28.7.07

Communiqué 45

Paix et Justice au Moyen-Orient
STRASBOURG, le 29 juillet 2007

cpjmo@yahoo.fr

Quelle paix pour le Moyen-Orient ?

Au péril de leur vie, Abbas et Musharraf se plient à la «pax americana»

Lorsque les médias publient des plans de paix au Moyen-Orient, fussent-ils l’oeuvre de milieux colonialistes, le coeur de tout un chacun se remplit de joie. Malheureusement, depuis la naissance du conflit israélo-palestinien, les plans de paix se sont succédés, mais la paix n’arrive pas. C’est que les protagonistes ne partagent pas la même idée de la paix. Celle-ci signifie : «concorde, absence de conflit entre les personnes» (Dictionnaire HACHETTE).

Pour les Etats-Unis, la paix implique que les Palestiniens, en renonçant à la création de leur Etat, reconnaissent l’Etat d’Israël dans les limites des territoires et colonies annexés jusqu’à ce jour.

Pour Israël et les Etats-Unis, «concorde, absence de conflit entre les personnes» signifie que les intérêts israéliens et américains passent avant ceux des Palestiniens, qui sont invités à accepter «l’appel du président George Bush» du 16 juillet, proposant la tenue d’une réunion (et non pas d’une «grande conférence de paix») pour «essayer de trouver les moyens de construire des institutions fondamentales et essentielles pour les Palestiniens, qui vont leur permettre de s’administrer eux-mêmes et d’avoir une démocratie» (Le Monde du 21/07/07).

«S’administrer eux-mêmes» ne signifie nullement «s’administrer» au sein d’un Etat palestinien souverain. Par ailleurs, pour couper court à toute mauvaise interprétation de leurs plans, les Etats-Unis se sont opposés à la proposition des dix pays du sud de l’Europe (qui) s’étaient prononcés pour un élargissement du mandat de M. Blair, avec l’objectif de faciliter des «négociations sans préalables sur le statut final» des territoires palestiniens (LM du 21/07/07). En résumé, c’est en acceptant la «pax americana» que les Palestiniens, vivant dans une sorte de «bantoustan démocratique», muni d’«institutions fondamentales» acceptées par la «communauté internationale», sous l’égide du «Grand Israël», atteindront la «concorde» avec les Israéliens et que, ces derniers, pourront vivre dans un climat d’«absence de conflit entre les personnes».

Tout porte à croire que, poussée à bout par l’intimidation israélo-occidentale, l’extension des check- points, le développement de colonies israéliennes en Cisjordanie, la confiscation (le vol) par Israël des taxes et autres impôts impartis aux Palestiniens (600 million de dollars), l’emprisonnement de très nombreux Palestiniens (11000 prisonniers) et le développement de la misère, une fraction du Fatah, menée par Mahmoud Abbas, ait fini par accepter la «pax americana». Tandis que le Hamas (le mouvement de la résistance islamique) et une autre fraction du Fatah refusent cette vision de «paix» sous contrainte qui s’apparente à la capitulation.

Fait remarquable: le gouvernement d’urgence mis en place par Abbas n’arrive pas à obtenir le vote de confiance du «Conseil législatif», le parlement palestinien. Selon «Al Faraby- Aloufok» du 23 juillet 2007 (http://www.aloufok.net), «ce sont les partisans du Fatah et d’autres partis favorables à Abbas qui ont décidé de boycotter la séance (du Parlement), en signe de protestation et de lassitude.» Par ailleurs, en créant le «Fatah Yasser», le mouvement créé par Abou Hillal, l’ancien porte parole du ministère de l’intérieur, certains membres du Fatah se sont rapprochés du Hamas (LM du 21/07/07).

Malgré les soutiens (politique et financier) de la «communauté internationale» au Fatah de Mahmoud Abbas, ce dernier est-il en position de force en Cisjordanie? Ce n’est pas ce qui ressort du rapport de l’AFP et du Reuter, selon lesquels «les Etats-Unis et l’Union européenne souhaitent éviter un effondrement similaire (à la bande de Gaza) en Cisjordanie du Fatah»? (LM du 21/07/07).

Au Pakistan, l’alliance des militaires et des islamistes remonte aux années 1970, lorsque l’Occident, mené par les Etats-Unis, combattait la présence soviétique en Afghanistan.

