30.9.07

C.54- Entités hostiles à l'humanité

Paix et Justice au Moyen-Orient
STRASBOURG, le 30 septembre 2007

cpjmo@yahoo.fr

Entités hostiles à l’humanité


Une grande prison à ciel ouvert de 350 km2 et de 1,5 millions d’âmes, hermétiquement fermée, encerclée de surcroît par des chars d’assaut et des blindés dernier cri.

Une prison dans laquelle le robinet d’eau et l’électricité sont entre les mains de l’ennemi dont l’aviation omniprésente dans le ciel a déjà détruit en juin 2006 l’unique centrale électrique. Une telle prison où les occupants survivent, bon an mal an, grâce à l’aide alimentaire des Nations Unies, est déclarée «entité hostile» par un pays nucléaire, disposant de la plus puissante armée du Moyen- Orient! Raison invoquée: les «pétards» rudimentaires tirés de la bande de Gaza empêcheraient les habitants de la ville frontalière de Sderot de dormir tranquillement. Alors qu’il ne se passe pas un jour sans incursion de l’armée israélienne dans les territoires occupés, dans la bande de Gaza, incursion suivie de destruction et de morts palestiniennes, hommes, femmes et enfants de tous âges.

Déclarer la bande de Gaza «entité hostile» a comme effets immédiats la limitation de la circulation, déjà très réduite, des marchandises vers la bande de Gaza et de la fourniture de carburant et d’électricité.

Il serait réducteur de croire que l’animosité d’Israël ne concerne que la bande de Gaza. Le journal YEDIOT AHARONOT, tirant la sonnette d’alarme à Jérusalem- Est, écrit : «Pensons à l’absence criante d’infrastructures publiques, à l’interdiction de toute planification urbaine, au manque criant de routes, de trottoirs, de terrain de jeux, de permanences sanitaires, sans parler du taux de chômage et des restrictions imposées à la libre circulation des Arabes de Jérusalem» (Courrier international du 12 au 18/07/07). Aux traitements inhumains liés aux check points et autres discriminations et humiliations quotidiennes (circulation, logement, emploi, etc.), s’ajoute le cas des «sans papiers» palestiniens. Selon certaines estimations, 55000 palestiniens n’ont pas de carte d’identité et vivent cloîtrés en Cisjordanie (Le Monde du 22/09/07). En vertu des accords d’Oslo, Israël a la haute main sur le registre d’état civil palestinien.

Les voisins de la Palestine ne sont pas épargnés par l’agression israélienne. En juillet-août 2006, l’artillerie et l’aviation israéliennes ont détruit une grande partie du Liban qui a été ramené «quinze ans en arrière» selon le PNUD (Programme des Nations Unies Pour le Développement), qui évalue à 15 milliards de dollars au moins les dégâts de la guerre. Plus de 15000 habitations, 80 ponts et 94 routes ont été détruits ou gravement endommagés (Editorial du LM du 29/08/06). Le 30 juillet 2006, l’aviation israélienne bombarde un immeuble à CANA, tuant 28 civils qui y étaient réfugiés. Le bilan (non définitif) fait état de 1183 civils libanais tués. Des milliers de bombes à fragmentation, lâchées par l’aviation israélienne, tuent encore et toujours des civils, en particulier des enfants libanais.

L’«ami» américain d’Israël n’est plus à présenter. Le Vietnam souffre encore de l’«agent orange» et autres défoliants qui ont ravagé les forêts vietnamiennes. Au Vietnam, des enfants mal formés naissent encore, victimes posthumes des agents chimiques, largués par l’aviation américaine.

En Irak «1200 à 3000 civils irakiens, selon les périodes, disparaissent de mort violente sur le territoire national (…) Soumis à tous les abus, bavures, braquages, meurtres, vols, viols et enlèvements divers, la plupart des civils d’Irak ne portent plus plainte (…) 177 «sociétés militaires privées» (SMP) exercent à présent leur «art» en Irak (…) Aucun, parmi les 48000 «soldats de fortune» de toutes nationalités répertoriés en Irak, n’a jamais eu à répondre devant un tribunal» (LM du 23- 24/09/07).

