur le régime syrien et le clan, soi-disant anti-impérialiste, des Al-Assad qui réprime violemment son propre peuple. Les démocrates et anti-impérialistes syriens, opposés à la dictature, croupissent dans les geôles du régime ou meurent en exil.

Faudrait-il inviter le peuple iranien au silence sous prétexte que la république islamique combat l’impérialisme américain? Les anti-impérialistes laïcs ou religieux opposés à la dictature religieuse, croupissent dans les geôles du régime, sont en résidence surveillée ou vivent en exil à l’étranger.

Avec des régimes souverains et anti-impérialistes à la sauce Bachar Al-Assad ou Ahmadinejad, le colonialisme occidental a de beaux jours devant lui.

Chassé par la porte, le colonialisme, paré du masque des droits de l’homme, revient par la fenêtre au Proche, au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et en Asie centrale. Quelle revanche !

23.8.11

Analyse 11 (2011)

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 23 août 2011


La Libye «libérée» par l’OTAN,

appareil de reconquête colonialiste


La reconquête colonialiste marque une nouvelle étape : la victoire de l’OTAN en Libye. Après quarante années d’indépendance politique, la Libye retourne dans l’escarcelle de l’Occident. Cette victoire est le fruit d’une méthode, celle de Barack Obama qui se démarque de son prédécesseur George Bush.

En effet, ce dernier employait le mensonge et envoyait l’armée américaine détruire des systèmes politiques, décomposer certains pays (la Yougoslavie, la Serbie) et en ramener d’autres (la Serbie, l’Irak, l’Afghanistan) dans le giron de l’Occident colonialiste. En Côte d’Ivoire, c’est la méthode de Georges Bush que la France a appliqué en récupérant le pays par «rebelles» interposés.

Barack Obama poursuit les objectifs de son prédécesseur et songe à réaliser le «rêve américain» du «Grand Moyen-Orient», celui d’une région sous la coupe des Etats-Unis. Mais, il emploie une autre méthode qui consiste à venir «en aide» à une population réprimée, souhaitant s’émanciper du joug d’une dictature.

La méthode douce a été testée en Tunisie et en Egypte où les dictateurs locaux ont été priés de partir par les chefs militaires de l’armée- chefs militaires aux ordres de l’Occident- qui craignaient la pression populaire grandissante. Un début de régime démocratique se dessine en Tunisie et en Egypte. Mais lesdits pays restent toujours ancrés à l’Occident, donc privés d’une véritable indépendance politique.

«Venir en aide» à la population en détresse a réussi au Soudan où le dictateur Omar- Al Bachir- arrivé au pouvoir après le coup d’état du 30 juin 1989- instaurait un régime dictatorial et réprimait la rébellion du Sud. L’Occident a pris fait et cause pour la rébellion du Sud en condamnant Omar Al-Bachir dans les instances internationales. Le Sud Soudan s’est détaché du Soudan et, avec le soutien de l’Occident, cette région riche en pétrole s’est transformée en «pays indépendant».

La même «méthode douce» est appliquée avec succès en Libye où l’OTAN, avec l’aval de l’ONU et sous prétexte de «préserver des vies humaines», a soutenu et armé la rébellion qui a réussi à entrer à Tripoli, capitale libyenne, le 22 août 2011. La France a été particulièrement active en Libye. En effet, ses conseillers militaires voire même des mercenaires français sont bien présents en Libye. «La mort, le 12 mai, de Pierre Marziali, fondateur de la société Secopex, à Benghazi a replacé sur le devant de la scène médiatique le débat sur le développement des sociétés militaires privées (SMP)» rapportait Le Monde du 02/07/2011. De plus, des actions illégales ont émaillé le «soutien» apporté par l’OTAN à la rébellion libyenne. «La France reconnaît avoir livré des armes aux rebelles libyens, malgré l’embargo» décrété par la Conseil de sécurité de l’ONU. (Natalie Nougayrède- Le Monde du 01/07/2011).

Détourner les résolutions de l’ONU ou les ignorer : tout est bon pour les soi-disant «défenseurs du droit international» afin d’atteindre leur objectif. Un procédé largement utilisé par Israël qui, depuis sa création, se moque de l’ONU et de ses résolutions.

