30.9.11

Analyse 12 (2011)

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 30 septembre 2011

cpjmo@yahoo.fr

La revanche du colonialisme

Le Proche, le Moyen-Orient et l’Asie centrale ont connu une longue période de colonialisme.

De 1858 à 1947, l’Inde a vécu 89 ans sous la coupe de l’Angleterre.

Ce qu’on appelle l’Inde quand on traite de la colonisation, c’est en réalité l’Asie du Sud, immense espace, rarement unifié dans l’histoire, qui s’étend de l’Himalaya au cap Comorin et du Béloutchistan à la Birmanie.

La conquête de cette région du monde par la Grande Bretagne à partir de 1757 est un processus décousu qui s’est étalé sur plus d’un siècle. Elle a donné naissance à ce qui fut à l’époque la plus vaste entité coloniale de la planète. Avec la seule occupation du sous-continent indien, les Anglais disposaient d’un ensemble plus étendu et plus peuplé que l’Empire romain à son apogée.

L’empire des Indes, un conglomérat de territoires de statuts divers et véritable mosaïque culturelle, a accédé à l’indépendance en 1947. Quatre des Etats du monde contemporain, l’Inde, le Pakistan, le Bangladesh et la Birmanie en sont issus.

A son tour, de 1865 à 1868, l’Empire russe occupe l’Asie centrale jusqu’à la frontière afghane. C’est une vaste région correspondant à plus de 4 millions de km2 qui a accédé à l’indépendance en 1991 à la suite de l’effondrement de l’URSS et d’où sont issus cinq des Etats du monde contemporain, le Kazakhstan, l’Ouzbékistan, le Turkménistan, le Kirghizistan et le Tadjikistan.

Les Ottomans ont occupé, à leur tour, durant des siècles, une vaste zone du Proche et du Moyen-Orient. Défaits pendant la première guerre mondiale, les Ottomans signent l’armistice de Moudors le 30 octobre 1918, conduisant au morcellement de l’Empire, désormais occupé par les Britanniques et les Français.

Une vaste région, allant du Sud de la Turquie actuelle jusqu’au Sud de l’Arabie saoudite, le sud du Golf persique, le Yémen, la Palestine, l’Egypte, tombe dans l’escarcelle des nouveaux colonialistes britanniques et français.

Avant de quitter la région, les Britanniques et Français ont placé des régimes fantoches et dictatoriaux à la tête des Etats qu’ils avaient artificiellement créés.

Il faut noter que la bipolarisation américano-soviétique a été bénéfique à plusieurs pays du Proche et Moyen-Orient, soucieux de leur souveraineté. Au cours du vingtième siècle, profitant des rivalités et de l’équilibre des forces militaires entre les deux superpuissances, ces pays ont réussi à s’émanciper de la domination colonialiste (directe ou indirecte) des anglo-américains. Copiant le modèle soviétique, ces pays-généralement après quelques coups d’Etat- installèrent un parti unique dirigé par un chef nationaliste et charismatique. Au départ, celui-ci tient un langage révolutionnaire et anticolonialiste, qui lui vaut une véritable assise populaire. Par la suite, la corruption et l’incompétence prennent le pas sur la nécessité de réformer en profondeur.

La désaffection populaire rend alors nécessaire la mise en place d’un important et redoutable service de renseignements, afin de «combattre l’ingérence extérieure» et de «neutraliser l’ennemi intérieur» personnalisé par le peuple contestataire, déçu de la gestion économique, sociale et politique du pays.

Les oreilles et les yeux du régime sont présents à tous les niveaux de la société. Le parti unique devient une secte mafieuse au service d’un gourou dictatorial et de sa famille. Le régime nationaliste finit par perdre sa légitimité et se transforme en une monarchie absolutiste à la syrienne.

Rien qu’en Egypte, 1,5 millions d’Egyptiens étaient rattachés au ministère de l’intérieur.

Par leur brutalité, les dictatures irakienne, égyptienne, syrienne ou libyenne ont préparé le terrain de leur propre échec face aux manœuvres du colonialisme occidental qui n’a jamais accepté la perte de ses ressources énergétiques, bases militaires et positions stratégiques dans la région.

Battue à deux reprises par l’armée israélienne, humiliée et affaiblie, l’Egypte est revenue dans l’escarcelle des Etats-Unis. Ce qui n’a pas empêché Sadate et Hosni Moubarak d’entretenir un régime de type fasciste, interdisant à l’opposition de s’exprimer.

Depuis la présidence de Carter (1977-1981), afin de combattre l’Union soviétique et récupérer ses anciennes colonies devenues souveraines, les Etats-Unis ont radicalement changé de politique, faisant de la lutte pour les «droits de l’homme» et de «l’ingérence humanitaire» leur cheval de Troie.

L’invasion de l’Afghanistan s’est effectuée dans un mélange de «lutte contre le terrorisme» et de combat contre l’obscurantisme des talibans. L’invasion de l’Irak, basée sur un mensonge, s’est poursuivie avec les mêmes intentions : «sauver le peuple irakien de la dictature de Saddam Hussein, rétablir un régime démocratique en Irak qui sera la vitrine de la démocratie au Moyen-Orient». On connait la suite.

Les mêmes intentions ont dominé l’agression contre la souveraineté de la Lybie où Kadhafi a régné en dictateur pendant 42 ans.

Actuellement, la pression occidentale s’accentue sur le régime syrien et le clan, soi-disant anti-impérialiste, des Al-Assad qui réprime violemment son propre peuple. Les démocrates et anti-impérialistes syriens, opposés à la dictature, croupissent dans les geôles du régime ou meurent en exil.

Faudrait-il inviter le peuple iranien au silence sous prétexte que la république islamique combat l’impérialisme américain? Les anti-impérialistes laïcs ou religieux opposés à la dictature religieuse, croupissent dans les geôles du régime, sont en résidence surveillée ou vivent en exil à l’étranger.

Avec des régimes souverains et anti-impérialistes à la sauce Bachar Al-Assad ou Ahmadinejad, le colonialisme occidental a de beaux jours devant lui.

Chassé par la porte, le colonialisme, paré du masque des droits de l’homme, revient par la fenêtre au Proche, au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et en Asie centrale. Quelle revanche !