L’Histoire nous apprend que la naissance et le développement de la civilisation sont synonymes de construction, de structuration et de progrès technologique des sociétés humaines. Les Etats-Unis ont l’«art» de casser tout ce qui se rapproche de la civilisation. Les bombardements de l’Afghanistan et de l’Irak par l’aviation américaine ont ramené lesdits pays à l’âge de pierre. Le comble, «Le Sénat américain a voté, mercredi 26 septembre, en faveur d’une partition de l’Irak» (LM du 28/09/07). Coût de la destruction: 600 milliards de dollars!

Les assassinats au Liban éclairent une autre facette de la lutte des gouvernements américano-israélien contre la stabilité régionale. L’assassinat de Rafic Hariri en est un exemple. Mehlis, un juge allemand, proche de la CIA, fut chargé de l’enquête internationale. D’entrée de jeu, Mehlis a bâti son réquisitoire contre la Syrie sur deux faux témoignages: celui de Houssam Taher Houssam, un Kurde syrien (le témoin masqué) qui a reconnu, plus tard, avoir fourni un faux témoignage, dont le but était d’impliquer la Syrie dans l’assassinat de Rafic Hariri. Le deuxième témoin, un nommé Mohammad Zouheir al- Siddik, qui a eu des contacts avec des proches de la famille Hariri («amie» de l’Arabie saoudite et des Etats-Unis), dont il aurait obtenu une forte somme en échange de son faux témoignage*. Mehlis a dû précipitamment abandonner son enquête et quitter la région.

Le mercredi 9 septembre, l’explosion d’une voiture piégée a coûté la vie au député Antoine Ghanem, membre de la majorité politique. Sans enquête, plusieurs membres de la majorité proche de la famille Hariri ont immédiatement imputé la responsabilité de l’attentat au «régime syrien» (LM du 21/09/07). Que se cache-t-il dans les accusations gratuites visant la «menace syrienne »? Les américano-israéliens et leurs suppôts libanais, cherchent-ils des justifications à l’agressivité israélienne? Les mêmes manœuvres d’intimidation visent la soi-disant «menace iranienne». L’Iran ne se laisse pas impressionner. La débâcle américaine en Irak et l’impasse afghane sont passées par là. Le couple américano-israélien n’est plus en situation de force. «George Bush se sert de la menace iranienne pour éviter un retrait d’Irak qui l’humilierait. Cela ne signifie pas qu’il ait l’intention d’attaquer» (Corine Lesnes- LM du 26/09/07).

Par leurs guerres d’agression, les Etats-Unis ont causé beaucoup de dégâts à l’humanité. Son larbin israélien en fait autant dans la région. Le salut de l’humanité réside dans l’affaiblissement durable de ces deux entités fascisantes.

* Le grand retournement Bagdad- Beyrouth- Richard Labévière- Seuil

19.9.07

C.53 (le 20 septembre 2007)- pourquoi l'Iran dérange-t-il l'Occident?

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 20 septembre 2007

cpjmo@yahoo.fr

Pourquoi l’Iran dérange-t-il l’Occident?

L’Histoire nous apprend que c’est la puissance militaire d’un pays, en phase avec la technologie de son époque, qui garantit l’existence et la souveraineté (politique et territoriale) d’un Etat. Il suffit de se rappeler l’invasion des pays européens par l’armée nazie, les guerres de Corée, du Vietnam et les récentes guerres d’Afghanistan et d’Irak, pour se rappeler qu’un pays se fait envahir s’il n’arrive pas à défendre ses frontières.

Il existe des pays (Egypte, Arabie saoudite, Jordanie, Koweït, etc.) qui disposent de leur souveraineté territoriale- pays non occupés par une armée étrangère- mais, du fait de leur soumission politique à une puissance étrangère (Etats-Unis), manquent de souveraineté politique. De plus, l’armée américaine possède des bases militaires en Arabie saoudite et au Koweït et, dans ces conditions, il est difficile de parler de «souveraineté territoriale» desdits pays.

Il existe une troisième catégorie de pays (Iran, Syrie) qui disposent de leur souveraineté territoriale et de leur souveraineté politique (même si une partie du territoire syrien reste occupée, ou annexée, par l’armée israélienne).