Faut-il rappeler qu’avant 1991, la présence de deux blocs avait largement favorisé l’émancipation nationale en Afghanistan, en Irak, en Egypte, en Syrie, en Libye, en Tunisie, au Maroc, en Algérie et en Afrique sub-saharienne. L’effondrement de l’Union soviétique en 1991 a ouvert un boulevard à l’Occident qui a reconquis patiemment le terrain perdu en Europe orientale, en Asie centrale, en Afrique et maintenant en Afrique du Nord qui ne comptait que deux pays politiquement indépendants : la Libye et l’Algérie. L’intervention de l’OTAN en Libye entre dans le cadre de la reconquête colonialiste et n’a pas eu lieu pour les beaux yeux des rebelles libyens.

L’Occident s’accommode bien avec des régimes réactionnaires et moyenâgeux comme les régimes saoudien, yéménite, bahreïni ou koweitien. C’est la preuve que l’OTAN et les libertés démocratiques sont irréconciliables, comme le sont l’eau et le feu. Pour écraser la contestation démocratique au Bahreïn, l’Arabie saoudite n’a pas hésité à y intervenir militairement les 13 et 14 mars 2011, sous l’œil bien veillant de la Ve flotte américaine, basée dans l’Archipel.

Tout porte à croire que face à des régimes dictatoriaux qui font régner la terreur au sein de la population et à la sirène «démocratique» des colonialistes, les peuples n’ont vraiment pas le choix. Que propose la république islamique aux Iraniens et autres peuples, assoiffés de libertés ? Une société régie par un corpus de lois moyenâgeuses où l’inquisition permanente et la répression policière maintiennent les hommes et surtout les femmes dans le gouffre d’une dictature religieuse et obscurantiste. Le régime laïc syrien ne propose pas mieux qu’un régime policier où la population affronte quotidiennement la mort. Peut-on parler aux Iraniens et aux Syriens des biens faits d’un régime politiquement indépendant, alors que ses meilleurs fils et filles croupissent dans les geôles de «régimes indépendants» ou meurent en exil ?

Les Libyens- ou une fraction d’entre eux- ont choisi la «démocratie» larguée par les avions de l’OTAN et vont vivre sous le joug de l’Occident qui «valorisera» le pétrole, les pipelines, les gazoducs et la position géostratégique de la Libye.

Après la mer Noire, la Méditerranée devient presque entièrement une mer occidentale. Il ne reste que la Syrie, le verrou de l’Iran et de la Palestine pour que le «Grand Moyen-Orient» soit réalisé. Si rien ne bouge, la dictature policière laïque syrienne, la dictature religieuse et inquisitoire de la république islamique et les défenseurs palestiniens ou libanais de la charia médiévale (même minoritaires) sont condamnés d’avance. Le compte à rebours a commencé en 2009, date de la naissance du «Mouvement Vert» en Iran.

7.8.11

Analyse 10 (2011)

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 07 août 2011

Syrie : révolte ou révolution?

Avec la poursuite de la répression en Syrie, deux attitudes émergent sur le plan international. Celle de l’Occident (Etats-Unis, Angleterre, France, Allemagne), appelant Damas «à ouvrir une enquête sur les violations des droits de l’homme, à juger les responsable d’attaques contre des manifestants pacifiques»(1), conduisant le Conseil de sécurité à émettre une résolution contraignante contre Damas, ouvrant la voie à une intervention militaire dans le but de «défendre la population civile». Il s’agit de la reprise d’un scénario observé dans le cas de l’Irak, de l’Afghanistan et de la Libye où les principes des droits de l’homme ont servi d’alibi aux conquêtes néocolonialistes.

Celle des pays soucieux de leur souveraineté (Russie, Chine, Brésil, Iran) qui connaissent par cœur la chanson droit de l’hommiste de l’occident colonialiste et qui s’opposent à toute résolution, ouvrant la voie à une intervention militaire occidentale en Syrie.

Pendant ce temps-là, la répression impitoyable continue à faire des victimes civiles en Syrie. Le pouvoir syrien ne reste pas les bras croisés et par vidéos interposées essaie de discréditer la population, en l’accusant de barbarie contre les soi disant «forces de l’ordre».

Comme dans toutes les révoltes, il est indéniable qu’on trouve des jusqu’au boutistes parmi les révoltés qui n’en peuvent plus de la répression qui fauche, depuis des décennies, leurs parents et proches, ou des provocateurs et des casseurs venus des services de renseignements dans le but de discréditer la révolte d’un peuple. Apparemment, cela suffit à certains intellectuels occidentaux et autres «anti-impérialistes» ou «marxistes» autoproclamés- qui ne connaissent rien de la complexité de l’Orient- pour disqualifier la révolte du peuple syrien et l’attribuer à l’impérialisme.

