5.1.12

Analyse 1 (2012)

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 5 janvier 2012


cpjmo@yahoo.fr


Détroit d’Ormuz :

Entente américano-iranienne?


Les manœuvres maritimes iraniennes qui ont duré pendant dix jours, à partir du 24 décembre, ont consolidé l’autorité de l’armée et de la marine iranienne sur le détroit d’Ormuz et la mer d’Oman.

Deux phénomènes sont liés à cet évènement : le repli américain après la guerre d’Irak et bientôt en Afghanistan. Et la montée en puissance de la marine iranienne.

Richard Nixon, l’ancien président américain avait inventé une doctrine : «l’Asie aux asiatiques», après la défaite américaine au Vietnam, provoquant un état dépressif au sein de l’armée et du monde politique américain, conduisant le pays à se replier sur lui-même. «L’Asie aux Asiatiques» s’est traduit par la mise en selle de la marine iranienne qui devait assurer la «sécurité» du Golfe persique et de l’Océan indien. La marine iranienne paradait dans l’Océane indien et rendait visite même aux ports australiens.

Le même phénomène s’observe actuellement lors du repli américain d’Irak qui crée un vide dans le Golfe persique que la marine iranienne tente de combler. Y a-t-il eu une entente préalable entre les Etats-Unis et l’Iran? Faut-il rappeler que la liberté de navigation dans le détroit d’Ormuz est le souci commun des Etats-Unis, de l’Occident et de l’Iran qui tire 70% de ses devises étrangères de la vente du pétrole ? Si l’Iran est en mesure d’assurer la liberté de circulation dans le détroit d’Ormuz, ceci permettrait aux Etats-Unis de libérer une partie importante de ses forces et de les déployer ailleurs que dans le Golfe persique. Une telle entente gagnant-gagnant, si elle a lieu, ne concerne pas l’ensemble des contentieux qui touche les intérêts Occident-Iran. Car la lutte pour les zones d’influence-qui fait rage- entre l’Iran et l’Occident porte sur la vaste zone du Proche et du Moyen-Orient.

Une liste non exhaustive des pays ou territoires concernés par la lutte d’influence englobe : l’Afghanistan, l’Irak, la Syrie, le Liban, la Palestine, Bahreïn, etc., etc.

La France est particulièrement concernée par le face-à-face Iran-Occident. En effet, la France considère le Liban et la Syrie comme sa chasse gardée et désire les retrouver dans ses girons. Or, le Liban est actuellement dirigé par un pouvoir pro Hezbollah qui possède de solides bases au Liban et forme une espèce d’Etat dans l’Etat au pays du Cèdre. Le régime dictatorial syrien-soutenu par l’Iran- parait chancelant et la France espère le récupérer dans un scénario à la libyenne. L’offensive généralisée de la France contre l’Iran peut être compris sous cet angle. La France encourage les pays de l’Union européenne à s’associer à sa démarche contre l’Iran. Or, les PME, PMI allemandes ont beaucoup d’intérêts en Iran. La compagnie pétrolière italienne ENI a également des intérêts en Iran. D’autant plus que la France a pris la place de l’Italie en Lybie. La Grèce-en quasi faillite- se procure du pétrole iranien à crédit et 51% du pétrole turc est importé d’Iran. La tâche va être rude pour la France.

De son côté, l’Iran n’attache pas trop d’importance à la gesticulation française. Un contingent de 2000 militaires français est pratiquement pris en otage au Sud Liban. Des embuscades sont fréquemment tendues au contingent français-désarmement des militaires, confiscation du matériel de guerre, etc.-et elles suffisent pour calmer l’ardeur guerrière du pouvoir français. La seule puissance à laquelle l’Iran attache de l’importance, ce sont les Etats-Unis, patron dépressif et endetté des puissances occidentales.

Il faut rappeler que les masses arabo-musulmanes sont très sensibles au progrès technologique-ou ce qui parait un progrès- de l’Iran d’une part et de son face-à-face avec l’Occident hautain en général et les Etats-Unis et Israël en particulier. En effet, dans sa propagande officielle, c’est au nom de l’islam que le pouvoir iranien tient tête aux arrogants occidentaux. Les menaces proférées par l’Iran compensent les humiliations des pays arabes par les Etats-Unis et Israël.

Le message coranique du pouvoir iranien est certes plus compréhensible pour les masses arabo-musulmanes que les incantations «prolétariennes», indigestes, de l’ex-Union soviétique qui poursuivait les mêmes objectifs que l’Iran : la soumission du Proche et du Moyen-Orient à son «autorité islamique». Une sorte d’Empire Ottoman bis. Y parviendra-t-il un jour ?

Pour l’instant, par la voix de son porte-parole, le ministre de la défense américaine tente de calmer le jeu en disant que, sur le détroit d’Ormuz, «les Etats-Unis ne cherchent pas la confrontation avec l’Iran» (la BBC en langues persane- 04/01/2012). Signe supplémentaire d’un accord tacite bilatéral américano-iranien sur le détroit. Qu’a-t-il –le régime iranien-concédé aux Américains? Mystère.

Même en cas d’une entente tacite, le contrôle du détroit d’Ormuz par la marine iranienne est en soi une victoire pour le pouvoir théocratique iranien qui en profitera pour fanfaronner, vouer aux gémonies les pouvoirs dictatoriaux des pays arabes ou museler davantage l’opposition iranienne dont la marge de manœuvre se réduit comme une peau de chagrin. Les dictatures ne tirent aucune leçon de l’Histoire.