L’Iran, vieux pays de 25 siècles d’âge, a connu, depuis le 16e siècle, deux défaites majeures face aux Empires ottoman et russe. La prospérité de la Perse et les revendications territoriales, incitèrent les Ottomans à attaquer les Séfévides du Chah Ismä’il, vaincu à Tchaldirän. Au cours d’une guerre longue et meurtrière, opposant l’Empire Russe à l’Empire Perse, ce dernier capitula, en signant le traité (honteux pour les Iraniens) de Torkmânchâï en 1823. Téhéran céda au tsar ses provinces caucasiennes du Daghestan, d’Arménie, de Géorgie, d’Azerbaïdjan du Nord. Ces deux guerres, perdues suite au retard technologique de l’armée iranienne, ont marqué la mémoire collective de la nation. De plus, en 1907, les Empires russe et britannique partagèrent l’Iran en trois zones d’influence : le Nord aux Russe, le Sud aux Britanniques et une zone centrale neutre.

La révolution constitutionnelle de 1906, première révolution asiatique, devait permettre à l’Iran de retrouver sa souveraineté territoriale et politique, prélude indispensable à son développement technologique. C’était sans compter avec les colonialistes britanniques qui, en 1921, fomentèrent un coup d’état par l’intermédiaire d’un militaire nommé Reza Khan. Celui-ci fonda plus tard la dynastie des Pahlavi. On connaît la suite : En 1953, l’Iran connut un deuxième coup d’état d’inspiration américaine, qui renversa le gouvernement légitime du Dr. Mossadegh, ramenant au pouvoir Mohammad Reza Chah, le fils du fondateur de la dynastie.

Depuis les années 1970, l’Histoire a souri deux fois à l’Iran :

- La première fois après la défaite américaine au Vietnam. Affaibli, l’Empire américain n’avait pas les moyens de faire face à la montée de la vague révolutionnaire en Iran, aboutissant au renversement du régime dictatorial du Chah en 1979.

L’un des objectifs majeurs de la Révolution de 1979 était d’assurer définitivement la souveraineté du pays, en mettant un terme à l’ingérence des colonialistes occidentaux. On peut (et on le doit) être en désaccord total avec un Etat théocratique, aux pratiques médiévales, qui ne respecte pas les libertés démocratiques et les droits de l’Homme en général. C’est aux démocrates iraniens et internationaux de dénoncer les atteintes à la démocratie en Iran et non pas aux colonialistes. Mais force est de reconnaître que l’Etat souverain iranien n’a pas oublié les leçons de l’Histoire ; pour assurer la souveraineté du pays, il développe la technologie (surtout militaire) et n’hésite pas à défier les colonialistes occidentaux, cachés sous la burka de la «communauté internationale».

- La deuxième fois, l’intervention américaine en Afghanistan et en Irak a débarrassé l’Iran de ses ennemis, les talibans et Saddam Hussein. A son tour, la guerre d’Irak a affaibli et discrédité les Etats-Unis, incapables d’intervenir en Iran. Il est à souligner que l’échec américain a affaibli les régimes «amis» des Etats-Unis et renforcé les mouvements anticolonialistes, soutien régionaux de l’Iran.

Question: quelle est la nature de la tension existante entre l’Occident, d’une part et l’Iran, d’autre part ? Il serait faux de croire que la question nucléaire constitue le cœur de la tension Occident- Iran. Si l’Iran dérange c’est parce qu’il ne plie pas l’échine devant l’Occident. Son potentiel nucléaire ou militaire dérange, car il devient encore plus difficile d’imposer la «pax americana» à l’Iran et à toute la région. L’Iran est devenu la colonne vertébrale de la lutte anticolonialiste et antisioniste de la région et «casser l’Iran» reviendrait à décapiter l’opposition anticolonialiste du Moyen-Orient. C’est pourquoi, tout en critiquant le régime iranien, il est du devoir des démocrates du monde entier de soutenir le rôle international et anticolonialiste de l’Iran face à l’Occident.

