4.8.10

Analyse 9 (2010)

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 04 août 2010

cpjmo@yahoo.fr

Kaboul, Bagdad, la

Palestine : paralysie et impasse

Pourquoi le roi Abdallah d’Arabie saoudite s’est-il rendu en Syrie et au Liban ?

A lire et à entendre certains médias qui relaient la propagande des chancelleries occidentales, les forces de l’OTAN, dirigées par les Etats-Unis, «se décarcassent» à des milliers de kilomètres de leurs frontières pour assurer «la paix» et la «sécurité» dans le monde. Ainsi, des milliards de dollars sont injectés dans ces guerres lointaines et des milliers de soldats perdent leur vie et restent mutilés à vie. Selon les données officielles, plus de quatre mille militaires américains sont morts en Irak et le nombre de soldats occidentaux morts en Afghanistan est évalué à deux milles.

Il faut signaler que beaucoup d’Occidentaux crédules croient à ces balivernes. Les observateurs critiques ont cru déceler en Barack Obama «l’homme providentiel», qui allait pacifier les relations internationales et mettre un terme aux guerres de l’Occident en Orient lointain. L’enthousiasme ambiant a conduit Stockholm à auréoler Barack Obama du «Prix Nobel de la paix», avant même de juger son action sur le terrain.

Rassuré par son «Prix Nobel de la paix», Barack Obama n’a pas hésité à poursuivre la politique belliciste de son prédécesseur, Georges Bush. Un flux financier appelé «aide étrangère» se dirige vers l’Afghanistan où le seuil des 100 000 soldats va être franchi cet été(1). Comme au temps de Georges Bush «40% de l’aide retournerait vers les pays donateurs sous la forme de salaires d’expatriés ou consultants surpayés»(1), tandis que les civils afghans paient un lourd tribut suite aux bombardements à l’aveugle des militaires et des drones, télépilotés depuis le Nevada.

Voici quelques exemples : selon l’association «Afghanistan Rights Monitors», avec 1074 morts civils et plus de 1500 blessés, les six premiers mois de l’année ont été les plus meurtriers en pertes civiles afghanes depuis le début de l’intervention occidentale, fin 2001(2). Les Dernières Nouvelles d’Alsace (DNA) du 30 avril 2010 révèlent que «l’armée française a reconnu avoir tué accidentellement quatre enfants afghans lors d’un tir de missile terrestre antichar visant des insurgés le 6 avril à l’est de Kaboul.» C’est ce que les militaires appellent une «frappe chirurgicale», n’est-ce pas?!

Par ailleurs, un rapport de l’organisation Human Right Watch (HRW) a affirmé mercredi 28 avril 2010 que des détenus ont été violés, torturés et frappés dans une «prison secrète» à Bagdad, sous la botte des Etats-Unis. HRW indique avoir interviewé 42 hommes récemment transférés de la «prison secrète» vers le centre de détention de Roussafa, dans l’ouest de Bagdad(3). Des journalistes et des opposants à la guerre colonialiste, ont dévoilé l’existence des prisons secrètes en Europe, de l’Est comme de l’Ouest.

Là où la presse militaire parle de «bavures» ou d’«accidents», le site WikiLeaks, un site d’origine islandaise- qui a publié des milliers de documents classifiés sur la guerre en Afghanistan- parle de «crimes de guerre». Comment peut-il en être autrement?

A quoi sert la Cour pénale internationale (CPI)? «A ce jour, la CPI a ouvert cinq enquêtes sur le continent africain.»(4) On voit bien que quand il s’agit de juger les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité des cinq puissances du Conseil de sécurité de l’ONU et de l’Etat d’Israël, c’est la loi du plus fort qui prime sur la loi internationale. La CPI ne peut même pas juger les crimes d’«agression», c’est-à-dire des attaques perpétrées par un Etat contre un autre Etat. Le journaliste se demande : «Si la Cour avait été compétente pour juger les «agressions», Georges W. Bush aurait-il été inculpé pour l’invasion de l’Irak?» Et Israël pour l’agression contre la bande de Gaza?

Pour le représentant de la Côte d’Ivoire à la CPI, Hubert Oulaye, «en dehors de l’Afrique, il y a des crimes commis par des grandes puissances, et c’est pour cela qu’il est important d’adopter le crime d’agression

La propagande américaine voudrait faire croire que des milliers de militaires sont expédiés en Afghanistan, rien que pour combattre une poignée de fanatiques, partisans du djihad international et d’Al-Qaida. Selon Paul Quilès, ancien ministre de la défense «ce n’est pas cette poignée de fanatiques qui combattent les 150 000 militaires étrangers aujourd’hui présents en Afghanistan, mais trois mouvements, dont les objectifs sont d’abord nationaux et qui bénéficient d’un soutien significatif, surtout parmi la moitié pachtoune.»(5)

C’est reconnaitre que la résistance afghane mène une guerre de résistance anticolonialiste. La situation en Afghanistan conduit l’ancien ministre de la défense à suggérer le retrait du contingent français d’Afghanistan et sa transformation en «Etat neutre», autrement dit «Etat tampon», le statut que connaissait l’Afghanistan au dix-neuvième siècle, lorsqu’il séparait les armées des empires russe et britannique en Asie centrale.

Actuellement la coalition occidentale semble paralysée en Afghanistan. Les militaires hollandais se sont retirés. D’autres pays songent à faire de même. Au cours de l’Histoire, aucun conquérant n’a réussi à dompter les Afghans. Pourquoi la coalition occidentale y parviendrait-elle?

La paralysie en Afghanistan rappelle celle qui prévaut en Irak où, plus de cinq mois après la fin des élections américaines, le gouvernement tarde à se former. En effet, tout porte à croire que les résistants anticolonialistes irakiens et afghans et leurs soutiens étrangers dont l’Iran, n’arrivent pas à s’entendre avec les Etats-Unis. Il y a de quoi.

En Palestine c’est l’impasse : les négociations de paix se sont transformées en négociation sans paix (Alain Gresh).

Signe inquiétant. Pour faire reculer la Syrie à propos du Liban, les Occidentaux ont accusé, à tort, la Syrie d’avoir commandité l’attentat du 14 février 2005 (assassinat de Rafic Hariri). La Syrie fut contrainte de retirer ses troupes du Liban. Actuellement, le même scénario vise le Hezbollah, fer de lance de la résistance à Israël qui occupe une partie des territoires libanais et syrien. L’objectif étant le désarmement du Hezbollah, une épine dans le pied d’Israël.

Il n’est un secret pour personne qu’à travers son réseau d’assassins, Israël a souvent éliminé des responsables politiques et militaires, aussi bien en Palestine, au Liban qu’en Syrie. Le Hezbollah accuse Israël du meurtre de Rafic Hariri.

Pour sortir de l’impasse au Moyen-Orient et en Asie centrale, les Etats-Unis et Israël chercheraient-ils à déclencher une nouvelle offensive militaire au Sud Liban, considéré comme un maillon faible? Le voyage du roi Abdallah d’Arabie- que nous pouvons qualifier d’envoyé spécial de Barack Obama- en Syrie et au Liban laisse croire à une telle hypothèse. Est-il porteur d’un ultimatum? Les jours et semaines à venir seront décisifs.

(1) Frédéric Bobin- Le Monde du 21 juillet 2010.

(2) Sylvain Cypel- Le Monde du 28 juillet 2010.

(3) AFP, rapporté par Le Monde du 30 avril 2010.

(4) Stéphane Maupas- Le Monde du 09 juin 2010.

(5) Le Monde du 28 juillet 2010.