Les partis politiques laïcs au pouvoir, y ont été évincés au profit de Pervez Musharraf, chef d’état major des armées, suite au coup d’état de 1999. Actuellement exigée par les Etats-Unis, la rupture de cette alliance est ressentie comme une trahison par les islamistes qui avaient soutenu Pervez Musharraf.

Pressés de fermer les «sanctuaires» pakistanais des talibans afghans, les Américains exercent des pressions et profèrent des menaces à l’encontre de Musharraf, prévoyant même de «retourner au Pakistan avec des troupes américaines» (Lee Hamilton, le coprésident du Groupe d’étude sur l’Irak- LM du 20/07/07). D’autant plus qu’une fraction de l’armée et des services de renseignements (ISI) sont de mèche avec les islamistes.

La réconciliation de Musharraf avec ses ex-ennemis laïcs, permettra, peut-être, aux Américains de prolonger leur présence en Afghanistan. Leurs donnera-t-elle la victoire militaire? Rien n’est moins sûr. Même chez l’«ami» Pakistanais «les journalistes, rédacteurs et présentateurs de télévision, qui représentent la classe moyenne, sont généralement hostiles à l’armée, à Musharraf, aux Occidentaux et aux Américains» (Najam Sethi- THE FRIDAY TIMES- cité par Courrier international du 19 au 25 juillet 2007).

Dans l’hypothèse d’une alliance forcée entre l’armée et les partis laïcs affairistes, peu soucieux du sort de la population, il est probable que les partis laïcs ne seront pas en mesure de faire des miracles dans un pays en prise à une agitation permanente, somme toute régionale. Même la Turquie laïque est touchée de plein fouet par la «vague islamiste», soit- disant modérée.

L’Iran n’a certes pas besoin d’«exporter» sa révolution islamique, en progression dans toute la région. L’intervention des anglo-américains ne fait que favoriser la contagion révolutionnaire.

L’avenir est plutôt terne pour les colonialistes atteints de myopie qui font, sinon leur examen de conscience, du moins leurs bagages, les uns après les autres. «Un pont aérien secret a permis au Danemark d’évacuer près de 200 civils irakiens, dont environ 80 interprètes qui avaient travaillé aux côtés des troupes danoises» (LM du 24/07/07). Les partis politiques canadiens, tels que le Parti libéral, principal parti d’opposition, et Le Nouveau Parti démocratique, exigent un repli immédiat des troupes canadiennes d’Afghanistan (LM du 10/07/07) ; alors que les Britanniques reprochent aux Français et aux Allemands de ne pas vouloir accroître leur présence militaire (LM du 20/07/07).

En phase avec la «pax americana», la constatation s’impose que les «soldats Abbas et Musharraf» font fausse route. Peut-on encore les sauver?

21.7.07

Communiqué 44

Paix et Justice au Moyen-Orient
STRASBOURG, le 22 juillet 2007

cpjmo@yahoo.fr

La myopie des colonialistes

En composant avec l’occupant, Mahmoud Abbas a perdu toute légitimité à représenter les aspirations du peuple palestinien.

La conquête relativement facile de l’Afghanistan et de l’Irak, deux pays stratégiques, devait jeter, pour mille ans, les bases de la «Pax americana» dans la région. A peine cinq ans plus tard, l’incendie afghan déborde les frontières et se propage au Pakistan, où, pour asseoir son autorité, le général- président Pervez Musharraf, se détournant de l’opposition laïque, signait le 5 septembre 2006 un «accord de paix» avec ses islamistes.

Il n’en fallait pas plus pour que les talibans afghans et pakistanais se renforcent, étendant leurs tentacules de part et d’autre de la frontière. Il en a fallu des dizaines de militaires occidentaux, tués dans des attentats en Afghanistan, puis du retour des talibans, pour que l’administration Bush impose un changement de stratégie à Pervez Musharraf. L’écrasement de la révolte de la «mosquée Rouge» marque le virage pris par le gouvernement pakistanais, qui se tourne en même temps vers son ex-ennemi, le Parti du peuple pakistanais (PPP), l’opposition laïque conduite par Benazir Bhutto.

Il est à souligner que la politique de complaisance vis à vis des islamistes, avait eu l’assentiment de l’administration Bush qui «comprenait» les contraintes stratégiques du gouvernement pakistanais. Suite à l’échec patent de ladite politique, voici la nouvelle position de l’équipe Bush envers Pervez Musharraf: «Nous le pressons d’aller plus loin et nous apportons notre plein soutien à ce qu’il envisage» (Stephen Hadley, conseiller à la sécurité nationale de Bush- Le Monde du 17/07/07). Une remarque: Qui dirige la politique pakistanaise: Bush ou Musharraf?

