27.2.09

Analyse 5 (2009)

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 1er mars 2009

cpjmo@yahoo.fr


États-Unis, Israël: États civilisés ou voyous?


En Occident et dans certains pays du monde, personne, ou presque, ne doute du «caractère civilisé» des Etats américain et israélien, qui se font passer pour respectueux des lois internationales et des «droits de l’homme». Qu’en est-il vraiment?


Pour le «Petit Robert», Etat voyou désigne un Etat «qui ne respecte pas les règles du droit international et fait peser une menace sur la sécurité collective». Les Etats-Unis et Israël respectent-ils le «droit international» et ne représentent-ils pas de «menace sur la sécurité» des pays?


En juin 2007, la CIA a déclassifié un dossier de 693 pages, baptisé «bijoux de famille»(1). Le dossier révèle des pratiques de la diplomatie américaine, contraires à celles d’un Etat civilisé: complots d’assassinat de dirigeants étrangers, kidnapping et journalistes sur écoute, forment l’essentiel du dossier. Le dossier parle des «activités illégales» de la CIA qui a «comploté en vue de l’assassinat de dirigeants étrangers, y compris Castro, Lumumba et Trujillo». Ces pratiques dignes d’un Etat voyou appartiennent-elles à une époque révolue?


L’étude de la période sombre de l’administration Bush (2001-2009) montre que l’Etat américain n’a pas abandonné les pratiques décrites dans le dossier. Prenons l’exemple de l’invasion illégitime de l’Irak, invasion basée sur un mensonge savamment orchestré par les américano-britanniques. Le mensonge consistait à persuader la «communauté internationale» que le régime de Saddam Hussein possédait des «armes de destruction massive». Après l’invasion illégale de l’Irak, aucune arme de «destruction massive» n’a été trouvée. Saddam Hussein a été pendu et plus de cent mille Irakiens ont perdu la vie lors des bombardements aveugles et aussi des mauvaises conditions de vie concomitantes à un pays en situation de guerre. Des millions d’Irakiens se sont réfugiés dans les pays voisins et des dissensions ethniques et religieuses ont réapparu, portant atteinte à l’unité nationale. L’administration Bush a rejeté la responsabilité de l’invasion sur la CIA, sous prétexte que l’agence de renseignement se serait mal renseignée.


Qu’auraient fait les Etats-Unis s’ils avaient vraiment su qu’il n’y avait pas d’«armes de destruction massive» en Irak ? Dick Cheney, vice-président de Bush, est clair: l’administration Bush aurait «attaqué l’Irak même si la CIA lui avait indiqué que Saddam Hussein ne possédait pas d’armes de destruction massive»(2). CQFD.


L’invasion de l’Irak qui a commencé par un mensonge, se poursuit même si les masques sont tombés. Dans quelle catégorie faut-il classer les Etats-Unis, auteur de l’invasion préméditée d’un pays souverain, membre des Nations unies? Pays civilisé, respectueux des lois internationales, ou voyou?


Que pense Janis Karpinski, la première femme générale américaine, qui dirigeait les prisons irakiennes d’Abou Ghraib, de la nature de l’Etat américain? «Nous justifions tous les dictateurs qui emprisonnent et torturent au nom de la sécurité nationale. Nous bafouons toutes nos valeurs»(3). Merci ma Générale!


L’aveu de Dick Cheney et les confidences de Janis Karpinski suffisent à montrer que, même maintenant, les Etats-Unis, au nom de leur «sécurité nationale», ne respectent pas le «droit international», agressent des pays souverains, n’hésitent pas à soutenir des régimes dictatoriaux et à bafouer les valeurs humaines, au nom desquelles, les Etats-Unis ont mis le Moyen-Orient à feu et à sang.


Le changement d’administration à Washington a-t-il modifié le comportement des Etats-Unis? Le nouveau président, Barak Obama a promis d’en finir avec les pratiques de l’ère Bush, en mettant un terme aux pratiques illégales de la CIA. Leon Panetta, son nouveau patron a dit vouloir interdire la pratique du waterboarding (simulacre de noyade) «qui est de la torture»(4). En abandonnant les pratiques de l’ère Bush, la nouvelle administration reconnaît tacitement le caractère criminel de l’ancienne administration.