La révolte du peuple syrien est une révolte juste d’une population pacifiste et éduquée contre une dictature militaire, brutale, corrompue, clientéliste et moyenâgeuse qui sème la terreur pour régner.

A en croire Cécile Hennion, journaliste au quotidien Le Monde, les révoltés syriens commencent à s’organiser autour de «Comités de coordination locale»(2). «Chaque ville révoltée de Syrie possède aujourd’hui son comité. Ce vaste réseau, comparé à «une immense grappe de raisin» par un activiste, vient de franchir une autre étape en publiant sa «vision d’une solution politique en Syrie». Ce texte établit que «l’objectif de la révolution est le changement de régime»»(2).

Nous sommes bel et bien face à une révolution dont l’objectif est l’instauration d’une «république et un Etat civil appartenant à tous les Syriens et non à un individu, une famille ou un parti

Nous sommes au début d’un mouvement révolutionnaire qui, sauf accident de parcours, mettra plusieurs mois pour atteindre la maturité avant d’aboutir.

Pour l’instant, nous ne connaissons pas les détails du projet des révolutionnaires syriens, ni leur vision internationale. L’expérience montre qu’une révolution vise le régime en place et ses soutiens étrangers, en l’occurrence l’Iran, la Russie et la Chine. Le nouveau régime issu de la révolution se tourne vers les ennemis des puissances étrangères, soutiens du régime renversé, en l’occurrence les Etats-Unis et l’Union européenne. Or, lesdites puissances, soutiennent Israël qui occupe une partie de la Syrie.

Les puissances occidentales et leur soutien israélien sont déjà à l’œuvre en Irak, en Afghanistan, en Palestine et en Libye et montrent, à chaque occasion, leur caractère colonialiste, violent et brutal. Les révolutionnaires syriens en sont conscients et bien informés du danger permanent que représente l’Occident colonialiste pour la sécurité du monde et de l’Etat d’Israël pour la sécurité de ses voisins au Moyen-Orient.

Quel sera la politique étrangère de la révolution syrienne en marche ? Pour se débarrasser du régime criminel d’Al-Asaad, une fraction des révolutionnaires pourrait être disposée à composer avec les Etats-Unis, la France ou l’Angleterre. Nous espérons que le mouvement révolutionnaire, dans son ensemble, évitera ce piège mortel.

L’expérience montre également qu’afin de conserver leurs privilèges d’antan, les puissances étrangères de régimes menacés de renversement, peuvent se rapprocher des révolutionnaires. Le changement progressif de ton de Téhéran, de Moscou et de Pékin à l’égard du régime d’Al-Asaad sera une indication de l’évolution de la situation en Syrie.

Par ailleurs, l’exemple de la Libye montre qu’une intervention militaire occidentale nuit à la révolution. En effet, la dictature en profitera pour faire appel au patriotisme de la population- soucieuse de la souveraineté nationale- qui se mobilisera derrière le régime moribond pour faire face à l’agression étrangère.

En attendant, soutenons la révolution syrienne et souhaitons-lui une victoire méritée qui, sans aucun doute, aura une immense répercussion historique dans toute la région. Espérons en particulier que la future nouvelle Syrie continue à rester dans le camp anticolonialiste.

(1) (1) Alexandra Geneste- Le Monde du 03/08/2011.

(2) (2) Le Monde du 03/08/2011.

2.8.11

Analyse 9 (2011)

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 2 août 2011

Syrie : silence, on massacre

La révolte syrienne dure depuis la mi-mars 2011 et la répression féroce de l’armée et de la police syriennes- faisant plus de 2000 morts- n’arrive pas à venir à bout de la révolte.

La dictature militaire en Syrie est au service d’une oligarchie représentée par la famille Al- Asaad qui assoit son autorité sur une dictature féroce de type fasciste. Elle s’oppose à toute expression démocratique : libertés de la presse, d’association, d’expression. Les élections sont une farce et la police politique veille en permanence sur les moindres faits et gestes de la population.

La révolte syrienne est la réaction normale de la population à des décennies d’injustice et de dictature militaire.

Pourquoi la «communauté internationale» n’arrive-t-elle pas à exercer, d’une manière ou d’une autre, des pressions suffisantes sur le pouvoir syrien afin qu’il arrête le massacre de la population désarmée et pacifiste? Après tant de répression, Moscou demande simplement à son allié syrien d’arrêter la violence. On n’entend pas la Chine et l’Iran se trouve sûrement aux côtés de la dictature syrienne.