La nouvelle politique devrait sauver du naufrage le gouvernement Musharraf, éviter la «talibanisation» du Pakistan et maintenir ce dernier sous la férule des Etats-Unis. Pourquoi la nouvelle politique sera-t-elle plus favorable au couple Bush- Musharraf que la première? N’est-il pas déjà trop tard?

La situation n’est guère meilleure en Irak où Hayden, le chef de la CIA, estime l’instabilité irréversible (Le Monde du 14/07/07).

Empêtrés dans une «guerre asymétrique» à l’échelle régionale, les Etats-Unis ne contrôlent plus à cent pour cent la situation: ils ne contrôlent plus rien en Irak. Les talibans étendent leur emprise au Sud de l’Afghanistan. Les talibans pakistanais défient Musharraf en dehors du Waziristan, le Hezbollah est maître du Sud- Liban comme le Hamas dans la bande de Gaza.

La situation est-elle contrôlable en Cisjordanie? Actuellement, c’est la lune de miel entre l’équipe de Mahmoud Abbas et l’occupant israélien. «Bush a annoncé une aide de 80 millions de dollars en versement direct» (Le Monde du 18/07/07). C’est encore la myopie qui prévaut en Palestine. Car on connaît généralement la destination de cette somme «en versement direct» : elle servira à «engraisser» l’entourage de Mahmoud Abbas, à alimenter leurs comptes à l’étranger, à les équiper en voitures haut de gamme et en villas. De son côté, Mahmoud Abbas a promis de désarmer des membres des «Brigades des martyres d’Al-Aqsa», proches du Fatah (Le Monde du 17/07/07). Le comble, alors que 39 des 74 élus du Hamas croupissent dans les prisons israéliennes, le Parlement palestinien, dominé par le Hamas, sera remplacé par un «Conseil central de l’OLP», aux ordres de M. Abbas, donc des Israéliens.

Force est de constater que Mahmoud Abbas a cessé de se battre contre l’occupant et, pire, il collabore avec lui, en désarmant une partie de ses combattants ; actions «récompensées», par les Etats-Unis au moyen d’une «prime» dérisoire.

Le fossé ne cesse de se creuser entre l’Autorité palestinienne, devenue un élément supplétif de l’occupant, et le peuple palestinien qui continue de souffrir. Le journal YEDIOT AHARONOT, tirant la sonnette d’alarme à Jérusalem- Est, écrit : «Pensons à l’absence criante d’infrastructures publiques, à l’interdiction de toute planification urbaine, au manque de routes, de trottoirs, de terrains de jeux, de permanences sanitaires, sans parler du taux de chômage et des restrictions imposées à la libre circulation des Arabes de Jérusalem» (Courrier international du 12 au 18/07/07). Rappelons qu’aux législatives de janvier 2006 à Jérusalem- Est, le Hamas a obtenu 42%des voix contre 36% pour le Fatah.

Souvenons-nous de l’intervention américaine en Iran de 1953: elle nous fournit un exemple éclatant de la myopie des colonialistes en politique étrangère. En écrasant le mouvement nationaliste et laïc du Dr. Mossadegh, les Etats-Unis n’ont-ils pas favorisé l’émergence, en 1979, des islamistes iraniens menés par Khomeiny? En 2007, en neutralisant puis en discréditant le Fatah de Mahmoud Abbas, les américano- israéliens déroulent un tapis rouge devant les fondamentalistes du Hamas en Palestine.

Autre manifestation de la myopie colonialiste: pour sortir de l’impasse, les Américains proposent de réunir les protagonistes «reconnaissant le droit d’Israël à exister» (Le Monde du 18/07/07). Là encore, il y aura un nombre très restreint de pays ou d’organisations, du reste peu influents, qui pourront participer à la «réunion» (qui n’est pas une «conférence») sur la Palestine. Voici ce qu’en pensent les pays arabes «amis»: ils doutent qu’Israël soit capable de faire des propositions sérieuses sur la question des réfugiés, sur le choix de Jérusalem- Est comme capitale de l’Etat palestinien, ou sur le retour aux frontières de 1967 (Le Monde du 18/07/07).

La même myopie s’observe au Liban. Vu le discrédit américain, c’est à l’initiative française que le dialogue a repris entre les différentes composantes de la société. Là encore, la majorité et ses soutiens franco- américains demandent à l’opposition de faire des concessions. Sauf à reconnaître le vrai poids de l’opposition, les conférences pour résoudre la crise libanaise, seront vouées à l’échec.