Il faut souligner que l’Iran n’a pas besoin de fabriquer la bombe atomique. Les pays détenteurs de la bombe (Etats-Unis, Pakistan, Russie…) ne peuvent pas l’utiliser pour sortir de l’impasses irakienne, afghane ou tchétchène, dans laquelle ils se trouvent. Que peut faire la puissance nucléaire russe pour dissuader les Etats-Unis d’installer ses missiles antimissiles en Pologne? Par contre, le seuil nucléaire (dissuasion sans la bombe) permettra à l’Iran de dissuader les colonialistes de s’aventurer en Iran.

Face à l’affaiblissement des Etats-Unis et à l’intransigeance de l’Iran, tout porte à croire qu’en matière nucléaire et suite à des marchandages en coulisse, la «communauté internationale» aurait accepté les conditions de l’Iran. Pour le président iranien : «la question du dossier nucléaire iranien est close». D’ailleurs, il est à remarquer que le dossier iranien a «glissé» du Conseil de sécurité vers l’AIEA (Agence Internationale de l’Energie Atomique). L’enrichissement de l’Uranium n’est pas interdit par le traité de non prolifération.

Les menaces françaises contre l’Iran arrivent tard sur le «marché des menaces». Même si, dans un coup de folie, les Occidentaux décidaient de bombarder l’Iran, il faudrait qu’ils en assument les conséquences: blocage du Détroit d’Ormuz, pénurie d’hydrocarbures sur le marché donc, danger de marasme économique mondial, extension du chaos à toute la région, sortie de l’Iran de l’AIEA et fabrication de la bombe. Est-ce cela que veulent les Occidentaux?

NB : L’emploi du terme «occidental» est un raccourci, désignant les colonialistes occidentaux.

16.9.07

C.52- Irak: l'Amérique au tapis

Paix et Justice au Moyen-Orient
STRASBOURG, le 16 septembre 2007

cpjmo@yahoo.fr

Irak : l’Amérique au tapis

Pourquoi la chasse israélienne a survolé le territoire syrien?

Après la défaite humiliante américaine au Vietnam, selon la doctrine de Richard Nixon, l’Asie fut laissée aux Asiatiques et le Moyen-Orient au Chah d’Iran, promu entre- temps, «gendarme de l’Océan indien». L’Iran fut armé jusqu’aux dents, ses navires se rendaient en visite de courtoisie aux ports australiens et l’armée du Chah mâtait l’insurrection maoïste du Dhofar. Pour l’Occident, tout baignait jusqu’à la révolution de 1979, date à laquelle, l’«ami» iranien fut transformé en ennemi, concurrent surarmé et redouté.

Pour affaiblir l’Iran, casser son potentiel militaire et barrer la route à l’«exportation de la révolution islamique», l’Occident arma Saddam Hussein contre l’Iran. Huit années de guerre impitoyable opposèrent les deux puissances régionales qui, au prix de millions de morts et de destructions, finirent par sortir affaiblies et épuisées de la guerre. Avec l’affaiblissement de l’Union soviétique, la situation devint favorable (mais pas encore mûre) au «retour triomphal» des armées occidentales au Moyen-Orient.

L’invasion (provoquée) du Koweït par l’Irak meurtri et endetté, fournit le prétexte aux Américains pour s’installer confortablement au milieu des champs de pétrole, en Arabie saoudite et au Koweït. La France et l’Union soviétique, moribonde mais puissante, détenaient de grands intérêts en Irak. «On peut penser que lors de la campagne militaire contre l’Irak en 1991, appelée «Tempête du désert», le régime de Saddam Hussein dut sa survie au soutien des Russes, encore sûrs de leur puissance» (A. Rastegar : Pourquoi la guerre d’Irak?- DNA du 27/09/2002).

L’intervention américaine en Irak en 2003 résultait de la conjonction de deux situations, internationale d’une part, et régionale d’autre part. Sur le plan international, la disparition de l’Union soviétique, transformant les Etats-Unis en unique puissance planétaire, et sur le plan régional, le discrédit des idéologies laïques et anticolonialistes (nassérisme, socialisme arabe, baasisme) suivi de l’affaiblissement de l’Irak, ont favorisé l’invasion de l’Irak.