Pourtant, la nouvelle administration refuse de modifier le régime juridique des détenus de la prison de la base américaine de Bagram en Afghanistan. Selon Angela Birt, une militaire américaine, «Bagram, c’est le pire de ce que j’ai vu… »(7). La déception est grande chez les défenseurs des droits humains. Une dérive de l’administration Obama qui n’étonne pas les anticolonialistes. La politique de Washington étant dictée par les complexes militaro-industriels et les milieux financiers.


Faut-il rappeler que l’armée américaine dispose d’une centaine de bases militaires, au Moyen-Orient et en Asie centrale Objectifs: assurer l’hégémonie planétaire des Etats-Unis, en dominant les voies aériennes, terrestres et maritimes de la vaste région du Moyen-Orient et de l’Asie centrale, nœud stratégique de communication. Seuls ses intérêts stratégiques dictent le comportement «humanitaire» des Etats-Unis: si «on» ferme Guantanamo, «on» conserve Bagram. «Sécurité intérieure» américaine oblige. A bon entendeur, salut!


Quant à Israël, depuis sa création, il y a soixante ans, ce pays n’a jamais respecté aucune des résolutions des Nations unies. En 2006, Human Rights Watch a accusé Israël de «crimes de guerre» au Liban(8). L’enquête est en cours pour déterminer l’étendue des crimes de guerre commis par Israël à Gaza. Israël est une menace permanente pour ses voisins du Moyen-Orient dont les territoires sont occupés par l’armée israélienne. Alors, Israël, Etat civilisé ou voyou?


Il n’est un secret pour personne que les colonialistes ont leurs «intellectuels», économistes ou géopoliticiens, qui ont accès aux médias et peuvent écrire des articles d’«analyse» pour vous convaincre du bien fondé des «valeurs» défendues par l’oncle Sam dans le monde. Jean-Michel Bezat en est un. Dans Le Monde du 24/02/09, il demande, ni plus, ni moins, aux «pétro-autocrates» Iraniens, Vénézuéliens et Russes d’oublier «leur vieille hostilité envers le camp occidental». Merci pour le conseil !


Que dirait monsieur J-M. Bezat si la France était encerclée par une centaine de bases militaires iraniennes et que ses navires de guerre, équipés de têtes nucléaires, mouillaient au large des côtes françaises? Allons.


L’Occident colonialiste ne comprend qu’un seul langage, celui des rapports de force. Depuis 2006, ceux-ci sont en train de changer en faveur des forces anticolonialistes.


(1) Le Monde du 24-25/06/07

(2) LM du 26/12/08

(3) Le Monde 2 du 19/01/08.

(4) LM du 07/02/09.

(5) LM du 09/02/05.

(6) LM du 14/02/09.

(7) LM du 24/02/09.

(8) LM du 08/09/07.

2.2.09

Analyse 4 (2009)

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 1er février 2009


cpjmo@yahoo.fr


L’Afghanistan sera-t-il un jour


le Diên Biên Phu de l’OTAN ?


L’Afghanistan est un haut pays enclavé, entouré de hautes montagnes dont l’Hindü Küch. Les pays frontaliers de l’Afghanistan sont la Chine, à l’est, l’Iran, à l’ouest, le Turkménistan, l’Ouzbékistan et le Tadjikistan, au nord et le Pakistan au sud.


La principale voie de ravitaillement des troupes de l’OTAN passe actuellement par le port pakistanais de Karachi, puis par le col de Khyber, principale voie d’accès à l’Afghanistan, dans la province pakistanaise du Nord-Ouest. Chaque jour 350 camions, transportant, en moyenne 7000 tonnes de matériel à destination des forces occidentales, passent par le col de Khyber.


Pour les forces de l’OTAN, la région du Nord-Ouest est une région peu sûre où les camions chargés de matériel militaire et de carburant sont régulièrement attaqués par les résistants pakistanais et afghans. Conséquences des attaques: certaines bases militaires du sud de l’Afghanistan manquent de tout, et «arrêtent tous les mouvements et toutes les offensives parce qu’elles sont à court de carburant» (Syed Saleem Shahzad- Le Monde Diplomatique d’octobre 2008).