Une fois de plus, les guerres d’Irak, d’Afghanistan, du Liban et le conflit palestinien ont montré que - malgré leurs cohortes d’historiens et de géopoliticiens, formés dans les meilleures universités- les colonialistes ne voient guère plus loin que le bout de leur nez. Ce qui les intéresse, c’est le très court terme, en attendant le changement des rapports de force par la voie militaire, que ce soit en Irak, en Afghanistan, au Pakistan, en Palestine, au Liban ou ailleurs.

16.7.07

Communiqué 43

Paix et Justice au Moyen-Orient
STRASBOURG, le 15 juillet 2007

cpjmo@yahoo.fr

En Orient: la révolte des mosquées

Quoi que fassent les Etats-Unis, la situation se retourne contre eux

Après l’invasion de l’Afghanistan par les troupes soviétiques, les Etats-Unis, soutenus par leurs alliés pakistanais et saoudiens, ont mis en place une stratégie visant à les en déloger et à prendre leur place.

Pour former des combattants fanatisés et djihadistes anti-communistes, des écoles coraniques, financées par des wahhabites saoudiens, se sont multipliées au Pakistan. Les Américains et leurs alliés n’étaient sûrement pas conscients que l’humanité venait de changer d’époque et que les pays arabo-musulmans entraient de plein pied dans une nouvelle phase de la «révolution bourgeoise démocratique» (voir le communiqué 33).

Contrairement aux précédentes révolutions, française et bolchevique anti-cléricales, cette nouvelle phase de la révolution est conduite par le clergé musulman, chiite et sunnite, ayant l’islam pour idéologie. Phénomène social, il puise ses références dans les «sciences» de l’antiquité, inspirées par Aristote: le monde constitué de quatre éléments (la terre, le feu, l’eau et le vent), créé en sept jours, par un dieu qui créa d’abord l’homme, puis la femme, tels quels depuis leur création, sans aucune évolution.

Cette idéologie, prodiguée aux croyants et acceptée par ces derniers, est battue en brèche par les sciences modernes (le darwinisme, la biologie, la géologie, l’anthropologie, la physique, l’astronomie, etc.). Peu leur importe. Cette idéologie, foncièrement médiévale, est portée par une classe sociale qui conduit une politique anticolonialiste, en phase toutefois avec l’Histoire. Elle est accessible aux masses peu cultivées et leur permet d’accéder au «Paradis» (la justice sociale, la richesse, le progrès et la prospérité) en cas de victoire sur le colonialisme et ses suppôts locaux!

Commencé en 1979 avec la victoire de la révolution islamique en Iran, ce nouveau type de «révolution bourgeoise démocratique», utilise la mosquée, lieu de rassemblement des croyants, comme un lieu de contestation et de mobilisation des fidèles; certains d’entre eux s’y engageant dans la voie du «djihad» anticolonialiste. Par ailleurs, vu l’incompétence de gouvernements corrompus, la mosquée est devenue un lieu de redistribution de la richesse nationale: les pauvres y trouvent nourriture, habits, soins et réconfort. La république islamique d’Iran a posé ses fondations dans les mosquées. Le FIS d’Algérie des années 1980, les frères musulmans, le Hamas palestinien et le Hezbollah libanais se sont développés en investissant les mosquées.

Formés dans les écoles coraniques, les Talibans ont participé activement à la lutte anticolonialiste. Avec les autres tendances de la résistance anticolonialiste, ils ont réussi à chasser les Soviétiques et, dans un deuxième temps, à prendre le pouvoir en Afghanistan.

Du point de vue des services de renseignements pakistanais (ISI), l’Afghanistan des Talibans devait servir de «profondeur stratégique» au Pakistan, puissance nucléaire, aux velléités de puissance régionale. L’Afghanistan ne s’est pas transformé en «profondeur stratégique» du Pakistan. C’est le contraire qui s’est produit. En effet, étroitement liées à la talibanisation des Afghans des camps de réfugiés, les Pachtounes de la zone frontalière et une fraction des services de renseignements ont suivi la talibanisation, encourageant la société et le gouvernement à instaurer la charia au Pakistan.