Les Etats-Unis, sans rival, étaient alors au faîte de leur puissance. Ils comptaient sur l’affaiblissement concomitant et durable de la Russie et de l’Iran pour pérenniser leur emprise et même l’étendre sur l’Iran, la Syrie, le Liban, voire la Russie et ses richesses pétrolières, par l’intermédiaire d’oligarques corrompus, à la solde de l’Occident.

L’invasion illégitime de l’Irak désorganisa la société, libérant toutes les forces antagonistes ; alors que, face à la machine de guerre américaine, l’armée irakienne se fondit dans la nature, adoptant rapidement la technique de guérilla de harcèlement des forces d’occupation.

A peine quatre ans après le déclenchement des hostilités, la plus puissante armée du monde est au tapis en Irak. Des milices et des gangs s’activent aux quatre coins du pays. Pour rétablir la sécurité, les Américains s’inspirent des méthodes israéliennes : «La guerre en Irak a rempli Bagdad de blocs de ciment encerclant, fractionnant, défigurant, déshumanisant les quartiers. Une profusion de murs et de barrages qui indique que, dans leur capitale, les Irakiens ont déjà cessé de vivre ensemble» (Cécile Hennion- Le Monde du 23/08/07). Après le mur de Berlin, le mur de séparation d’Israël, est venue l’heure des murs de Bagdad.

L’armée américaine est à bout de souffle. Ses capacités de rotation touchent à leurs limites. Le niveau qualitatif des engagés militaires a baissé et le niveau moyen de formation des officiers est désormais inférieur au seuil critique. Manquant de recrues, l’armée accepte des détenteurs de casier judiciaire dont le nombre a quadruplé. Robert Gates, le secrétaire à la défense, se disait préoccupé, craignant qu’un «surengagement consume» l’armée et la «distraie des autres choses» (LM du 11/09/07). Du côté démocrate, on entend le même son de cloche : «ce qui est en jeu est plus important que cette guerre. C’est notre leadership mondial» (Barack Obama- LM du 14/09/07).

L’audition par le Congrès du commandant en chef des forces alliées en Irak, le général David Petraeus, n’a pas modifié les rapports de force à Washington. Alors que les partisans d’un retrait total exigent le retrait pur et simple des troupes, G.W.Bush a présenté un plan de retrait de 21500 hommes d’ici juillet 2008. Même si ce retrait reste symbolique, l’avenir nous dira qu’il représente, peut-être, le début du reflux de la puissance et de l’influence américaines au Moyen-Orient, voire dans le monde.

Le changement des rapports de force profite aux forces anticolonialistes, à la Syrie et à l’Iran. Selon le président iranien: «Ceux qui sont venus [en Irak] pour augmenter leur puissance sont en train de la perdre (…) Il y aura bientôt un vide dans la région», que l’Iran se propose de «combler, avec l’aide d’amis voisins et de la nation irakienne» (LM du 30/08/07).

Les Américains et leurs larbins Israéliens ne l’entendent pas de cette oreille. Ils s’accrochent au pouvoir, envoient leurs avions survoler le territoire syrien afin d’intimider leurs adversaires et leur signifier qu’ils sont encore maîtres de la région et comptent le rester. En soutien aux Américains, les Français menacent l’Iran d’un bombardement nucléaire et autres sanctions hors ONU.

Président de l’Institut international d’études stratégiques de Londres, François Heisbourg (dont le cœur bat au rythme du Foreign office) écrit dans l’introduction de son dernier livre : «Iran, le choix des armes?»: «La débâcle irakienne est passée par là. La retenue américaine vis-à-vis d’un Iran franchissant le seuil nucléaire ne serait pas interprétée comme la démonstration d’une force tranquille, mais comme une preuve de la faiblesse stratégique d’une Amérique humiliée.»

Rien ne peut empêcher le vent de tourner, encore moins l’intimidation, et, tôt ou tard, l’heure du choix stratégique sonnera encore plus fort. Encore un peu de patience!

9.9.07

C.51(le 9 septembre 2007) - Quel bilan pour l'administration Bush ?

Paix et Justice au Moyen-Orient STRASBOURG, le 9 septembre août 2007

cpjmo@yahoo.fr

Quel bilan pour l’administration Bush?