Deux phénomènes -de nature interne et externe- peuvent expliquer le cas syrien. Sur le plan intérieur, la révolte syrienne n’est pas organisée, manque de projet de société et de leader(s) charismatique(s). La répression militaro-policière a empêché les démocrates syriens de mettre en place des organisations de masse -syndicats, associations- et des partis politiques à même de représenter différentes couches sociales.

Sur le plan extérieur, la Syrie fait partie de l’Orient en guerre permanente, depuis plus de deux siècles, avec l’Occident colonialiste (« le grand jeu »). Derrière la Syrie, se trouvent la Russie, la Chine et l’Iran, principaux acteurs de la «résistance orientale» qui façonne la géopolitique de l’Asie centrale et du Moyen-Orient depuis 1808. L’objectif de la Syrie et de ses amis: tenir bon et empêcher la chute de la famille Al-Asaad qui offrirait à l’Occident, une base dans une partie stratégique, ô combien névralgique, du «dispositif de défense orientale».

Il est à souligner qu’avec la destruction des blindés français au Sud Liban, un avertissement a été lancé en direction de la France qui, depuis son entrée au commandement de l’OTAN, mène une activité fébrile afin de s’adjuger une part importante du «gâteau» colonialiste en Asie centrale (l’Afghanistan), dans le Golfe persique (la base navale aux Emirats Arabes Unis), en Afrique (la Libye) et au Moyen-Orient (le Liban). Les bombes placées sur la route des blindés français ont rappelé à la France que ses militaires sont des «otages» au cas où la France s’aventurerait en Syrie, comme elle le fait en ce moment en Libye.

Le soutien apporté au régime syrien par ses amis russes, chinois et iraniens est d’autant plus important que le recul de l’influence américaine en Asie centrale et au Moyen-Orient fait saliver ses adversaires. Parallèlement au désengagement américain en Afghanistan et en Irak, l’Iran, ses amis et les anticolonialistes des pays envahis par les Etats-Unis ont redoublé d’activité. En juin, les présidents afghan et pakistanais ont été invités à Téhéran pour participer à une conférence sur le «terrorisme». Les attentats ont repris en Irak où le mois de juin fut le mois le plus meurtrier pour les militaires américains. L’Iran renforce sa marine de guerre, exige le départ des puissances étrangères et manifeste clairement son souhait d’assurer la «sécurité» du Golfe persique avec les pays riverains.

Dans une telle situation, sans une organisation efficace, expérimentée et solidement implantée au sein de la population, il est difficile pour l’opposition syrienne de renverser la dictature des Al-Asaad. Mais la puissance de la révolte est telle qu’il est raisonnable de penser que le peuple finira par trouver les moyens nécessaires à sa victoire.

22.6.11

Analyse 8 (2011)

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 22 juin 2011

cpjmo@yahoo.fr

Les Etats-Unis tentent de

poursuivre le remodelage

du «Grand Moyen-Orient»

Si la disparition de l’Union soviétique en 1991 a été une bénédiction pour les puissances occidentales, elle a constitué un vrai cauchemar pour les peuples et nations du monde à peine sortis d’une longue période de domination colonialiste.

En effet, l’écroulement de l’Union soviétique a rompu l’équilibre des forces à l’échelle planétaire, cet équilibre qui avait contribué à l’écroulement des empires coloniaux en Afrique, en Asie, au Proche et au Moyen-Orient.

A partir de 1991, commença une nouvelle ère de reconquête colonialiste, d’abord en Europe centrale, suite à l’absorption des ex-pays du bloc du Pacte de Varsovie par l’OTAN, suivie du démantèlement de la Yougoslavie, pays acteur des Balkans ainsi que de la Serbie, réduite à un pays «périphérique», presque satellite de l’Union européenne.

L’installation de bases militaires américaines en Asie centrale, suivie de l’occupation de l’Afghanistan et de l’Irak, parachevèrent la transformation du monde bipolaire en un monde «unipolaire» où les Etats-Unis sont l’unique puissance planétaire, soutenue activement par leurs puissants alliés européens, en particulier britannique, français et allemand.

Il est à souligner qu’au moment de leur indépendance, les anciens pays colonisés (Afghanistan, Irak, Syrie, Libye, Algérie, Tunisie, Egypte, etc.) étaient socialement arriérés. Les régimes installés par des «mouvements de libération nationale» avaient-ou ont encore- un caractère dictatorial, voire fasciste, réprimant les moindres velléités démocratiques.