Par la suite, les Talibans, se détournant de leurs mentors américains et pakistanais, ont été chassés du pouvoir par l’intervention américaine. Mais, face à l’incurie du gouvernement mis en place par l’occupant américain, les Talibans sont de retour et étendent leur contrôle sur l’Afghanistan. L’avenir s’assombrit pour les colonialistes occidentaux.

Maintenant, c’est le Pakistan qui sert de «profondeur stratégique» aux Talibans qui, avec le soutien de leurs congénères pakistanais, y ont installé des camps d’entraînement et, avec l’aide d’une fraction des services de renseignement, s’y approvisionnent en armes, en munition et en soldats. Parallèlement, sous l’effet du développement des sentiments anti-américains au Moyen-Orient, la résistance au régime proaméricain de Pervez Musharraf se développe au Pakistan. Les islamistes, anti-occidentaux, semblent représenter le gros des bataillons des mécontents, n’hésitant pas à organiser des attentats contre le président pakistanais. L’affaire de la «mosquée Rouge», qui agite en ce moment le Pakistan, s’inscrit dans la talibanisation rampante du Pakistan. C’est la première fois qu’en plein cœur d’Islamabad, les fondamentalistes lancent un défi armé au régime de Pervez Musharraf.

L’écrasement des révoltés de la «mosquée Rouge» marque le souhait des Américano-pakistanais de reprendre la situation en main : leur objectif serait, primo, l’assèchement des ressources des Talibans afghans et, secundo, l’affaiblissement des islamistes pakistanais qui représentent un sérieux danger pour le pouvoir pakistanais et son allié américain.

Force est de constater que, quoi que fassent les Etats-Unis, la situation se retourne contre eux. Actuellement, une zone de tension intense, voire révolutionnaire, s’étend de la frontière chinoise jusqu’aux confins de l’Afrique de l’Ouest. L’«état d’alerte» a été déclaré au Maroc le 6 juillet (Le Monde du 10/07/07). Aux Etats-Unis même, la tension entre le Congrès et l’administration Bush s’exacerbe. «Le Congrès accentue sa pression sur Georges Bush pour un retrait d’Irak» (Le Monde du 11/07/07). C’est le chaos à Bagdad et à Washington.

Les forces pakistanaises peuvent facilement reprendre le contrôle de ce qu’on a appelé la «mosquée Rouge». Mais des centaines, voire des milliers de «mosquées Rouges» risquent d’en prendre le relais, aussi bien au Pakistan que dans le monde arabo-musulman.

7.7.07

Communiqué 42

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 8 juillet 2007

cpjmo@yahoo.fr

Bilan du nouveau partage du monde

En reconnaissant l’Etat d’Israël, le Fatah s’est privé d’un moyen de pression indispensable à la constitution d’un Etat palestinien indépendant

Depuis le 11 septembre 2001, une nouvelle vague néocolonialiste "à visage démocratique" déferle sur l’Orient. Cette vague est une conséquence de la désintégration de l’Empire soviétique, de la perte d’influence russe en Europe de l’Est, au Proche et au Moyen-Orient et en Asie centrale. Certains pays ou régions ont été carrément (re)colonisés (Kosovo, Afghanistan et Irak) par les armées occidentales, en particulier l'armée américaine. D’autres ont quitté le camp russe pour rejoindre celui de l’Occident, plus puissant.

En Europe de l’Est, au Caucase, en Asie centrale, des régions entières ont été redessinées en fonction des intérêts pétroliers et militaires des puissances colonialistes. C’est ainsi qu’à la fin des années 1990 est née l’organisation régionale GUUAM, regroupant la Géorgie, l’Ukraine, l’Ouzbékistan, l’Azerbaïdjan, la Moldavie. Une autre organisation nommée OCEMN, organisation de la coopération économique de la Mer Noire, a été créée en 1992, regroupant la Bulgarie, la Géorgie, la Roumanie, la Russie, la Turquie, l’Ukraine, à laquelle cinq autres pays sont associés (Albanie, Arménie, Azerbaïdjan, Grèce et Moldavie). Le même pays fait souvent partie de deux ou de plusieurs organisations régionales ou supra-régionales.

Ces organisations sont dirigées par les Etats-Unis qui ont façonné la vaste région eurasienne pour créer des «corridors», des «terminaux», des voies d’acheminement du gaz (gazoduc) et du pétrole (pipeline) ou des marchés, «ateliers» bon marché au service des capitaux financiers, et des bases militaires. La mer Noire n’est plus qu’un lac américain.