Depuis l’envoi, en janvier 2007, de 30000 soldats supplémentaires en Irak, la presse mondiale maintient le suspens sur le premier «bilan» de la «nouvelle stratégie» américaine dont l’objectif est double: le renforcement du gouvernement irakien et l’élévation du niveau de la sécurité.

L’accent est mis particulièrement sur la «réconciliation politique». Les Etats-Unis insistent même sur un rapprochement avec les anciens partisans de Saddam Hussein. Concernant le rapport du général Petreaus attendu par le Congrès américain, Antony Blinken, ancien conseiller du président Bill Clinton, estime que «la réconciliation politique ne s’est pas produite» (Le Monde du 05/09/07). Pourquoi?

Pour justifier sa politique en Irak, G. Bush donne souvent l’exemple du Japon et de la Corée du Sud où l’Etat s’était rapidement reconstitué, après la conquête américaine. Or dans lesdits pays, la bourgeoisie existait en tant que classe relativement homogène et l’Etat, en tant qu’organe de domination d’une classe sur la société, n’a pas eu de mal à se réorganiser.

L’Irak c’est comme du sable mouvant contrairement au Japon et à la Corée du Sud. L’Irak, pays constitué artificiellement, a une situation différente de celle des vieux pays de la région (Iran, Turquie) : dans ce jeune pays, il n’y a pas de classe politique homogène (multiethnique).

Avant de partir, il y a 60 ans, les colonialistes britanniques ont cédé les rênes du pouvoir à une fraction des sunnites, acquise aux Britanniques. Depuis, les coups d’état à répétition ont émaillé la vie politique en Irak. Le dernier en date fut celui de Saddam Hussein qui, en écartant du pouvoir par la terreur les autres ethnies et communautés, installa comme ses prédécesseurs un simili Etat à caractère clanique.

Il est à souligner que les communautés religieuses sunnite ou chiite ne sont elles- mêmes pas homogènes. On le voit bien à Bassora où la lutte pour le pouvoir oppose différentes milices chiites. Fin août, pour le contrôle de Kerbela, dominé apparemment par la milice Badr, différentes milices chiites (l’armée du Mahdi et la milice Badr), se sont affrontées militairement. Hétérogènes, les différentes factions kurdes ont souvent croisé le fer. Leur «réconciliation» actuelle relève plus de la circonstance que d’une réelle volonté d’aboutir à un partage du pouvoir. Dans une interview accordée au journal Le Monde et publiée le 23 août 2007, Jalal Talabani, président irakien, s’est exprimé sur la vraie nature de la guerre civile qui sévit actuellement en Irak: «Il n’y a pas de guerre sunnite- chiite en Irak (…) Nous assistons en fait à une guerre politique autour du partage du pouvoir». Le mot est lâché : le «partage du pouvoir». Dans un tel capharnaüm, que signifie la «réconciliation»?

Pour Bush, la «réconciliation» consiste à rassembler ses «amis» irakiens dans une sorte de «front uni», sans tenir compte de l’évolution de la société irakienne qui se trouve toujours à l’étape historique de la formation de l’Etat. Quiconque (Britanniques, Américains, Iraniens) veut se frotter à la réalité irakienne, finira par se brûler les ailes. Force est de constater que l’administration Bush, adepte de la force militaire, est en train de le comprendre au prix fort.

Tout porte à croire que les Britanniques, ancienne puissance tutélaire donc plus expérimentée, ne se font guère d’illusion et ont préféré plier bagage, laissant Bassora aux milices chiites.

Parlant de «bilan», Philippe Bolopion, journaliste, écrivait dans Le Monde du 8/06/07: «un rapport du Pentagone, publié le 13 juin [2007], a déjà tempéré l’optimisme initial du secrétaire à la défense, Robert Gates, en reconnaissant que la violence s’était déplacée sans décroître. Tandis que le mois de mai a été l’un des plus meurtriers depuis 2003, la confiance des Américains ne cesse de s’éroder.»

Les «amis» de Bush sont eux aussi dans de «sales draps». Comme Bush, le général Musharraf avait adopté une politique antidémocratique en instaurant un régime dictatorial, conduisant ses opposants à s’exiler. Comme la politique de Bush, celle du général Musharraf a produit l’effet contraire. Les attentats se multiplient, l’opposition pakistanaise prépare son retour et Benazir Bhutto, préférée des Américains, impose ses conditions.