Depuis 1977 (début de la présidence de Jimmy Carter), la contre offensive colonialiste s’est organisée- et s’organise- au nom des idéaux occidentaux, en particulier, la défense des «droits de l’homme», de la «démocratie» ou autre «protection des populations civiles», sous la bannière des Nations unies, dominées par les puissances occidentales, avec la bénédiction de la Russie et de la Chine.

Quant à l’Irak, son occupation a été orchestrée autour d’un mensonge selon lequel le régime de Saddam Hussein disposait d’«armes de destruction massive». A peine 8 ans après l’occupation «des documents confidentiels déclassifiés le prouvent : l’accès au brut irakien était au cœur de la décision britannique de s’engager dans l’invasion de l’Irak en 2003»(1).

Faut-il rappeler que des dizaines de milliers de civils Serbes, Kosovars, Irakiens, Afghans ou Libyens ont perdu- et continuent à perdre- leur vie suite aux bombardements aveugles des avions et des hélicoptères des soi-disant «défenseurs des Droits de l’Homme» venus de l’Occident.

La transformation des pays soumis en sous-traitants des multinationales est un autre aspect de la domination colonialiste. L’exemple de la Tunisie et de l’Egypte montre que ce type d’économie, fondée sur la recherche de la rentabilité à outrance des multinationales, s’accompagne d’une montée importante des inégalités et du chômage qui frappe majoritairement les jeunes, diplômés ou non.

Pour faire face à la montée de la contestation sociale, les régimes soumis déploient, avec l’aide des pays occidentaux, une machine policière redoutable, créant un climat d’insécurité pour tous les citoyens.

L’explosion sociale qui secoue actuellement les pays arabo-musulmans du Proche et du Moyen-Orient est une conséquence des humiliations et de l’exploitation féroce que font subir aux peuples de la région les colonialistes et leurs suppôts locaux.

Comme à son habitude, l’Occident mené par les Etats-Unis, essaie d’exploiter au maximum le chaos qui règne dans les pays traversés par le vent de la contestation et pratique la politique de «deux poids, deux mesures». En effet, «sensible» aux atteintes aux «droits de l’homme» en Iran, en Chine, en Syrie ou en Libye, «Washington n’a élevé aucune critique contre l’arrivée des troupes saoudiennes»(2) à Bahreïn qui sert de port d’attache à la Ve flotte américaine.

Baptisé «Bouclier de la péninsule», l’Arabie saoudite a dépêché, les 13 et 14 mars 2011, 1000 hommes à Bahreïn au nom des «intérêts communs» des membres du CCG (Conseil de coopération du Golfe). 500 hommes sont également déployés par les Emirats arabes unis (EAU) contre les protestataires bahreïnis qui ont des revendications d’ordre social.

La même attitude s’observe au Yémen où l’armée, divisée, n’inspire pas confiance aux Etats-Unis. En effet, le général Ali Mohsen Al-Ahmar, commandant de la zone militaire nord-ouest et demi-frère du président Saleh, est passé dans l’opposition. Mais, l’ambassadeur américain, Gerald Michael Feierstein préfère négocier avec Abd Rabbo Mansour Haddir, le vice-président. La position géostratégique du Yémen ne laisse place à aucun compromis avec l’opposition yéménite qui doit se soumettre (aux Américains) ou disparaître.

Il reste encore quelques foyers de résistance au Proche et au Moyen-Orient. Il s’agit de la Syrie et de l’Iran, politiquement indépendants. L’Iran est, de surcroit, un pays acteur important sur le plan régional dont le rôle est contesté aussi bien par les puissances occidentales qu’orientales (Russie et Chine).

La contestation sociale en Iran et en Syrie offre aux Etats-Unis l’occasion de hausser le ton et de chercher à déstabiliser, voire à soumettre, les régimes syrien et iranien. La soumission de la Libye, de la Syrie et de l’Iran mettrait fin au processus de «remodelage» du «Grand Moyen-Orient», si cher à Georges Bush, ancien président des Etats-Unis.

Après la Libye, l’Iran et son allié syrien arriveront-ils à résister au «remodelage» politique américain? En cas de victoire des Etats-Unis, après l’Iran et la Syrie, viendrait le tour de la Palestine, dont l’objectif non déclaré des Israélo-Occidentaux serait de la faire disparaitre dans le «Grand Israël». A suivre…

Une chose semble sûre : le vent de liberté qui souffle actuellement sur le «Grand Moyen-Orient» parait suffisamment puissant et n’a pas dit son dernier mot.


1- Le Monde du 16 juin 2011. Consulter également http://petrole.blog.lemonde.fr

2- Gilles Paris- Le Monde du 16 mars 2011.