L’OTAN s’étend vers l’Est et des bases de missiles antimissiles seront installées en Pologne et en république Tchèque. L’étau se resserre autour de l’Empire russe, l’Asie Centrale échappe à la Russie et la Mer Caspienne ainsi que le Golfe Persique, où patrouillent des navires de guerre et des porte-avions, sont plus que jamais sous la coupe américaine.

Dans le monde arabo- musulman, la Libye «révolutionnaire», après avoir perdu le soutien de ses alliés soviétiques puis russes, a plié l’échine devant la puissance américano-britannique et, en reconnaissant l’Etat d’Israël (un piège que le Hamas a évité soigneusement), le Fatah s’est privé d’un moyen de pression, indispensable à la constitution d’un Etat palestinien indépendant dans les frontières de 1967. Promu l’«ami» de l’Occident et d’Ehoud Olmert, Mahmoud Abbas quémande actuellement les produits des taxes et des droits de douanes palestiniens, illégalement confisqués par Israël, alors que l’armée israélienne sévit impunément dans la bande de Gaza et dans «certaines villes de Cisjordanie, notamment à Naplouse et à Jénine, considérées comme des bastions de la lutte contre l’occupation» (Le Monde du 3 juillet 2007). Chaque intervention militaire se termine par une dizaine de morts palestiniens.

Cependant, depuis un an, la puissance des Etats-Unis et de ses alliés colonialistes marque le pas: la Syrie, l’Iran et le Venezuela tiennent bon. Les résistances irakienne et afghane gagnent en intensité, infligeant des pertes importantes aux armées colonialistes occidentales. A son tour, le Hezbollah libanais a infligé une bonne correction à l’armée israélienne et le Hamas porte désormais l’espoir de résistance du peuple palestinien.

A son tour, la Russie essaie de «renaître de ses cendres» et, après le sommet informel des 1er et 2 juillet Bush-Poutine à Kennebunkport aux Etats-Unis, elle menace de déployer ses missiles dans son enclave de Kaliningrad. Cette menace suffira-t-elle pour modifier le comportement des Etats-Unis? Une étude détaillée des rapports de force montre que, depuis 1991, c’est- à- dire depuis qu’elle a perdu ses réseaux d’influence en Europe Orientale et dans le monde, la Russie n’est plus en mesure d’impressionner l’Occident, et à fortiori les Etats-Unis, ou de leur imposer son point de vue. La réponse du sous-secrétaire d’Etat américain Dan Fried, est, on ne peut plus claire: «les Etats-Unis ne renonceront pas pour autant à la «défense ferme de nos principes et de nos amis», c’est- à- dire à la «protection stratégique des nouvelles libertés qui ont émergé en Europe de l’Est et en Eurasie» après la disparition de l’URSS. (Le Monde du 1er-2 juillet 2007).

En effet, le droit de veto au Conseil de sécurité, le pétrole, la technologie spatiale et nucléaire et les missiles intercontinentaux russes, ne peuvent pas rivaliser avec les réseaux et les zones d’influence. En ce sens, l’Iran, encore dépourvu de technologie nucléaire et de missiles intercontinentaux, pèse d’un poids beaucoup plus lourd que la Russie sur l’échiquier moyen-oriental. De plus, souhaitant intégrer l’Organisation mondiale du commerce (OMC) dominée par les Etats-unis, les hésitations de la Russie l’ont transformée en un allié incertain aux yeux des nations de la région.

Pour l’instant, la destruction et le massacre de civils continue au Moyen-Orient : «600 civils ont été tués depuis le début de l’année» en Afghanistan, alors qu’ «un rapport des Nations Unies publié en janvier 2007 faisait état, pour l’année 2006, de 34452 civils irakiens morts et de 36000 blessés » (Courrier international du 21 au 27 juin 2007). Il s’agit bien de civils sans défense et non pas de combattants anticolonialistes qualifiés de «terroristes» par la propagande occidentale qui ne dit mot sur la nature foncièrement colonialiste de la présence occidentale en Orient. Pendant ce temps, 7 touristes espagnols ont péri dans un attentat au Yémen; événement diffusé en boucle sur toutes les chaînes de télévision occidentales, complices des colonialistes.

Il va sans dire qu’un Iran militairement puissant, disposant d’une influence régionale suffisante, sera un soutien efficace des mouvements de libération du Moyen-Orient. Pour autant, faudra-t-il avoir peur d’un éventuel «impérialisme» persan naissant? C’est un autre débat qu’il faudra aborder lucidement le moment venu.