Concernant la Palestine, les différents plans de l’administration Bush comme la conférence de Madrid, Oslo, la «feuille de route», ont échoué lamentablement. La prochaine conférence sur la Palestine semble déjà mort- née. Aucun accord de principe, relatif aux questions des colonies, des frontières et de la formation d’un Etat palestinien, n’a été conclu lors de multiples entretiens entre Ehoud Olmert et Mahmoud Abbas. Son premier ministre, Salam Fayad affirme : «Israël n’a pas mis en œuvre un seul de ses engagements en ce qui concerne la levée de check-points, l’humiliation de notre peuple à ces check-points, sans parler des raids, des assassinats et des colonies» (LM du 31/08/07). Dans ces conditions, dans les prochains mois, le développement de l’influence du Hamas en Cisjordanie semble donc inévitable.

Actuellement, même Bush évoque le départ d’Irak, mais «en position de force»! Quel «bilan» (aveu d’échec) éloquent! Il faut être Bush pour faire passer une défaite pitoyable pour un départ en «position de force». Pour Antony Blinken: «D’ici 2008, nous sommes obligés de diminuer nos effectifs en Irak (…) L’administration a maintenant compris qu’il n’y a pas de solution militaire mais elle a défini de manière impossible la solution politique». C’est qu’il faudra encore quelques milliers de morts militaires et civils pour que l’administration Bush finisse par trouver «de manière possible» la solution politique!

1.9.07

C.50- Le "djihad froid"

Paix et Justice au Moyen-Orient
STRASBOURG, le 2 septembre 2007

cpjmo@yahoo.fr

Le «djihad froid»


Sans rival sur la scène mondiale depuis l’effondrement de l’Union soviétique, les colonialistes occidentaux menés par les Etats-Unis, ont vu leur langue se délier. L’ingérence, les menaces, intimer des ordres, font désormais partie du langage courant de la diplomatie des chancelleries occidentales.

Devant les ambassadeurs de France à l’Elysée le 27 août, les propos de Nicolas Sarkozy: «un Iran doté de l’arme nucléaire est inacceptable» sonnent comme une ingérence dans les affaires intérieures d’un pays souverain. A leur tour, Bernard Kouchner et Hillary Clinton somment le premier ministre irakien de démissionner. G. Bush donne des ordres à Musharraf, bombarde Waziristan, au nord du Pakistan, et menace de bombarder les installations nucléaires iraniennes. Aucun pays n’est épargné.

Loin de se laisser intimider, les mouvements de résistance de ces pays tout comme l’Iran et la Syrie profèrent à leur tour des menaces contre l’ingérence et les menaces occidentales. Dans de telles conditions, il est parfois difficile de faire la part de la réalité et des discours.

Heureusement, il y a l’étude des rapports de force qui permet de distinguer ce qui, entre discours et réalité, correspond à l’environnement qui est le nôtre. Ainsi, en ce qui concerne la position française, avant la conférence de Celle- Saint- Cloud (Yvelines) qui a réuni les principaux partis politiques libanais, «une place particulière a été accordée à l’Iran (…) L’émissaire français s’est rendu à Téhéran à deux reprises» (Le Monde du 14/07/07).

Cette «place particulière accordée à l’Iran» par la France, montre que l’actuel président de la République continue d’honorer les accords avec l’Iran, négociés par Jacques Chirac. Donc, pour lui, pas de modification du poids et de l’influence de l’Iran dans cette partie du monde.

Comme nous l’avions indiqué dans l’un de nos communiqués, au Moyen-Orient, les rapports de force changent lentement, mais sûrement. L’une des manifestations de cette évolution est l’accord qui vient d’être signé entre l’Iran et l’AIEA (l’Agence internationale de l’énergie atomique). En effet, l’AIEA a reconnu que, concernant le plutonium, «les déclarations passées de l’Iran sont conformes aux conclusions de l’agence, et ce point est ainsi réglé» (LM du 29/08/07). Soit dit en passant, le plutonium entre dans la fabrication de la bombe atomique. Or, l’accord entre l’AIEA et l’Iran ne pouvait être signé sans l’assentiment préalable des puissances occidentales en conflit avec l’Iran.