Sous la pression des Etats-Unis, l’armée pakistanaise mène actuellement une campagne de «sécurisation» des voies de communication dans la région du Nord-Ouest. Cette campagne militaire a deux inconvénients pour l’Etat : le mécontentement et l’opposition croissants des «islamistes», soutiens traditionnels de l’Etat pakistanais, dans sa croisade pour le Cachemire et contre l’Inde, d’une part, et l’immobilisation d’une partie de l’armée pakistanaise, loin des frontières indiennes, d’autre part.

L’aggravation des tensions entre l’Inde et le Pakistan a conduit ce dernier à déplacer 20 000 hommes vers la frontière indienne, laissant un répit aux résistants pakistanais qui combattent la présence occidentale dans la région. Ce qui n’arrange pas les affaires de l’OTAN, même si les Etats-Unis tentent de calmer la tension entre l’Inde et le Pakistan.


Actuellement, l’OTAN cherche d’autres voies pour ravitailler ses bases militaires. Les négociations vont bon train avec les voisins du nord de l’Afghanistan. L’accord éventuel du Turkménistan ou de l’Ouzbékistan en vue d’autoriser le passage des convois de l’OTAN à travers leur territoire, ne sera ni sans contre partie économique, voire politique, ni sans danger pour les pays transitaires. En effet, les sentiments antioccidentaux sont fort présents en Asie centrale. L’opposition en profitera sûrement pour se renforcer, en stigmatisant les gouvernements locaux comme étant des «laquais de l’impérialisme occidental» et pour harceler les convois de ravitaillement de l’OTAN, transitant par l’Asie centrale.


Une autre voie consiste à convoyer les camions de ravitaillement des bases de l’OTAN, via l’Iran. Les autorités américaines discutent actuellement avec l’Iran de cette éventualité. Vu les tensions existantes entre l’Iran et l’Occident, il est permis de penser que l’Iran mettra dans la balance des négociations, des exigences autrement plus stratégiques que les voisins du nord de l’Afghanistan. Il est à souligner qu’au moindre problème, le ravitaillement des bases de l’OTAN pourrait être pris en otage par l’Iran et les voisins du nord de l’Afghanistan, moins fiables que le Pakistan, acquis politiquement aux États-Unis.



L’enclavement de l’Afghanistan est le talon d’Achille de l’OTAN, qui a plus besoin des voisins de l’Afghanistan, surtout de l’Iran, que l’inverse. En effet, grâce à l’Iran, une paix relative règne en Irak. Les chiites contestataires de l’Armée du Mahdi, à l’écoute de l’Iran, se sont «calmés» et les Etats-Unis ne cachent pas que la clé de la «pacification» de l’Afghanistan se trouve aussi en Iran.


La position géostratégique de l’Iran, ainsi que sa prépondérance politique et militaire grandissante au Moyen-Orient et en Asie centrale inquiètent Israël qui craint pour ses conquêtes territoriales, sa puissance militaire, son influence politique et, in fine, sa «sécurité».


Les anticolonialistes étendent leur influence et celle des Saoudiens, des Egyptiens et autres laquais des Etats-Unis recule d’autant. Il est temps pour eux de renforcer les acquis territoriaux en Irak et en Afghanistan, pièces maîtresses de la domination planétaire des États-Unis et de l’Occident.


Les États-Unis et l’Iran parleront de tout et sans tabou. L’enjeu pour l’Iran: la reconnaissance de sa stature de grande puissance régionale. L’avenir nous dira si l’intérêt stratégique des États-Unis conduira cette puissance à composer sérieusement avec l’Iran, même s’il faut pour cela réduire la «voilure» de la puissance israélienne au Moyen-Orient?


Israël gronde et menace. Les Etats-Unis sont soucieux de préserver leur hégémonie planétaire, craignent de perdre l’Afghanistan, si stratégique et si enclavé que géographiquement, il ressemble, à s’y méprendre, à Diên Biên Phu.