Sans vouloir débattre de l’aspect technique du conflit en cours, la signature de cet accord, et d’autres accords sur le nucléaire, est une des conséquences de l’échec américain en Irak, son affaiblissement en Afghanistan et la montée concomitante de l’influence iranienne et des insurgés islamiques dans la région. C’est dans le contexte du rapprochement franco-américain qu’il faut situer les propos de Nicolas Sarkozy, lorsqu’il dit : «un Iran doté de l’arme nucléaire est inacceptable». C’est aussi sous cet aspect qu’il faut analyser le déploiement des avions de combat français à Kandahar en Afghanistan, sur une base sous commandement américain. Face aux Etats-Unis, la France a définitivement perdu son autonomie au Moyen-Orient.

Le retour français dans le giron atlantique sert à ressouder les rangs des puissances occidentales, afin de faire face aux perspectives de l’échec cuisant américain, qui laisserait un «vide», nuisible aux intérêts colonialistes. Pour G.W.Bush, l’alternative est la suivante : les «terroristes» contrôleraient une «part clé des ressources énergétiques» et pourraient «prendre en otage» l’économie mondiale (LM du 30/08/07). Effectivement, l’enjeu c’est le contrôle des richesses de la région par des peuples et nations de la région, spoliés et volés, depuis deux siècles, par les grandes puissances occidentales.

Voyant venir le fiasco américain en Irak, et afin d’associer la classe politique américaine à sa cause, G.W.Bush agite le spectre d’un «holocauste nucléaire» iranien. Ses gesticulations n’impressionnent plus personne. Selon Philippe Bolopion, journaliste, les interventions du président américain ont bénéficié d’une couverture de presse plus réduite et résolument sceptique (LM du 30/08/07). Même les ténors républicains, représentants politiques des multinationales, «ont également appelé l’administration Bush à reconsidérer sa politique» (LM du 30/08/07). Le reflux de l’influence de l’administration Bush continue bel et bien.

La résistance anti- américaine au Moyen-Orient est d’une importance historique. Même si elle est conduite par des insurgés islamiques, à cent lieux des Lumières, elle est de même nature que les révolutions française et bolchevique: accompagner le passage des sociétés féodales, soumises aux colonialistes occidentaux, à une société bourgeoise, capitaliste. Ce fait est complètement ignoré des «géopoliticiens savants» et analystes Occidentaux. Des tonnes de livres traitent des «terroristes islamistes», de leurs sources de financement, d’armement et du caractère arriéré de leur projet de société. Rien sur les conséquences de la victoire desdits insurgés sur la marche de l’Histoire au Moyen-Orient et dans le monde.

La myopie des colonialistes les pousse à jouer sur les contradictions chiites- sunnites. Les médias parlent du soutien apporté par l’Arabie saoudite aux insurgés sunnites irakiens ou libanais. Or, l’actuelle vague révolutionnaire touche indifféremment les deux communautés religieuses, qui ont deux ennemis communs: les régimes dictatoriaux et proaméricains de la région et leurs soutiens occidentaux, en particulier américain. C'est contre eux que l’aide saoudienne finira par se retourner.

En attendant, «l’état de tension internationale prolongée, due à une politique d’hostilité entre deux adversaires, qui ne va pas jusqu’au conflit armé» (définition de la «guerre froide»- Grand Larousse universel) persiste entre l’Iran, d’une part et l’Occident, d’autre part. Après des menaces proférées contre l'Iran, le président iranien réplique à son tour: «la question du dossier nucléaire iranien est close», en dénonçant N. Sarkozy de manquer d’«expérience» (LM du 30/08/07). Il s’agit d’un «djihad froid», mené par la république islamique contre ses adversaires «impies».

Les Occidentaux et l’Iran sont complémentaires. Les uns ont besoin des autres. Pour sauver leurs intérêts, les Occidentaux sont obligés de tenir compte de la position de l’Iran et de s’entendre avec lui. Mais, seule la victoire de la résistance anticolonialiste fera comprendre aux Occidentaux qu’il est temps de changer de comportement, en respectant les cultures et la souveraineté des nations de la région martyrisée du Moyen-Orient.